Déclaration de M. Guillaume Garot, ministre de l'agroalimentaire, sur les liens à développer entre les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire pour les moderniser et les rendre plus compétitifs, Paris le 21 février 2014.

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Circonstance : Etats généraux de l'agriculture sur le thème de la compétitivité, de la modernisation des filières et de la gestion des riques, à Paris le 21 février 2014

Texte intégral

Monsieur le Président, Messieurs les Présidents,
Chers amis,
Merci d'abord de votre invitation à cette table ronde, sur la compétitivité, la modernisation des filières et la gestion des risques.
C'est une occasion importante pour moi de vous dire ce que je crois et les orientations que je porte depuis 18 mois, en tant que ministre chargé de l'agroalimentaire, en lien étroit avec Stéphane Le Foll.
Ce lien entre l'agriculture et l'agroalimentaire est bien le socle sur lequel nous devons nous appuyer pour organiser, moderniser et rendre plus compétitives notre agriculture et notre agroalimentaire.
Je le redis car c'est bien une volonté politique, industrielle et économique qu'a voulu impulser le Président Hollande, en créant dès son arrivée à l'Elysée, ce ministère de l'agroalimentaire. Cela a un sens profond. D'abord parce que nous croyons que l'agriculture et l'agroalimentaire sont des leviers importants pour le redressement économique de la France.
Ensuite car il ne peut pas y avoir une agriculture en bonne santé sans une première, une deuxième, voire une troisième transformation de qualité. Comme il ne peut pas y avoir de développement de l'agroalimentaire sans une agriculture forte.
En quelques chiffres, l'agroalimentaire ce sont :
13 000 entreprises agroalimentaires
Près de 500 000 salariés
11,5 milliards d'euros de solde positif sur la balance commerciale, avec une augmentation cette année de 3,2%. J'y reviendrai tout à l'heure.
qui viennent s'ajouter
aux 490 000 exploitations agricoles
et au 1 million d'actifs agricoles
Ces chiffres démontrent si besoin était, la puissance de la France agricole et agroalimentaire.
Ma conviction est qu'on doit raisonner filière, penser ensemble l'amont et l'aval, et agir en fonction des débouchés et des marchés.
Ça veut dire bâtir une stratégie partagée.
Ça veut dire une stratégie de filière alimentaire qui prenne en compte à la fois, les impératifs agricoles, les contraintes et les opportunités de la transformation et les demandes des consommateurs en France et à l'étranger.
J'entends parfois des réticences ou des craintes de nos producteurs.
Il ne s'agit pas pour les agriculteurs de perdre la main, mais bien au contraire de s'inscrire dans une chaîne, une vision plus globale qui leur permet de développer leur capacité de production, de mieux la cibler aussi. Une chaîne qui doit être aussi solidaire et collective avec un but : le renforcement des exploitations agricoles, des unités industrielles, la création de richesse, et donc la création d'emploi.
Car la bataille pour la modernisation, la compétitivité, la gestion des risques doit être lue, de mon point de vue comme une bataille pour l'emploi et le redressement économique de notre pays. Se battre pour l'agriculture et l'agroalimentaire c'est se battre pour le redressement du pays.
Vous le savez, la France est passée de la 2ème à la 5ème place en 10 ans, des exportateurs mondiaux de l'agroalimentaire. Nous sommes notamment passés derrière l'Allemagne et les Pays-Bas.
Moi je ne m'y résous pas.
J'ai fixé un cap : retrouver cette deuxième place, à l'horizon 2020.
Il est donc temps de nouer ensemble, production agricole et agroalimentaire, des partenariats gagnant/gagnant, y compris avec l'international.
