Texte intégral
Réponse à une question d'actualité à l'Assemblée nationale le 31 octobre :
Beaucoup de vos questions trouveront une réponse lorsque nous examinerons les crédits de la défense ! Ce budget sera conforme à la loi de programmation, s'agissant notamment de l'équipement des forces. L'année 2002 étant la dernière de cette loi, nous pouvons même dire avec certitude que celle-ci aura été réalisée à 94 %, ce qui est sans précédent au cours des trente dernières années
Nous devons bien entendu poursuivre une réflexion complémentaire, compte tenu de la nature de la menace terroriste. Celle-ci est d'abord le fait d'une tête de réseau située en Afghanistan : nous luttons contre ce premier danger, dans le cadre de la coalition internationale. Mais il y a surtout des fragments de réseau dans tous les pays développés et démocratiques. Notre objectif est donc de développer les capacités policières, les capacités d'investigation, les capacités de renseignement. De ce dernier point de vue, la France est sans doute un des pays les mieux préparés. Elle apporte beaucoup de moyens de détection à la coopération internationale et nombre de ses partenaires prennent exemple sur elle.
En ce qui concerne la communication, chaque gouvernement choisit son mode d'expression. La détermination et la solidarité des autorités françaises ont été exprimées à plusieurs reprises depuis le 11 septembre par le chef de l'Etat et par le chef du gouvernement.
Enfin, en ce qui concerne l'information du Parlement, votre question ne pouvait mieux tomber puisque le Premier ministre réunira sur ce sujet, dès la fin de cette séance de questions, l'ensemble des présidents de groupe et de commission./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2001)
Entretien au "Figaro" le 5 novembre :
Q - La politique de défense était quasiment absente de la campagne présidentielle de 1995. Va-t-elle devenir un enjeu en 2002, à la lumière des événements en Afghanistan ?
R - Les objectifs de la politique de défense sont un sujet majeur du débat démocratique. Au nom de quoi faut-il agir, avec quels moyens, dans quelles limites, ce sont des questions qui heureusement intéressent les Français et sur lesquelles, d'ailleurs, il faut souligner leur lucidité. Ils savent que les démocraties ne peuvent pas se défendre par l'impuissance.
()
Q - Les événements du 11 septembre rendent-ils nécessaires à vos yeux un réajustement du budget de la Défense pour 2002 ?
R - La question se pose. Tout d'abord, deux remarques. Premièrement, l'essentiel des outils de la sécurité intérieure n'entre pas dans la responsabilité du ministère de la Défense. Deuxièmement, en matière de renseignement ou d'attaque de sites terroristes éloignés, nous avons plusieurs coups d'avance sur des Etats de taille comparable à la nôtre. C'est pour cela que notre participation est souhaitée. La projection d'unités à 10 000 kilomètres, peu d'Etats en sont capables.
De plus, nous sommes le seul pays avec les Etats-Unis qui développe son propre système de missiles de croisière. Ces missiles franco-britanniques, seule alternative aux missiles américains, seront en service dans dix-huit mois. Ce qui veut dire que bien des thèmes mis en lumière par cette vague d'attentats avaient été étudiés auparavant.
()
Q - Pouvez-vous nous préciser les modifications du dispositif français dans le cadre des opérations contre les réseaux afghans d'Al Qaida ?
R - Trois choses ont évolué. La première est que la France participe à la planification des opérations menées par les Etats-Unis. Ensuite, la France a intensifié sa présence navale par des missions de renseignement et de protection de la force navale en mer d'Arabie. Enfin, de nouveaux moyens aériens d'observation du théâtre afghan ont été déployés. Tout cela reste toutefois dans le schéma prévu et s'étale dans le temps.
Q - Une offensive terrestre est-elle envisageable ?
R - Nous avons dit, les Etats-Unis et les pays qui s'associent à leur action, qu'il n'y avait aucun objectif de conquête militaire de l'Afghanistan
Q - Devant l'Assemblée nationale, le 11 octobre, Lionel Jospin a déclaré : "Je peux vous dire de la façon la plus nette que si la situation devait conduire à nous entraîner dans un engrenage (...) je ne me prêterais pas à cet engrenage". Vous en tenez-vous toujours à cette position ?
R - Le gouvernement l'a dit dix fois. Nous n'avons pas changé d'avis.
Q - Le Premier ministre a également expliqué que la France garderait "sa liberté d'appréciation par rapport à d'autres câbles". Selon vos informations, les Américains envisagent-ils une action contre l'Iraq ?
