Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux choses, je vais revenir évidemment et vous allez revenir sur cette rencontre entre Sergueï LAVROV, le ministre russe des Affaires étrangères, John KERRY et vous à Paris aujourd'hui. Mais première question, est-il vrai que vous allez recevoir que François HOLLANDE va recevoir à Paris vendredi le nouveau président ukrainien par intérim ?
LAURENT FABIUS
Ce n'est pas encore confirmé. En revanche ce qui est confirmé, c'est que je recevrai juste après notre émission le ministre des Affaires étrangères ukrainien qui est là, que nous avons des contacts bien sûr aussi bien avec le nouveau président qu'avec monsieur IATSENIOUK, le Premier ministre. La question est de savoir s'ils vont venir à Paris
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît qu'ils viennent vendredi, c'est vrai, c'est ce qui se dit à Kiev, Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Oui mais il faut que ce soit confirmé, en tout cas on souhaite les avoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En tout cas, vous souhaitez qu'ils viennent à Paris
LAURENT FABIUS
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Premier déplacement, vous marqueriez le coup avec le président de la République.
LAURENT FABIUS
Déjà aujourd'hui si je puis dire, puisqu'aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vendredi ça peut se faire ?
LAURENT FABIUS
Oui, ça peut se faire. Aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais que vous ne voulez pas trop en parler parce que
LAURENT FABIUS
Non mais je parle des choses quand on en est certains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord.
LAURENT FABIUS
Je pense que c'est une bonne règle. Mais aujourd'hui, nous avons à Paris à peu près tout le monde puisqu'il y a une grande conférence sur le Liban, on va parler du Liban pour essayer d'aider du Liban qui, petit à petit, sort de sa crise, espérons-le. Mais on profite de ce que tous nos grands collègues sont là pour évidemment traiter aussi la question ukrainienne. Donc je vais voir le ministre des Affaires étrangères, je vais voir aussi bien sûr monsieur KERRY, monsieur LAVROV, enfin tout le monde, et on va voir dans la journée si on peut je n'en sais rien avancer pour trouver une formule de dialogue, parce que c'est ça qui était nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors est-ce que ce matin, une solution diplomatique est en vue ?
LAURENT FABIUS
On y travaille, on y a travaillé déjà hier soir, on va y travailler ce matin. La position de la France qui est partagée par l'Allemagne et par d'autres c'est d'une part d'être très ferme vis-à-vis de monsieur POUTINE et de la Russie ; et d'autre part d'aller vers le dialogue, parce que la bonne solution est politique, elle n'est pas militaire. Et donc on essaie
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a aucune solution militaire, que les choses soient claires !
LAURENT FABIUS
Non, non, on ne va pas déclarer la guerre aux Russes. Mais ce qu'ils font n'est pas acceptable, c'est l'invasion d'un pays par un autre, et donc c'est contraire à toutes les lois internationales. Simplement pour en sortir, il faut qu'il y ait un contact, un dialogue. Et donc on essaie notamment avec nos amis allemands d'établir ce groupe de contact. On va en parler ce matin parallèlement, et peut-être va-t-on y arriver mais je n'en sais rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous parlez ce matin d'agression russe contre l'Ukraine ?
LAURENT FABIUS
Bien sûr
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que c'est une agression ?
LAURENT FABIUS
Oui, on peut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Clairement ?
LAURENT FABIUS
Si vous voulez, chaque pays a son intégrité territoriale, quand un autre pays sans y avoir été autorisé rentre et envoie des militaires dans le premier pays, ça s'appelle une intervention militaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Ukraine et la Russie ont commencé à se parler, c'est ce qu'on dit !
LAURENT FABIUS
Il y a
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le nouveau pouvoir en Ukraine !
LAURENT FABIUS
Entre certains éléments ukrainiens et des Russes, mais évidemment la discussion est très difficile, pourtant elle est nécessaire, elle est absolument nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Vladimir POUTINE dans sa conférence de presse hier a dit : si l'Est de l'Ukraine russophone et russophile bascule dans l'anarchie, l'utilisation des forces armées sera légitime.
LAURENT FABIUS
Non, non, ça a été discuté aux Nations Unies, puisqu'il y a eu une réunion. Non, ce n'est pas exact, je ne vais pas faire du juridisme. Mais imaginez ce que signifie le fait qu'à l'intérieur d'un pays, il pourrait y avoir un groupe qui dirait : moi, je ne veux pas faire partie de ce pays, je vais appeler un autre pays venir intervenir, ça ne peut plus fonctionner. D'autant qu'en l'occurrence pour avoir vécu tout ça, le nouveau pouvoir en Ukraine il est légitime, il a été désigné par le Parlement. Moi j'ai discuté avec monsieur IANOUKOVITCH, j'étais avec mes amis polonais et allemands
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je vais revenir sur cette fameuse nuit du 20 au 21 février.
LAURENT FABIUS
On a trouvé un accord, l'accord disait quoi
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y avait un accord.
LAURENT FABIUS
L'accord disait quoi ? Arrêt des massacres au sein de l'Ukraine, c'est ce qui s'est fait ; deuxièmement, nouvelle Constitution, c'est ce qui a été voté ; et troisièmement nouvelle majorité et élections présidentielles. Simplement là-dessus, monsieur IANOUKOVITCH a pris la poudre d'escampette, et puis il y a eu l'intervention russe. Donc il faut revenir au dialogue, et bien avoir à l'esprit que l'Ukraine compte tenu de sa Constitution, de la façon dont elle est située elle doit travailler à la fois avec la Russie et avec l'Union européenne, ce n'est pas ou l'un ou l'autre, c'est les deux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DRAY dans un billet que vous avez lu sans aucun doute consacré à l'Ukraine dit : ce vendredi 21 février justement était signé cet accord entre le président et l'opposition
LAURENT FABIUS
Exact.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous étiez partie prenante
LAURENT FABIUS
Et nous-mêmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous, 3 ministres des Affaires étrangères
LAURENT FABIUS
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'Union européenne. Les parties en présence se mettaient d'accord sur une élection présidentielle anticipée, ainsi que sur le principe de formation d'un gouvernement d'union nationale
LAURENT FABIUS
Exact
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec retour à la Constitution de 2004.
