Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, notre invité ce matin, ministre du Travail. Michel SAPIN, bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je vous qualifie de ministre du chômage, vous dites quoi ?
MICHEL SAPIN
Oui, c'est ce qu'on dit habituellement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes le ministre du chômage.
MICHEL SAPIN
Et c'est d'ailleurs ce que l'on dit de tous les ministres du Travail et de l'emploi depuis maintenant la dernière crise, c'est-à-dire depuis 2008. Non pas que je porte en soi la responsabilité comme les autres ministres de l'ensemble du chômage, mais puisque je suis en responsabilité, j'en porte aussi ma part de responsabilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, on parle beaucoup du « ni-ni » en politique, mais là, on a un « ni-ni » dans l'emploi, ni inversion de la courbe, ni stabilisation, quand on regarde les chiffres du chômage du mois de février, Michel SAPIN, non ?
MICHEL SAPIN
Les chiffres du chômage de février ne sont pas bons, je ne vais pas aujourd'hui vous dire le contraire
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont même mauvais, ils sont même mauvais !
MICHEL SAPIN
Parce que si vous souhaitez que je dise qu'ils sont mauvais, je vais vous dire qu'ils sont mauvais, et je ne vais pas rentrer dans un certain nombre de comparaisons
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne va pas débattre sur les chiffres qui sont, mauvais
MICHEL SAPIN
De débattre sur ces chiffres-là qui sont les chiffres des demandeurs d'emploi, inscrits à Pôle emploi, il y a ceux qui sont inscrits parce que c'est nécessaire, par exemple pour aller jusqu'à leur retraite, ceux-là, il y en a un nombre considérable qui a augmenté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y a aussi beaucoup de radiations, forte hausse du nombre de radiations et des cessations d'inscriptions
MICHEL SAPIN
Il y a aussi des radiations
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que les chiffres auraient pu être encore plus mauvais, Michel SAPIN, vous le savez ?
MICHEL SAPIN
Ils auraient pu être meilleurs, tout ça, je ne veux pas débattre de cela, parce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord, d'accord, bon, d'accord
MICHEL SAPIN
D'un mois sur l'autre ce n'est pas la question
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, d'accord.
MICHEL SAPIN
Ils vont dans la mauvaise direction, les choses sont claires, ils vont dans la mauvaise direction. Donc la question est de savoir quels sont les éléments de cette mauvaise direction sur lesquels nous pouvons agir, quels sont ceux sur lesquels il faut agir avec des politiques de l'emploi, les politiques de l'emploi, c'est qu'est-ce qu'on fait pour les jeunes, qu'est-ce qu'on fait pour ceux qui sont au chômage depuis très longtemps
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les plus de 50 ans
MICHEL SAPIN
Qu'est-ce qu'on fait pour les plus de 50 ans ? Et puis, bien entendu, qu'est-ce que l'on fait pour que l'économie en profondeur, dans ses profondeurs, dans ses détails, chez chaque artisan, chez chaque commerçant, dans chaque entreprise, puisse faire en sorte qu'il y ait des emplois supplémentaires pour ceux qui aujourd'hui sont au chômage ou pour les jeunes qui arrivent aussi sur le marché du travail, parce que, une des raisons pour lesquelles le chômage augmente en France, à l'inverse de ce qui se passe en Allemagne, c'est que nous avons des jeunes, 120.000 à 150.000 jeunes qui arrivent tous les ans sur le marché du travail, là où l'Allemagne a 120.000 personnes en moins qui arrivent sur le marché du travail. Mais c'est une chance pour l'avenir, aujourd'hui, c'est un défi, et donc il faut évidemment continuer à agir, de la manière la plus pertinente pour faire reculer le chômage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais ça, heureusement
MICHEL SAPIN
Mais oui, heureusement, d'ailleurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais attendez, Michel SAPIN, vous êtes extraordinaire, il faut qu'on continue à agir pour lutter contre la hausse du chômage, mais heureusement !
