Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à RTL le 17 mars 2014, sur la pollution atmosphérique à Paris et la mise en place de la circulation alternée.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE, vous recevez ce matin la ministre des Affaires sociales et de la santé Marisol TOURAINE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Marisol TOURAINE.
MADAME LA MINISTRE MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi avoir décidé de mettre en oeuvre aujourd'hui une circulation alternée dans la région parisienne, alors que les pics de pollution ont été constatés la semaine dernière ?
MARISOL TOURAINE
Parce que nous nous sommes inscrits dans une démarche progressive et graduée. Dès la semaine dernière, des mesures ont été prises. Elles ont été prises avec la mise à disposition gratuite des transports en commun par exemple ou, en ce qui me concerne, la diffusion de messages de prévention qui ont été d'ailleurs, et je m'en réjouis, très largement suivis, par exemple dans les écoles ou ailleurs. Je rappelle que ça n'est pas le moment de se livrer à des exercices physiques intenses à l'extérieur, notamment si on est un peu fragile. Simplement ce que nous savons, c'est que chaque jour qui passe de pollution fait grandir les risques. Un jour, deux jours, ce peut être désagréable puis vient un moment où le risque pour la santé devient plus fort et c'est ainsi que, depuis vendredi, de manière mesurée mais significative, nous avons constaté qu'il y avait davantage de consultations, en particulier de jeunes enfants, dans les hôpitaux parisiens, uniquement de la région parisienne, et cela a pesé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais AIRPARIF qui mesure la qualité de l'air dit qu'aujourd'hui la concentration de particules fines dans l'air sera relativement faible : cinquante microgrammes de particules par mètre cube alors que la semaine dernière, certaines journées il y en avait plus du double. On a l'impression que la mesure vient à contretemps.
MARISOL TOURAINE
Oui. Nous sommes arrivés aujourd'hui, d'après les données que vous rappelez, à un seuil qu'on appelle d'information et pas d'alerte qui justifie néanmoins une mobilisation. Nous ne pouvons pas savoir exactement quel sera le risque de pollution aujourd'hui et dans les heures et les jours à venir. C'est donc la raison pour laquelle nous prenons des décisions jour après jour, en fonction des données dont nous disposons.
JEAN-MICHEL APHATIE
La pollution n'est pas en train de régresser dans la région parisienne. On a un peu ce sentiment. La semaine dernière un grand pic, et puis peut-être une régression.
MARISOL TOURAINE
Nous espérons que la pollution va régresser mais vous savez, les Parisiens l'ont vue. Ils l'ont vue, et dans d'autres villes ça s'est également senti. Mais les images de la Tour Eiffel engloutie dans un nuage de pollution, c'est évidemment quelque chose qui est extrêmement choquant mais qui a concrètement des répercussions pour notre santé. C'est la raison pour laquelle il nous faut évidemment agir, et agir de façon déterminée. Vous savez, il y aura toujours des grincheux, certains pour dire que ça vient trop tard.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce sont des grincheux ? Ils n'ont peut-être pas tort.
MARISOL TOURAINE
Non. Certains pour dire que ça vient trop tard, d'autres pour dire que ça n'aurait pas dû venir. Je crois qu'il faut savoir assumer ses responsabilités et constater que, face à un risque avéré, il est nécessaire de prendre des décisions importantes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une autre critique est faite à la circulation alternée, c'est son côté un peu brutal. Aujourd'hui des voitures immatriculées impair peuvent être très polluantes et des voitures immatriculées pair peuvent ne pas l'être ; les véhicules à essence par exemple. Beaucoup disent que le résultat risque d'être très faible sur la pollution.
MARISOL TOURAINE
Il n'y a pas de décision ou de mesure parfaite aujourd'hui. Lorsque la mesure a été appliquée en 1997, on a constaté une diminution assez forte de la pollution.
JEAN-MICHEL APHATIE
15 % au moins.
MARISOL TOURAINE
Oui, ce qui est quand même important.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est le résultat que vous en attendez aujourd'hui ?
MARISOL TOURAINE
Nous allons voir comment les choses se déroulent. Évidemment, il y a toujours des voitures qui peuvent circuler et qui ne sont pas aux normes, et vice versa. Mais dans une situation d'urgence, une situation qui est par principe exceptionnelle, des mesures d'urgence et exceptionnelles doivent être mises en place, ce qui ne signifie pas que des réflexions et des actions de plus long terme ne sont pas nécessaires. Mais je crois qu'il est important de bien distinguer qu'il y a la situation d'urgence – et là, il faut réagir rapidement et avec esprit de responsabilité – et puis il nous faut travailler à ce qui concerne le plus long terme.
