Texte intégral
Cher Collègue et Ami, Monsieur le Ministre des affaires étrangères de Tunisie,
Cher Franck-Walter,
Mesdames, Messieurs,
Confiance et mobilisation : voilà les deux termes mots qui résument à mon sens notre visite ici en Tunisie, au cours de ces deux journées. Je veux vous remercier, Monsieur le ministre des affaires étrangères, pour la chaleur de l'accueil des autorités tunisiennes. C'est une chaleur habituelle quand on connait la générosité du peuple tunisien mais, une fois de plus, vous l'avez manifestée et je vous demande d'être notre interprète auprès du président de la République, du Premier ministre, de vos collègues ministres et de tous les responsables que nous avons rencontrés en ces deux jours très ramassés pour leur dire notre gratitude.
Je dis confiance et mobilisation. Confiance dans la réussite démocratique de la Tunisie. Vous avez déjà franchi beaucoup d'étapes qui étaient difficiles. L'une des principales a été l'adoption de votre Constitution qui, à beaucoup d'égards, est exemplaire. Il reste encore une étape à franchir qui est celle de la loi électorale, puis des élections. Nous sommes tout à fait confiants dans votre capacité, avec le peuple tunisien, à la franchir.
Confiance aussi dans la façon dont vous abordez les questions économiques qui sont évidemment très importantes. La population qui a fait la Révolution, que ce soit sur les côtes ou à l'intérieur, souhaite un certain nombre d'améliorations. Les uns et les autres, vous en êtes pleinement d'accord. Encore faut-il, bien sûr, disposer des moyens nécessaires et que les mesures soient prises mais il nous a semblé, en discutant très précisément avec le Premier ministre, que les décisions nécessaires étaient prises.
Confiance aussi dans votre façon d'aborder les problèmes de sécurité qui sont - ô combien - importants : sécurité intérieure et sécurité liée en particulier à la situation difficile que connaît la Libye. À cet égard, nous appuyons l'initiative de demander aux Nations unies de désigner un envoyé spécial pour favoriser le dialogue, dans le même temps où beaucoup de pays sont prêts - nous l'avons vu à Rome il y a peu de temps - à apporter un soutien matériel pour que les frontières soient bien contrôlées et que la Libye puisse être débarrassée de ses armements excessifs.
Oui, le mot qui revient, c'est le mot de confiance ! Et notre visite avait ce sens-là. Avec Franck-Walter Steinmeier, Allemagne et France, nous avons décidé de faire un certain nombre de visites conjointes qui sont à la fois significatives de notre volonté commune et de ce que veut faire l'Europe. Nous avons choisi, s'agissant du partenariat qu'on appelle de l'Est, deux pays qui ne sont pas dans une situation facile, la Géorgie et la Moldavie. Et nous avons été immédiatement d'accord pour choisir la Tunisie comme but de visite au Sud, non seulement parce que l'Allemagne et la France sont très présentes ici mais aussi parce que nous voulons que l'Europe continue d'être à vos côtés.
C'est là où intervient le deuxième terme, celui de mobilisation. Et la mobilisation, ce doit être la nôtre. Je parlerai un peu de la France et un peu de l'Europe. Dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme, du développement de votre pays et de ses régions, du soutien à la société civile, de la relance de l'économie, nous sommes et nous voulons être à vos côtés.
Qu'est-ce que cela signifie, concrètement, pour la France ? Un certain nombre d'entre vous, représentants de la presse, pourraient se dire : mais au fond, qu'apporte concrètement une visite comme celle-ci ? Alors, je vais être très concret. Excusez si, pour une fois, je cite quelques chiffres.
Nous avons décidé d'accélérer la mise en oeuvre d'engagements qui ont été pris par le président de la République française lors de sa visite d'État et ils sont disponibles - je dis bien disponibles -. Cela concerne 500 Meuro d'assistance dont 345 Meuro de prêts sur trois projets d'infrastructures majeurs pour le développement des territoires : le Réseau ferré du Grand Tunis que nous avons visité ensemble ce matin, la rénovation ferroviaire du triangle des phosphates et l'équipement des ports de Radès, la Goulette et Bizerte. Le conseil des ministres en a délibéré ; il ne reste plus que la ratification nécessaire par l'Assemblée nationale tunisienne. 500 Meuro de projets concrets.
L'Agence française de développement, qui est notre bras armé en matière de développement, dispose de 150 Meuro en cours de décaissement avec plusieurs projets de réhabilitation de quartiers populaires, d'adduction d'eau et d'assainissement dans des zones défavorisées. Enfin, nous avons adressé aux autorités tunisiennes un projet d'accord qu'on appelle de conversion des dettes en investissements, à hauteur de 60 Meuro.
Les autorités tunisiennes ont insisté avec raison sur la nécessité d'investir davantage en Tunisie. Allemagne et France sont très présentes à travers leurs entreprises en Tunisie. En ce qui nous concerne nous avons au quotidien 1300 entreprises françaises qui représentent 125.000 emplois. Pour 2013, les investissements français ont créé plus de 3800 emplois et nous encourageons nos entreprises à investir ici parce qu'investir en Tunisie, c'est investir dans la démocratie.