MICHEL SAPIN
J'aime votre « heureusement », parce que parfois
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, mais
MICHEL SAPIN
Parfois, peut-être, pas vous d'ailleurs, certains me disent : mais c'était quand même inconcevable que le président de la République prenne l'engagement de l'inversion de la courbe du chômage, mais heureusement qu'il a pris cet engagement, pour reprendre vos termes, parce que l'objectif de tout gouvernement, de droite ou de gauche, chacun avec ses outils
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, on est bien d'accord
MICHEL SAPIN
C'est d'endiguer la hausse du chômage qui a explosé à partir de 2008, et de faire en sorte que, ensuite, cela recule, c'est ça la mobilisation générale, mais la mobilisation générale, c'est celle du gouvernement, mais c'est aussi et Laurent BERGER le disait très bien ce matin, Laurent BERGER, responsable de la CFDT c'est aussi la responsabilité de tous, et en particulier des acteurs économiques. Et en particulier des entreprises, et en particulier aussi des chefs d'entreprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, leur responsabilité ? Qu'est-ce que vous leur demandez aujourd'hui aux chefs d'entreprise ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas le gouvernement qui va décider de l'embauche de quelqu'un dans une entreprise
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on est d'accord.
MICHEL SAPIN
Ou alors on n'est plus dans notre société
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous croyez qu'aujourd'hui, les chefs d'entreprise ont les moyens d'embaucher ?
MICHEL SAPIN
Il faut qu'ils en retrouvent parce qu'il y a, c'est d'ailleurs tout l'enjeu du pacte de responsabilité
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler du pacte de responsabilité
MICHEL SAPIN
On va en parler, mais c'est un certain nombre de cotisations pour retrouver des marges, et à partir de là, pouvoir embaucher, mais il n'y a pas que cela, il y a aussi cet état d'esprit, un état d'esprit aujourd'hui pessimiste sur la France, un état d'esprit, non pas seulement des Français
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment être optimiste ?
MICHEL SAPIN
Mais parce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment être optimiste ?
MICHEL SAPIN
Parce que le pessimisme n'est pas la bonne manière de faire en sorte que les choses bougent, quand vous couriez
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous croyez qu'avec une baguette magique, on doit dire : tu dois être optimiste, tu dois être optimiste
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas avec une baguette magique
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est formidable, tout va bien !
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas avec une baguette magique, mais je connais tel ou tel chef d'entreprise, tel ou tel artisan qui me dit : je pourrais embaucher un de plus aujourd'hui, mais je ne suis pas sûr de l'avenir, je ne sais pas ce qui se passera dans six mois, donc je préfère faire attendre mes clients trois mois ou six mois de plus plutôt que d'embaucher quelqu'un. Je prends juste cet exemple-là, vous le rencontrez autour de vous, je suis persuadé que nos auditeurs ou téléspectateurs le savent autour d'eux, eh bien, ceux-là, il faut qu'ils prennent le
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, on est d'accord, mais alors baissez les charges, baissez la fiscalité, notamment la fiscalité des PME !
MICHEL SAPIN
C'est très exactement l'enjeu du pacte de responsabilité
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement
MICHEL SAPIN
Puisque vous parliez aussi bien de cotisations, on appelle ça couramment des charges, que de fiscalité, c'est l'enjeu du pacte de responsabilité
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez baisser la fiscalité notamment pour les PME ?
MICHEL SAPIN
C'est un des enjeux, c'est une des questions
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, c'est une question, mais
MICHEL SAPIN
Je ne suis pas là
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous dire pourquoi
MICHEL SAPIN
Vous le savez très bien, je ne suis pas là pour répondre précisément à chacune des questions sur ce point
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais je vais m'arrêter
MICHEL SAPIN
Alors que nous sommes en train de
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui est dommage
MICHEL SAPIN
Mais bien sûr, mais ça n'est pas mon rôle en l'occurrence
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, vous êtes ministre important d'un gouvernement aux abois
MICHEL SAPIN
Bien sûr, nous avons un travail
JEAN-JACQUES BOURDIN
En difficulté, vous le savez bien
MICHEL SAPIN
Aux abois, on laissera les abois
JEAN-JACQUES BOURDIN
En difficulté, en difficulté
MICHEL SAPIN
Pour ceux qui aiment la chasse à courre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, en difficulté.
MICHEL SAPIN
Nous ne sommes pas dans une chasse à courre. Et les électeurs n'ont pas souhaité, en l'occurrence, lancer une chasse à courre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, les électeurs ont sanctionné dimanche
MICHEL SAPIN
Ils ont souhaité passer un message. C'est à ce message qu'il faut répondre. Et c'est à ce message relativement précis d'ailleurs qu'il faut répondre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors, on va être précis.