LAURENT FABIUS
Exact.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était ça. Cette solution de compromis préservait la paix civile et permettait de donner du temps à une transition, à des élections et à une issue pleinement démocratique. Oui mais tout ce qui a fait basculer ce qui a fait basculer, c'est la présence d'un groupe d'extrémistes fascisants
LAURENT FABIUS
Non
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qu'écrit Julien DRAY
LAURENT FABIUS
Non, la première partie de la description est parfaitement exacte, nous étions arrivés à un accord. Simplement là-dessus monsieur IANOUKOVITCH, le président a filé et du même coup les choses ont été déséquilibrées. Il y a eu le vote (à mon avis assez inopportun) à la Rada d'une loi qui désofficialisait la langue russe, donc ça c'est une erreur même si elle n'a pas été promulguée, mais enfin c'est une erreur. Et puis ensuite il y a eu l'intervention des militaires, en Crimée et dans d'autres villes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais lorsque vous êtes parti en Chine, certains vous ont reproché d'ailleurs de partir trop tôt en Chine, vous avez lu ces critiques Laurent FABIUS
LAURENT FABIUS
Oui, enfin
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme moi.
LAURENT FABIUS
Elles sont totalement marginales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quand vous êtes parti en Chine, vous pensiez que l'accord était trouvé
LAURENT FABIUS
Ah non ! Mais c'était trouvé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui pouvait être appliqué, que c'était trouvé et que la solution
LAURENT FABIUS
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Etait en vue.
LAURENT FABIUS
Bien sûr. Non mais je suis parti finissons cette affaire, le président chinois m'avait très aimablement accordé un rendez-vous, j'ai décalé les choses de 36 heures, et une fois que l'accord a été bouclé je suis parti pour la Chine, voilà, pour travailler pour la France, je le signale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que dans cette affaire, on ne peut pas considérer que la Russie a été humiliée parfois ?
LAURENT FABIUS
Humiliée, non je enfin je ne crois pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, je ne veux pas prendre la défense de Vladimir POUTINE, mais je vous pose la question parce qu'elle mérite d'être posée.
LAURENT FABIUS
Non amis la Russie est un grand pays, la Russie est un grand pays, le peuple russe est un grand peuple et on a des relations d'amitié traditionnelles la France et la Russie. Simplement
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est toujours un pays ami aujourd'hui ?
LAURENT FABIUS
Bien sûr, c'est un pays partenaire et nous avons beaucoup de relations avec. Mais nous ne pouvons pas accepter, nous membres de la communauté internationale, qu'un pays envahisse un autre, voilà, c'est (je dirai) aussi simple que cela. Et donc comme nous ne voulons pas nous arrêter à cela, nous disons : essayons de rétablir les voies du dialogue, mais attention ! Demain il y a un Conseil européen spécial, des sanctions peuvent être votées demain s'il n'y a pas une désescalade. Donc j'attends, j'espère, de la Russie aujourd'hui qu'elle nous dise : il y a une voie de dialogue et c'est ce que nous proposons avec les Allemands, un groupe de contact avec les différents pays concernés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais en Russie, on vous répond « oui mais regardez, les Etats-Unis ont bien envahi l'Irak.
LAURENT FABIUS
Ecoutez ! D'abord nous étions contre l'intervention américaine en Irak, vous vous le rappelez ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça je me souviens oui. Ou en Afghanistan, et en Afghanistan.
LAURENT FABIUS
La situation était différente. Mais ce n'est pas parce qu'un pays a commis une erreur grave qu'il faut que d'autres fassent la même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était une erreur l'Afghanistan, au passage ?
LAURENT FABIUS
C'est très compliqué. Non, je crois que l'Afghanistan, il fallait réagir à la destruction des tours, mais après l'intervention a dévié, c'est la raison pour laquelle nous-mêmes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous avez
LAURENT FABIUS
Au début du gouvernement de François HOLLANDE, nous avons retiré nos troupes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les sanctions, vous aviez parlé de sanctions, vous aviez
LAURENT FABIUS
Nous en avons décidé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un ultimatum à demain jeudi, où est-ce que vous en êtes ?
LAURENT FABIUS
Alors on a décidé concrètement déjà une sanction qui est qu'il n'y a il y a suspension de la préparation du G8 de Sotchi en Russie, tant qu'on ne revient pas à la
JEAN-JACQUES BOURDIN
Suspendue
LAURENT FABIUS
Ah oui ! Alors ça, c'est suspendu. Ça c'est décidé et ça concerne les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie, etc. Deuxièmement, nous avons dit : il y aura des sanctions demain, ça concerne les visas, ça concerne les discussions économiques, ça peut concerner aussi les avoirs d'un certain nombre d'oligarques s'il n'y a pas de désescalade. Et la désescalade doit être acceptée par les Russes
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi la désescalade pour vous ?
LAURENT FABIUS
La désescalade ça veut dire en particulier accepter le groupe de contact pour une sortie. Et la France et l'Allemagne
JEAN-JACQUES BOURDIN
Accepter la création d'un groupe de contact.
LAURENT FABIUS
Pour aller vers une sortie, et je vous donne une information supplémentaire. L'Allemagne et la France, qui travaillent ensemble vraiment la main dans la main, ont mis au point une espèce de proposition de plan de sortie, et on va voir s'il est accepté qu'il soit discuté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qu'est-ce qu'il y a dans ce plan de sortie ?
LAURENT FABIUS
Alors le plan, ça revient d'ailleurs sur certains éléments de l'accord du 21 février, c'est-à-dire un gouvernement d'union, c'est-à-dire évidemment le fait que les Russes se retireraient, le fait que s'il y a des milices extrémistes elles seraient dissoutes, et le fait que la Constitution de 2004 s'applique et qu'on aille vers une élection présidentielle, c'est très simple, c'est la reprise de beaucoup des éléments du
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la reprise.