R - La position américaine n'a pas changé, elle concentre son action sur les objectifs en Afghanistan. L'usage de la force n'est utile que dans l'objectif défini, l'Iraq est un autre sujet.
Q - Avez-vous délibérément révélé la présence d'agents français de renseignement en Afghanistan ou s'agissait-il d'une gaffe comme certains vous l'ont reproché ?
R - J'ai voulu faire sentir que le rôle de la France en matière de recueil de renseignement est actif, et qu'il signifie des risques pour les agents. C'est un atout important pour notre influence. J'aurais pu nier l'évidence, mais ce n'est pas correct quand on est en responsabilité. Les valeureux commentateurs qui m'ont reproché mes propos m'auraient tout autant reproché de dissimuler un fait réel. Je ne pratique pas le double jeu, je m'attends à ce que personne d'autre ne le fasse.
Q - L'indisponibilité du porte-avions Charles-de-Gaulle n'est-elle pas un handicap pour l'efficacité de la participation française ?
R - Un délai de disponibilité inférieur à deux mois pour un moyen comme le Charles de Gaulle n'est pas significatif dans le cadre d'une crise internationale majeure. Le porte-avions pourra intervenir dans les prochaines semaines, mais il reste à apprécier si ce sera utile.
Q - Washington vous tient-il informé de l'ensemble des opérations ou seulement de celles auxquelles participe la France ?
R - Il y a concertation politique au niveau des dirigeants et implication de personnels français dans la planification. De ce fait, nous sommes tenus au courant de l'ensemble des opérations. Néanmoins restons lucides : il s'agit avant tout d'une action nationale américaine, avec des contributions de quelques pays auxquels les Etats-Unis ont fait appel.
Q - L'intensification des bombardements américains en Afghanistan et le soutien plus net à l'Alliance du nord vous semblent-ils une bonne stratégie ?
R - Je vois bien çà et là des critiques et des doutes émis. Mais qui remet en question les objectifs ? Quelqu'un propose-t-il de laisser les Taleban en place ? De laisser Al Qaida tranquille en Afghanistan ? Quels autres moyens peuvent être utilisés que la destruction de leurs infrastructures, l'élimination de leurs cellules de commandement et le soutien, avec un dosage, à leur opposition militaire ? Si quelqu'un propose un autre type d'action pour atteindre des objectifs indiscutés je l'écoute avec intérêt... C'est une période bénie pour la stratégie en chambre.
Q - Ne craignez-vous pas un risque d'enlisement ?
R - Cette appréciation est prématurée. A l'heure actuelle les Taleban ne sont pas en train de gagner, la question est de savoir à quel rythme et à quel degré ils vont être affaiblis et désorganisés.
Q - La mise en avant ostensible de la Grande-Bretagne dans cette crise n'est-elle pas dommageable à l'idée de défense européenne ?
R - Non, car les objectifs de l'action sont partagés par tous les Européens : priver Al Qaida de ses repaires en Afghanistan et remplacer les Taleban par un régime compatible avec la loi internationale. A y regarder de près, les niveaux de participation des pays européens engagés sont comparables. De toute façon, ce n'est pas à l'Union européenne collectivement d'agir dans un tel cas. Elle n'a jamais eu pour prétention, même pour les plus Européens comme moi, de priver chacune des nations du droit d'agir pour son compte.
Concernant la participation britannique, il y a eu un effet d'optique lié à un exercice antérieurement programmé, apparence dans laquelle les médias se sont fourvoyés.
Q - Une véritable politique de défense européenne commune n'aurait-elle pas permis une réaction plus collective à la crise actuelle ?
R - Pardonnez-moi mais vous l'avez vue, cette réaction. Le lendemain des attentats, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont affirmé leur analyse et leurs objectifs de manière profondément solidaire. Je suis parfois ahuri de la myopie européenne de la plupart de nos médias, qui ne veulent pas voir ce que fait déjà l'Europe et se replient dans un euroscepticisme ignorant de la réalité. Notre continent est, par exemple, le seul qui a été capable de développer à ce niveau la coopération policière et judiciaire, dont on voit la nécessité.
Q - D'après vous, cette crise montrerait plutôt les forces que les faiblesses de l'Europe ?
R - A force de persévérance et d'opiniâtreté, sans être devenue la principale superpuissance, l'Union européenne se pose en premier facteur d'équilibre mondial. L'OMC et le Protocole de Kyoto n'auraient pas existé sans la pression européenne. On pourrait multiplier les exemples.