MICHEL SAPIN
Bien, donc, mais nous ne sommes pas aux abois, mais nous travaillons, et nous travaillons à un pacte de responsabilité qui doit être millimétré, moi, je ne veux pas des grands mots, je ne veux pas comme ça dire : on va baisser, on va baisser
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Michel SAPIN, alors je vous rejoins totalement
MICHEL SAPIN
Je veux qu'on dise précisément : on va baisser de tant pour telle catégorie d'entreprises ou telle autre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez baisser, alors je ne vais pas vous demander de combien, parce que vous allez me dire : je ne peux pas, mais est-ce que vous allez baisser la fiscalité payée par les PME, des PME ?
MICHEL SAPIN
La réponse est oui, cette fiscalité baissera
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez baisser la fiscalité, elle va baisser ?
MICHEL SAPIN
Cette fiscalité baissera
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça, c'est très important !
MICHEL SAPIN
La réponse ne peut pas aller plus loin, parce que si vous me demandez de quelle manière nous allons la baisser
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je ne vais pas vous demander plus !
MICHEL SAPIN
C'est l'enjeu du débat d'aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle baissera, d'accord, bon, alors
MICHEL SAPIN
Et j'ajouterai que toutes les organisations patronales ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde s'agissant de disposition de cette nature, il y a ceux qui voudraient
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais que le MEDEF n'est pas tout à fait d'accord
MICHEL SAPIN
Oui, voilà, et au sein du MEDEF, il peut y avoir aussi des contradictions
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je le sais
MICHEL SAPIN
Eh oui, les contradictions existent partout ! Pas seulement dans la sphère politique
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Michel SAPIN, Michel SAPIN, le pacte de responsabilité a été annoncé le 15 janvier, le 24 janvier par le président de la République
MICHEL SAPIN
Et vous trouvez qu'on a mis du temps, c'est ça ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui ! Mais oui ! Non, mais attendez, attendez, attendez, alors, il sera présenté quand ce pacte de responsabilité ?
MICHEL SAPIN
Jean-Claude (sic) BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Jacques BOURDIN.
MICHEL SAPIN
Pardon, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais ce n'est pas grave, Michel SAPIN, ce n'est pas grave
MICHEL SAPIN
C'est le trouble du moment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y
MICHEL SAPIN
Nous sommes en train de parler de trente milliards de baisse de cotisations, y a-t-il un gouvernement au cours de ces vingt dernières années qui a parlé de trente milliards de baisse de cotisations ? Ça ne se fait pas, pour reprendre votre expression, d'un coup de baguette magique, nous sommes en train de parler, parce qu'on ne veut pas financer tout cela par des hausses d'impôts, il y en a eu assez des hausses d'impôts de droite comme de gauche
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous croyez ! Vous croyez ?
MICHEL SAPIN
Il y en a eu assez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon.
MICHEL SAPIN
Si je dis aux Français : on va financer tout ça par des hausses d'impôts, ils vont nous donner le même message qui est celui qu'ils nous ont donné dimanche dernier
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'y aura aucune hausse d'impôts ?
MICHEL SAPIN
Donc il n'y aura pas de hausse d'impôts, donc on va faire comment ? Par des économies. Et vous pensez que les économies, elles se trouvent sous le sabot du cheval ? Il faut les chercher précisément
JEAN-JACQUES BOURDIN
50 milliards d'euros jusqu'à la fin du quinquennat
MICHEL SAPIN
Il faut les chercher précisément, dans des conditions qui ne soient pas défavorables à l'économie et dans des conditions qui ne soient pas défavorables aux plus misérables, aux plus en difficulté en France. Donc ce n'est pas quelque chose de si simple, et qu'on mette trois mois pour mettre au point un plan de baisse de cotisations de trente milliards et un plan d'économie de cinquante milliards, vous trouvez que c'est beaucoup !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quand ?
MICHEL SAPIN
Personne ne l'a fait jusqu'à présent
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
MICHEL SAPIN
C'est normal qu'on travaille un petit peu sur ce sujet-là
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand sera-t-il présenté ?
MICHEL SAPIN
Eh bien, je pense, enfin, je suis sûr même, puisque le président de la République l'a lui-même annoncé, que ça fait partie de ce qui sera dit au cours du mois d'avril, non pas parce que nous serons après un deuxième tour
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais cours du mois d'avril, c'est-à-dire, après le second tour, dans la première quinzaine d'avril ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas parce que nous sommes après le second tour, mais c'est parce que c'est le calendrier qui avait été annoncé par le président de la République
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais après le second tour, dans la première quinzaine d'avril.