LAURENT FABIUS
Du 21 février. Mais pour aller vers ce dialogue que tout le monde souhaite, en tout cas de notre côté, il faut être plusieurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que les Britanniques refusent des sanctions économiques ?
LAURENT FABIUS
Non, l'autre jour lundi nous avons eu une réunion des ministres des Affaires étrangères, et nous avons pris des sanctions (je dirai) provisionnelles, enfin uniquement s'il n'y a pas des escalades, et les Britanniques ont voté, c'est une décision qui a été unanime.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Liban
LAURENT FABIUS
Alors le Liban.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Election présidentielle avant la fin mai je crois.
LAURENT FABIUS
Alors le Liban ce sont nos amis, nos frères, nos cousins, simplement ils sont dans une situation très difficile, notamment parce qu'il y a la contagion de l'affaire syrienne. Songez que j'ai vu hier le ministre des Affaires étrangères du Liban, il y a 1 million de réfugiés au Liban, donc un quart de la population, c'est comme si en France vous aviez plus de 20 millions de réfugiés, imaginez ce que c'est. Donc notre réunion d'aujourd'hui, elle a trois objets : premièrement, traiter la question des réfugiés avec l'ensemble des pays concernés ; deuxièmement, apporter un appui économique en liaison avec l'Onu, etc., la Banque mondiale ; et troisièmement ce qui est important, conforter l'armée libanaise qui est un petit peu le ciment du pays. Et nous allons en discuter, nous allons arriver à un accord et le président du Liban sera là. Après, il y a un gouvernement maintenant qui doit se mettre d'accord sur une certaine mission, mais le gouvernement est constitué, bravo ! Et il faut aller vers une élection présidentielle puisque normalement, elle doit avoir lieu avant la fin du mois de mai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Laurent FABIUS, l'Algérie avec la déclaration de candidature d'Abdelaziz BOUTEFLIKA qui, déjà, fait réagir en Algérie, notamment les réseaux sociaux. Cette élection est un leurre, cette élection présidentielle prochaine qui aura lieu le 17 avril (je crois) est un leurre, et des appels à manifester sont lancés pour faire tomber ce régime. Cette candidature, vous n'allez pas en dire un mot, j'imagine
LAURENT FABIUS
Vous avez fait la question et la réponse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, alors maintenant
LAURENT FABIUS
L'Algérie se dirige librement, le président BOUTEFLIKA que nous connaissons bien
JEAN-JACQUES BOURDIN
Soigné combien de temps 80 jours en France.
LAURENT FABIUS
S'il souhaitait être candidat, il sera candidat et puis voilà, nous n'avons pas d'autre commentaire à faire. Le seul commentaire que je me permettrai de faire, c'est que nos relations avec l'Algérie sont excellentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sont excellentes. Est-ce que l'Algérie va rembourser sa dette d'ailleurs, la dette
LAURENT FABIUS
Quelle dette ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
A nos hôpitaux publics ?
LAURENT FABIUS
Ah oui ! Il y a des éléments dont on discute, et on souhaite quévidemment les contentieux possibles soient résorbés. Mais sur les questions fondamentales, c'est-à-dire les échanges économiques, la question de la sécurité sur le problème de la Libye et le problème du Mali, vraiment nos relations et sur le plan politique en général, nos relations sont excellentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gouvernement resserré en France, c'est indispensable ?
LAURENT FABIUS
Je serais comme on dit comme une carpe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, vous ne serez pas une carpe
LAURENT FABIUS
Vous avez noté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Premier ministre
LAURENT FABIUS
Vous avez noté que cela dépend du président de la République, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, je l'avais noté Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Vous êtes un bon observateur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça c'est certain. Gouvernement resserré, c'est ce que dit le Premier ministre, là vous êtes d'accord avec lui, c'est nécessaire ?
LAURENT FABIUS
Oui, oui, je pense que c'est souhaitable, mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
16 à 18 ministres ?
LAURENT FABIUS
C'est ce qu'ont beaucoup de nos voisins, alors voilà, je pense que s'il y a et quand il y aura un nouveau gouvernement
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est plus efficace, vous, vous avez l'expérience ?
LAURENT FABIUS
Oui, je pense qu'il faut travailler avec de grandes fonctions. Alors évidemment ça demande pour autant que les problèmes aussi soient suivis. Mais je pense que surtout dans les périodes difficiles comme aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notamment à Bercy !
LAURENT FABIUS
Oui, moi j'ai dirigé Bercy il y a longtemps, c'est un ministère difficile, et si on ajoute à la difficulté du travail la difficulté d'organisation, ça fait beaucoup. Donc moi je suis plutôt je l'ai dit dès le début d'ailleurs pour une fonction économique d'ensemble. Et s'il y a un jour un remaniement, je pense que si on regarde la structure, ce serait mieux d'avoir une fonction globale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est souhaitable, compte tenu du climat politique actuel entre les municipales et les européennes, ce remaniement ?
LAURENT FABIUS
Je ne me prononce pas là-dessus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Vous pourriez être Premier ministre, j'ai vu que vous étiez populaire, j'ai vu que vous étiez le
LAURENT FABIUS
Ça a l'air de vous surprendre !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, non, moi je n'ai pas à porter de jugement
LAURENT FABIUS
Vous savez
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est votre problème, ce n'est pas le mien.
LAURENT FABIUS
Ce n'est pas un énorme problème là, celui-là on peut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vous êtes satisfait de cette popularité, j'imagine.
LAURENT FABIUS
Oui, mais j'en connais la fragilité. Pour être passé par tous les éléments du cycle, au pinacle, tout en bas, en haut, au milieu
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y a une revanche peut-être, un sentiment de revanche chez vous, non ?