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(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2001)
Nota bene : Le texte intégral de l'interview est disponible dans la microfiche
Beaucoup de vos questions trouveront une réponse lorsque nous examinerons les crédits de la défense ! Ce budget sera conforme à la loi de programmation, s'agissant notamment de l'équipement des forces. L'année 2002 étant la dernière de cette loi, nous pouvons même dire avec certitude que celle-ci aura été réalisée à 94 %, ce qui est sans précédent au cours des trente dernières années
Nous devons bien entendu poursuivre une réflexion complémentaire, compte tenu de la nature de la menace terroriste. Celle-ci est d'abord le fait d'une tête de réseau située en Afghanistan : nous luttons contre ce premier danger, dans le cadre de la coalition internationale. Mais il y a surtout des fragments de réseau dans tous les pays développés et démocratiques. Notre objectif est donc de développer les capacités policières, les capacités d'investigation, les capacités de renseignement. De ce dernier point de vue, la France est sans doute un des pays les mieux préparés. Elle apporte beaucoup de moyens de détection à la coopération internationale et nombre de ses partenaires prennent exemple sur elle.
En ce qui concerne la communication, chaque gouvernement choisit son mode d'expression. La détermination et la solidarité des autorités françaises ont été exprimées à plusieurs reprises depuis le 11 septembre par le chef de l'Etat et par le chef du gouvernement.
Enfin, en ce qui concerne l'information du Parlement, votre question ne pouvait mieux tomber puisque le Premier ministre réunira sur ce sujet, dès la fin de cette séance de questions, l'ensemble des présidents de groupe et de commission./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2001)
Entretien au "Figaro" le 5 novembre :
Q - La politique de défense était quasiment absente de la campagne présidentielle de 1995. Va-t-elle devenir un enjeu en 2002, à la lumière des événements en Afghanistan ?
R - Les objectifs de la politique de défense sont un sujet majeur du débat démocratique. Au nom de quoi faut-il agir, avec quels moyens, dans quelles limites, ce sont des questions qui heureusement intéressent les Français et sur lesquelles, d'ailleurs, il faut souligner leur lucidité. Ils savent que les démocraties ne peuvent pas se défendre par l'impuissance.
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Q - Les événements du 11 septembre rendent-ils nécessaires à vos yeux un réajustement du budget de la Défense pour 2002 ?
R - La question se pose. Tout d'abord, deux remarques. Premièrement, l'essentiel des outils de la sécurité intérieure n'entre pas dans la responsabilité du ministère de la Défense. Deuxièmement, en matière de renseignement ou d'attaque de sites terroristes éloignés, nous avons plusieurs coups d'avance sur des Etats de taille comparable à la nôtre. C'est pour cela que notre participation est souhaitée. La projection d'unités à 10 000 kilomètres, peu d'Etats en sont capables.
De plus, nous sommes le seul pays avec les Etats-Unis qui développe son propre système de missiles de croisière. Ces missiles franco-britanniques, seule alternative aux missiles américains, seront en service dans dix-huit mois. Ce qui veut dire que bien des thèmes mis en lumière par cette vague d'attentats avaient été étudiés auparavant.
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Q - Pouvez-vous nous préciser les modifications du dispositif français dans le cadre des opérations contre les réseaux afghans d'Al Qaida ?
R - Trois choses ont évolué. La première est que la France participe à la planification des opérations menées par les Etats-Unis. Ensuite, la France a intensifié sa présence navale par des missions de renseignement et de protection de la force navale en mer d'Arabie. Enfin, de nouveaux moyens aériens d'observation du théâtre afghan ont été déployés. Tout cela reste toutefois dans le schéma prévu et s'étale dans le temps.
Q - Une offensive terrestre est-elle envisageable ?
R - Nous avons dit, les Etats-Unis et les pays qui s'associent à leur action, qu'il n'y avait aucun objectif de conquête militaire de l'Afghanistan
Q - Devant l'Assemblée nationale, le 11 octobre, Lionel Jospin a déclaré : "Je peux vous dire de la façon la plus nette que si la situation devait conduire à nous entraîner dans un engrenage (...) je ne me prêterais pas à cet engrenage". Vous en tenez-vous toujours à cette position ?
R - Le gouvernement l'a dit dix fois. Nous n'avons pas changé d'avis.
Q - Le Premier ministre a également expliqué que la France garderait "sa liberté d'appréciation par rapport à d'autres câbles". Selon vos informations, les Américains envisagent-ils une action contre l'Iraq ?