MICHEL SAPIN
Après le second tour à la date qu'il choisira, le président de la République, et à partir du moment où l'ensemble du dispositif sera précisé. Il n'est pas loin d'être abouti ce dispositif-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je vous écoute bien, si je vous écoute bien, Michel SAPIN, vous ne changerez pas de politique ?
MICHEL SAPIN
Qu'est-ce qu'on met dans le terme « changer de politique » ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, votre politique, c'est quoi ?
MICHEL SAPIN
Qu'est-ce qu'on met dans le terme « changer de politique »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République l'a dit lui-même : le coeur de notre politique, c'est le pacte de responsabilité. Vous êtes d'accord ?
MICHEL SAPIN
Jean-Jacques BOURDIN
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, est-ce que vous êtes d'accord ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas le pacte de responsabilité contre lequel les Français, hier, se sont exprimés, hier ou dimanche, se sont exprimés, ils se sont exprimés contre la situation qu'ils avaient
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez contre quoi je vais résumer ils se sont exprimés. Attendez, Michel SAPIN, depuis deux ans, votre politique est illisible, vous ne faites pas reculer le chômage, vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, vous avez repoussé de six mois la revalorisation des petites retraites, depuis le 15 janvier, vous nous parlez de ce pacte de responsabilité, le coeur de votre politique
MICHEL SAPIN
Voilà, donc c'est bien ce que je vous dis
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le coeur de votre politique
MICHEL SAPIN
C'est bien ce que je vous dis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ?
MICHEL SAPIN
Ils ne se sont pas exprimés, l'analyse que vous venez de décrire, qui peut être d'ailleurs juste pour certaines de ces dispositions
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qui est juste
MICHEL SAPIN
Oui, oui, je ne la conteste pas, je peux la contester sur tel ou tel point, mais pas sur tous, ça, c'est ce qui s'est passé. Ce dont nous parlons aujourd'hui, de ce pacte de responsabilité, c'est ce que nous voulons construire maintenant, qui est dans la poursuite de la politique de compétitivité, etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d'accord
MICHEL SAPIN
Donc ils ne se sont pas exprimés contre ça, nous n'allons pas changer cette direction-là, quand vous disiez : est-ce que vous allez changer de politique
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous gardez le cap ? Vous gardez le cap !
MICHEL SAPIN
Ça, c'est le cap, ça, c'est le cap.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous gardez le cap.
MICHEL SAPIN
Est-ce qu'il y a des éléments qui doivent changer par ailleurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous nous dites ce matin, nous gardons le cap ?
MICHEL SAPIN
Mais oui, la question du cap ne pose aucun problème. Le cap c'est quoi ? C'est redonner de la compétitivité aux entreprises pour leur permettre de créer des emplois et lutter contre le chômage. On va abandonner ce cap là ? On ne va pas abandonner ce cap-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais parce que je vois Cécile DUFLOT qui dit « il faut infléchir », parce que je vois Cécile DUFLOT
MICHEL SAPIN
Infléchir !
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Infléchir la ligne gouvernementale. »
MICHEL SAPIN
Mais, infléchir, est-ce changer de cap ? Infléchir c'est changer de cap ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous allez infléchir
MICHEL SAPIN
Est-ce que quand on veut aller à tel endroit et qu'on prend légèrement sur le côté, infléchir, on change de cap ? Non
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez infléchir un peu la politique ?
MICHEL SAPIN
C'est pour aller mieux encore à l'endroit où nous voulons aller. Quand on parle d'infléchissement, parce que je sais, et je vous ai vu d'ailleurs avec le ministre de l'Agriculture mardi matin
JEAN-JACQUES BOURDIN
Monsieur LE FOLL.
MICHEL SAPIN
Il a raison totalement de dire, ce n'est pas les zigzags qui permettent d'avancer, sinon les Français n'y comprendraient rien
JEAN-JACQUES BOURDIN
Déjà qu'ils n'y comprennent pas grand chose !
MICHEL SAPIN
Ils nous sanctionneraient une deuxième, une troisième, une quatrième fois, et jusqu'au bout, s'ils nous voient tout le temps zigzaguer, donc le cap il faut le maintenir. Mais est-ce qu'on ne doit pas entendre le message ? Il faut entendre le message et ce message
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est ce qu'a dit le président de la République, il a dit « le gouvernement doit entendre les Français quand ils s'expriment et même, d'ailleurs, quand ils s'abstiennent de le faire. »
MICHEL SAPIN
Mais bien sûr, le silence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est exactement ce qu'il a dit. Alors, vous ne les entendez pas les Français ?