LAURENT FABIUS
Non, est-ce que j'ai l'air ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais je vous dis ça
LAURENT FABIUS
Non, ce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que je sais que vous avez beaucoup souffert de l'affaire du sang contaminé Laurent FABIUS, et donc ce serait aussi l'occasion de revenir au premier plan et d'être je ne sais pas moi
LAURENT FABIUS
Ecoutez ! Là, je suis désolé d'être au second plan
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes au premier plan mais Premier ministre, vous vous rendez compte, vous conduiriez la politique de la France Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Mais je conduis la politique extérieure de la France, voilà, je reconnais que c'est une tâche que certains peuvent trouver mineure, moi je la trouve passionnante et je ne demande rien d'autre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça ne vous intéresse pas !
LAURENT FABIUS
Non, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors le poste de Premier ministre ne vous intéresse pas
LAURENT FABIUS
Je suis là où je suis
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est clair, net et précis, vous refuseriez si on vous le propose ?
LAURENT FABIUS
Oui, oui, je suis très bien au Quai d'Orsay
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le refuserez si on vous le propose ?
LAURENT FABIUS
Je vous ai répondu, je suis très bien là où je suis, je ne demande absolument rien d'autre. Et je pense que dans les circonstances actuelles, où il y a quand même des crises un peu partout dans le monde, avoir une France qui sous l'autorité du président et du Premier ministre a une politique reconnue, forte, c'est un atout, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quelques mots de politique intérieure et notamment économique, sur le pacte de responsabilité et notamment ces fameuses contreparties dont on parle, est-ce qu'il faut exiger des contreparties ou pas ?
LAURENT FABIUS
Il va y avoir alors prenons les choses de manière simple et carrée. Nous avons un problème majeur d'emploi, d'où vient ce problème d'emploi ? Il vient du fait il y a différentes causes mais que nos entreprises ne sont pas assez compétitives et que la France n'est pas assez attractive. Pour les rendre compétitives, il y a plusieurs choses à faire et notamment baisser les charges, c'est clair, c'est net. Si on veut baisser les charges, il faut en même temps que les entreprises disent « on va investir », moi je pense que l'action principale c'est sur l'investissement. Mais si on veut baisser les charges, il faut en même temps que de l'autre côté il y ait des économies budgétaires. Donc voilà, c'est une espèce de triangle
JEAN-JACQUES BOURDIN
20 milliards le CICE plus 10 milliards
LAURENT FABIUS
Donc il faut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ces 10 milliards ne sont pas financés pour l'instant !
LAURENT FABIUS
Il faut documenter (comme on dit) précisément ces économies budgétaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où est-ce qu'on peut économiser ?
LAURENT FABIUS
Dans tous les domaines, l'Etat et ses opérateurs, point un ; deux, les collectivités locales ; trois, la fonction sociale, voilà. Alors c'est plus facile à dire qu'à faire, parce qu'à chaque fois il y a des conséquences, mais si on veut relancer l'emploi il faut être plus compétitif, si on veut être compétitif il faut baisser les charges, si on veut baisser les charges il faut que les entreprises aussi investissent
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas d'autre politique possible !
LAURENT FABIUS
Mais je n'en vois pas. Vous savez moi par définition, je fais le tour du monde, je fais un tour du monde tous les mois, je vois les politiques des uns et des autres. Ça ne veut pas dire qu'on élimine les sensibilités de gauche ou de droite, certains sont plus pour la justice sociale et d'autres moins. Mais ces éléments concrets, ils sont incontestables, ils sont incontestables. Tout le monde veut qu'on aille vers plus d'emplois, donc il faut de l'investissement, donc de la compétitivité, donc de la baisse des charges, donc des économies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on n'a pas à exiger de contreparties au patronat
LAURENT FABIUS
Non, je ne vous ai pas du tout dit ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aux chefs d'entreprise.
LAURENT FABIUS
Je vous dis que si
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais moi je vous pose la question, est-ce que
LAURENT FABIUS
Mais il est normal que chacun fasse apporte son dû. Donc du côté de l'Etat, il faut qu'il y ait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais des engagements branche par branche suffisent ?
LAURENT FABIUS
Il faut que il faut c'est la discussion des partenaires sociaux, ensuite ça passera au Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'Etat qui va décider, le Parlement.
LAURENT FABIUS
Oui, le Parlement. Je pense qu'en matière d'investissements, en matière de formations professionnelles, etc., il y a par branche des perspectives je ne sais pas quel mot, je ne vais pas me disputer sur le mot et puis ce n'est pas en plus mon domaine qu'il faut prendre. Mais ça je crois
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pas d'objectif chiffré !
LAURENT FABIUS
Il peut y avoir des objectifs chiffrés. Par exemple moi je vois l'exemple dans les régions, dans les régions il y a pas mal d'accords entre d'un côté le patronat, les syndicats et les présidents de région, et ça marche en général. Donc prenons un système voisin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot sur les municipales, quelques mots sur les municipales, j'imagine le cas précis où au second tour, on retrouve une triangulaire entre l'UMP, le PS et le Front National. Est-ce que le candidat PS qui sera en troisième position devrait se désister ?
LAURENT FABIUS
Je ne sais pas quelle est la position
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'UMP.
LAURENT FABIUS
Qu'a prise le Parti socialiste
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quelle est la vôtre ?
LAURENT FABIUS
Mais je crois que s'il y a un risque c'est ça la question que le Front National puisse être élu, à ce moment-là il faut qu'il y ait une unité des
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par désistement du PS pour un candidat UMP éventuellement.
LAURENT FABIUS
Voilà. Mais je crois que c'est ce qu'il fait en général, c'est ce qu'il fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous souhaiteriez !
LAURENT FABIUS
Oui, mais je pense que ça devrait se produire, d'après ce qu'on m'a dit, dans très peu de cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et sur les enregistrements de monsieur BUISSON pendant qu'il était à l'Elysée, lorsque vous avez appris cela, quelle a été votre réaction Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Ma réaction a été de dire : je vais chez monsieur BOURDIN le lendemain, il va me poser la question et je répondrai « nous sommes, je l'espère, enregistrés et ça pose beaucoup moins de problèmes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2014
Deux choses, je vais revenir évidemment et vous allez revenir sur cette rencontre entre Sergueï LAVROV, le ministre russe des Affaires étrangères, John KERRY et vous à Paris aujourd'hui. Mais première question, est-il vrai que vous allez recevoir que François HOLLANDE va recevoir à Paris vendredi le nouveau président ukrainien par intérim ?
