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Mon agenda ne me permet malheureusement pas dêtre avec vous, à Sciences Po, aujourdhui. Je regrette sincèrement de ne pouvoir lancer avec vous la conférence inaugurale du programme EGERA.
Ce programme "Effective Gender Equality in Research and the Academia" est une excellente initiative, soutenue par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et financée en partie par la Commission européenne au titre du 7ème P.C.R.D., à hauteur de 2,2 millions deuros pour un budget total de 3,3 millions deuros.
Ce projet est aussi le fruit dun partenariat réussi de Sciences Po Paris avec 8 universités et organismes de recherche de 7 pays de l'Union européenne et de la Turquie.
Je soutiens avec force cette initiative. Dans la nouvelle nomenclature des masters, simplifiée, jai dailleurs tenu à confirmer un master sur létude des genres.
Car les chiffres en matière dorientation et de parcours professionnels sont accablants et ils ne progressent pas : 28% des titulaires dun diplôme dingénieur sont des femmes, 30% de filles sont inscrites en classes préparatoires scientifiques contre 74% en prépas littéraires et 54% en économie et commerce, 1 fille sur 21 étudiants est reçue à lEcole Normale Supérieure en physique chimie et 1 sur 28 en maths-physique-informatique.
A ce rythme, il faudrait attendre 2080 pour atteindre la parité entre chercheurs et chercheuses au C.N.R.S. en sciences dures et 2075 pour les écoles dingénieur.
A cette discrimination dans lorientation initiale sajoute celle du plafond de verre dans la vie professionnelle. Et lenseignement supérieur et la recherche néchappent pas à ce phénomène. Plus on monte dans la hiérarchie académique, plus la parité souffre : à peine plus de 15% de femmes professeurs duniversités, seulement 13% de femmes à la présidence des universités. En 111 ans, le Prix Nobel na été attribué quà trois scientifiques françaises : Marie Curie, Irène Joliot-Curie et Françoise Barré-Sinoussi. Aucune jeune mathématicienne na bénéficié à ce jour dune des 11 médailles Fields françaises.
Et il ny a eu que trois femmes médailles dor du CNRS sur les 59 attribuées !
Quels sont donc ces verrous si puissants que notre politique publique, de qualité, pour la petite enfance et léducation, nos valeurs républicaines dégalité narrivent pas à les lever ? Cest que le phénomène a des racines profondes, qui se construisent dès lenfance, à lécole, dans le cercle familial et, plus largement, dans lenvironnement social et culturel. Le plafond de verre dans le déroulement des carrières féminines, parfois amplifié par lauto-censure des femmes elles-mêmes, trouve aussi son origine dans des préjugés tenaces et anciens.
Einstein affirmait qu"il est plus facile de désintégrer un atome quun préjugé !". Cest pourtant le pari engagé par le gouvernement, dans chacune de ses décisions. Dans la loi sur lenseignement supérieur et la recherche, jai pris treize mesures pour stimuler et rétablir la parité : dans les jurys, dans les conseils dadministration des universités et établissements, dans les conseils stratégiques nationaux... le vivier existe bel et bien, il suffit de le solliciter !
Jai également co-signé, avec Najat Vallaud-Belkacem, les 3 conférences des universités, des écoles dingénieurs et des grandes écoles, une charte pour légalité homme-femme.
La parité est aussi un enjeu économique.
En période de forte mutation il faut, plus que jamais, stimuler la créativité, lagilité, linnovation qui naît de la rencontre des cultures, à commencer par la mixité. Toutes les études démontrent dailleurs que la parité est un facteur positif pour la productivité.
Alors que le numérique, par exemple, sappuie sur de nouveaux usages, comment imaginer que les solutions et services proposés ne soient conçus, imaginés, mis en place que par la moitié masculine de l'humanité ?
Convaincre les filles quelles sont à la hauteur pour sengager dans des carrières encore majoritairement occupées par des hommes, susciter des vocations par lexemplarité, intégrer dans toutes nos décisions la légitimité et lexigence de la parité : ce sont les conditions pour ne pas priver notre pays de la moitié de ses talents !
Merci à Sciences Po de contribuer à cette mobilisation générale en faveur de la parité dans tous les champs disciplinaires et les métiers correspondants. Cest un enjeu à la fois républicain et de compétitivité pour notre pays.
Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 24 mars 2014