Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous êtes pour un gouvernement resserré, comme tous les ministres, on vient d'en parler avec Guillaume TABARD, ou est-ce que c'est une tarte à la crème absolue qui vous mettrait de bonne humeur dès ce matin ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, de toute façon je suis de bonne humeur dès ce matin, mais franchement, qui peut être contre ? mais une fois qu'on a dit ça je crois que le mieux que l'on puisse faire en matière de remaniement, c'est de ne pas commenter à l'infini ce que l'on ne sait pas, c'est une prérogative du chef de l'Etat et donc il décidera du moment, de la manière, et des conditions du remaniement quand il le jugera utile.
GUILLAUME DURAND
Mais le timing politique hier Marylise LEBRANCHU disait à ce micro, qu'elle était favorable au maintien de Jean-Marc AYRAULT, puisque justement il y a les fameux 50 milliards à trouver, et qu'interrompre un mouvement je sais bien que vous n'allez pas vouloir commenter sur le fond, mais enfin il y a quand même
MARISOL TOURAINE
Mais surtout je ne vais pas me mettre à commenter les commentaires, je crois franchement
GUILLAUME DURAND
Marylise LEBRANCHU ce n'est pas un commentaire, elle fait partie de l'équipe gouvernementale.
MARISOL TOURAINE
Je crois franchement qu'en matière de remaniement il faut attendre que le président de la République prenne sa décision, attendre les échéances électorales de toute façon, et en attendant travailler parce que, effectivement, nous avons du travail
GUILLAUME DURAND
Eh bien vous, vous avez du travail, c'est le moins qu'on puisse dire.
MARISOL TOURAINE
Nous avons du travail sur la planche.
GUILLAUME DURAND
J'ai quand même un autre aspect politique à aborder avec vous, c'est cette affaire BUISSON. Est-ce que vous considérez que cette affaire, par-delà son côté absolument invraisemblable, est une marque du sarkozysme ou est-ce que c'est le délire d'un homme seul ?
MARISOL TOURAINE
Depuis hier, où l'on découvre disons, un peu effaré, les pratiques
GUILLAUME DURAND
Le président, enfin tout ça c'était à son insu, de l'ex-président.
MARISOL TOURAINE
Les pratiques qui existaient autour du président de la République, on entend, au fond, qu'il y a l'air de la trahison qui entonné par des personnes qui ont un peu de mal, quand même, à passer pour des vierges effarouchées. Et on se dit que Patrick BUISSON n'était pas un inconnu de tous ceux avec qui il travaillait, c'est lui qui était le conseiller préféré, nous a-t-on dit, et donc, au fond, chacun devait savoir quelles étaient les méthodes ou la façon de procéder de Patrick BUISSON. En tout cas, je ne sais pas, comme dit
GUILLAUME DURAND
Non, mais il y a quand même deux hypothèses. Soit c'est effectivement la dérive d'un seul homme, soit il prenait simplement des notes, après tout pourquoi pas, on est à l'ère de la technologie, avec un portable, soit tout ça était plus ou moins clandestin, et évidemment ça paraît invraisemblable. Il y a eu des écoutes, François MITTERRAND a fait écouter Jean-Edern HALLIER, ce n'est pas nouveau, mais là c'est au coeur du système.
MARISOL TOURAINE
Je ne sais pas, par définition, qui savait et qui ne savait pas, simplement il est difficile d'imaginer que Patrick BUISSON n'ait pas porté ses idées, qu'on ne savait pas comment il travaillait, franchement, Patrick BUISSON il vient d'une certaine tradition, et il ne s'en cache pas, de la droite, et c'est cette responsabilité-là, d'abord, qui a été celle de l'Elysée que de l'écouter et de s'entourer. Vous savez, il y a un dicton franc-comtois, je crois, qui dit « qui fait le malin tombe dans le ravin », eh bien voilà, il y a des malins qui tombent dans le ravin.
GUILLAUME DURAND
Il tombe tout seul ou il décrédibilise une équipe entière ?
MARISOL TOURAINE
Franchement, on peut s'interroger sur la façon dont ça fonctionnait.
GUILLAUME DURAND
Question sur les sages-femmes. Pourquoi le mouvement ne désarme pas ? Vous leur donnez un statut spécial, mais elles veulent plus. C'est-à-dire, pour simplifier, parce qu'il faut simplifier, parce que tout est très compliqué, ce qu'elles veulent c'est quasiment être médecins, en gros, finalement, et être augmentées encore plus. Est-ce que ce matin, puisqu'elles vont avoir une réunion, il est possible pour vous de dire « je vais accéder à ces demandes », ou est-ce que c'est impossible ?