LAURENT FABIUS
Ce n'est pas encore confirmé. En revanche ce qui est confirmé, c'est que je recevrai juste après notre émission le ministre des Affaires étrangères ukrainien qui est là, que nous avons des contacts bien sûr aussi bien avec le nouveau président qu'avec monsieur IATSENIOUK, le Premier ministre. La question est de savoir s'ils vont venir à Paris
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît qu'ils viennent vendredi, c'est vrai, c'est ce qui se dit à Kiev, Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Oui mais il faut que ce soit confirmé, en tout cas on souhaite les avoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En tout cas, vous souhaitez qu'ils viennent à Paris
LAURENT FABIUS
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Premier déplacement, vous marqueriez le coup avec le président de la République.
LAURENT FABIUS
Déjà aujourd'hui si je puis dire, puisqu'aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vendredi ça peut se faire ?
LAURENT FABIUS
Oui, ça peut se faire. Aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais que vous ne voulez pas trop en parler parce que
LAURENT FABIUS
Non mais je parle des choses quand on en est certains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord.
LAURENT FABIUS
Je pense que c'est une bonne règle. Mais aujourd'hui, nous avons à Paris à peu près tout le monde puisqu'il y a une grande conférence sur le Liban, on va parler du Liban pour essayer d'aider du Liban qui, petit à petit, sort de sa crise, espérons-le. Mais on profite de ce que tous nos grands collègues sont là pour évidemment traiter aussi la question ukrainienne. Donc je vais voir le ministre des Affaires étrangères, je vais voir aussi bien sûr monsieur KERRY, monsieur LAVROV, enfin tout le monde, et on va voir dans la journée si on peut je n'en sais rien avancer pour trouver une formule de dialogue, parce que c'est ça qui était nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors est-ce que ce matin, une solution diplomatique est en vue ?
LAURENT FABIUS
On y travaille, on y a travaillé déjà hier soir, on va y travailler ce matin. La position de la France qui est partagée par l'Allemagne et par d'autres c'est d'une part d'être très ferme vis-à-vis de monsieur POUTINE et de la Russie ; et d'autre part d'aller vers le dialogue, parce que la bonne solution est politique, elle n'est pas militaire. Et donc on essaie
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a aucune solution militaire, que les choses soient claires !
LAURENT FABIUS
Non, non, on ne va pas déclarer la guerre aux Russes. Mais ce qu'ils font n'est pas acceptable, c'est l'invasion d'un pays par un autre, et donc c'est contraire à toutes les lois internationales. Simplement pour en sortir, il faut qu'il y ait un contact, un dialogue. Et donc on essaie notamment avec nos amis allemands d'établir ce groupe de contact. On va en parler ce matin parallèlement, et peut-être va-t-on y arriver mais je n'en sais rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous parlez ce matin d'agression russe contre l'Ukraine ?
LAURENT FABIUS
Bien sûr
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que c'est une agression ?
LAURENT FABIUS
Oui, on peut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Clairement ?
LAURENT FABIUS
Si vous voulez, chaque pays a son intégrité territoriale, quand un autre pays sans y avoir été autorisé rentre et envoie des militaires dans le premier pays, ça s'appelle une intervention militaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Ukraine et la Russie ont commencé à se parler, c'est ce qu'on dit !
LAURENT FABIUS
Il y a
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le nouveau pouvoir en Ukraine !
LAURENT FABIUS
Entre certains éléments ukrainiens et des Russes, mais évidemment la discussion est très difficile, pourtant elle est nécessaire, elle est absolument nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Vladimir POUTINE dans sa conférence de presse hier a dit : si l'Est de l'Ukraine russophone et russophile bascule dans l'anarchie, l'utilisation des forces armées sera légitime.
LAURENT FABIUS
Non, non, ça a été discuté aux Nations Unies, puisqu'il y a eu une réunion. Non, ce n'est pas exact, je ne vais pas faire du juridisme. Mais imaginez ce que signifie le fait qu'à l'intérieur d'un pays, il pourrait y avoir un groupe qui dirait : moi, je ne veux pas faire partie de ce pays, je vais appeler un autre pays venir intervenir, ça ne peut plus fonctionner. D'autant qu'en l'occurrence pour avoir vécu tout ça, le nouveau pouvoir en Ukraine il est légitime, il a été désigné par le Parlement. Moi j'ai discuté avec monsieur IANOUKOVITCH, j'étais avec mes amis polonais et allemands
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je vais revenir sur cette fameuse nuit du 20 au 21 février.
LAURENT FABIUS
On a trouvé un accord, l'accord disait quoi
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y avait un accord.
LAURENT FABIUS
L'accord disait quoi ? Arrêt des massacres au sein de l'Ukraine, c'est ce qui s'est fait ; deuxièmement, nouvelle Constitution, c'est ce qui a été voté ; et troisièmement nouvelle majorité et élections présidentielles. Simplement là-dessus, monsieur IANOUKOVITCH a pris la poudre d'escampette, et puis il y a eu l'intervention russe. Donc il faut revenir au dialogue, et bien avoir à l'esprit que l'Ukraine compte tenu de sa Constitution, de la façon dont elle est située elle doit travailler à la fois avec la Russie et avec l'Union européenne, ce n'est pas ou l'un ou l'autre, c'est les deux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien DRAY dans un billet que vous avez lu sans aucun doute consacré à l'Ukraine dit : ce vendredi 21 février justement était signé cet accord entre le président et l'opposition
LAURENT FABIUS
Exact.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous étiez partie prenante
LAURENT FABIUS
Et nous-mêmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous, 3 ministres des Affaires étrangères
LAURENT FABIUS
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'Union européenne. Les parties en présence se mettaient d'accord sur une élection présidentielle anticipée, ainsi que sur le principe de formation d'un gouvernement d'union nationale
LAURENT FABIUS
Exact
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec retour à la Constitution de 2004.