Et j'ai bien sûr en tête l'exemple de Carhaix avec l'installation de l'usine Synutra, avec Sodiaal, dont j'ai posé la première pierre le 10 janvier dernier. Je connais les bémols qui peuvent être mis, par les uns et par les autres mais tout de même : 100 millions d'euros d'investissements chinois et français, dans un secteur qui souffre sur le plan industriel et donc social. Cette usine doit permettre d'utiliser le lait de 700 éleveurs. C'est 700 éleveurs qui trouvent des débouchés. Et ce sont 250 emplois industriels qui seront créés à terme, avec notamment le reclassement d'une grande partie des salariés d'Entremont, dans la zone. Voilà une opération qui correspond à ces partenariats gagnants/gagnants : une dynamique de filière : des producteurs de lait, à la transformation, en l'occurrence le lait en poudre pour permettre de satisfaire le besoin précis des consommateurs chinois, à savoir un lait en poudre à la sécurité sanitaire parfaite.
Alors si on parle filière, il faut parler organisation collective
Vous abordez très justement la question des interprofessions. Elles jouent un rôle de plus en plus important alors que les régulations publiques traditionnelles reculent, à l'instar de la fin des quotas laitiers, sucriers... Le Gouvernement répond à cette question avec la loi d'avenir de Stéphane Le Foll. La discussion parlementaire se poursuit sur ce sujet.
Et nous nous inscrivons aussi dans un encadrement européen.
Nous avons besoin de rassembler toutes nos forces, de nourrir nos échanges, de croiser nos regards avant d'arbitrer, pour mieux avancer.
Avancer, c'est vrai en matière interprofessionnelle, c'est vrai en matière de relations commerciales, de recherche et d'innovation.
C'est d'autant plus important que nous devons passer d'une culture de l'administration à une culture du contrat.
Mais il y a un point qu'il ne faut pas négliger : il ne faut pas attendre des constructions juridiques la solution à ce que les hommes ne veulent pas faire ensemble.
Sur les relations commerciales, j'insiste pour vous dire que la notion de filière, doit être comprise comme allant bien jusqu'à la GMS, dans un contrat clair.
Il faut inclure donc les Distributeurs, la GMS, dans la construction des stratégies.
Et là encore, les expériences montrent que c'est possible. Mardi, j'étais avec Hubert Garaud, Président de Terrena, et Serge Papin, Président de Système U, autour du Porc issu de la nouvelle agriculture, avec un produit qui obéit à un cahier des charges rigoureux et valorisant.
Ça, c'est une vraie construction de filière partagée, qui apporte plus de rémunération aux éleveurs, ancre l'emploi de la transformation sur les territoires. Une filière fondée sur une contractualisation d'une durée de trois ans. Il est clair que nous ne le ferons pas pour tout. Mais cette démarche est symbolique du Gagnant/Gagnant que nous devons développer.
3 ANS : Ce type d'accords, et c'est essentiel, permet aux producteurs, comme aux transformateurs (je pense là à l'abattage) d'avoir une vraie perspective de moyen terme, ce qui permet d'investir, de se moderniser, et donc de conforter sa compétitivité, son avenir.
Cette relation de confiance au sein des filières est fondamentale. Le co-contractant ne peut pas être considéré comme un adversaire permanent. Il est forcément un partenaire. C'est un souci quotidien pour améliorer les relations commerciales. C'est l'un des objectifs majeur du contrat de la filière alimentaire qui a été signé en juin 2013. Depuis, nous avançons avec la Charte Relations Fournisseur Responsable, avec les distributeurs qui entrent dans la discussion. Je ne veux pas vous dire que c'est facile, c'est évidemment un travail de longue haleine. Mais ce travail commence à payer.
Et je veux vous dire que nous souhaitons avancer sur un véritable « Contrat à 3 » Producteurs, Transformateurs, Distributeurs, qui engage mutuellement tous les acteurs. C'est une nouvelle méthode, fondée sur un consensus, qui prend certes plus de temps mais va, j'en suis certain, porter ses fruits.
Car nous avons établi un nouveau cadre légal avec la loi Consommation.
A nous de donner de la chair à ces nouvelles relations commerciales, par la capacité et la volonté des acteurs de trouver des accords équilibrés et durables, pour que chacun dégage des marges et tire un revenu. C'est à notre portée. Ce que nous devons repérer, ce sont les facteurs de réussite de nos voisins européens.
