Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports à RTL le 9 mai 2014, sur les enlèvements de jeunes filles au Nigéria et les élections européennes du 25 mai.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE, vous recevez donc ce matin Najat VALLAUDBELKACEM.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Plus de 200 jeunes filles sont toujours retenues ce matin en otages au Nigeria par le groupe terroriste Boko Haram. La France, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, souhaitent aider les autorités du Nigeria à retrouver ces lycéennes, pour les libérer. Quelle aide peut-on leur apporter, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord, vous savez que la France a fait savoir, par la voix du président de la République, directement, et celle du ministre des Affaires étrangères, notre disponibilité pour apporter un soutien aux autorités nigériennes, un soutien en matière de renseignements, sur place, et tout faire, en sorte, pour que l'on puisse retrouver ces jeunes filles, tout cela dans une certaine discrétion, parce que ce type d'opération ne peut pas se faire sans discrétion.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de nouvelles particulières ce matin.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, pas de nouvelles particulières, mais au-delà, si vous le permettez, moi je voudrais quand même exprimer ici l'immense émotion, d'ailleurs qui est une émotion mondiale aujourd'hui, qu'a suscité cette affaire...
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je pense que c'est l'humanité toute entière qui est touchée au coeur par cet enlèvement, ces rapts, et si je peux me permettre, moi j'aimerais qu'on arrête de parler de menaces de mariage forcé, le terme de mariage forcé ne convient pas. Lorsque l'on marie une enfant avec un adulte, ça s'appelle un viol, et même des viols répétés, et parce qu'il s'agit d'enfants, ça s'appelle même de la pédophilie. Donc c'est bien d'actes aussi graves que ceux-là qu'il est question, et oui, nous allons aider le Nigeria à assumer son devoir de protection à l'égard de ces enfants, nous, pays, mais aussi au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies, qui soit s'emparer de cette affaire, ainsi que de la Cour pénale internationale, car réduire des individus en esclavage, c'est un crime contre l'humanité qui doit être condamné comme tel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le parlementaire UMP, Thierry MARIANI, a profité de cette circonstance dramatique, cet enlèvement de jeunes filles au Nigeria, pour faire un Tweet qui a suscité la polémique, et je voulais recueillir votre avis, le député Thierry MARIANI, qui est un ancien ministre de Nicolas SARKOZY, a écrit : « L'enlèvement par la secte Boko Haram, rappelle que l'Afrique n'a pas attendu l'Occident pour pratiquer l'esclavage ». Le # de ce tweet est « décupalbilisation », qu'en pensez-vous, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord, c'est effarant dans l'absolu, quand on voit l'horreur que représentent ces rapts de jeunes lycéennes et collégiennes, d'ailleurs, mais au-delà, on est le 9 mai, donc c'est demain la journée mondiale de lutte contre l'esclavage, et donc, profiter de ce moment, de ces circonstances dramatiques, tragiques, pour chercher à créer la polémique autour de cet esclavage, je pense que...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ou pour dire quelque chose, pour exprimer une conviction, pour ce qui le concerne.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, je crois que c'était une polémique gratuite, il a d'ailleurs lui-même regretté ses propos, si mes informations sont bonnes...
JEAN-MICHEL APHATIE
J'ai pas vu ça, mais...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A la demande express d'un membre de son parti. Honnêtement je pense que sur un sujet aussi grave, ça pourrait faire consensus entre nous, que de simplement condamner, dénoncer et s'apprêter ensemble à célébrer ou commémorer, plus exactement, la triste histoire de l'esclavage demain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes à 15 jours de l'élection européenne, Najat VALLAUD-BELKACEM, le président de la République a publié une tribune hier dans le journal LE MONDE, pour défendre l'Europe, l'Europe que je veux, a-t-il dit, « sortir de l'Europe, c'est sortir de l'histoire », écrit le chef de l'Etat, mais c'est sans doute un peu abstrait pour beaucoup de Français qui sont appelés aux urnes, pour qui l'Europe ce sont surtout des contraintes, et on l'entend ce matin sur RTL, pour beaucoup d'auditeurs, l'Europe c'est quand même pas terrible. Alors, comment vous pouvez les convaincre du contraire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le problème c'est que l'on ne parle d'Europe qu'à chaque renouvellement du Parlement européen, c'est-à-dire vraiment pas assez souvent ou alors le reste du temps, pour en faire le bouc-émissaire de tous nos problèmes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, les députés socialistes, par exemple, qui disent : « Les 3 %, ras-le-bol ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je pense que chacun...