LAURENT FABIUS
Exact.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était ça. Cette solution de compromis préservait la paix civile et permettait de donner du temps à une transition, à des élections et à une issue pleinement démocratique. Oui mais tout ce qui a fait basculer ce qui a fait basculer, c'est la présence d'un groupe d'extrémistes fascisants
LAURENT FABIUS
Non
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qu'écrit Julien DRAY
LAURENT FABIUS
Non, la première partie de la description est parfaitement exacte, nous étions arrivés à un accord. Simplement là-dessus monsieur IANOUKOVITCH, le président a filé et du même coup les choses ont été déséquilibrées. Il y a eu le vote (à mon avis assez inopportun) à la Rada d'une loi qui désofficialisait la langue russe, donc ça c'est une erreur même si elle n'a pas été promulguée, mais enfin c'est une erreur. Et puis ensuite il y a eu l'intervention des militaires, en Crimée et dans d'autres villes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais lorsque vous êtes parti en Chine, certains vous ont reproché d'ailleurs de partir trop tôt en Chine, vous avez lu ces critiques Laurent FABIUS
LAURENT FABIUS
Oui, enfin
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme moi.
LAURENT FABIUS
Elles sont totalement marginales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quand vous êtes parti en Chine, vous pensiez que l'accord était trouvé
LAURENT FABIUS
Ah non ! Mais c'était trouvé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui pouvait être appliqué, que c'était trouvé et que la solution
LAURENT FABIUS
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Etait en vue.
LAURENT FABIUS
Bien sûr. Non mais je suis parti finissons cette affaire, le président chinois m'avait très aimablement accordé un rendez-vous, j'ai décalé les choses de 36 heures, et une fois que l'accord a été bouclé je suis parti pour la Chine, voilà, pour travailler pour la France, je le signale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que dans cette affaire, on ne peut pas considérer que la Russie a été humiliée parfois ?
LAURENT FABIUS
Humiliée, non je enfin je ne crois pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, je ne veux pas prendre la défense de Vladimir POUTINE, mais je vous pose la question parce qu'elle mérite d'être posée.
LAURENT FABIUS
Non amis la Russie est un grand pays, la Russie est un grand pays, le peuple russe est un grand peuple et on a des relations d'amitié traditionnelles la France et la Russie. Simplement
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est toujours un pays ami aujourd'hui ?
LAURENT FABIUS
Bien sûr, c'est un pays partenaire et nous avons beaucoup de relations avec. Mais nous ne pouvons pas accepter, nous membres de la communauté internationale, qu'un pays envahisse un autre, voilà, c'est (je dirai) aussi simple que cela. Et donc comme nous ne voulons pas nous arrêter à cela, nous disons : essayons de rétablir les voies du dialogue, mais attention ! Demain il y a un Conseil européen spécial, des sanctions peuvent être votées demain s'il n'y a pas une désescalade. Donc j'attends, j'espère, de la Russie aujourd'hui qu'elle nous dise : il y a une voie de dialogue et c'est ce que nous proposons avec les Allemands, un groupe de contact avec les différents pays concernés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais en Russie, on vous répond « oui mais regardez, les Etats-Unis ont bien envahi l'Irak.
LAURENT FABIUS
Ecoutez ! D'abord nous étions contre l'intervention américaine en Irak, vous vous le rappelez ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça je me souviens oui. Ou en Afghanistan, et en Afghanistan.
LAURENT FABIUS
La situation était différente. Mais ce n'est pas parce qu'un pays a commis une erreur grave qu'il faut que d'autres fassent la même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était une erreur l'Afghanistan, au passage ?
LAURENT FABIUS
C'est très compliqué. Non, je crois que l'Afghanistan, il fallait réagir à la destruction des tours, mais après l'intervention a dévié, c'est la raison pour laquelle nous-mêmes
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous avez
LAURENT FABIUS
Au début du gouvernement de François HOLLANDE, nous avons retiré nos troupes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les sanctions, vous aviez parlé de sanctions, vous aviez
LAURENT FABIUS
Nous en avons décidé
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un ultimatum à demain jeudi, où est-ce que vous en êtes ?
LAURENT FABIUS
Alors on a décidé concrètement déjà une sanction qui est qu'il n'y a il y a suspension de la préparation du G8 de Sotchi en Russie, tant qu'on ne revient pas à la
JEAN-JACQUES BOURDIN
Suspendue
LAURENT FABIUS
Ah oui ! Alors ça, c'est suspendu. Ça c'est décidé et ça concerne les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, l'Italie, etc. Deuxièmement, nous avons dit : il y aura des sanctions demain, ça concerne les visas, ça concerne les discussions économiques, ça peut concerner aussi les avoirs d'un certain nombre d'oligarques s'il n'y a pas de désescalade. Et la désescalade doit être acceptée par les Russes
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi la désescalade pour vous ?
LAURENT FABIUS
La désescalade ça veut dire en particulier accepter le groupe de contact pour une sortie. Et la France et l'Allemagne
JEAN-JACQUES BOURDIN
Accepter la création d'un groupe de contact.
LAURENT FABIUS
Pour aller vers une sortie, et je vous donne une information supplémentaire. L'Allemagne et la France, qui travaillent ensemble vraiment la main dans la main, ont mis au point une espèce de proposition de plan de sortie, et on va voir s'il est accepté qu'il soit discuté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qu'est-ce qu'il y a dans ce plan de sortie ?
LAURENT FABIUS
Alors le plan, ça revient d'ailleurs sur certains éléments de l'accord du 21 février, c'est-à-dire un gouvernement d'union, c'est-à-dire évidemment le fait que les Russes se retireraient, le fait que s'il y a des milices extrémistes elles seraient dissoutes, et le fait que la Constitution de 2004 s'applique et qu'on aille vers une élection présidentielle, c'est très simple, c'est la reprise de beaucoup des éléments du
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la reprise.