Cette visite conjointe vient aussi montrer la mobilisation de l'Union européenne. Nous avons veillé et nous allons continuer de veiller à ce que l'Europe apporte une réponse qui soit à la hauteur des besoins et des actions de la Tunisie. L'Union européenne vient de débloquer 300 Meuro d'aide macro-financière pour la Tunisie. Nous ferons en sorte que cette mobilisation se traduise aussi dans ce qu'on appelle une politique européenne de voisinage adaptée aux attentes tunisiennes pour la période 2014-2021, actuellement en négociation. De même, sur ce qu'on appelle le partenariat pour la mobilité où nous souhaitons que la Tunisie puisse bénéficier d'un même niveau d'assistance que d'autres partenaires.
Enfin, l'Union européenne sera au côté de la Tunisie pour ces élections parce qu'il est tout à fait normal que nous soyions là lorsque vous nous demandez de vous accompagner dans le processus démocratique. De même que nous devons l'être pour votre sécurité.
Et puis, très concrètement - nous en avons fait une visite ce matin - l'Union européenne, c'est aussi des projets déjà en cours de développement : le Réseau ferré rapide (RFR) du Grand Tunis est financé à 40 % par l'État tunisien et à 60 % par des bailleurs européens au premier rang desquels l'Allemagne, la France et la Banque européenne d'investissement. On pourrait également citer la dépollution du lac de Bizerte, projet porté par l'Union pour la Méditerranée et financé par ces mêmes trois bailleurs.
Enfin, nous sommes là pour vous aider à capitaliser sur l'élan de sympathie qui s'exprime pour la Tunisie, au-delà même de l'Union européenne ; pour mobiliser tous les partenaires de la Tunisie, y compris les institutions financières internationales. C'est le projet de conférence dont nous discuterons avec votre Premier ministre qui sera reçu à Paris à partir de lundi et qui sera reçu en Allemagne d'ici peu de temps également.
Voilà l'effort de mobilisation. C'est du concret et c'est, je pense, ce qu'on attend de nous. Je terminerai en disant que ce voyage est symbolique. L'Allemagne et la France, premier et deuxième pays d'Europe par leur puissance économique, présents ensemble en Tunisie, au côté de nos amis tunisiens, au moment où la transition démocratique est là, cela signifie un geste fort de mobilisation, de soutien et de confiance.
Mais les choses ne vont pas s'arrêter à notre voyage. Nous avons beaucoup appris. J'espère que nous avons apporté un certain nombre de réponses aussi et dans le dialogue qui va se poursuivre avec la visite du Premier ministre tunisien en France et en Allemagne, nous allons continuer dans la même direction. Le message essentiel que je retiens à l'issue de ce voyage, c'est un message de grande confiance à l'égard du gouvernement tunisien et du peuple tunisien.
(...)
Q - Sur les aides sécuritaires qui seront apportées à la Tunisie. La France est expérimentée en matière de libération de ses otages. Peut-elle aider la Tunisie à obtenir la libération des deux diplomates tunisiens enlevés en Libye ?
R - Il y a eu des discussions avec nos amis tunisiens sur les méthodes, les moyens, les équipements pour assurer la sécurité. Ces discussions ont beaucoup avancé et elles auront l'occasion de continuer puisque le Premier ministre tunisien sera dès le début de la semaine prochaine à Paris. Quant à la question des otages, c'est évidemment une question extrêmement délicate. Nous sommes à disposition, bien sûr de nos amis tunisiens, tout en sachant - nous en avons l'expérience - qu'il y faut beaucoup de discrétion, que tous les services doivent être mobilisés - je sais qu'ils le sont - et que s'il y a besoin d'un concours international, il est là.
(...)
Q - Est-ce que cette visite franco-allemande est aussi un message pour les États-Unis qui commencent à investir avec des prêts, des visites et une stratégie, pour dire que la Tunisie est toujours le premier partenaire l'Union européenne ?
R - Écoutez, Allemands et Français, nous agissons à la fois en tant que nation et en tant que membres de l'Union européenne. Et le choix que nous avons fait, c'est d'être au côté de nos amis tunisiens. C'est vrai pour nos deux pays et c'est vrai pour l'Union européenne. Maintenant si d'autres, en particulier les nations les plus puissantes qui ont une capacité d'aide et d'investissement souhaitent aider la Tunisie, elles sont certainement les très bienvenues.
Q - Vous avez évoqué à l'instant la possibilité d'une conférence des donateurs de la Tunisie et nous avons entendu dire qu'elle pourrait se tenir au mois de juin. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur les échéances mais aussi sur le périmètre et les ambitions ? S'agit-il en fait de faire une sorte de plan Marshall pour la Tunisie ?
R - C'est une initiative qui est effectivement en discussion. La décision en revient au premier chef au gouvernement tunisien et nous allons avoir l'occasion d'en discuter. Je n'appellerais pas cela conférence des donateurs. C'est plutôt une conférence des partenaires dont l'objet - j'ai utilisé cette formule tout à l'heure - est d'investir dans la démocratie. Le gouvernement tunisien a recensé un certain nombre de projets. Nous croyons en l'avenir de la Tunisie ; encore faut-il, bien sûr, qu'elle soit appuyée concrètement.
Nous allons donc, en particulier à l'occasion du voyage du Premier ministre Jomaa en France, aborder ce sujet à la fois sur le fond et sur la question de la date. Quand les choses auront été décidées définitivement, elles seront annoncées.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2014