Interview de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, à "Itélé le 13 mars 2014, sur la communication gouvernementale dans l'affaire de la mise sur écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et de son avocat Thierry Herzog.

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Média : Itélé

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER
Benoît HAMON, bonjour, bienvenu.
BENOIT HAMON
Bonjour
CHRISTOPHE BARBIER
Christiane TAUBIRA a brandi des documents qui disaient le contraire de ce qu’elle était en train d’affirmer, elle savait la durée, la date, une partie du contenu des écoutes. Elle a menti. Doit-elle démissionner ?
BENOIT HAMON
Non, qui demande, d’ailleurs, sa démission ? Jean-François COPE, pour une affaire qui concerne qui ? Nicolas SARKOZY, mis en cause dans une des sept informations judiciaires qui le concernent. Si je comprends bien, la logique des choses voudrait que, quand Nicolas SARKOZY est mis en cause, la ministre de la Justice doit démissionner.
CHRISTOPHE BARBIER
Le lien n'est pas celui-là, l’affaire SARKOZY continue, elle aura ses rebondissements, la ministre de la Justice a menti.
BENOIT HAMON
Il faut remettre les choses à l’endroit. Nous avons-là aujourd'hui une stratégie qui est celle de l’UMP, qui consiste à faire diversion. N’importe quel, d’ailleurs, policier, vous dirait que quand il attrape un voleur à la tire, le premier réflexe que ce voleur à la tire lui dira, c'est : « Le portefeuille qui est dans ma poche, c'est pas moi, c'est quelqu’un d’autre ». Eh bien aujourd'hui, l’objectif de la droite, est de faire porter l’attention sur autre chose que le fait majeur qui a été mis en exergue par ces écoutes, légales, décidées par des juges d’instruction, dans le cadre d’une affaire, je le rappelle, qui est celle du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas SARKOZY. Où je rappelle aussi que les plaignants sont monsieur TAKIEDDINE, un proche de monsieur HORTEFEUX, un proche de monsieur COPE, donc l’entourage de Nicolas SARKOZY. A cette occasion-là, on apprend quoi ? Qu’il pourrait y avoir soupçons, sérieux, de trafic d’influence.
CHRISTOPHE BARBIER
De trafic d’influence, très bien.
BENOIT HAMON
Oui, mais c'est de cela dont on parle. La question c'est : madame TAUBIRA sait-elle si oui ou non ces perquisitions…
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, sait-elle ?
BENOIT HAMON
La connaissant, et elle l’a dit…
CHRISTOPHE BARBIER
Non, elle a dit le contraire !
BENOIT HAMON
Attendez, elle a dit hier encore qu’elle a connaissance de l’existence de ces perquisitions, son cabinet est informé le 26 février, elle l’est elle-même le 28 février, le Premier ministre le 4 mars, quant au contenu, pardon de le dire, notamment parce que nous, nous avons fait voter une loi, et des lois, et le 16 juillet, sur la fin des instructions personnelles est individuelles, elle laisse la justice faire son travail.
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, mais le document qu’elle brandit, montre bien que sur la date, la durée et une partie du contenu, elle savait, alors qu’elle dit le contraire.
BENOIT HAMON
Non.
CHRISTOPHE BARBIER
Le mensonge est constitué, vous pouvez plaider la stratégie politique…
BENOIT HAMON
Mais c'est pas vrai… Mais non, elle reconnait la maladresse sur le fond, mais elle dit quoi, elle le rappelle, elle a l’information selon laquelle la perquisition…les écoutes ont eu lieu, sont déclenchées, elle ne s’intéresse pas, parce quelle laisse la justice travailler. C'est là la grande différence.
CHRISTOPHE BARBIER
« Je vous informerai régulièrement », dit le document à la fin, madame HOULETTE, procureur financier, l’informe régulièrement…
BENOIT HAMON
Monsieur BARBIER, mais la réalité c'est quoi, c'est que…
CHRISTOPHE BARBIER
Il y a un suivi politique, et c'est bien normal, par Christiane TAUBIRA, par Jean-Marc AYRAULT…
BENOIT HAMON
Mais je vous redis, qu’elle laisse la justice travailler. Et elle laisse la justice faire son travail, parce que c'est ce qui a changé entre aujourd'hui et hier, et pardon de le dire, je veux redire ce qui se passe. On nous reproche quoi dans cette affaire ? Que des juges aient déclenché, en toute légalité, des écoutes vis-à-vis de Nicolas SARKOZY, et je le rappelle, en application de lois, de principes, que Nicolas SARKOZY a défendus lui-même pour tous les autres Français.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais personne ne vous reproche ça ! Ce que l’on reproche, c'est d’avoir dit « on ne sait pas », alors qu’on sait.