LAURENT FABIUS
Du 21 février. Mais pour aller vers ce dialogue que tout le monde souhaite, en tout cas de notre côté, il faut être plusieurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que les Britanniques refusent des sanctions économiques ?
LAURENT FABIUS
Non, l'autre jour lundi nous avons eu une réunion des ministres des Affaires étrangères, et nous avons pris des sanctions (je dirai) provisionnelles, enfin uniquement s'il n'y a pas des escalades, et les Britanniques ont voté, c'est une décision qui a été unanime.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Liban
LAURENT FABIUS
Alors le Liban.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Election présidentielle avant la fin mai je crois.
LAURENT FABIUS
Alors le Liban ce sont nos amis, nos frères, nos cousins, simplement ils sont dans une situation très difficile, notamment parce qu'il y a la contagion de l'affaire syrienne. Songez que j'ai vu hier le ministre des Affaires étrangères du Liban, il y a 1 million de réfugiés au Liban, donc un quart de la population, c'est comme si en France vous aviez plus de 20 millions de réfugiés, imaginez ce que c'est. Donc notre réunion d'aujourd'hui, elle a trois objets : premièrement, traiter la question des réfugiés avec l'ensemble des pays concernés ; deuxièmement, apporter un appui économique en liaison avec l'Onu, etc., la Banque mondiale ; et troisièmement ce qui est important, conforter l'armée libanaise qui est un petit peu le ciment du pays. Et nous allons en discuter, nous allons arriver à un accord et le président du Liban sera là. Après, il y a un gouvernement maintenant qui doit se mettre d'accord sur une certaine mission, mais le gouvernement est constitué, bravo ! Et il faut aller vers une élection présidentielle puisque normalement, elle doit avoir lieu avant la fin du mois de mai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Laurent FABIUS, l'Algérie avec la déclaration de candidature d'Abdelaziz BOUTEFLIKA qui, déjà, fait réagir en Algérie, notamment les réseaux sociaux. Cette élection est un leurre, cette élection présidentielle prochaine qui aura lieu le 17 avril (je crois) est un leurre, et des appels à manifester sont lancés pour faire tomber ce régime. Cette candidature, vous n'allez pas en dire un mot, j'imagine
LAURENT FABIUS
Vous avez fait la question et la réponse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, alors maintenant
LAURENT FABIUS
L'Algérie se dirige librement, le président BOUTEFLIKA que nous connaissons bien
JEAN-JACQUES BOURDIN
Soigné combien de temps 80 jours en France.
LAURENT FABIUS
S'il souhaitait être candidat, il sera candidat et puis voilà, nous n'avons pas d'autre commentaire à faire. Le seul commentaire que je me permettrai de faire, c'est que nos relations avec l'Algérie sont excellentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sont excellentes. Est-ce que l'Algérie va rembourser sa dette d'ailleurs, la dette
LAURENT FABIUS
Quelle dette ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
A nos hôpitaux publics ?
LAURENT FABIUS
Ah oui ! Il y a des éléments dont on discute, et on souhaite quévidemment les contentieux possibles soient résorbés. Mais sur les questions fondamentales, c'est-à-dire les échanges économiques, la question de la sécurité sur le problème de la Libye et le problème du Mali, vraiment nos relations et sur le plan politique en général, nos relations sont excellentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gouvernement resserré en France, c'est indispensable ?
LAURENT FABIUS
Je serais comme on dit comme une carpe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, vous ne serez pas une carpe
LAURENT FABIUS
Vous avez noté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Premier ministre
LAURENT FABIUS
Vous avez noté que cela dépend du président de la République, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, je l'avais noté Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Vous êtes un bon observateur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça c'est certain. Gouvernement resserré, c'est ce que dit le Premier ministre, là vous êtes d'accord avec lui, c'est nécessaire ?
LAURENT FABIUS
Oui, oui, je pense que c'est souhaitable, mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
16 à 18 ministres ?
LAURENT FABIUS
C'est ce qu'ont beaucoup de nos voisins, alors voilà, je pense que s'il y a et quand il y aura un nouveau gouvernement
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est plus efficace, vous, vous avez l'expérience ?
LAURENT FABIUS
Oui, je pense qu'il faut travailler avec de grandes fonctions. Alors évidemment ça demande pour autant que les problèmes aussi soient suivis. Mais je pense que surtout dans les périodes difficiles comme aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notamment à Bercy !
LAURENT FABIUS
Oui, moi j'ai dirigé Bercy il y a longtemps, c'est un ministère difficile, et si on ajoute à la difficulté du travail la difficulté d'organisation, ça fait beaucoup. Donc moi je suis plutôt je l'ai dit dès le début d'ailleurs pour une fonction économique d'ensemble. Et s'il y a un jour un remaniement, je pense que si on regarde la structure, ce serait mieux d'avoir une fonction globale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est souhaitable, compte tenu du climat politique actuel entre les municipales et les européennes, ce remaniement ?
LAURENT FABIUS
Je ne me prononce pas là-dessus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Vous pourriez être Premier ministre, j'ai vu que vous étiez populaire, j'ai vu que vous étiez le
LAURENT FABIUS
Ça a l'air de vous surprendre !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, non, moi je n'ai pas à porter de jugement
LAURENT FABIUS
Vous savez
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est votre problème, ce n'est pas le mien.
LAURENT FABIUS
Ce n'est pas un énorme problème là, celui-là on peut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vous êtes satisfait de cette popularité, j'imagine.
LAURENT FABIUS
Oui, mais j'en connais la fragilité. Pour être passé par tous les éléments du cycle, au pinacle, tout en bas, en haut, au milieu
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y a une revanche peut-être, un sentiment de revanche chez vous, non ?
