Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour, Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Manuel VALLS a précisé hier où se feraient les 50 milliards d'euros d'économies sur les trois prochaines années, 18 milliards d'euros pour l'Etat, 11 milliards pour les collectivités locales, 10 milliards pour l'Assurance maladie et 11 milliards pour les prestations sociales, gel du point d'indice des fonctionnaires jusqu'en 2017, retraite non revalorisée en octobre 2014, mais a priori un an plus tard, pas de revalorisation des prestations sociales jusqu'en 2015. Comment peut-on qualifier ces mesures, le débat continue sur le point de savoir s'il s'agit d'austérité ou pas ? Vous assumez vous la part d'austérité de ces décisions ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous assumons le chemin de redressement qui est le nôtre, qui d'ailleurs a été engagé par ce gouvernement déjà depuis deux ans et que nous continuons et que nous amplifions parce que notre pays en a besoin. Notre pays a besoin de renouer avec la croissance, a besoin de donner les marges de manoeuvres aux entreprises pour qu'elles embauchent, pour qu'elles investissent, pour qu'elles innovent et donc nous avons besoin de faire cet allégement du coût du travail que nous prévoyons dans le pacte de responsabilité. Ça va être 30 milliards d'euros qui seront mis au service des entreprises pour qu'elles puissent davantage fournir de l'emploi. Eh bien en contrepartie il fallait bien trouver ces sommes et équilibrer cette dépense, c'est ce qui a été annoncé par le Premier ministre hier, mais nous le faisons dans un esprit, pardonnez-moi, de justice et de solidarité, parce que les efforts nous les demandons certes collectivement, mais il est prévu de maintenir par exemple le pouvoir d'achat des salariés au Smic, puisque comme vous le savez les cotisations salariales cette fois-ci vont, elles aussi, être allégées à partir du 1er janvier 2015, donc ça va représenter quelques 500 euros pour un salarié au Smic sur un an, que nous allons faire en sorte parmi les prestations sociales dont vous avez indiqué que leur revalorisation serait reportée d'un an, d'exonérer en revanche celles qui concernent les minimum vieillesse, ou qui concerne le RSA par exemple. Les minimas sociaux seront eux bel et bien maintenus, donc il y a quand même des efforts qui sont réalisés pour que les plus modestes d'entre nous ne soient pas lésés par ce redressement indispensable.
FREDERIC RIVIERE
De nombreux élus socialistes hier ont exprimé leur trouble, est-ce que vous comprenez tout de même que ça leur fasse drôle que la gauche au pouvoir allège les charges des entreprises de 30 milliards d'euros, et gèle les prestations sociales ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce qu'il faut bien comprendre c'est qu'il ne s'agit pas d'opposer les entreprises et les individus, encore une fois pourquoi est-ce que nous allégeons le coût du travail pour les entreprises, pour leur permettre d'embaucher davantage. Embaucher davantage, qu'est-ce que ça signifie, ça signifie remettre en emploi des Françaises et des Française, jeunes, moins jeunes puisqu'on sait que le chômage touche en particulier les plus jeunes et les seniors et remettre en emploi, donc leur donner du pouvoir d'achat en quelque sorte avec un salaire qui tombe à la fin du mois, avec des perspectives, avec la possibilité enfin de fonder une famille quand on est jeune. On sait qu'aujourd'hui les jeunes mettent de plus en plus de temps et d'années à fonder leur famille parce qu'ils ne trouvent pas de situation stable. Et moi j'ai rencontré si vous voulez ces dernières années un nombre de jeunes gens qui à l'âge de 30 ans n'avaient encore reçu aucune fiche de paie, ce qui est extrêmement préoccupant, donc il faut tout mettre en oeuvre, tout prioriser sur cette question. Et c'est pour cela que nous donnons encore une fois les moyens aux entreprises d'investir. Mais par ailleurs, si vous me permettez dans ce même plan de redressement, vous aurez noté que l'Etat par exemple préserve ses capacités d'investissement sur l'Education nationale, sur la Justice, sur la sécurité, donc emploi, éducation, formation, justice, sécurité, ce sont les priorités du président de la République, il l'avait annoncé en 2012 et ce plan ne fait que les confirmer.