BENOIT HAMON
Sauf qu’aujourd'hui, le fait principal sur lequel, pardon, j’aimerais, moi, qu’on discute, c'est : quand il y a un soupçon de trafic d’influence, quand il s’avère que peut-être monsieur HERZOG, je dis bien « peut-être », aurait été mis au courant, du fait que son client, monsieur SARKOZY, était écouté. Par qui, nous ne le savons pas, mais avec des soupçons qui existent. Le fait que monsieur SARKOZY « passe ses téléphones », avec un nom d’emprunt…
CHRISTOPHE BARBIER
Paul BISMUTH, oui.
BENOIT HAMON
D’accord, mais bon, Nicolas SARKOZY, maintenant, s’il faut l’appeler Paul BISMUTH, c'est assez curieux, mais nous sommes là dans des affaires, quand même, qui devraient susciter l’intérêt des Français et des médias.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais cette affaire suscite l’intérêt des Français, mais est-ce qu’un garde des Sceaux doit venir à la télé dire : « Je ne sais pas », alors qu’il sait ?
BENOIT HAMON
Mais moi, attendez, je vais vous redire, « quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ».
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, la phrase que tout le monde utilisait hier, VALLINI sur notre plateau, c'est l’élément de langage de gauche.
BENOIT HAMON
Non non, l'UMP prend les Français pour des imbéciles. C'est de l’en.fu.mage.
CHRISTOPHE BARBIER
Sauf que quand on regarde le doigt, on voit le doigt d’une menteuse.
BENOIT HAMON
Non, mais attendez, vous êtes, d’abord, madame TAUBIRA s’est expliquée, elle a dit clairement encore hier, ce qu’elle avait eu comme information, qui relevait de la loi, je le rappelle, hein, relevait de la loi, cette information, dont elle a bénéficié sur l’ouverture de ces écoutes. Au-delà, de ça, elle ne s’est pas intéressée à ce qu’il y avait dedans, peut-être que vous pouvez trouver, de votre point de vue, que c'est une faute, en tout cas, ça, c'est la vérité, à partir de là, si on pouvait revenir aux trois affaires qui ont concerné la droite la semaine dernière, les écoutes de monsieur BUISSON, l’affaire BYGMALION avec monsieur COPE, ce qui concerne Nicolas SARKOZY…
CHRISTOPHE BARBIER
Et toutes ces affaires continuent. Est-ce que vous souhaitez que l’on sache le contenu des écoutes de SARKOZY, celles qui ont déclenché cette mission, il a du dire quelque chose de grave, ça calmerait le jeu.
BENOIT HAMON
Mais pourquoi le savoir ? C'est à la justice de faire son travail. Quand il y a des fuites, il y a peut-être violation du secret de l’instruction. Moi je suis pour que ces enquêtes aillent aussi au bout, parce qu’on a l’impression parfois qu’aujourd'hui il y a des procédures qui sont étalées dans les médias et qui ne sont plus la propriété des juges et des avocats, donc tout cela, moi, me préoccupe comme démocrate, citoyen qui regarde la justice fonctionner. Cela étant dit, ce que je veux rappeler, c'est qu’il y a sept informations judiciaires dans lesquelles le nom de Nicolas SARKOZY est cité.
CHRISTOPHE BARBIER
Et elles vont toutes aller au bout.
BENOIT HAMON
Non, mais vous reconnaitrez comme moi, qu’on a connu, pour un président de la Vème République, bilan judiciaire plus sobre.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu’hier, Christiane TAUBIRA, en marge du Conseil des ministres, a remis sa démission, a évoqué sa démission, en avez-vous entendu parler, démission qui aurait été refusée ?
BENOIT HAMON
Mais non, mais, évidemment que non. Christiane TAUBIRA ne va pas démissionner et ne veut pas démissionner pour cela. J’ai vu Jean-François COPE, pardon, d’un mot, mais Jean-François COPE, hier, doctement, demandait, lui, hein, Jean-François COPE, avec un toupet invraisemblable, la démission de Christiane TAUBIRA, dans une affaire qui met en cause Nicolas SARKOZY. J’ai eu presque l’impression que dans le même souffle, il allait demander la démission de François FILLON dans l’affaire qui concernait la surfacturation des meetings de l’UMP. Mais c'est un toupet invraisemblable…
CHRISTOPHE BARBIER
Je suppose…
BENOIT HAMON
… que de vouloir faire diversion et d’essayer d’enfumer l’opinion ainsi.
CHRISTOPHE BARBIER
Je suppose que vous croyez aussi Manuel VALLS quand il dit qu’il a appris dans les journaux, tout ça…
BENOIT HAMON
Oui.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors que toute la police travaille pour renseigner le ministre, quand même.