JEAN-MICHEL APHATIE
Par exemple.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Honnêtement, je pense que chacun a sa part de responsabilités dans le discours qui est porté sur l'Europe...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais par exemple, je disais « par exemple ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... certains plus que d'autres, et en particulier les europhobes au complet, ceux qui envisagent, proposent de sortir de l'euro, par exemple, de fermer nos frontières. Moi, je pense que, aujourd'hui, ce qu'il faut expliquer, en particulier aux jeunes générations qui n'ont pas d'hostilité à l'égard de l'Europe, mais simplement, au contraire, je pense, aiment l'Europe, en revanche ne s'approprient pas les institutions européennes. Ce qu'il faut leur expliquer, c'est que les élections européennes servent justement à reprendre possession de Bruxelles, en quelques sortes. L'Europe, c'est une idée, c'est un construit, et no avons construit la paix grâce à l'Europe, en particulier, mais c'est aussi un espace politique dans lequel on fait précisément ce qu'on a envie de faire, et le fait que la Commission européenne soit maintenant, depuis 20 ans, à droite, n'est pas une fatalité, justement, il faut aller voter pour permettre...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça changera, si elle est à gauche ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... pour permettre à cette commission européenne de trouver un successeur à Jacques DELORS, que l'on n'a pas trouvé depuis Jacques DELORS, c'est-à-dire un homme de gauche, et Martin SCHULZ en est un, qui soi capable de porter autre chose que des politiques, en effet, d'austérité, de rigueur, mais au contraire des politiques de relance et de relance notamment par le soutien à l'emploi des jeunes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et d'un mot, quand les députés socialistes disent, c'est ce que je disais tout à l'heure « Les 3 %, ras-le-bol », ils aident pas non plus la cause de l'Europe, vous en convenez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que derrière les 3 %...
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a deux choses. D'une part, quand nous en France on s'impose de réduire notre déficit sous ces 3 %....
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas ma question. Ma question c'est : ces parlementaires qui disent, eux-mêmes « Ras-le-bol de l'Europe », ils n'aident pas votre action.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, non mais je vais... Non mais je vais y revenir. Je ne crois pas qu'ils disent « ras-le-bol de l'Europe, je vous assure que c'est mon deuxième point. Le premier point, c'est que quand nous, la France, le gouvernement français, on essaie de réduire notre déficit en dessous de 3 %, on le fait pour des considérations de souveraineté, économique, en quelque sorte, on veut que notre pays ne soit pas trop dépendant des marchés financiers...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça c'est l'explication, d'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... et donc on veut récupérer des marges de manoeuvre pour...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut réduire les déficits.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... payer des dépenses publiques qui nous paraissent plus importantes, comme l'éducation, la sécurité, la justice, voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne vous dirais pas le contraire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ou la compétitivité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les députés européens, les députés français, qui disent...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et puis le deuxième point...
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
J'y viens, et le deuxième point, c'est que la norme des 3 %, en son détail, il est légitime qu'elle puisse faire l'objet d'un débat. Je vous donne un exemple concret, pour que les gens comprennent bien. Par exemple, aujourd'hui, ce que la France, comme état, verse comme contribution au budget européen, est compté dans les 3 %. Est-ce que c'est naturel ou pas ? Est-ce que c'est légitime, est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer que des choses n'entrent pas...
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien ce sont des traités, si on les remet sans cette en cause, on n'arrivera pas à fabriquer non plus l'Europe.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais admettez que c'est une question politique, et c'est pour ça que je vous invite, que je nous invite à refaire de l'Europe, un espace politique. Les choses ne sont pas une fatalité, on peut les discuter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il nous reste 15 jours pour continuer la pédagogie européenne, et je voulais vous citer, pour finir, cette phrase de François FILLON, qui a appelé mercredi à infliger une deuxième raclée à François HOLLANDE, à l'occasion de ces élections européennes. Voilà, parce qu'elles ne se présentent pas bien pour vous, pour le Parti socialiste, ces élections européennes.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Honnêtement, je n'ai pas l'impression qu'elles se présentent bien pour l'UMP, hein, ces élections européennes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais plus mal pour vous, sans doute.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, ce qui me préoccupe aujourd'hui, c'est que nous n'ayons pas un taux d'abstention tel, qu'au fond peu importe qui l'emportera, cette élection européenne, on aura quand même eu un beau gâchis. Voilà. Moi je ne veux pas de gâchis démocratique, je veux que les citoyens s'emparent de ce vote et y aillent, aillent aux urnes, ça n'est pas un vote moins important que les autres, on sait qu'énormément de décisions qui concernent votre vie quotidienne, précisément, se prennent à Bruxelles, donc vous ne pouvez pas passer à côté, ou à Strasbourg.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc c'est le 25 mai, il faudra aller voter, c'est dans 15 jours maintenant. Najat VALLAUD-BELKACEM était l'invitée de RTL ce matin, bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci à vous.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mai 2014