FREDERIC RIVIERE
Sur la forme, vous avez été porte-parole du gouvernement, hier Manuel VALLS a remplacé le nouveau porte-parole du gouvernement Stéphane LE FOLL, avec quatre ministres de chaque côté et quasiment au garde à vous pendant qu'il annonçait les mesures, et les députés ont appris les décisions en regardant la télévision, c'est le style VALLS ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a nécessité à ce moment précis de notre histoire de prendre à bras le corps les décisions, de les faire avancer avec une forme oui de volontarisme
FREDERIC RIVIERE
Voire d'autoritarisme un peu ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non de volontarisme et je pense honnêtement que c'est ce qui est attendu aussi du Premier ministre. En même temps qui dit volontarisme n'exclue évidemment pas le dialogue et le dialogue avec les parlementaires, il va bel et bien se faire et le Premier ministre l'a dit, nous allons revenir devant le Parlement avec les propositions qui ont été faites hier et il y aura vraisemblablement des discussions qui permettront d'affiner tel ou tel point. Mais sur les grands principes que j'ai rappelé à l'instant, c'est-à-dire à la fois la nécessité de soutenir nos entreprises, de réduire les impôts, on ne l'a pas évoqué, mais en perspective et c'est pour cela que nous avons besoin des moyens
FREDERIC RIVIERE
Pour l'instant on ne sait pas quelles réductions d'impôts et dans quelles proportions.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, le Premier ministre a annoncé quand même que dès le mois de juin des mesures seront prises en faveur des contribuables les plus modestes, donc il va bien y avoir un effort fait de réduction des impôts, de réduire le déficit public aussi parce qu'on vit indéniablement au-dessus de nos moyens et pourtant est-ce qu'on vit mieux en France où nos dépenses publiques représentent 57 % de notre richesse nationale par rapport à d'autres pays où ça représente beaucoup moins bien, ce n'est pas une certitude, donc il nous faut faire des efforts et c'est pour cela que dans ce plan est prévu la rationalisation des dépenses des collectivités locales, de l'Etat pour mieux mutualiser, pour être plus efficace au service des Français.
FREDERIC RIVIERE
Pourquoi le gouvernement a-t-il finalement renoncé à demander un délai supplémentaire à Bruxelles pour ramener ces déficits sous la barre des 3 %, puisque ça a été envisagé ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que les choses vraiment soient claires, parce que j'entends beaucoup cette question, ça n'est pas pour les beaux yeux de Bruxelles que nous faisons les efforts que nous faisons aujourd'hui, si nous les faisons c'est parce que nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir le taux d'endettement qui est le nôtre. Il risque d'atteindre quasiment 100 % de notre PIB si nous ne faisons rien. Ça représente quelques 30 000 euros par Français de dettes à payer, en gros ça veut dire que tout cela est reporté sur les générations à venir, donc sur nos enfants qui vont se trimballer cette dette quasi individuelle de 30 000 euros par personne. Donc est-ce que c'est normal ? Est-ce qu'on ne peut pas plutôt s'arrêter un instant et encore une fois rationnaliser notre mode de fonctionnement pour éviter de dépenser plus que nos moyens ne nous le permettent. Et c'est ce que nous faisons au nom de l'assainissement de nos finances publiques, pas au nom de Bruxelles, pour faire en sorte que nous puissions
FREDERIC RIVIERE
Oui mais une dette on peut négocier l'échéancier parfois.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Quand on a une dette on peut négocier l'échéancier certes, mais enfin en même temps, vous savez c'est aussi de notre souveraineté qu'il est question, c'est-à-dire qu'à un moment donné si on se met simplement dans la main des marchés financiers, on n'aura plus les moyens non plus de faire nos choix de priorité. Je vous parlais d'éducation, de sécurité, de justice tout à l'heure, si on est incapable de présenter des comptes sains et qu'on est entre les mains des marchés financiers, alors on nous imposera des priorités qui ne sont pas les nôtres aussi parce que les marchés financiers n'auront pas le même intérêt que nous l'avons-nous à financer par exemple l'éducation donc, voilà.
FREDERIC RIVIERE
Vous avez de nouvelles attributions dans votre portefeuille ministériel, mais vous restez ministre des Droits des femmes et vous avez lancé hier une plateforme européenne pour l'égalité, c'est une initiative que vous avez prise personnellement, vous êtes soutenue par un certain nombre de ministres européens, et plusieurs prix Nobel de la Paix, de quoi va-t-il s'agir, qu'est-ce que porte ce projet ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors c'est très simple, bientôt ce sont les élections européennes, moi je ne veux pas qu'à l'occasion de ces élections européennes on ne parle que de projets économiques, ou alors qu'on se satisfasse d'une abstention et d'un désintérêt croissant des citoyens européens envers leur institution. Moi je crois beaucoup à l'Union européenne et je pense que l'union européenne doit être un fer de lance en matière de valeurs et de projet de société. Et que dans ces valeurs et dans ce projet de société, il y a notamment la question des libertés fondamentales, et parmi elles les droits des femmes. Les droits des femmes à pouvoir à la fois être égales professionnellement, accéder aux responsabilités, disposer de leur corps, être autonomes, et ces droits des femmes, j'aimerais que l'Union européenne s'en saisisse et qu'elle crée un socle commun, fondamental, qu'elle fasse respecter. Et donc ce texte, cette plateforme que nous avons cosigné avec plusieurs ministres européennes hier et que je vais remettre dans un instant à Martin SCHULZ, c'est un texte à l'adresse des candidats aux élections européennes pour leur dire, voilà l'Europe dont nous rêvons. D'abord une Europe avec des institutions qui soient paritaires, est-ce que c'est normal qu'aujourd'hui alors que la parité, on cherche à l'imposer dans tous nos pays, on ne la retrouve pas dans la Banque centrale, dans le collège des commissaires etc. Donc une Europe paritaire et puis une Europe qui mette le droit des femmes dans son agenda politique, comme une priorité.
FREDERIC RIVIERE
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2014