MICHEL SAPIN
Si, au contraire, on en train justement de les écouter, la question qui est posée
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais doit entendre, le gouvernement doit entendre
MICHEL SAPIN
La question c'est entendre quoi et pour faire quoi ? Et donc j'essaye de vous dire, non pas, ce que nous entendons, on nous ne demande pas changez de cap, au sens, c'est de faire en sorte que l'économie aille mieux, on essaye de faire en sorte que l'économie aille mieux, c'est de lutter contre le chômage, on lutte contre le chômage. Ce que les gens veulent, c'est de l'efficacité, du résultat, et ils veulent, peut-être aussi, une manière. Le président de la République hier parlait de plus de force, plus de cohérence, il employait d'ailleurs un terme
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous manquez de force et de cohérence dans ce gouvernement ?
MICHEL SAPIN
Non, en demander plus ce n'est pas forcément en manquer aujourd'hui, mais nous n'en n'avons pas suffisamment pour aller au bout
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ! Donc vous en manquez, si vous n'en n'avez pas suffisamment.
MICHEL SAPIN
Pour aller au bout du dispositif, pour aller au bout des résultats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon Michel SAPIN, mais
MICHEL SAPIN
Et il a reprit aussi un terme que vous-même utilisez, en disant il faut aller plus rapidement, plus rapidement. Ce n'est pas simple, il y a un Parlement
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus efficacement.
MICHEL SAPIN
Qui délibère, il faut bien qu'il délibère le Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on gouverne par ordonnances ?
MICHEL SAPIN
Mais même par ordonnances, il faut faire voter une loi d'habilitation, c'est des techniques que les uns et les autres ne connaissent pas, mais il faut 3 mois pour faire voter une loi d'habilitation, il faut la rédiger
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il faut du temps quoi !
MICHEL SAPIN
Il faut aller plus rapidement
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites ce matin, donnez-nous du temps ?
MICHEL SAPIN
De manière plus cohérente, plus rapide, plus forte, voilà ce que nous devons faire dans les semaines qui viennent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Le président de la République était en 2008 dans l'opposition, François HOLLANDE, et dans l'opposition, en 2008 vous étiez très heureux parce que vous aviez gagné les municipales. Vous vous souvenez de cette époque
MICHEL SAPIN
C'est très bien de faire cette comparaison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où vous gagniez les municipales
MICHEL SAPIN
Je vois d'ailleurs où vous allez en venir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que le président de la République d'aujourd'hui disait alors « le premier remaniement que Nicolas SARKOZY devrait faire c'est le remaniement de lui-même. »
MICHEL SAPIN
Ce qui m'amuse, c'est pour ça que j'ai le sourire, dans une période qui est difficile
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
MICHEL SAPIN
C'est que je lisais monsieur FILLON ce matin, qui était le Premier ministre de l'époque
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact.
MICHEL SAPIN
Peut-être sans s'en rendre compte, reprendre exactement la même expression.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il ne s'en rendait pas compte peut-être.
MICHEL SAPIN
Comme quoi, vous voyez, quand on est dans l'opposition, parfois on a un peu les mêmes tics de langage, qui pour autant n'apportent pas une solution. Nous, nous sommes au pouvoir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le remaniement ce n'est pas une solution.
MICHEL SAPIN
Et le jeu de mots sur ce n'est pas le remaniement, mais le remaniement en soi-même, n'est pas une solution.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais le remaniement ce n'est pas une solution Michel SAPIN !
MICHEL SAPIN
Le remaniement ça peut être un outil, ce n'est pas en soi un objectif, ce n'est pas une politique, et ça ne suffit jamais, et c'est un outil au service
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait partie de la boîte à outils de François HOLLANDE
MICHEL SAPIN
Oui, c'est des outils institutionnels importants, qu'ils vous arrivent parfois, les uns et les autres, de rétamer, sur lesquels ils vous arrivent aussi de gloser, les uns ou les autres, pour savoir si ce sera machin, machine, un autre ou une autre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ça ne m'intéresse pas.
