Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social à RTL le 8 avril 2014, sur la lutte contre le chômage et la réduction des déficits.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE, votre invité, donc, c'est François REBSAMEN, le nouveau ministre du Travail.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ministre du Travail depuis une semaine, vous êtes donc en charge de la lutte contre le chômage. Quand est-ce que la courbe du chômage va s'inverser, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ça, je ne vais pas me hasarder au concours de pronostiques.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'autres l'ont fait.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils auraient pas du.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est un sujet très très sérieux, bien évidemment, c'est ce qui mine notre société, le chômage, aujourd'hui, c'est ce qui porte atteinte à la cohésion sociale, ce qui entraine la montée, la poussée des extrêmes, le rejet du Pacte républicain, donc c'est la priorité des priorités. L'emploi, l'emploi c'est la priorité des priorités. Donc nous avons encore des efforts à faire en la matière. Je voudrais quand même saluer le travail qui a été mené, à savoir une stabilisation du chômage sur l'année 2013, une légère baisse, légère baisse du chômage des jeunes, trop légère, bien évidemment, et donc, si on veut poursuivre sur cette trajectoire, et l'amplifier, aller plus vite, plus fort, en tous les cas c'est le conseil du Président de la République, et même les consignes, je pourrais dire, il faudra, sur l'apprentissage notamment, vous savez, c'est la Semaine de l'apprentissage, ça permet de saluer les 400 000 apprentis de France, eh bien sur la Semaine de l'apprentissage, c'est l'occasion de dire « on doit encore faire des efforts en matière de formation professionnelle et d'apprentissage ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Croissance faible, probablement en France en 2014, donc on ne créera pas beaucoup d'emploi en France.
FRANÇOIS REBSAMEN
J'ai vu les statistiques de l'INSEE, comme tout le monde, je les ai lues, croissance qui repart, croissance qui repart. Alors, est-ce que cette croissance...
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas assez pour créer des emplois, sans doute, on peut le dire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ça dépend, il peut y avoir une croissance forte en emploi, plus forte en emploi qu'on ne le croit, en tous les cas, accompagner avec la formation, l'apprentissage et les dispositifs qui ont été mis en place, j'y crois et d'ailleurs si je n'y croyais pas, je n'aurais pas accepté ce poste.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un plan de 50 milliards d'économies va être présenté dans les jours prochains, je ne sais pas si vous savez quand, d'ailleurs.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, eh bien enfin, bon, il va être présenté sans doute assez rapidement. On lit que des coupes seraient faites, des coupes dans les dépenses, seraient faites dans le ministère qui est le vôtre, François REBSAMEN, ministère du Travail, un milliard d'euros sur trois ans, parce que, dit-on, c'est le privé qui doit prendre le relais, des emplois aidés notamment pour les jeunes. Donc, vous confirmez cela, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je ne le confirme pas, je fais confiance, vous vous en doutez, complètement, à Michel SAPIN, qui assumait cette...
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui était ministre du Travail.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, qui était le ministre du Travail avant moi...
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui est aux Finances maintenant.
FRANÇOIS REBSAMEN
... et qui est parti aux Finances, et quand il est parti, d'ailleurs, je lui ai dit qu'il allait avoir à veiller sur le budget du ministère du Travail. Mais, à la limite, ce que l'on pourrait souhaiter effectivement, c'est une diminution de mon budget, du budget du ministère du Travail, en termes d'emplois aidés...
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, si le secteur privé prend le relais.
FRANÇOIS REBSAMEN
Si le secteur privé, c'est-à-dire si les emplois liés à la croissance, prennent le relais. Et ça va se produire. Il faut redonner la confiance dans ce pays, débloquer les agents économiques, et à partir de là, si ce phénomène de confiance revient, eh bien je suis sûr que l'économie va redémarrer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Certains disent que peut-être le mieux ce serait de pas trop faire de coupes dans les dépenses publiques, que les 50 milliards, peut-être, il ne faudrait pas les faire.
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous avez vu, vous avez reçu, vous avez entendu, ça dépend des économistes qui sont interrogés. Il y a même des économistes qui vous disent que certaines coupes dans les dépenses publiques ne sont pas forcément nuisibles à la croissance, ce qu'il faut, c'est réduire le déficit budgétaire, c'est un objectif pour garder notre indépendance. Donc, moi, ce que je pense, c'est qu'il y a des secteurs qui sont des secteurs productifs, sur lesquels on ne doit pas faire de coupes, et il y a d'autres secteurs où on peut faire des économies. Des économies, c'est une bonne gestion, c'est une gestion rigoureuse, ça représente je crois, 1,4 % d'économies à réaliser sur le budget de l'Etat, c'est pas quelque chose d'impossible à faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
On dirait qu'il y a deux lignes économiques au gouvernement, il y a Michel SAPIN qui a été à Berlin, et qui a dit devant le ministre des Finances allemand, d'ailleurs, que la France respecterait ses engagements en matière de comptes publics, et puis Arnaud MONTEBOURG, qui est lui ministre de l'Economie, qui était à Berlin aussi hier, mais il était de son côté, il a dit : « En Europe, la question des comptes publics est accessoire par rapport à la croissance ». Vous êtes plutôt SAPIN ou plutôt MONTEBOURG ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien il faut marcher sur les deux jambes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui, c'est ça, oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut, la jambe de Michel SAPIN, c'est-à-dire la sécurité en matière d'évolution des dépenses publiques. Il faut stabiliser...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut réduire les déficits.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut stabiliser et il faut réduire le déficit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut respecter le calendrier de réduction des déficits ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On peut le négocier, ça c'est quelque chose qui est négociable, bien évidemment. D'ailleurs...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous négocier le calendrier.
