Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Tout de suite Najat VALLAUD-BELKACEM, invitée spéciale d'I TELE, et d'abord avec Christophe BARBIER.
CHRISTOPHE BARBIER
Najat VALLAUD-BELKACEM, bonjour. Bienvenue.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Un contre-plan donc dans le cadre des cinquante milliards d'économies prévus par le gouvernement, un contre-plan pour épargner les prestations sociales. Les députés vont être reçus par Manuel VALLS aujourd'hui. Est-ce que vous êtes solidaire avec eux dans leurs démarches sociales ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Une précision d'abord, si vous le voulez bien, sur ces cinquante milliards d'euros d'économies, il est prévu en effet de demander un certain nombre d'efforts à l'Etat, aux collectivités locales, aux opérateurs de l'Etat, différentes agences, et de faire un effort également sur les prestations sociales, notamment en retardant d'un an la revalorisation d'un certain nombre d'entre elles, en revanche, les minima sociaux, ceux donc que touchent les Français les plus modestes en ce moment, eux, sont préservés. Donc cette question de l'équité
CHRISTOPHE BARBIER
Les plus modestes, oui, mais juste, au-dessus, les Français vont perdre du pouvoir d'achat.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cette question de l'équité, elle a bien évidemment été prise en compte dans la présentation du plan qui a été fait par Manuel VALLS. Maintenant, les parlementaires et notamment les députés de la Commission des Finances font en effet un certain nombre de propositions alternatives, notamment pour veiller au pouvoir d'achat d'un certain nombre de Français. Ce sont des propositions que nous allons regarder, que nous écoutons en tout état de cause, nous sommes en démocratie, nous sommes pour le débat, et je constate que personne, parmi ceux qui nous soutiennent, ne conteste l'objectif final, qui est de passer en dessous de 3% notre déficit, le moyen d'y parvenir, qui est de faire ces cinq milliards d'euros d'économies, simplement, ils font des propositions alternatives ou alors, ils demandent à ce que cela soit fait à un rythme différent, et cela, ça fait partie de la discussion.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est acceptable de reporter par exemple en 2016, pour les grands groupes, l'impact du pacte de responsabilité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est au Premier ministre d'en discuter, d'ailleurs, il va les recevoir avec les députés de la Commission des Finances, et puis de voir ce qui est faisable, mais encore une fois, nous ne sommes pas braqués, si, nous sommes braqués sur une chose, c'est le cap, le cap à poursuivre et l'objectif qui est, encore une fois, de réduire nos déficits, pourquoi ? Pour nous donner des marges de manoeuvre pour continuer à investir dans ce qui nous semble essentiel
CHRISTOPHE BARBIER
Mais vous n'êtes pas braqués sur les modalités
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L'Education, la Justice, la Sécurité, mais les modalités, à certains égards, peuvent sans doute se discuter.
CHRISTOPHE BARBIER
Manuel VALLS a demandé à Marisol TOURAINE de réfléchir pour justement épargner ces retraités, c'est le point central, les retraités, les petites retraites ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En tout cas, les petits retraités, comme on dit rapidement, sont parmi les Français les plus modestes, aujourd'hui, en effet, il faut être attentif au pouvoir d'achat des plus modestes.
