Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour Marisol TOURAINE.
MADAME LA MINISTRE MARISOL TOURAINE
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
On ne va pas jongler avec les milliards et noyer nos auditeurs sous les chiffres, parce qu'au bout d'un moment on n'y comprend plus rien.
MARISOL TOURAINE
Non, je vous le promets.
THOMAS SOTTO
Cela dit, sur les cinquante milliards d'économies à faire d'ici 2017, dix vont devoir être faits sur les dépenses de santé et onze sur la gestion du système social. Est-ce que les Français doivent accepter l'idée d'être moins bien soignés demain qu'aujourd'hui ?
MARISOL TOURAINE
Non, ils ne doivent pas l'accepter et d'ailleurs, ils ne seront pas demain moins bien soignés qu'aujourd'hui. C'est un principe que j'ai fixé, que j'ai rappelé. Nous avons un système de santé qui est tout à fait remarquable. Il est remarquable parce que la qualité des soins est très bonne et parce que tout le monde peut y accéder. J'ai indiqué, lorsque j'ai engagé le travail sur les économies à réaliser, que nous devions faire en sorte de soigner aussi bien voire mieux sans toucher à la qualité de la protection, mais en réorganisant notre système.
THOMAS SOTTO
Pardon de vous interrompre, mais tout ne va pas quand même pas très, très bien. Prenons l'exemple des services d'urgence dans les hôpitaux. On sait que c'est déjà très compliqué. Il y aura encore moins de moyens dans les urgences demain ?
MARISOL TOURAINE
Non. Il n'y aura pas moins de moyens. Au contraire, je peux dire que nous avons engagé un plan en faveur des urgences, ce qui montre bien que des investissements vont continuer d'être réalisés dans notre système de santé, mais que l'objectif c'est d'organiser notre système autrement. Comment ? Un des enjeux majeurs, c'est de faire en sorte qu'on soigne davantage en proximité, de faire en sorte que les gens aillent voir le médecin généraliste ou spécialiste d'ailleurs, mais généraliste le plus souvent, qui est près de chez eux. Ça, ça suppose de la coopération entre les professionnels, cela suppose qu'il y ait des structures.
THOMAS SOTTO
Que tout le monde joue le jeu, ce que personne ne fait depuis des années.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais parce que ça n'a pas été fixé comme un objectif. J'ai annoncé que je mettais en place une nouvelle politique, une stratégie nationale de santé dont je vais progressivement préciser plusieurs éléments.
THOMAS SOTTO
Il y aura des sanctions par exemple pour les médecins qui ne joueront pas le jeu ? des sanctions plus fortes, plus dissuasives qu'aujourd'hui ?
MARISOL TOURAINE
Vous savez, les médecins jouent plutôt le jeu. Ce qui est en question, c'est la coopération entre les professionnels. C'est de cette façon-là que nous allons réorganiser notre système pour que les gens aillent moins directement à l'hôpital. Et puis des économies aussi parce que parfois, j'entendis dire que l'hôpital ne serait pas forcément mis à contribution, mais on sait qu'il y a des difficultés de gestion à l'hôpital. Sur un même territoire, vous avez parfois plusieurs hôpitaux qui ont des systèmes informatiques différents, qui ont des systèmes de blanchisserie différents, il faut donc mutualiser.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire qu'on va unifier tout ça ? Et est-ce qu'on va fermer de nouveaux petits hôpitaux ?
MARISOL TOURAINE
Non, je crois que ça c'est un faux débat. On ne peut pas d'un côté dire : « J'ai besoin d'avoir des médecins de proximité » et de l'autre commencer par fermer des hôpitaux de proximité. L'objectif, ça n'est absolument de fermer des hôpitaux ; c'est de faire en sorte qu'il y ait une meilleure organisation, une plus grande rationalité dans la façon dont sont présents ces hôpitaux et travaillent ensemble ces hôpitaux.