FRANÇOIS REBSAMEN
... est-ce que vous avez vu que d'ailleurs ça a été négocié ? C'est-à-dire que nous n'avons pas voulu, et le président de la République et le Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT, n'ont pas voulu casser les éléments de reprise de la croissance, en allant à marche forcée vers un chiffre mythique, posé là à 3 %. Et donc, ce qui compte, c'est la trajectoire, et la trajectoire qui est donnée aujourd'hui, c'est une diminution des dépenses publiques pour réduire les déficits budgétaires. Et on ne peut pas faire autrement. Et en même temps, ce que dit Arnaud MONTEBOURG et juste, il faut avoir cette volonté de développer la croissance. Il y a un message à faire passer au niveau européen, ça avait été lancé par le président de la République, dès sont élection, il faut que les responsables européens de tous les pays, aujourd'hui, prennent conscience qu'on ne sortira de cette atonie généralisée, que par une volonté d'investissement productif et de croissance.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous, ministre du Travail, vous dites : « Pour lutter contre le chômage, j'ai besoin d'un peu de temps, et donc prenons un peu de temps pour réduire les déficits budgétaires ».
FRANÇOIS REBSAMEN
Il faut étaler, oui, bien sûr, il faut garder cette trajectoire et ne pas avoir la culture du chiffre, il faut garder en perspective que le but à poursuivre pour notre société, c'est de lutter contre ce chômage de masse qui la mine.
JEAN-MICHEL APHATIE
Chacun a consacré sa vie à ce qui lui semblait important, vous, François REBSAMEN, vous étiez spécialiste des problèmes de la police, et vous étiez plutôt destiné à être ministre de l'Intérieur, et à deux reprises, peut-être que vous le confirmerez, si on a bien compris, Manuel VALLS, la première fois il a pris votre place, et la deuxième fois, Premier ministre, il a mis son véto pour que vous ne soyez pas ministre de l'Intérieur. Vous lui en voulez ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je n'en veux pas à Manuel VALLS, je suis ministre de son gouvernement. Mais j'ai...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous confirmez que ça s'est passé comme ça ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'ai fait évoluer, vous le savez...
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, vous le confirmez dans un sourire...
FRANÇOIS REBSAMEN
... j'ai fait évoluer la pensée socialiste, avec d'autres, sur les problèmes de sécurité. Aujourd'hui on peut dire que... je peux dire que si la sécurité n'est ni de droite, ni de gauche, mais d'intérêt général, c'est parce que les socialistes ont évolué dans leur pensée. J'y ai pris ma part.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez préparé le terrain pour Manuel VALLS, ministre de l'Intérieur ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'ai tourné la page. J'ai tourné la page, je suis...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne lui en voulez pas à Manuel VALLS ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, pas du tout.
JEAN-MICHEL APHATIE
Même pas un peu ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si vous lui en voulez...
FRANÇOIS REBSAMEN
Je suis un ministre du Travail heureux, c'est un beau ministère, le mot travailleur m'a toujours plu dans mon histoire politique et je vais tout faire pour m'atteler à la tâche, diminuer le nombre de chômeurs dans ce pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous avez noté, vous avez reçu les syndicats, que le pacte de croissance, qui va être développé, sans doute par le Premier ministre cet après midi à l'Assemblée nationale...
FRANÇOIS REBSAMEN
Et solidarité.
JEAN-MICHEL APHATIE
... n'est pas la tasse de thé de plusieurs de vos interlocuteurs syndicaux...
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais le dialogue est très constructif avec les organisations syndicales et patronales.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, enfin, on dit ça tout le temps.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais il l'est. Il l'est.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il l'est vraiment.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il l'est vraiment.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous allez arriver à faire passer ce pacte dont ils ne veulent pas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah, chacun est libre de ses positions, mais l'intérêt général qui prévaut, c'est la lutte contre le chômage et ils y sont déterminés eux aussi.
JEAN-MICHEL APHATIE
François REBSAMEN, ministre du Travail, était l'invité de RTL, ce matin.
LAURENT BAZIN
Merci François REBSAMEN...
FRANÇOIS REBSAMEN
Merci.
LAURENT BAZIN
... de nous avoir réservé votre première grande interview, et à Jean-Michel APHATIE, bien sûr. A demain Jean-Michel.
JEAN-MICHEL APHATIE
A demain Laurent.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 avril 2014