JEAN-MICHEL APHATIE
On est parti pour plusieurs jours de circulation alternée dans la région parisienne, Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
Je ne suis pas en mesure de vous répondre. La décision sera prise d'ici la fin de la matinée sans doute.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour demain ? C'est jour après jour ?
MARISOL TOURAINE
Pour demain. Jour après jour, en fonction des données qui nous sont transmises par MÉTÉO FRANCE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que c'est essentiellement une concession faite aux écologistes, parce que les écologistes le réclamaient à cor et à cri ? La politique a pris un peu le pas sur les impératifs de santé publique ?
MARISOL TOURAINE
Non. Écoutez, j'ai participé à l'ensemble des réunions et aux réunions de décision samedi dernier. Je crois que ce qui l'a emporté, c'est la volonté d'être extrêmement responsable et de ne pas prendre de risque face aux enjeux de santé. Parce que lorsque l'on parle de santé publique, on ne peut pas être dans l'à peu près ou au fond dans la prise de risque. C'est cette responsabilité collective de la santé qui l'a emporté et qui a amené le gouvernement à prendre une mesure qui n'est pas facile, parce que nous avons tous et j'ai moi-même pleinement conscience que cela va provoquer de la gêne, que cela vient perturber des plans, des organisations qui sont bien établies. Nous avons pris une décision de santé publique et c'est pour cela que tous ceux qui nous accusent d'électoralisme sont franchement à côté des réalités parce que la seule chose qui nous a motivés, c'est le sens de la santé publique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les causes de la pollution sont nombreuses.
MARISOL TOURAINE
Oui, nombreuses.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le diesel est une cause importante ou pas de la pollution, à votre avis Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
La pollution a plusieurs causes. La circulation automobile, notamment en région parisienne, est une cause importante. Ce n'est pas la seule et je crois que si nous voulons travailler à l'amélioration de la qualité de l'air, nous devons évidemment nous poser la question de la place du diesel. C'est vrai que la France accorde une place importante au diesel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Trop ?
MARISOL TOURAINE
Aujourd'hui, c'est une réalité. Il ne suffit pas de claquer dans ses doigts pour que le problème du diesel disparaisse. En revanche, mettre en place des politiques de moyen terme et de long terme qui prennent en compte cette situation-là me paraît nécessaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut augmenter la fiscalité du diesel ? C'est le seul moyen de faire reculer l'équipement diesel ?
MARISOL TOURAINE
Pas nécessairement. Je crois qu'à un moment donné, il faut une mobilisation collective. Le ministre de l'Écologie a annoncé une loi sur la transition énergétique qui est nécessaire pour faire face aux enjeux de pollution. Il a annoncé un plan de lutte contre la pollution qui sera global et je souhaite que dans ce cadre-là, nous puissions travailler à la juste place du diesel dans notre pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'on dira dans dix ans que le diesel c'est comme l'amiante : un scandale ?
MARISOL TOURAINE
Écoutez, je ne sais pas ce que l'on dira dans dix ans. Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui nous prenons des mesures fortes et nous assumons nos responsabilités. Nous avons évidemment la nécessité de nous inscrire dans la durée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et on a appris que la ville de Paris allait recevoir la livraison de trois cent vingt bus au diesel cette année. C'est bien.
MARISOL TOURAINE
Ce qui montre qu'il y a des habitudes qui sont prises, des marchés qui sont lancés qui supposent qui des changements interviennent et cela suppose la mobilisation de tous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et des erreurs qui sont faites, on peut le dire ?
MARISOL TOURAINE
Des erreurs qui ont été faites depuis longtemps. La préférence au diesel ne date pas d'il y a quelques mois. C'est un modèle français depuis des années et il nous faudra donc collectivement réfléchir à la façon d'en sortir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Marisol TOURAINE va quitter les locaux de RTL à bord de l'Autolib'.
LAURENT BAZIN
Sa voiture électrique de location.
MARISOL TOURAINE
La voiture électrique.
LAURENT BAZIN
Merci d'être venue nous voir pour expliquer tout ça.
MARISOL TOURAINE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2014