MICHEL SAPIN
Non, ce qui compte c'est le cap, c'est qu'il y ait un navire, qui tangue, un navire en difficulté, mais avec un équipage soudé, et je reprends ce terme, de la cohérence et de la force.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que François HOLLANDE va prendre la parole ?
MICHEL SAPIN
Quand ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas quand, je pose la question.
MICHEL SAPIN
Non, mais quand on pose cette question
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'allais vous dire, vous demander quand et pour dire quoi ?
MICHEL SAPIN
On pose la question, est-ce que c'est avant le deuxième tour ? La réponse est non. Il n'appartient pas à un président de la République de prendre position entre deux tours, il appartient aux électeurs de prendre position entre ces deux tours, et de faire en sorte que le deuxième tour, de mon point de vue, permette d'éviter qu'il y ait des retours de maires de droite qui n'avaient pourtant pas menés des politiques satisfaisantes par le passé, permette évidemment d'éviter qu'il y ait des maires Front national à la tête d'un certain nombre de villes qui par ailleurs sont en très grande difficulté pour beaucoup d'entre elles, d'ailleurs elles ne seraient pas en très grande difficulté, elles n'auraient pas porté ainsi ce cri de colère avec un vote souvent important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, des villes conduites parfois par le PS !
MICHEL SAPIN
Et quand on se souvient de ce qu'a été le bilan des maires Front national dans un certain nombre de villes françaises, je pense qu'on pourrait en avoir peur, et qui permettraient un rassemblement. Donc, dimanche prochain il faut qu'il y ait une correction, au bon sens du terme, qu'il y ait une correction qui rééquilibre les choses. C'est mon sentiment. Ce n'est pas aujourd'hui, donc, le temps pour la prise de parole du président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Après ?
MICHEL SAPIN
Après, évidemment ce sera le temps de la prise de parole du président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il prendra la parole.
MICHEL SAPIN
Vous m'interrogez sur le cap, je vous décris le cap, mais ce n'est pas moi qui fixe le cap.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il prendra la parole pour rappeler le cap.
MICHEL SAPIN
C'est à lui de fixer le cap, et c'est à lui de fixer les conditions dans lesquelles l'équipage sera dans le bateau.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il le fera, vous confirmez ce matin, il le fera ?
MICHEL SAPIN
Il le fera, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, il va prendre la parole, pour confirmer le cap, avec la même équipe ?
MICHEL SAPIN
Pas forcément, mais pas forcément non plus en sens inverse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec le même Premier ministre ?
MICHEL SAPIN
Même question, c'est lui décidera.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'est-ce que vous en pensez, vous ? Est-ce qu'il faut garder Jean-Marc AYRAULT ?
MICHEL SAPIN
Je reprends les termes que vous avez vous-même utilisés. Ce n'est pas la question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas la question, mais pourtant c'est une question.
MICHEL SAPIN
C'est une question, mais je reprends les termes, vos termes, vous m'avez vous-même dit ce n'est pas la question le remaniement, ce n'est pas la question du Premier ministre, parce que le Premier ministre c'est quel Premier ministre adapté à quel type de politique et dans quelles conditions ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc commencer la politique que vous allez conduire, le même cap, avec quelques inflexions, vous êtes d'accord avec moi ?
MICHEL SAPIN
Oui, et en écoutant un certain nombre de choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il faut un Premier ministre qui applique cette politique, on est bien d'accord ?
MICHEL SAPIN
Non seulement l'applique, mais la mette en oeuvre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La mette en oeuvre, on est bien d'accord.
MICHEL SAPIN
On n'est pas là simplement aux ordres, on est des acteurs, il faut ramer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'instant on a un Premier ministre qui la met en oeuvre cette politique.
MICHEL SAPIN
Absolument, pour l'instant on a un Premier ministre qui met en oeuvre cette politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi en changer ?
MICHEL SAPIN
C'est une des bonnes questions qui peut se poser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi en changer ?
MICHEL SAPIN
Mais elle se pose au président de la République et pas à un petit ministre de ce gouvernement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça j'imagine, non mais attendez ! Un petit ministre qui pourrait être Premier ministre, c'est ce qu'on dit.
MICHEL SAPIN
Non non, ça c'est ce que vous dites, mais non, ne compliquez pas encore un peu plus les choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi ce que je dis, je ne fréquente jamais la classe politique, je vais vous dire tout de suite. De toute façon, j'ai entendu déjà Cécile DUFLOT qui a fait son choix, puisqu'elle dit « moi, si Manuel VALLS est nommé Premier ministre, hop ! Je garde le gouvernement.