MARISOL TOURAINE
Les sages-femmes demandent de la reconnaissance, et demandent à pouvoir exercer leurs compétences qui sont des compétences médicales, et elles ont, à raison d'ailleurs, considéré que tout cela se faisait dans une grande ambiguïté jusqu'à maintenant, à l'hôpital beaucoup de gens imaginaient qu'elles étaient des professions paramédicales. En créant un statut, un statut médical de sage-femme de l'hôpital, je leur permets d'accéder à des responsabilités nouvelles, et je dis aux sages-femmes, cette responsabilité qui vous est proposée désormais, elle ne l'a jamais été dans le passé, c'est donc une avancée extrêmement spectaculaire
GUILLAUME DURAND
Mais vous savez qu'elles veulent plus, pardonnez-moi, elles veulent plus, en gros elles veulent être médecins.
MARISOL TOURAINE
Elles veulent rentrer dans le statut des praticiens hospitaliers qui, il n'y a pas si longtemps, s'appelait statut des médecins des hôpitaux. Les sages-femmes ne sont pas des médecins, ce n'est pas leur faire injure que de dire qu'elles ne sont pas des médecins, et au fond elles doivent porter leur responsabilité, qui est la leur
GUILLAUME DURAND
Donc on ne va pas plus loin ?
MARISOL TOURAINE
D'être sage-femme. Je crée un statut, le gouvernement crée un statut nouveau, c'est une avancée comme il n'y en a jamais eu, avec une nouvelle rémunération, avec des responsabilités, avec des garanties, par exemple les sages-femmes disent « nous ne voulons pas que nos carrières, que notre travail soit évalué par des médecins ou par des infirmières, ni d'un côté, ni de l'autre, nous voulons avoir la responsabilité de notre exercice », ce sera le cas dans le statut que je propose.
GUILLAUME DURAND
Et donc on ne va pas plus loin ?
MARISOL TOURAINE
Les propositions que j'ai annoncées hier, elles vont faire l'objet, maintenant, de l'écriture d'un décret.
GUILLAUME DURAND
Vous savez que pour les Français la maternité c'est très sensible, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, comme ministre de la Santé, mais si elles continuent à paralyser le fonctionnement justement des maternités ?
MARISOL TOURAINE
Elles n'ont pas paralysé, d'ailleurs, le fonctionnement des maternités, je crois que les Français ne le comprendraient pas, donc moi je ne rentre pas dans ce débat-là ce matin, je veux croire que les sages-femmes vont s'engouffrer dans les perspectives qui leur sont proposées, qui sont extrêmement fortes, encore une fois
GUILLAUME DURAND
Donc vous demandez ce matin l'arrêt du mouvement ?
MARISOL TOURAINE
Derrière le statut, ou avec le statut, plutôt, il y a toute une série de mesures assez concrètes qui, pour elles, représentent de nouvelles avancées, à la fois financières, et puis, encore une fois, en termes d'exercice, de modalités d'exercice.
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi de recommencer, mais vous demandez l'arrêt du mouvement ?
MARISOL TOURAINE
Je souhaite que les sages-femmes nous accompagnent pleinement dans ce qui est proposé, et je souhaite qu'elles arrêtent leur mouvement, bien sûr.
GUILLAUME DURAND
Et si ce n'est pas le cas ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, moi je ne travaille pas avec des si, je suis d'un naturel positif.
GUILLAUME DURAND
Je le disais, aujourd'hui vous avez une journée chargée, puisque vous recevrez des sages-femmes et puis des médecins, donc ce soir. Alors là c'est la question fondamentale, dans le contexte gigantesque du trou de la Sécurité Sociale et du déficit de l'Assurance Maladie, de savoir ce qu'on fait, en gros, pour essayer de remettre ça dans un contexte. Sur les dépassements d'honoraires et l'idée qu'il pourrait y avoir un non-remboursement des dépassements excessifs, c'est un peu la réunion qui va avoir lieu ce soir, vous leur dites quoi à ces médecins qui considèrent que ça ne concerne, en gros, pour plus de 150% des dépassements, que 6000 d'entre eux sur 112 000 ?
