Texte intégral
Mesdames, Messieurs, Chers amis du sport,
Depuis que j'ai été nommé secrétaire d'Etat, c'est-à-dire très récemment, on me pose des questions variées.
La plus commune est celle-ci : êtes-vous favorable aux sanctions bientôt prononcées contre le Paris Saint-Germain ?
La plus divinatoire est probablement celle-là : la France peut-elle gagner la coupe du monde de foot ?
La plus difficile : comment faire pour que tous les Français fassent du sport ?
A mon grand étonnement, on m'a assez peu parlé d'éthique, de dopage, de paris, de triche dans les compétitions. Je me suis demandé pourquoi ce sujet essentiel pour l'avenir du sport était aussi peu abordé.
La vérité est que le sujet de l'intégrité fonctionne pour la presse comme les orages en météo. On vous parle de dopage au moment du Tour de France ou de paris truqués quand quelques handballeurs du sud de la France décident de miser sur un match auxquels ils participent. Quand on en parle, on ne parle que de ça. C'est violent mais c'est très court, et le reste de l'année, le sujet est oublié.
Ce biais médiatique ne doit évidemment pas constituer une méthode de travail. Bien au contraire.
C'est la raison pour laquelle je me réjouis du travail très approfondi réalisé par la chaire mise en place par la Sorbonne et le Centre international pour l'intégrité du sport, qui a abouti à l'ambitieux rapport qui nous a été présenté aujourd'hui. C'est à ma connaissance la première étude pluridisciplinaire d'une telle envergure, sur ce sujet essentiel pour l'avenir du sport. Félicitations à l'équipe de pilotage et en particulier à M. Laurent VIDAL, directeur de la Chaire « Éthique et sécurité dans le sport », pour avoir mené à bien ces travaux et l'organisation de cette restitution.
Le rapport présente un panorama extrêmement complet des risques que représentent les paris sportifs pour le sport contemporain. Il est clair que la menace est mondiale, concerne toutes les disciplines et que ses formes évoluent avec le développement du sport et les évolutions technologiques.
Les conséquences sont potentiellement majeures pour l'économie du sport mais aussi, par ricochet, pour la pratique sportive, tant la crédibilité du sport de haut niveau joue un rôle dans le développement du sport pour tous. Car le sport, même quand c'est un spectacle, porte des valeurs d'équité, de dépassement de soi et de respect des règles. La manipulation des résultats de la compétition sape ses fondements mêmes.
C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics, comme les acteurs du monde du sport, au plan international, comme au niveau national, doivent s'attacher à avoir une politique étoffée en matière de protection des compétitions.
Ce sujet est par essence international. Cela ne signifie cependant pas qu'il ne doive pas être traité au plan national. Il impose un double niveau d'intervention :
- Une implication nationale et individuelle forte au niveau de chacun des pays ;
- mais aussi et de manière tout aussi essentielle, une parfaite coordination au niveau international d'un pays à l'autre, et entre les différents acteurs internationaux publics, privés et sportifs.
A cet égard, je ne peux qu'être satisfait du public présent aujourd'hui, qui représente très largement les acteurs concernés par ces sujets : les Etats, le mouvement sportif, les organisations internationales et les opérateurs privés. Saluons aussi le monde universitaire à l'origine de cette manifestation, qui permet à n'en point douter de créer du liant entre la pensée et l'action.
Je souhaite aussi, et c'est l'une des raisons de ma présence ici, souligner que la France est impliquée depuis longtemps et de manière très volontaire dans cette lutte contre les manipulations des compétitions sportives.
Dans le domaine de la lutte antidopage, je suis fier que nous ayons été précurseurs et promoteurs de la création de l'Agence mondiale antidopage. Le caractère transnational de la pratique et la mobilité extrême des sportifs imposaient une ambition partagée de tous les pays, faute d'une perte d'efficacité des différents dispositifs nationaux. Sur les paris, elle a plus récemment été l'un des artisans importants du projet de convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation des compétitions sportives, qui vise à coordonner et harmoniser le traitement de cette problématique au niveau européen. Celle-ci comporte des volets à la fois préventifs et répressifs et devrait être signée à l'automne prochain. Nous serons, je m'y engage, l'un des premiers pays à la ratifier. Mais cette activité au niveau international ne nous a pas empêchés de mettre en place des outils nationaux pertinents, que ce soit par la loi, ou en coopération avec les fédérations sportives. Celles-ci accompagnent d'ailleurs pleinement le mouvement, tant elles sont conscientes du risque qui pèse sur leur sport.
La mise en place de l'autorité de régulation des jeux en ligne a ainsi été l'occasion de confier des missions à cette autorité et aux fédérations sportives en matière de prévention des risques.
Un délit pénal de corruption sportive a également été créé.
Mais nous devons encore avancer, avec la définition précise des acteurs de la compétition qui sont interdits de paris ou encore l'obligation de signalement des possibles manipulations de compétition est également l'un de nos axes de travail.
L'Arjel devrait ainsi accueillir une plate-forme de signalement des paris douteux passés sur les compétitions françaises depuis l'étranger.
A cet égard je souligne le très fort intérêt du système dit du « droit au pari » mis en place en France.
Il est simple et pertinent, et mis en valeur dans votre rapport. Il permet en effet de faire participer financièrement les opérateurs de paris aux efforts produits par les fédérations sportives pour sécuriser leurs compétitions. Or aujourd'hui, les opérateurs qui organisent à l'étranger des paris sur les compétitions françaises ne sont pas concernés par ce dispositif. Je vous le dis tout net, je voudrais que ce soit le cas. Par l'ouverture de paris, ils font en effet peser un risque sur les compétitions françaises. On l'a encore vu il y a quelques jours sur un match de troisième division en football.
Dans le cadre des travaux législatifs que je souhaite mener à bien, un volet sur l'éthique sportive sera intégré, avec plusieurs de ces dispositions.
Un dernier mot sur le sujet. L'éthique c'est à la fois la lutte contre le dopage et la contre les risques de manipulation.
Le rapport, à juste titre, aborde les deux sujets. Si l'on peut voir des différences entre la lutte contre le dopage et la lutte contre les risques de manipulations en lien avec les paris sportifs, force est de constater cependant que dans l'un et dans l'autre cas, il s'agit de préserver l'intégrité du sport par le respect de l'aléa sportif, de ses valeurs et ses règles.
Si en matière de lutte contre le dopage, la coordination internationale et la mise en place d'une organisation structurée se sont avérées indispensables, les risques de manipulation en lien avec les paris sportifs le justifient sans doute également.
Je n'en suis pas encore à proposer une autorité mondiale de lutte contre le dopage et les manipulations sportives.
En revanche, sur le plan national, j'y suis pleinement favorable.
Les prises de parole de la journée ont démontré que les enjeux d'intégrité sportive ont une unité et qu'une autorité dédiée à leur traitement serait pleinement légitime. J'espère ainsi pouvoir porter ce projet d'une autorité de l'intégrité sportive au cours de ces prochaines années.
Je vous remercie encore une fois du très grand intérêt de vos échanges et vous dis tout l'honneur pour moi de faire mon premier discours sur l'intégrité du sport dans ce lieu symbolique.
J'ai l'espoir que nous pourrons ensemble soutenir l'ambition de porter aux plus hauts les valeurs du sport.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 20 mai 2014