MICHEL SAPIN
Non, elle ne l'a pas dit comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? « Je ne resterai pas au gouvernement avec VALLS à Matignon. »
MICHEL SAPIN
Elle ne l'a pas dit comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle l'a pensé comme ça.
MICHEL SAPIN
Ah voilà, maintenant il faut aller chercher la pensée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle ne l'a pas dit comme ça, pardon, elle a fait passer le message non, Michel SAPIN, soyons francs, attendez !
MICHEL SAPIN
Je suis évidemment persuadé que pour chacun des ministres, et chacune des composantes politiques de cette majorité, pour ma part je souhaite que la majorité de demain, quels que soient les ministres et le Premier ministre, se compose de la même manière qu'aujourd'hui. Je souhaite que les ministres écolos restent au gouvernement, je pense que c'est la bonne majorité pour mener à bien, y compris
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les écologistes qui ont réussi de bons scores d'ailleurs.
MICHEL SAPIN
Absolument ; y compris le Pacte de responsabilité, y compris dans sa composante justice sociale, y compris dans sa composante transition écologique, transition énergétique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir le verdir votre Pacte, parce que pour l'instant, Noël MAMERE était avec moi ce matin, franchement il n'est pas satisfait !
MICHEL SAPIN
La transition écologique ou énergétique qui paraît un mot comme ça, qu'est-ce qu'il y a de concrètement derrière ? Il y a des filières industrielles nouvelles
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des emplois.
MICHEL SAPIN
Il y a des emplois nouveaux
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors, qu'est-ce que vous attendez ?
MICHEL SAPIN
Est-ce que c'est contradictoire avec le Pacte de responsabilité, qui veut justement qu'il y ait plus d'emplois ? Non, c'est un des aspects du Pacte de responsabilité, il devra être mis en oeuvre. Comment pourrait-il être mis en oeuvre, cet aspect-là, sans qu'il y ait, par ailleurs, des ministres verts, écolos, au sein du gouvernement ? Donc je souhaite que cette composition-là, de la majorité, celle qui est la majorité au Parlement, continue à être un reflet, continue à être la caractéristique de la composition de ce gouvernement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, parce que les Français sont très impatients, ils l'ont dit dimanche
MICHEL SAPIN
Oui, très impatients.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Après 2 ans
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas d'aujourd'hui d'ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non, mais d'accord, mais enfin là, aujourd'hui on est aujourd'hui, Michel SAPIN...
MICHEL SAPIN
Quand ça fait 6 ans que vous prenez du chômage supplémentaire dans la figure tous les mois, il y a de quoi être impatient.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait 2 ans, après le changement, on nous a promis le changement, mettez-vous à la place, vous le savez
MICHEL SAPIN
Mais qui avait promis la rupture, qui avait promis 5% de chômage ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous avez promis le changement
MICHEL SAPIN
Je ne cherche pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez promis le changement, ça fait près de deux ans que vous êtes au pouvoir, Michel SAPIN
MICHEL SAPIN
Je ne cherche pas à déporter les responsabilités, nous sommes en responsabilité
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que ça ne va plus marcher à force, et je vous le dis tout de suite
MICHEL SAPIN
Mais ce n'est pas que ça ne marche pas, mais si on veut comprendre la colère des Français
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, eh bien oui
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas une colère contre tel gouvernement ou tel autre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon, il n'y a pas de colère contre vous, là ?
MICHEL SAPIN
Mais ça s'exprime évidemment contre ceux qui sont au pouvoir à ce moment-là, elle s'est exprimée lorsque c'était la droite qui était au pouvoir, elle s'exprime aujourd'hui avec notre gouvernement, mais c'est une colère par rapport à la situation, c'est par rapport à leur situation, c'est une colère par rapport à une désespérance sociale, quand vous êtes à Forbach et que vous votez comme ça Front national, ce n'est pas parce que vous êtes facho, c'est parce que vous êtes dans le malheur, et vous pensez que la seule manière d'exprimer votre malheur, ça consiste à voter Front national, c'est une erreur, à nous de le faire comprendre ça profondément. Donc c'est ça leur colère, et c'est à cette colère-là qu'il faut savoir répondre. Non pas par les zigzags, non pas par des grands mots, mais par de l'action, de la cohérence, de la rapidité, de l'efficacité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, notre invité ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 mars 2014