MARISOL TOURAINE
Il y a des discussions différentes qui ont lieu. Ce qui va se passer aujourd'hui c'est la mise en place, le début de discussions, pour mettre en place un cadre qui permette aux complémentaires santé, pas à la Sécurité Sociale, aux complémentaires santé, d'encadrer la manière dont eux procèdent, dont elles procèdent, à des remboursements complémentaires. Est-ce que, par exemple, lorsque vous allez voir un médecin, la Sécurité Sociale elle vous rembourse sur une certaine base, et puis il y a un complément qui vient de votre complémentaire.
GUILLAUME DURAND
Absolument.
MARISOL TOURAINE
Et vous avez des complémentaires qui sont plus généreuses, disons, que d'autres, et les complémentaires trop généreuses finissent par entretenir des niveaux d'honoraires, mais éventuellement de prix de lunettes, ou d'autres choses, trop élevés, et donc la question est de savoir comment on peut encadrer
GUILLAUME DURAND
Mais vous arrêtez la barre où vous ?
MARISOL TOURAINE
Il faut justement que ça fasse l'objet de discussions, et je crois que les complémentaires santé doivent s'engager dans une démarche de responsabilité, c'est le sens des dispositions que j'ai fait adopter, et je souhaite donc que nous arrivions à un cadre qui permette, disons d'éviter la course
GUILLAUME DURAND
On plafonne à 50% ?
MARISOL TOURAINE
Moi je ne vais pas vous afficher un chiffre, je sais que vous receviez ce matin Etienne CANIARD qui lui est pour que l'on aille au niveau le plus bas possible, et sur cette logique-là je ne peux qu'être d'accord avec lui, il faudra trouver un point de rencontre disons, qui soit raisonnable, et responsable.
GUILLAUME DURAND
Alors disons 50.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, moi la concertation
GUILLAUME DURAND
Vous savez, je suis un peu
MARISOL TOURAINE
Oui, j'ai remarqué, mais la concertation commence. Je veux vous rappeler que nous avons signé il y a maintenant 1,5 an un accord pour encadrer les dépassements d'honoraires, cet accord il doit quoi parce qu'il n'est pas totalement indifférent et il est respecté. Il dit quoi ? Il dit au-delà de 150%, c'est-à-dire si le tarif qui est pratiqué est supérieur de 150%...
GUILLAUME DURAND
Ils sont 6000 sur 112 000.
MARISOL TOURAINE
On est sur des tarifs qui sont abusifs, et donc nous devons faire en sorte que ces tarifs diminuent à travers des procédures qui sont engagées et qui donnent des résultats. Et puis on considère, au fond, que ce qui est raisonnable c'est de ne pas aller au-delà de 100, et on propose à ce moment-là, aux médecins qui acceptent de limiter leurs tarifs à ce niveau-là, de permettre à leurs patients d'être mieux remboursés. On voit bien que, autour de 100%, si on considère que c'est raisonnable, il y a des discussions à avoir.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous considérez qu'ils risquent ce soir de claquer la porte en disant parce que c'est le point de vue de beaucoup de syndicats de médecins c'est la fin de la médecine libérale. Leurs argumentations de fond, vous les connaissez, parce que vous avez fait de brillantes études, et eux aussi, ils disent « moi, j'ai fait 11 ans d'études », voire plus pour certains médecins, « et vous avez des banquiers d'affaires qui gagnent des dizaines et des dizaines de millions par an, qui ont fait des études qui sont moins importantes que les nôtres, et nous, pour 200, 300 euros, on veut nous faire combler le déficit de la Sécu ou de l'Assurance Maladie. »
MARISOL TOURAINE
J'entends ce discours-là, mais, je veux dire, si certains voulaient être banquiers, il fallait qu'ils fassent d'autres études, mais
GUILLAUME DURAND
Non, mais ce que je veux dire c'est qu'il y en a qui font 15 ans d'études et ils considèrent qu'après 15 ans d'études, qu'on leur enlève la possibilité d'appliquer les tarifs libéraux, ça les exaspère.
MARISOL TOURAINE
Oui, si ce n'est qu'on est dans un pays dans lequel la santé, les frais de santé, sont solvabilisés, pris en charge par la Sécurité Sociale, et donc il y a la mise en commun, une solidarité, qui permet de rémunérer les professionnels de santé, et donc au nom de l'intérêt général, il apparaît normal que des règles soient fixées.
