Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur la présence militaire française en Côte d'Ivoire, à Abidjan le 10 mai 2014.

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Circonstance : Déplacement en République de Côte-d’Ivoire, en République du Sénégal et en République islamique de Mauritanie, du 9 au 12 mai 2014

Texte intégral

Mon colonel,
Officiers, sous-officiers et marsouins de la force LICORNE,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Je le suis d'autant plus que je reconnais certains d'entre vous, que j'ai eu le plaisir de rencontrer en octobre dernier, lorsque j'ai passé une journée au Mans au sein de votre régiment.
La Côte d'Ivoire est un nouveau défi pour la 9e brigade d'infanterie de marine, et en particulier pour le 2e RIMa, qui s'est déjà illustré sur de nombreux théâtres. Je pense au Mali, où vous êtes notamment entrés les premiers dans Tombouctou, le 28 janvier 2013, après un raid blindé par le Sud aux côtés de l'armée malienne. Je pense aussi à l'Afghanistan, où, malgré le sacrifice de marsouins – c'était en 2011 – vous avez servi jusqu'à la fin de votre mission avec honneur et bravoure. Je n'oublie pas non plus le RICM qui contribue avec un escadron, ni le 6e régiment du génie avec une section, ni non plus les très nombreuses formations de l'armée de terre, sollicités pour constituer ce 33e mandat de l'opération LICORNE.
Je suis donc très heureux de vous retrouver aujourd'hui. Vous tous – et je pense autant à l'état-major et aux éléments de soutien qu'aux unités de combat – vous êtes ici au cœur de l'action de la France sur le continent africain. La diversité de vos missions, la longévité de votre action, témoignent de l'importance que nous lui accordons. Demain, vous serez au premier plan de l'évolution de notre dispositif en Afrique.
La force LICORNE est déployée en Côte d'Ivoire depuis une douzaine d'années. L'objectif premier était d'assurer la sécurité des ressortissants français au lendemain de la tentative de coup d'État de septembre 2002. Mais, alors que le pays tout entier se trouvait coupé en deux, une nouvelle mission est rapidement confiée à LICORNE : contrôler le cessez-le-feu résultant des accords de Marcoussis, conclus le 26 janvier 2003 sous l'égide de la France. Dans ces moments particulièrement difficiles, LICORNE a apporté un soutien essentiel à la mission de la Communauté d'Afrique de l'Ouest lors de son déploiement, puis à celle des Nations unies, présente depuis 2004. Depuis la signature de l'accord politique d'Ouagadougou en 2007, la principale mission de la force est de soutenir l'ONUCI afin de veiller à la mise en œuvre de l'accord.
Cette action de soutien à la réconciliation et à la paix a été plusieurs fois délicate, et la force LICORNE a connu l'épreuve du feu. Je pense, bien évidemment, à nos neuf soldats tombés le 6 novembre 2004, lors du bombardement de Bouaké. Nous ne les oublions pas et je sais que leur souvenir inspire votre action. Je pense également à la bataille d'Abidjan, en 2011, qui a vu Alassane Ouattara être finalement proclamé Président de la République de Côte d'Ivoire. C'est ce dernier événement qui a permis d'enclencher le processus de normalisation dans le pays, et je sais que dans ce succès, la force LICORNE a pris toute sa part.
Depuis lors, la France est restée un acteur engagé de la stabilisation de la Côte d'Ivoire. La force LICORNE poursuit en effet depuis 2011 son appui à la normalisation du pays, en assurant une présence dissuasive, mais aussi en contribuant à la reconstruction de l'armée ivoirienne par une coopération militaire active. LICORNE reste, dans le même temps, en mesure de défendre les intérêts français et d'assurer la protection de nos ressortissants en cas de besoin. Dans toutes ces missions, la force LICORNE fait la fierté de la France, en incarnant l'image d'une armée au service de la paix, des nations africaines et des Nations unies.
Aujourd'hui, l'objectif poursuivi depuis 2002 en République de Côte d'Ivoire est en passe d'être atteint. Au niveau politique, il y a désormais un président qui est élu et reconnu. Au niveau militaire, la situation ne justifie plus le maintien d'une force en opération.
Quand on compare la situation présente au chaos de 2002, on peut faire le constat d'une grande réussite, à laquelle la France doit être fière d'avoir contribué. À travers vous, je veux féliciter l'ensemble des soldats qui ont été déployés dans l'opération LICORNE.
La révision des accords de coopération qui nous lient à la Côte d'Ivoire témoigne de cette nouvelle donne. Je me réjouis que le texte ait été adopté cette semaine en Conseil des ministres à Abidjan et que le projet de ratification soit en cours de transmission au Parlement.
Dans ce contexte, le dispositif français ne pouvait pas rester figé. Il devait évoluer.
C'est pourquoi la France a entrepris une transformation de son dispositif militaire en Afrique.
Cette transformation trouve son origine dans le discours de François Hollande, le 12 octobre 2012 à Dakar : « Nous n'avons pas besoin de forces statiques en Afrique, nous avons besoin de forces réactives, capables de s'adapter et de privilégier une réponse plutôt que simplement une présence. C'est dans cet esprit que sera définie la nouvelle politique de défense de la France ». C'est cette nouvelle politique de défense que j'incarne, au nom du Président, et que je suis venu décliner aujourd'hui, ici à Abidjan.
Le 1er janvier 2015, LICORNE laissera sa place aux Forces Françaises en Côte d'Ivoire, les FFCI, passant du statut d'OPEX à celui de force de présence. Ces FFCI ont vocation à devenir, à l'horizon 2016, une base opérationnelle avancée sur la façade ouest de l'Afrique.
Fortes du positionnement géographique de la Côte d'Ivoire, fortes aussi de la qualité des infrastructures portuaires et aéroportuaires, les FFCI auront un double rôle. Elles seront d'abord une réserve stratégique de théâtre, capable d'intervenir en urgence sur le continent, là où la situation l'exige. Mais elles seront aussi un point d'appui pour nos opérations, en particulier dans la bande sahélo-saharienne. Elles resteront enfin, comme l'était la force LICORNE, en mesure d'appuyer l'ONUCI si les circonstances le commandaient.
J'ai rencontré hier soir le président Ouattara pour discuter de cette transformation. Car l'enjeu est commun. L'évolution du dispositif français accompagne celle de la Côte d'Ivoire, dans une perspective partagée, celle d'une coopération fructueuse, dans la paix et la sécurité.
Je sais que je peux compter sur vous, sur votre engagement et sur votre professionnalisme pour permettre à cette réorganisation de s'amorcer dans les meilleures conditions.
Pour relever les défis qui vous attendent, vous avez toute ma confiance.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 26 mai 2014