CHRISTOPHE BARBIER
Ce sont les Français dont vous vous occupez finalement, ces Français des classes moyennes très inférieures, c'est ceux que vous retrouvez dans la politique de la ville.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Notamment, oui, notamment, pas que, ils n'habitent pas tous en territoire urbain, ils sont pour beaucoup en zone rurale par exemple, mais indéniablement, ce sont des Français auxquels nous devons faire attention, lorsque nous adoptons des mesures qui se veulent équitables, oui.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, on l'a vu avec le vote de confiance pour le Premier ministre, on le voit de nouveau avec ce pacte de stabilité, on a l'impression que c'est à couteaux tirés à chaque fois entre la majorité et l'exécutif, c'est ça les nouvelles règles, les nouveaux modes de vie ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, lorsque le Premier ministre a fait son discours de politique générale, il a été suivi, il va y avoir bientôt un vote sur le pacte de stabilité, le 29 avril prochain. Nous faisons en sorte que nous puissions convaincre de la pertinence de nos choix le maximum de parlementaires possibles, et d'ailleurs sur tous les bancs, parce que je constate que sur tous les bancs, on a conscience que la France, si elle ne fait rien, va droit dans le mur.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est-à-dire, vous espérez même des votes de droite et du centre sur ce pacte ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous espérons que tous les parlementaires, par raison, comprendront qu'il est temps que la France se réforme, que le pacte de responsabilité, par exemple, est un pacte qui est au service à la fois de la compétitivité de nos entreprises, mais aussi des emplois des Français tout simplement, donc il peut trouver en effet des soutiens sur plusieurs bancs de l'Assemblée.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais pourquoi ne pas céder sur les 3%, et aller à Bruxelles demander un délai ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais parce que ça n'est pas pour Bruxelles que nous cherchons à faire redescendre notre déficit en dessous de 3%, nous cherchons à le faire redescendre en dessous de 3% je le disais pour dégager des marges de manoeuvre, parce que, plus nous nous endettons, et moins nous avons de marges de manoeuvre pour financer, j'allais dire, notre mode de vie d'aujourd'hui, et encore plus celui de demain, pour les générations qui viennent, je suis la ministre de la Jeunesse, donc je n'ai pas envie que, on endette chacun de nos jeunes, c'est déjà le cas à près de 30.000 euros par tête, et je n'ai pas envie que ça continue, parce que ça sera à eux de payer, et puis, par ailleurs, faire redescendre notre déficit, c'est aussi conserver une souveraineté, c'est ne pas nous mettre dans la main des marchés financiers qui n'attendent que cela, que de pouvoir nous faire plier le genou, comme ils ont pu le faire à d'autres pays. Et donc nous, nous préférons pouvoir continuer à emprunter à bas taux d'intérêt, et donc c'est aussi parce que nous aurons su être sains financièrement que nous arriverons à le faire.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors dans les villes dont vous vous occupez, envers cette jeunesse dont vous vous occupez désormais, eh bien, il y a ceux qui tentent d'aller chercher des djihadistes, on l'a vu avec le retour des otages français, il y avait des geôliers qui parlaient français en Syrie. Est-ce que les mesures de sensibilisation, proposées par Bernard CAZENEUVE, ne sont pas un peu naïves ? Est-ce qu'il ne faut pas être plus coercitif ?
NAJAT VALLAUD-BELKACE
D'abord, Bernard CAZENEUVE donc va revenir demain sur les mesures qu'il compte adopter pour lutter contre les filières djihadistes, il n'y a pas que de la sensibilisation, il y a aura aussi
CHRISTOPHE BARBIER
De l'action !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
De la capacité à mieux s'informer, à mieux se renseigner sur ce type de filières, pour mieux les démanteler, donc mieux se renseigner, c'est notamment faire en sorte que notre service de renseignements maille davantage le territoire français tout entier et aille dans la proximité pour identifier ces jeunes qui sont tentés ou qui sont approchés par des filières ; il faut être de la plus grande fermeté, de la plus grande sévérité à l'égard de ces filières djihadistes. Et puis, s'agissant des causes qui peuvent conduire certains jeunes, comme ça, à s'engager, il faut évidemment investir toujours plus pour pouvoir accompagner ces jeunes dans l'Education, pour pouvoir les faire comment dire être partie prenante de la République, de la citoyenneté et pas relégués et pas avoir ce sentiment d'être à côté de la République
CHRISTOPHE BARBIER