R - La position américaine n'a pas changé, elle concentre son action sur les objectifs en Afghanistan. L'usage de la force n'est utile que dans l'objectif défini, l'Iraq est un autre sujet.
Q - Avez-vous délibérément révélé la présence d'agents français de renseignement en Afghanistan ou s'agissait-il d'une gaffe comme certains vous l'ont reproché ?
R - J'ai voulu faire sentir que le rôle de la France en matière de recueil de renseignement est actif, et qu'il signifie des risques pour les agents. C'est un atout important pour notre influence. J'aurais pu nier l'évidence, mais ce n'est pas correct quand on est en responsabilité. Les valeureux commentateurs qui m'ont reproché mes propos m'auraient tout autant reproché de dissimuler un fait réel. Je ne pratique pas le double jeu, je m'attends à ce que personne d'autre ne le fasse.
Q - L'indisponibilité du porte-avions Charles-de-Gaulle n'est-elle pas un handicap pour l'efficacité de la participation française ?
R - Un délai de disponibilité inférieur à deux mois pour un moyen comme le Charles de Gaulle n'est pas significatif dans le cadre d'une crise internationale majeure. Le porte-avions pourra intervenir dans les prochaines semaines, mais il reste à apprécier si ce sera utile.
Q - Washington vous tient-il informé de l'ensemble des opérations ou seulement de celles auxquelles participe la France ?
R - Il y a concertation politique au niveau des dirigeants et implication de personnels français dans la planification. De ce fait, nous sommes tenus au courant de l'ensemble des opérations. Néanmoins restons lucides : il s'agit avant tout d'une action nationale américaine, avec des contributions de quelques pays auxquels les Etats-Unis ont fait appel.
Q - L'intensification des bombardements américains en Afghanistan et le soutien plus net à l'Alliance du nord vous semblent-ils une bonne stratégie ?
R - Je vois bien çà et là des critiques et des doutes émis. Mais qui remet en question les objectifs ? Quelqu'un propose-t-il de laisser les Taleban en place ? De laisser Al Qaida tranquille en Afghanistan ? Quels autres moyens peuvent être utilisés que la destruction de leurs infrastructures, l'élimination de leurs cellules de commandement et le soutien, avec un dosage, à leur opposition militaire ? Si quelqu'un propose un autre type d'action pour atteindre des objectifs indiscutés je l'écoute avec intérêt... C'est une période bénie pour la stratégie en chambre.
Q - Ne craignez-vous pas un risque d'enlisement ?
R - Cette appréciation est prématurée. A l'heure actuelle les Taleban ne sont pas en train de gagner, la question est de savoir à quel rythme et à quel degré ils vont être affaiblis et désorganisés.
Q - La mise en avant ostensible de la Grande-Bretagne dans cette crise n'est-elle pas dommageable à l'idée de défense européenne ?
R - Non, car les objectifs de l'action sont partagés par tous les Européens : priver Al Qaida de ses repaires en Afghanistan et remplacer les Taleban par un régime compatible avec la loi internationale. A y regarder de près, les niveaux de participation des pays européens engagés sont comparables. De toute façon, ce n'est pas à l'Union européenne collectivement d'agir dans un tel cas. Elle n'a jamais eu pour prétention, même pour les plus Européens comme moi, de priver chacune des nations du droit d'agir pour son compte.
Concernant la participation britannique, il y a eu un effet d'optique lié à un exercice antérieurement programmé, apparence dans laquelle les médias se sont fourvoyés.
Q - Une véritable politique de défense européenne commune n'aurait-elle pas permis une réaction plus collective à la crise actuelle ?
R - Pardonnez-moi mais vous l'avez vue, cette réaction. Le lendemain des attentats, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont affirmé leur analyse et leurs objectifs de manière profondément solidaire. Je suis parfois ahuri de la myopie européenne de la plupart de nos médias, qui ne veulent pas voir ce que fait déjà l'Europe et se replient dans un euroscepticisme ignorant de la réalité. Notre continent est, par exemple, le seul qui a été capable de développer à ce niveau la coopération policière et judiciaire, dont on voit la nécessité.
Q - D'après vous, cette crise montrerait plutôt les forces que les faiblesses de l'Europe ?
R - A force de persévérance et d'opiniâtreté, sans être devenue la principale superpuissance, l'Union européenne se pose en premier facteur d'équilibre mondial. L'OMC et le Protocole de Kyoto n'auraient pas existé sans la pression européenne. On pourrait multiplier les exemples.
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(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 novembre 2001)
Nota bene : Le texte intégral de l'interview est disponible dans la microfiche