THOMAS SOTTO
Est-ce que la chirurgie ambulatoire va devenir la règle aujourd'hui dans les hôpitaux français, Marisol TOURAINE ? La Cour des comptes dit qu'il y a cinq milliards à aller chercher là-bas.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais enfin, regardons. D'abord, qu'est-ce que c'est que la chirurgie ambulatoire ? Ça paraît très simple : on rentre, on se fait opérer et on sort le soir sans dormir à l'hôpital. Cinq milliards, c'est un chiffre qui pour certains apparaît magique mais ça veut dire que toutes les opérations, qui aujourd'hui sont réalisées avec des gens qui dorment à l'hôpital, seraient réalisées dans la journée. Ça voudrait dire qu'on fermerait la moitié des lits, qu'on mettrait au chômage la moitié des personnes qui travaillent dans les hôpitaux. Ça n'a pas de sens, surtout sur quelques années. En revanche, nous devons aller plus loin. Par exemple, un objectif précis : la chirurgie de la cataracte pour les yeux, on peut se dire qu'en trois c'est 100 % des actes de chirurgie de la cataracte qui doivent être réalisés en ambulatoire. On sait que c'est possible, et donc il n'y a pas de raison de ne pas le faire. On sait aussi qu'il y a des régions de France dans lesquelles certaines opérations sont plus fréquentes que d'autres. Il n'y a pas de raison qu'on opère plus de l'appendicite dans le sud-ouest de la France que dans le nord. Il y a donc là évidemment des objectifs à atteindre.
THOMAS SOTTO
L'ambulatoire n'est donc pas la baguette magique que certains semblent voir pour la ministre de la Santé que vous êtes.
MARISOL TOURAINE
Ce n'est pas une baguette magique mais il faut évidemment développer la chirurgie ambulatoire parce que cela permet de faire des économies assurément, et puis il y a beaucoup de gens qui n'ont pas envie de rester très longtemps à l'hôpital. Lorsque vous avez été opéré et que vous rentrez chez vous ensuite, c'est plus agréable et plus confortable.
THOMAS SOTTO
Vous parliez de la cataracte, on va parler des yeux. Vous allez plafonner les remboursements des mutuelles ? Que Choisir dit que ces remboursements seraient ramenés à 100 euros pour les montures, 200 euros pour les verres simples, 400 euros pour les verres complexes. L'idée, c'est de faire baisser les prix. Ils ont raison Que Choisir ou pas ? Ça va se faire ça ?
MARISOL TOURAINE
Non. Qu'est-ce qui est en jeu ? Aujourd'hui, on constate que pour les lunettes mais aussi pour d'autres tarifs, il y a parfois une tentation de dire : « Combien est-ce que vous rembourse la mutuelle ? » et je vais aligner le prix sur ce qui est remboursé par la mutuelle.
THOMAS SOTTO
Tout le monde l'a vécu, ça. Tout le monde l'a vécu.
MARISOL TOURAINE
Ça n'est pas une manière de maîtriser les coûts. Nous avons donc décidé cela a été fait il y a quelques mois de mettre en place ce qu'on appelle des contrats responsables qui, au fond, s'engagent à mieux maîtriser ce qu'ils vont rembourser aux patients. En échange de quoi, les contrats coûteront moins chers.
THOMAS SOTTO
Il y aura un vrai plafonnement comme le dit Que Choisir ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Il y aura progressivement un plafonnement non pas de ce qui est remboursé, mais de ce qui sera apporté comme garantie si on veut que le contrat fasse l'objet d'avantages sociaux et fiscaux. Pour payer moins cher son contrat de mutuelle, on prendra un contrat qui sera responsable et raisonnable.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il y aura de nouvelles franchises sur les médicaments ? cette part qui reste à payer par le patient ?
MARISOL TOURAINE
Non. Il n'y aura pas de nouvelle franchise. Moi, je redis ce que je disais il y a un instant. L'essentiel, c'est la garantie de notre système social. Vous savez il n'y a pas d'un côté un pacte pour l'économie, de l'autre des économies pour rétablir nos comptes publics, puis des réformes de structures, et puis si on trouve le temps, le Pacte social. Pour moi le Pacte social, il est au coeur de ce qui fait l'attractivité de la France ; il est au coeur de ce qui permet à notre pays de vivre bien et d'aller de l'avant. Donc le Pacte de responsabilité et de solidarité se fait dans le respect de notre modèle de protection sociale : pas de déremboursement, la même qualité de soins, la même prise en charge. C'est cela qui est aujourd'hui garanti.
THOMAS SOTTO
Mais il faudra quand même économiser onze milliards au bout du compte.
MARISOL TOURAINE
Oui, il y a des économies mais des économies de structures et d'organisation en matière de santé, parce que nous pouvons, quand on regarde ce qui se fait dans d'autres pays, soigner bien un peu moins cher.
THOMAS SOTTO
Marisol TOURAINE, vous êtes aussi la ministre des Affaires sociales.