Le danger, c'est Internet et le recrutement par Internet ou bien, il y a des réseaux d'islamistes qui sont dans nos villes pour recruter les jeunes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est aux services de renseignements de nous dire cela, je n'ai pas évidemment d'informations précises sur ce sujet, mais ce que je peux vous dire, c'est que, Internet, comme souvent, c'est à la fois le lieu du meilleur et du pire, et donc il faut, mais Manuel VALLS, comme ministre de l'Intérieur, avait déjà engagé des mesures dans cette direction, il faut aussi que nous soyons armés et que nous ayons le personnel pour, pour pouvoir en effet démanteler les filières sur Internet. Et donc les connaître, les identifier, prendre les informations nécessaires à leur sujet, pouvoir demander aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès sur Internet de mettre fin aux annonces qui sont problématiques en la matière ; donc avoir véritablement une police qui ne soit pas simplement dans la rue, mais qui soit aussi sur le Web.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous avez gardé dans vos attributions, le Droit des femmes, la Une du PARISIEN ce matin est consacrée au harcèlement que subissent les femmes, dans la rue, de la drague un peu lourde jusque parfois des menaces plus sérieuses. En Belgique, il y a des amendes, il y a même des textes de loi qui sont à l'étude ; pourquoi rien en France ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, on n'a pas rien en France, loin de là, d'abord, on a depuis 1881 le texte sur la liberté de la presse, on a un délit d'injures publiques, qui permet d'être utilisé lorsque vous êtes comme ça harcelée dans la rue et qui d'ailleurs, lorsque c'est une injure publique sexiste, est donc aggravée, et c'est six mois d'emprisonnement et 20.000 euros d'amende, simplement, est-ce que
CHRISTOPHE BARBIER
Mais enfin, c'est très difficile à mettre en pratique, il ny a pas de témoins, les gens s'en vont
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, exactement, c'est ça la difficulté. Nous avons cherché à compléter donc cette législation qui n'était pas suffisamment utilisée par notre loi sur le harcèlement sexuel, adoptée en août 2012, qui a été la première loi de ce gouvernement d'ailleurs, c'est une loi sur le harcèlement qui vaut aussi bien sur le lieu de travail par exemple que dans la rue. Et donc on peut l'utiliser, maintenant, il faut la faire connaître, il faut faire en sorte que les victimes se sentent autorisées à aller déposer plainte dans un commissariat, en ayant simplement vaguement identifié la personne, ce qui reste compliqué, je vous l'accorde
CHRISTOPHE BARBIER
Eh oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc pour aller plus loin, et d'ailleurs le projet de loi belge se heurtera aux mêmes difficultés, comprenez-le bien, pour aller plus loin, nous, nous avons estimé que la bonne façon de lutter contre le sexisme de rue, c'est de ne plus être complaisant à l'égard du sexisme quel qu'il soit, où qu'il se manifeste, donc d'être intolérant lorsqu'il se manifeste dans des propos publics, par exemple, rappelez-vous ce député qui, à l'Assemblée nationale, avait traité une collègue femme de poule, eh bien, il avait bel et bien été sanctionné d'une amende par le président de l'Assemblée nationale, c'est important de le dire clairement, c'est inacceptable. Donc il faut continuer, et la loi que je présente en ce moment au Parlement, en donnant par exemple des compétences au Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour vérifier ce qui se dit à la télévision, à la radio, et sanctionner lorsque cela va trop loin, en termes de propos sexistes, eh bien, ça va dans ce sens-là.
CHRISTOPHE BARBIER
Ça va prendre une génération de changer les moeurs ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça prend du temps d'agir sur les comportements, mais prévenir les choses, c'est quand même la meilleure façon de ne pas avoir à les guérir.
CHRISTOPHE BARBIER
En fin de semaine dernière, Aquilino MORELLE a dû démissionner de son poste de conseiller à l'Elysée pour une histoire de cireur de chaussures convoqué, est-ce que les médias en font trop en s'intéressant comme ça à la vie intime d'un conseiller qui a le droit d'aimer les chaussures ou est-ce que c'est la loi de la démocratie transparente ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je ne connais évidemment pas le fond de l'affaire, ce qui lui est reproché, est-ce que c'est vrai, est-ce que ce n'est pas vrai ? En tout cas, ce dont je suis sûr, c'est que le fait de s'être retiré comme il l'a fait et très rapidement va lui permettre en effet de se défendre de façon plus simple, plus claire, et je constate que ce retrait a été très rapide, et je constate que comme sur bien d'autres sujets depuis deux ans, à chaque fois que la presse ou que la justice enquête sur le pouvoir, elle y arrive sans aucune difficulté et sans aucun bâton dans les roues, c'est ça la vraie transparence, et c'est ça la vraie nouveauté que nous avons introduite.
CHRISTOPHE BARBIER
Najat VALLAUD-BELKACEM, on vous retrouve tout à l'heure pour parler sport, un autre de vos portefeuilles.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
BRUCE TOUSSAINT
Sport, ville, notamment bien sûr, on vous retrouve à 08h15.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mai 2014