GUILLAUME DURAND
Ça je le comprends
MARISOL TOURAINE
Et d'ailleurs, l'écrasante majorité des médecins, je veux le dire, l'écrasante majorité des médecins acceptent ce principe d'une régulation et ne se retrouvent pas dans les excès de quelques-uns, donc l'idée c'est simplement
GUILLAUME DURAND
Mais ce n'est pas forcément des excès si c'est l'aristocratie de la médecine. Ce n'est pas forcément des excès
MARISOL TOURAINE
Oui, encore, enfin je veux dire
GUILLAUME DURAND
Il y a peut-être des médecins qui pratiquent des tarifs excessifs, on en est d'accord, mais il y a peut-être des gens qui considèrent qu'ils sont les grands professeurs qu'ils ont une sorte de droit moral à demander
MARISOL TOURAINE
Ne rentrons pas dans ces parce que le droit moral on ne sait pas toujours qui est juge, mais
GUILLAUME DURAND
Je ne suis pas leur porte-parole, j'essaie de réfléchir avec vous.
MARISOL TOURAINE
Franchement, il y a d'ailleurs des tarifs différenciés aujourd'hui, il ne faut pas croire que les tarifs sont les mêmes pour l'ensemble des professionnels. Un professeur, comme vous dites, un professeur dans un hôpital, dans un grand hôpital, lorsqu'il fait une consultation, qui est une consultation très spécialisée, pour laquelle sa compétence est reconnue, permet une consultation remboursée à un niveau beaucoup plus élevé que le médecin du quotidien, et donc je suis convaincue
GUILLAUME DURAND
Je suis est-ce que vous n'êtes pas la tueuse de la médecine libérale ? Parce qu'ils vont vous dire ça, pour les plus excessifs d'entre eux évidemment, mais c'est vrai que c'est compliqué parce que vous avez à la fois
MARISOL TOURAINE
Je crois au contraire que la régulation est la meilleure garantie pour le maintien d'une médecine libérale forte, nous avons besoin d'une médecine libérale, notre pays s'est construit, ou la médecine de notre pays s'est construit sur la diversité des secteurs, l'hôpital public, la médecine libérale, un secteur qui est même libéral à but non lucratif, et c'est cela qui fait sa force, toutes les mesures que j'ai prises jusqu'à aujourd'hui visent au contraire à renforcer l'attractivité de la médecine libérale. Vous savez, ce sont les jeunes médecins qui sont souvent les plus critiques à l'égard de la médecine libérale, qui disent « nous voulons travailler autrement, travailler en groupe, travailler de façon diversifiée, avoir du temps pour aller dans des associations par exemple », et c'est à ceux-là qu'il faut répondre. Moi je défends la médecine libérale, faisons en sorte qu'elle continue à avoir de grands et beaux jours devant elle.
GUILLAUME DURAND
Le déficit de la Sécu, il y a la branche maladie, la branche vieillesse et la branche famille, avec des chiffres qui sont différents, je ne vais pas abreuver les auditeurs de RADIO CLASSIQUE et les téléspectateurs de LCI de ces chiffres, mais lors des voeux François HOLLANDE a dit malheureusement il nous reste simplement 1 minute, alors on va rester sur les principes lors des voeux François HOLLANDE dit « ça suffit les abus. » Est-ce qu'il y a quelque chose de précis, de massif, qu'on peut faire, ou que vous pouvez faire ?
MARISOL TOURAINE
Les abus, ou les excès, ce sont par exemple les tentations, en France plus qu'ailleurs, de recourir à de nombreux médicaments. On consomme trop de médicaments dans notre pays, c'est un excès. Mais ce que je veux dire c'est que si nous devons faire des économies, et des économies sont nécessaires, en matière de santé comme dans d'autres secteurs, cela ne se fera pas au détriment de la qualité de notre système d'Assurance Maladie.
GUILLAUME DURAND
Mais on fait quoi ? C'est le président de la République qui parle !
MARISOL TOURAINE
On met en place des réformes de structure, des réformes de structure qui vont monter, progressivement d'ailleurs, en charge, mais des réformes de structure
GUILLAUME DURAND
C'est quoi, la prévention, les génériques ?
MARISOL TOURAINE
Les génériques, la prévention, justement, le fait de privilégier la médecine de proximité plutôt que l'entrée dans les grandes structures tout de suite, mais, je veux le dire, là il n'y aura pas de modèle social au rabais, ce n'est pas l'Assurance Maladie au rabais, on n'a pas à choisir entre des économies et la qualité, nous devons garantir les deux, la maîtrise de nos dépenses est aussi une garantie de qualité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2014