LAURENT FABIUS
Non, est-ce que j'ai l'air ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais je vous dis ça
LAURENT FABIUS
Non, ce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que je sais que vous avez beaucoup souffert de l'affaire du sang contaminé Laurent FABIUS, et donc ce serait aussi l'occasion de revenir au premier plan et d'être je ne sais pas moi
LAURENT FABIUS
Ecoutez ! Là, je suis désolé d'être au second plan
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes au premier plan mais Premier ministre, vous vous rendez compte, vous conduiriez la politique de la France Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Mais je conduis la politique extérieure de la France, voilà, je reconnais que c'est une tâche que certains peuvent trouver mineure, moi je la trouve passionnante et je ne demande rien d'autre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça ne vous intéresse pas !
LAURENT FABIUS
Non, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors le poste de Premier ministre ne vous intéresse pas
LAURENT FABIUS
Je suis là où je suis
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est clair, net et précis, vous refuseriez si on vous le propose ?
LAURENT FABIUS
Oui, oui, je suis très bien au Quai d'Orsay
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le refuserez si on vous le propose ?
LAURENT FABIUS
Je vous ai répondu, je suis très bien là où je suis, je ne demande absolument rien d'autre. Et je pense que dans les circonstances actuelles, où il y a quand même des crises un peu partout dans le monde, avoir une France qui sous l'autorité du président et du Premier ministre a une politique reconnue, forte, c'est un atout, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quelques mots de politique intérieure et notamment économique, sur le pacte de responsabilité et notamment ces fameuses contreparties dont on parle, est-ce qu'il faut exiger des contreparties ou pas ?
LAURENT FABIUS
Il va y avoir alors prenons les choses de manière simple et carrée. Nous avons un problème majeur d'emploi, d'où vient ce problème d'emploi ? Il vient du fait il y a différentes causes mais que nos entreprises ne sont pas assez compétitives et que la France n'est pas assez attractive. Pour les rendre compétitives, il y a plusieurs choses à faire et notamment baisser les charges, c'est clair, c'est net. Si on veut baisser les charges, il faut en même temps que les entreprises disent « on va investir », moi je pense que l'action principale c'est sur l'investissement. Mais si on veut baisser les charges, il faut en même temps que de l'autre côté il y ait des économies budgétaires. Donc voilà, c'est une espèce de triangle
JEAN-JACQUES BOURDIN
20 milliards le CICE plus 10 milliards
LAURENT FABIUS
Donc il faut
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ces 10 milliards ne sont pas financés pour l'instant !
LAURENT FABIUS
Il faut documenter (comme on dit) précisément ces économies budgétaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où est-ce qu'on peut économiser ?
LAURENT FABIUS
Dans tous les domaines, l'Etat et ses opérateurs, point un ; deux, les collectivités locales ; trois, la fonction sociale, voilà. Alors c'est plus facile à dire qu'à faire, parce qu'à chaque fois il y a des conséquences, mais si on veut relancer l'emploi il faut être plus compétitif, si on veut être compétitif il faut baisser les charges, si on veut baisser les charges il faut que les entreprises aussi investissent
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas d'autre politique possible !
LAURENT FABIUS
Mais je n'en vois pas. Vous savez moi par définition, je fais le tour du monde, je fais un tour du monde tous les mois, je vois les politiques des uns et des autres. Ça ne veut pas dire qu'on élimine les sensibilités de gauche ou de droite, certains sont plus pour la justice sociale et d'autres moins. Mais ces éléments concrets, ils sont incontestables, ils sont incontestables. Tout le monde veut qu'on aille vers plus d'emplois, donc il faut de l'investissement, donc de la compétitivité, donc de la baisse des charges, donc des économies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on n'a pas à exiger de contreparties au patronat
LAURENT FABIUS
Non, je ne vous ai pas du tout dit ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aux chefs d'entreprise.
LAURENT FABIUS
Je vous dis que si
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais moi je vous pose la question, est-ce que
LAURENT FABIUS
Mais il est normal que chacun fasse apporte son dû. Donc du côté de l'Etat, il faut qu'il y ait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais des engagements branche par branche suffisent ?
LAURENT FABIUS
Il faut que il faut c'est la discussion des partenaires sociaux, ensuite ça passera au Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'Etat qui va décider, le Parlement.
LAURENT FABIUS
Oui, le Parlement. Je pense qu'en matière d'investissements, en matière de formations professionnelles, etc., il y a par branche des perspectives je ne sais pas quel mot, je ne vais pas me disputer sur le mot et puis ce n'est pas en plus mon domaine qu'il faut prendre. Mais ça je crois
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pas d'objectif chiffré !
LAURENT FABIUS
Il peut y avoir des objectifs chiffrés. Par exemple moi je vois l'exemple dans les régions, dans les régions il y a pas mal d'accords entre d'un côté le patronat, les syndicats et les présidents de région, et ça marche en général. Donc prenons un système voisin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot sur les municipales, quelques mots sur les municipales, j'imagine le cas précis où au second tour, on retrouve une triangulaire entre l'UMP, le PS et le Front National. Est-ce que le candidat PS qui sera en troisième position devrait se désister ?
LAURENT FABIUS
Je ne sais pas quelle est la position
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'UMP.
LAURENT FABIUS
Qu'a prise le Parti socialiste
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quelle est la vôtre ?
LAURENT FABIUS
Mais je crois que s'il y a un risque c'est ça la question que le Front National puisse être élu, à ce moment-là il faut qu'il y ait une unité des
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par désistement du PS pour un candidat UMP éventuellement.
LAURENT FABIUS
Voilà. Mais je crois que c'est ce qu'il fait en général, c'est ce qu'il fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous souhaiteriez !
LAURENT FABIUS
Oui, mais je pense que ça devrait se produire, d'après ce qu'on m'a dit, dans très peu de cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et sur les enregistrements de monsieur BUISSON pendant qu'il était à l'Elysée, lorsque vous avez appris cela, quelle a été votre réaction Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
Ma réaction a été de dire : je vais chez monsieur BOURDIN le lendemain, il va me poser la question et je répondrai « nous sommes, je l'espère, enregistrés et ça pose beaucoup moins de problèmes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2014