Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la Tunisie et la France, notamment le développement économique et la position de la France sur l'entrée progressive de la Tunisie sur le marché européen, Paris le 21 octobre 1997.

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Circonstance : Visite officielle en France du Président de la République Tunisienne, M.Zine El Abidine Ben Ali du 20 au 22 octobre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président de la République,
Je suis heureux de vous accueillir pour votre deuxième visite d'Etat en France.
La relation entre nos deux pays est une relation de proximité fondée avant tout sur l'amitié et l'estime réciproques entre nos deux peuples.
Si moins de Français résident aujourd'hui en Tunisie, ils sont toujours plus nombreux à s'y rendre. Le courant d'échanges entre nos deux pays est de plus en plus dense. Il est fondé sur l'intérêt que suscite votre tradition de creuset des cultures méditerranéennes et sur la beauté des sites tunisiens. Il est fondé aussi sur des relations culturelles, scientifiques, professionnelles ou commerciales en plein essor. Il rend hommage aussi à la noblesse, à la civilité, à l'amabilité de votre peuple et à la qualité des dirigeants que la Tunisie s'est donné.
De son côté, la communauté tunisienne installée en France contribue à renforcer l'estime dans laquelle nos compatriotes tiennent votre pays. Par son intégration harmonieuse, elle est un exemple. Elle a su trouver, dans un contexte que la vie quotidienne peut parfois rendre difficile, sa propre voie entre modernité et authenticité.
Les progrès accomplis sur la voie du développement économique et social par le peuple tunisien s'appuient aujourd'hui comme hier, sur sa cohésion, son esprit d'innovation et de tolérance. Les qualités intrinsèques de votre nation sont une garantie pour l'avenir.
D'ailleurs, les performances de votre économie, comme la sécurité dont jouit la Tunisie, créent les conditions d'un développement durable, et confiant que la France continuera à soutenir.
Nos positions communes en faveur du dialogue et de la coopération, notre volonté de participer à l'avenir du monde nous ont conduit à oeuvrer de concert à l'émergence d'un espace de stabilité et de coopération euroméditerranéen qui a donné naissance au processus de Barcelone. Je m'en félicite. La Tunisie a été le premier Etat à signer avec l'Union européenne un accord d'association, à l'origine de la mise en oeuvre d'un programme important d'amélioration de l'ensemble de son économie. Je ne sous-estime pas les problèmes que risque de poser la transition d'une économie protégée vers une économie ouverte, et nous les avons abordés ensemble, Monsieur le Président, il y a un instant. Je pense en particulier aux possibles tensions sur l'équilibre du budget et de la balance des paiements, ainsi que sur le marché de l'emploi. Il s'agit là d'un véritable défi Les résultats que vous avez enregistrés dans la politique que vous appelez de "mise à niveau intégrale" sont cependant très encourageants.
Cet ancrage économique à l'Europe, vous l'avez voulu, comme nous, fort et fondé sur le respect mutuel. En faisant ce choix, vous savez que, sur le plan politique, il vous conduira vers une ouverture toujours plus grande aux valeurs de la démocratie et du pluralisme. Je m'en réjouis. Votre visite d'Etat me fournit l'occasion d'affirmer l'engagement à vos côtés de mon gouvernement dans cette période de transition cruciale pour la Société tunisienne.
Sur le plan économique, cet engagement a pris la forme concrète d'un accord-cadre de partenariat élargi. Celui-ci a été conçu pour orienter et renforcer notre coopération bilatérale dans cette étape historique d'ouverture de la Tunisie sur l'Europe. Cet accord sera le premier du genre que signera la France. Il s'inscrit dans la durée. Il nous engage dans la voie de l'efficacité maîtrisée.
En outre, cet accord, définit une perspective. Il entend développer notre coopération autour du soutien au programme de réformes du gouvernement tunisien. Il contient des objectifs précis pour aider à la mise en place d'un environnement favorable aux investissements, à leur multiplication et à la modernisation de l'industrie.Le règlement, auquel nous sommes conjointement parvenus, dans la question des biens immobiliers des français en Tunisie et la signature de l'accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements, contribueront au renforcement du climat de confiance indispensable au développement des investissements extérieurs.
La France souhaite encourager et accompagner ses entreprises, et tout particulièrement les plus petites d'entre elles, dans le renforcement de leur présence industrielle et commerciale en Tunisie. Dans cette perspective, un mécanisme de garantie des investissements contre le risque commercial sera mis en place.
Dans ces conditions, la France continuera à peser en faveur de l'entrée progressive de la Tunisie sur le marché européen et à faire jouer pleinement en ce sens les mécanismes européens prévus par l'accord d'association. Sa mise en oeuvre revêt une valeur de test pour l'Union européenne, pour la Tunisie, et pour l'avenir des relations euro-méditerranéennes.
Cette coopération régionale dans laquelle la Tunisie et la France ont choisi de s'impliquer est le résultat d'une conviction partagée, celle de la nécessité de renforcer les solidarités régionales et internationales. Votre choix de l'instauration d'un partenariat avec l'Europe va de pair avec votre action en faveur de l'unité maghrébine, ainsi que de votre rôle éminent au sein de l'OUA. Nos deux pays plaident de façon générale au sein de la communauté
internationale pour le dialogue et la résolution pacifique des différends. Notre coopération au sein des instances internationales comme sur le théâtre des opérations de maintien de la paix de l'ONU est effective et doit se poursuivre.
La visite du ministre des Affaires étrangères à Tunis au mois d'août a permis de faire apparaître de larges convergences sur ces enjeux essentiels, comme sur l'ensemble des questions d'intérêt commun. Je pense bien sûr au contexte régional marqué par les difficultés du processus de paix, auquel le processus de Barcelone est lié par certains aspects, et qui requièrent toute notre attention. La position tunisienne sur le sujet reflète votre tradition d'hospitalité et de tolérance, illustrée par l'accueil que vous avez réservé au commandement palestinien, comme aux communautés juives aux siècles précédents.
Vous avez été parmi les premiers à plaider pour la négociation entre Israël et ses voisins. Aujourd'hui, seul le redémarrage de ce processus permettra à cette région de retrouver la paix.
La proximité de nos idéaux de tolérance et de solidarité, l'attachement réciproque de nos deux peuples, notre histoire commune, notre foi en l'avenir font de nos deux pays des partenaires que tout rapproche.
Permettez-moi de conclure avec une phrase de l'écrivain tunisien Ezzedine Mestiri: " La Tunisie est une presqu'île et le presque en est de trop. Cette terre conquise et reconquise mille fois n'a pu retenir ses hommes que par strates et par les contraintes de la diversité. Cette altérité a forgé chez le Tunisien, un caractère détendu et surtout un sentiment d'être toujours à l'étroit dans ses rêves". Je me félicite, Monsieur le Président, que vous ayez fait avec nous et pour votre pays le rêve de l'Europe. Je crois pouvoir vous assurer que vous n'y serez pas à l'étroit.
Je suis heureux de porter un toast à la Tunisie, à la France et à l'amitié
franco-tunisienne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juin 2001)