MARISOL TOURAINE
Oui.
THOMAS SOTTO
Vous parliez du Pacte de responsabilité, des économies à faire. Est-ce qu'un gouvernement de gauche peut sérieusement geler les petites retraites ?
MARISOL TOURAINE
Il y a aujourd'hui une discussion qui est engagée avec les parlementaires. Je comprends très bien la préoccupation.
THOMAS SOTTO
Mais votre avis à vous, ministre de gauche de la Santé et des Affaires sociales ?
MARISOL TOURAINE
Je comprends très bien la préoccupation qui est la leur de faire en sorte que ceux qui ont des petites pensions puissent être préservés des efforts qui sont demandés. Je veux rappeler quand même que ce gouvernement engage une politique en direction des familles modestes, des retraités.
THOMAS SOTTO
Pardon, mais sur les retraites il faut lâcher du lest ou pas ?
MARISOL TOURAINE
Je veux dire qu'aujourd'hui même est publié un décret qui permet de revaloriser les prestations familiales des familles les plus modestes. Concrètement, pour des familles nombreuses modestes ça va représenter presque vingt euros de plus par mois. Quand on a un petit revenu, vingt euros de plus par mois ça compte. Pour des parents isolés, revalorisation aussi donc nous sommes dans une perspective où nous avons la volonté d'aider les plus modestes. J'entends ce que vous dites et ce que disent les députés socialistes. Je suis à leur écoute, je suis très sensible à leurs préoccupations et j'espère que nous pourrons trouver un point d'entente.
THOMAS SOTTO
Pas de réponse très précise, en tous cas pas ce qu'attendent certains députés socialistes.
MARISOL TOURAINE
Je dis que je suis non seulement attentive, mais que je comprends la préoccupation qui est la leur parce qu'il y a des retraités qui sont dans des situations très modestes.
THOMAS SOTTO
Vous allez voir Manuel VALLS à 09 heures, en sortant d'ici. Vous pourrez lui dire que vous comprenez qu'il faut peut-être faire un geste.
MARISOL TOURAINE
Je souhaite que nous puissions trouver une solution.
THOMAS SOTTO
Deux questions rapides pour terminer. La réforme des retraites prévoit la mise en place d'un compte pénibilité pour les salariés. C'est voté pour une mise en place au 1er janvier prochain, 1er janvier 2015. Pierre GATTAZ, le patron du MEDEF, trouve ça trop compliqué. Le ministère du Travail semble y trouver à redire aussi. Il entrera au 1er janvier oui ou non, ce compte pénibilité ?
MARISOL TOURAINE
Oui, ce compte pénibilité entrera en vigueur en temps et en heure. Je veux rappeler que la réforme des retraites, c'est à la fois des efforts demandés à tous - il faut travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps - mais il est juste qu'il y ait des gens qui puissent partir en retraite avant parce qu'ils ont eu des métiers pénibles. C'est un engagement fort, une avancée sociale forte et il n'est pas question d'y déroger. Il faut évidemment que ce compte soit simple, et je veux rassurer le patronat sur ce point. Mais cette avancée sociale - je le dis à monsieur GATTAZ et je le dis à tous ceux qui veulent la mettre en cause - cette avancée sociale entrera en vigueur.
THOMAS SOTTO
A bon entendeur pour le ministre du Travail.
MARISOL TOURAINE
Non, non, mais je crois que le ministre du Travail est tout à fait sur cette ligne-là aussi.
THOMAS SOTTO
Dernière question rapidement : lepoint.fr publie ce matin un papier dans lequel il explique que Ségolène ROYAL a donné des consignes, notamment pour son personnel féminin. Une tenue décente est exigée dans son ministère de l'Ecologie avec interdiction des décolletés. Est-ce qu'au ministère de la Santé les femmes ont le droit de porter des décolletés ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, il me semble que toutes les femmes et tous les hommes d'ailleurs qui travaillent au ministère des Affaires sociales et de la Santé ont le sens de la mission qui est la leur et spontanément adoptent des tenues décentes. Mais l'été, des décolletés légers ne me posent aucun problème.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Marisol TOURAINE d'être venue ce matin sur Europe 1. On vous laisse donc aller à Matignon parce que vous avez rendez-vous là-bas à 09 heures tout à l'heure.
MARISOL TOURAINE
Absolument.
THOMAS SOTTO
Merci et bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mai 2014