BENOIT HAMON
Non mais attendez, la police, elle ne travaille pas pour renseigner les ministres, ça c’était avant. La police, elle travaille au service des juges, pour faire la lumière sur la vérité. La police, elle n'est pas là pour faire remonter des informations au ministre, qui ferait ses petites fiches. Ça c’était d’un temps où monsieur GUEANT, monsieur HORTEFEUX, qui apparemment n’ont pas compris que ça a changé, trouvent surprenant que monsieur VALLS procède différemment. C'est fini, le temps où la justice était aux ordres. La preuve, le 16 juillet 2013, nous avons fait voter une loi, que l’UMP n’a pas voté, et de ce point de vue là elle est cohérente, qui mettait fin aux instructions individuelles et qui faisait en sorte de sanctuariser l’indépendance de la justice, en même temps…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les procureurs informent la ministre, et elle savait tout cela.
BENOIT HAMON
Mais il est logique que, sur un certain nombre d’affaires, qui sont des affaires lourdes, au moins l’information de l’existence, le 26 février, nous l’avons reconnu, de ces écoutes, qui sont des écoutes qui concernent un avocat, en l’occurrence, non pas l’avocat de Nicolas SARKOZY, mais lui-même, puisqu’il est inscrit au Barreau de Paris, soient transmises…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça a été reconnu après avoir…
BENOIT HAMON
De là à manipuler l’information, franchement, il y a un pas que l’UMP a franchi pour faire diversion. Que je trouve certains médias emprunts avec une grande rapidité et une grande sévérité, moi je vous le redis, c'est fini ce temps-là.
CHRISTOPHE BARBIER
Conclusion politique de tout ce climat, il faudra remanier quand même assez vite après les municipales, pour relancer l’action gouvernementale ?
BENOIT HAMON
Ah ça, c'est un autre débat, en tout cas le remaniement ne peut pas être la conséquence de ce dossier-là. Si maintenant Nicolas SARKOZY…
CHRISTOPHE BARBIER
Non mais de tous petits…pour relancer.
BENOIT HAMON
Quand il est mis en cause dans une affaire grave, grave, trafic d’influence, hein, échange de services dans un dossier de justice, si c’était le cas, ça ne va pas avoir comme conséquence de remanier. Si le président de la République décide de remanier, ce qui est une décision qui lui appartient, c'est pour incarner peut-être ce qui pourrait être un deuxième cycle de son quinquennat. Est-ce que c'est le moment d’ouvrir ce deuxième cycle, ne je le sais pas, la décision ne m’apparient pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Oh, vous avez un sens politique, quand même, vous voyez bien l’état du pays, il va y avoir des élections, c'est logique, non, de remanier.
BENOIT HAMON
Non, c'est logique, ça peut être logique là, ça peut être logique plus tard, il y a toute sorte de scénarii qui existent, moi je n’ai pas envie de commenter ça.
CHRISTOPHE BARBIER
Avec le Pacte de responsabilité au coeur de l’action, est-ce qu’il faut faire des baisses de charges uniquement sur les bas salaires, pour qu’il y ait des embauches rapidement ?
BENOIT HAMON
Moi je suis plutôt favorable à ça. Je suis plutôt favorable à ce que l’on concentre, s’il doit y avoir des allègements de charges, sur les bas salaires, de façon à ce qu’il y ait un effet emploi immédiat. On l’a vu avec l’INSEE, finalement la courbe a commencé à s’inverser, on a eu des créations nettes d’emploi, fin de l’année 2013, donc c’est, on n'est plus dans l’hypothèse d’un redémarrage de l’économie française, ça devient une réalité, lente, trop lente encore. Il faut l’accélérer, donc s’il doit y avoir une mesure, c'est sur les bas salaires qu’elle doit être concentrée, ce qui ne doit pas nous empêcher de regarder de quelle manière les entreprises utilisent les 30 milliards que l’on met sur la table. Est-ce qu’elles investissent, de créer de l’emploi ou est-ce qu’elles distribuent les dividendes ?
CHRISTOPHE BARBIER
Trois opérateurs téléphoniques au lieu de quatre, vous êtes favorable ou vous avez peur que pour les consommateurs, ça veut dire hausse des prix ?
BENOIT HAMON
Si on passe de quatre à trois, il y aura de toute façon notification à l’Autorité de la concurrence, qui vérifiera le fonctionnement du marché au regard des intérêts du consommateur. Moi, comme ministre de la Consommation, je suis attaché à deux choses : les tarifs et la performance technologique. Qu’on ne vous vende pas une performance en termes de gigabits, voire mégabits…
CHRISTOPHE BARBIER
Bidons.
BENOIT HAMON
Bidons, et qu’en clair il y ait information déloyale. Donc, nous serons attentifs, au niveau des investissements, comme au fait que les tarifs n’augmentent pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Benoît HAMON, merci, bonne journée.
BENOIT HAMON
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2014