Entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, avec BFM TV le 3 mars 2014, sur la situation en Ukraine.

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Texte intégral

Q - Sur les décisions prises.
R - Tous les ministres des affaires étrangères qui ont été réunis ont considéré que c'était la crise la plus grave depuis vingt ans. C'est le sentiment d'une très grande inquiétude. Premier point, nous avons choisi la fermeté, les membres européens qui participent au G8 - la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni - suspendent immédiatement la préparation du G8 de Sotchi.
Deuxième point, en ce qui concerne nos relations avec la Russie. Si, dans les heures qui viennent, il n'y a pas de désescalade, nous déciderons alors de mesures concrètes comme l'interruption des discussions sur les visas et des discussions sur un accord économique. Concrètement cela veut dire que les ponts seront coupés sur beaucoup de sujets.
Nous avons décidé, et je ne l'avais jamais vu auparavant, de rester en permanence saisis de la question pour voir s'il y avait de nouvelles mesures à prendre. Parallèlement, nous souhaitons qu'il ait, dans les meilleurs délais, un sommet européen avec les chefs d'État et de gouvernement et si possible les ministres des affaires étrangères. Cela c'est la partie fermeté.
En même temps, nous ne voulons pas rompre avec la possibilité de désescalade, parce que c'est ce que l'on souhaite. Il y a des propositions qui sont faites en direction du gouvernement ukrainien pour qu'il soit inclusif et pour qu'il respecte les minorités. La tonalité générale, suite aux nouvelles que l'on reçoit, c'est que les Russes sont probablement décidés à aller encore plus loin. Il faut que l'Europe soit très ferme et ce sont les décisions d'aujourd'hui.
Q - Le sommet européen prendra-t-il plus de sanctions si dans les heures qui viennent les Russes n'entendent pas le message que vous leur envoyez ?
R - C'est clairement indiqué dans les décisions que l'on a prises. S'il n'y a pas désescalade avant jeudi - jour du Conseil européen extraordinaire - il y aura de nouvelles mesures ciblées qui peuvent porter aussi sur les personnes, c'est-à-dire les dirigeants et leurs avoirs.
Q - Cela veut dire sur Vladimir Poutine et ses proches ?
R - Cela n'est pas encore précisé mais nous avons pris une autre décision. Lors de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères européens, des décisions ont porté sur l'ex-président Yanoukovitch et sa bande. Nous avions décidé le principe de sanctions contre eux. Aujourd'hui il a été décidé de mettre en oeuvre ces sanctions contre ces personnages. Des décisions du même ordre pourraient être prises.
Nous souhaitons tous qu'il y ait une solution politique (inaudible) donc il faut manifester cette fermeté et nous avons pris notre décision à l'unanimité mais dans le même temps il faut rechercher la désescalade.
Q - Ce que vous appelez désescalade c'est le retrait de toutes troupes, pas siglées russes ?
R - Oui, au même moment que notre réunion il y avait des bruits concernant un ultimatum des Russes envers les troupes ukrainiennes. Cela n'est pas très facile à vérifier et nous avons demandé des éclaircissements au gouvernement ukrainien.
Nous manifestons notre grande fermeté et aussi notre souhait de désescalade et l'obtention d'une solution politique.
Q - Avez-vous plus d'informations sur le groupe de contact. Est-ce que la France y participera ?
R - Le groupe de contact est d'une des idées que nous avons. Mais si nous voulons le dialogue il faut que des gens qui le veulent. Dans ce groupe il pourrait y avoir des représentants des Nations unies, c'est normal, des représentants de l'Europe, du groupe de Weimar et les États-Unis et évidement il faut que contact soit pris avec les Russes et les Ukrainiens. Cela n'est pas encore fait mais on le souhaite. Si on veut le dialogue il faut qu'il y ait les instruments du dialogue.
Q - Faut-il retourner à Kiev ou aller voir Vladimir Poutine à Moscou ?
R - Ce n'est pas impossible. Mercredi, nous verrons M. Lavrov à Paris qui vient participer à une conférence sur le Liban présidée par le président François Hollande. M. Kerry sera aussi à Paris ce jour-là.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mars 2014