Sur ces sujets, il ne suffira pas de copier, mais bien d'innover, de nous montrer entreprenants. C'est bien notre responsabilité.
Ce que je veux dire, c'est que j'ai confiance dans notre filière à s'organiser et à trouver les ressorts de sa modernisation.
Ça veut dire investir et innover
Pour les 34 plans industriels, voulus par le Président Hollande, 700 millions d'euros sont mobilisés et parmi lesquels, évidemment, le plan industriel pour l'agroalimentaire. C'est un levier très puissant.
J'ai lancé un Appel à Manifestation d'Intérêt (avec Jean-Philippe Girard), sur des thématiques telles que l'abattoir du futur, les emballages intelligents, l'alimentation sur mesure (sportifs, senior...), le contrôle en ligne ou encore l'amélioration de la chaîne du froid.
Eh bien, cet appel a reçu un écho au-delà de nos espérances : en 1 mois, nous avons recueilli près de 520 projets, représentant un volume d'investissement de près de deux milliards d'euros.
Et la Bretagne, que certains décrivent très injustement comme moribonde, est la 1ère région, avec 143 projets ! Je le dis très simplement : chaque bon projet trouvera financement. Nous travaillons avec BPIfrance, le Commissariat Général à l'Investissement qui gère le PIA, les Régions, les fonds généralistes et sectoriels pour structurer globalement une offre de soutien cohérente au bénéfice des entreprises agroalimentaires. Tout ce travail sur le plan industriel alimentaire, c'est une méthode pour structurer la filière dans le dur et dans la durée.
Et je veillerai bien évidemment à articuler l'appel à projet que nous lancerons pour le Plan Industriel avec les stratégies de filière qui nous ont été présentées par les présidents de comités spécialisés de FranceAgrimer mercredi. Nous sommes bien dans une communauté d'actions.
L'export enfin
Je terminerai par ce point qui me semble crucial pour votre développement. Que je vais illustrer par une expérience récente :
J'étais en Azerbaïdjan fin janvier. Pays à fort développement, en raison des réserves de pétrole et de gaz mais qui justement veut diversifier ses sources de productions. Le ministre de l'agriculture m'a dit : nous avons besoin de 50 000 vaches sur 5 ans et de fermes clé en main.
Et je me suis retrouvé, dans la situation assez inédite de la personne à qui l'on veut acheter quelque chose mais qui n'a rien à vendre. Je force un peu le trait mais nous n'en sommes pas loin : nous ne savons pas encore en France, à contrario des allemands ou des danois, fabriquer et vendre ces fermes clé en main, ces fermes-France, pas plus que nous ne pouvons répondre dans l'instant sur une demande aussi précise sur des milliers de vaches.
Cette expérience m'a démontré une nouvelle fois à quel point nous avons besoin, là encore, d'organiser cette filière à l'export, cette stratégie qui sera d'autant plus facile à mener que nous sommes reconnus partout dans le monde pour la sécurité et la qualité de nos produits, et de nos process.
En Côte d'Ivoire, début février, où je me suis rendu pour aider la filière cacao (80% du cacao consommé en France vient de Côte d'Ivoire) là encore, le Premier ministre ivoirien me l'a redit : « Venez, la France. Nous avons besoin de vos compétences dans le domaine de l'aquaculture, de la génétique aviaire, de l'élevage. »
Vous voyez à quel point le champ est vaste et les perspectives encourageantes.
Je le dis aux entreprises alimentaires mais je vous le dis aussi, à vous, nous devons oser l'export, être toujours plus audacieux, plus créatifs, et sans doute mieux organisés.
Voilà les quelques points que je voulais aborder avec vous en vous redisant à quel point nous avons besoin les uns des autres pour tenir cet objectif partagé : la modernisation et la compétitivité de la France agricole et agroalimentaire.
Nous avons les clés entre nos mains.
Alors ouvrons grand les portes de l'avenir.
Source http://www.etats-generaux-agriculture.fr, le 5 mars 2014