Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social à LCI le 13 mai 2014, sur les chifrres du chômage, les suppressions d'emploi et la situation économique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


GUILLAUME DURAND
Bonjour à tous et bonjour à vous François REBSAMEN, vous êtes ministre du Travail au sein du gouvernement. Dieu sait que les questions sont nombreuses, puisque François HOLLANDE le dit et le répète, fondamentalement c'est sur les aspects économiques et sociaux qu'il a l'intention d'être jugé, pour l'instant on ne voit pas grand chose venir, on va en parler avec vous dans un instant. Je voudrais signaler, pour notre confrère de LCI, qu'un grand débat a lieu ce soir à partir de 18H30, Martin SCHULZ contre JUNCKER, donc sur l'antenne de LCI, donc sur votre antenne, regardez ce débat, c'est important, et à partir de 19H00 vous pouvez suivre aussi les commentaires sur RADIO CLASSIQUE. Alors commençons avec François REBSAMEN sur cette affaire TAUBIRA, est-ce que vous considérez que c'est un, comment peut-on dire, c'est une gaffe pour l'ensemble du gouvernement ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, pour moi c'est un procès d'intention qui est fait à Christiane TAUBIRA, je trouve ça insupportable, je ne suis pas loin d'assimiler ça à une forme de racisme ambiant. Pourquoi s'en prend-on à cette femme, remarquable, Garde des sceaux qui fait bien son travail, depuis toujours.
GUILLAUME DURAND
Ça vous savez que l'opposition le conteste, qu'elle fasse bien son travail.
FRANÇOIS REBSAMEN
D'accord, d'accord, mais vous savez aussi que les contestations ont pris des tours racistes, on ne peut pas le nier, à travers la Manif pour tous, les bananes qu'on a pu lui jeter, les propos qu'on a ou tenir, je sens qu'il y a comme un relent dans la polémique qui est créée autour d'elle.
GUILLAUME DURAND
Tout à l'heure Guillaume TABARD, sur l'antenne de RADIO CLASSIQUE, disait quelque chose d'assez juste, au fond ce n'est pas le fait qu'elle se recueille pendant l'hymne pour, au fond, prendre conscience profondément de la cérémonie, qui lui est reproché, c'est le « karaoké d'estrade », c'est-à-dire c'est cette idée, au fond, qu'elle considère que « La Marseillaise » n'est peut-être pas quelque chose d'aussi important pour les Français.
FRANÇOIS REBSAMEN
Elle, je pense que la polémique avait commencé quand elle a dit ça. Pourquoi ? parce que c'est elle qui a lancé, par la proposition de loi, la Journée de l'abolition de l'esclavage, je pense qu'elle était dans un profond recueillement, on peut le comprendre, et cette critique, tout de suite, « elle n'a pas chanté La Marseillaise », on peut très bien se recueillir et ne pas chanter « La Marseillaise. » C'est une républicaine convaincue…
GUILLAUME DURAND
Vous savez, le procès, enfin je ne dis pas que c'est un procès d'intention, mais ce que la droite dit, et même peut-être des gens qui sont patriotes à gauche, c'est de dire, au fond, elle considère que l'affaire de l'esclavage c'est plus important que « La Marseillaise » et que l'Etat français. Voilà ce que les gens sous-entendent dans les attaques contre elle.
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien, quand on sous-entend ça, je le dis, je le redis, je pense qu'il y a des relents de racisme derrière ces critiques, qui sont des critiques malvenues, insupportables, c'est le déchaînement sur la toile, j'ai regardé un peu les propos, hier, je trouve ça vraiment inacceptable. Je voudrais lui dire…
GUILLAUME DURAND
Et à aucun moment il n'y a le moindre fondement ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je voudrais lui dire ma solidarité. Non…
GUILLAUME DURAND
Peut-être que vous l'auriez chanté cette « Marseillaise », vous.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, je l'ai chantée le 8 mai, puisque j'ai fait les manifestations aussi, patriotiques, le 8 mai, j'ai chanté « La Marseillaise », et le 10 mai pour l'abolition de l'esclavage j'ai écouté du gospel qui était chanté à l'occasion de cette manifestation.
GUILLAUME DURAND
Donc c'est une affaire close ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense. Je pense, et je voudrais qu'elle s'arrête, parce que franchement, c'est insupportable.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que vous considérez qu'elle doit, à terme, quitter le gouvernement ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Pas du tout, pas du tout, pas du tout.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est prévu ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je ne pense pas. Je l'assure de toute ma solidarité, et, je crois pouvoir le dire, de celle du gouvernement.
GUILLAUME DURAND
Alors parlons maintenant des affaires sociales. La grande conférence c'est à partir du 7 juillet, si ma mémoire est bonne, et avec des résultats, on l'espère, à l'automne, peut-être au tout début de l'hiver. Est-ce qu'il y aura un retournement, ou non, de la situation du chômage en France, est-ce que ce mot, d'ailleurs du retournement, d'inversion, n'est pas une absurdité ? Ça vous enferme dans une espèce de, je ne sais pas, d'impasse politique.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a deux choses. Il y a l'inversion de la courbe du chômage, moi c'est une expression que je n'ai pas reprise, c'était l'expression de Michel SAPIN, chacun a ses mots, moi je veux faire baisser le chômage, c'est-à-dire diminuer le nombre de chômeuses et de chômeurs.
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire quoi, en dessous de 3 millions ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y en a 3.349.000 aujourd'hui, il faut que, quand nous arriverons vers la fin de ce quinquennat, il y ait moins de 3 millions de chômeurs, ce n'est pas possible que ce pays continue de faire le choix, parce que c'est un choix, je le redis, le choix du chômage de masse, qui porte atteinte à la cohésion sociale. Et donc, il faut libérer les énergies, il faut respecter les salariés qui sont en place aujourd'hui, mais on ne peut pas choisir uniquement la protection de ceux qui ont du travail contre l'entrée sur le marché du travail des autres. Et donc il faut…
GUILLAUME DURAND
Et donc il faut, enfin je ne dis pas que je suis d'accord avec vous, mais vous savez que pour l'essentiel des gens qui nous regardent ce matin, la question c'est les résultats, alors inversion ou moins de 3 millions, de toute façon c'est les résultats. Est-ce qu'il y a la moindre piste aujourd'hui, à partir du 7 juillet, pour que vous obteniez, notamment du patronat, à partir du moment où vous leur donnez de l'argent, et vous baissez les charges, eh bien finalement, de l'embauche ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, c'est ça. Je l'ai dit hier. Moi je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, Guillaume DURAND.
GUILLAUME DURAND
Non non, juste une question.
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi je vous réponds. Hier j'ai rencontré le MEDEF, j'ai rencontré monsieur GATTAZ, je les revois ce soir, je leur dis, il y a un effort formidable qui est fait par ce gouvernement, le premier, pour redonner de la compétitivité à nos entreprises, c'est 30 milliards d'euros, qui au 1er janvier 2015, feront diminuer le coût du travail. Et donc cette compétitivité retrouvée elle doit être tournée, pas uniquement vers l'emploi, mais à terme c'est l'emploi, elle doit être tournée vers l'investissement, vers la formation et vers l'emploi.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais est-ce qu'il vous a donné des contreparties, est-ce qu'il vous a assuré… ? Parce que, GATTAZ, on ne comprend plus. Il y avait 1 million, il le souhaitait, et puis après il a fait marche-arrière…
FRANÇOIS REBSAMEN
Il a toujours son badge.
GUILLAUME DURAND
D'accord.
FRANÇOIS REBSAMEN
Il a toujours son badge, « 1 million », donc je lui ai dit…
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il vous l'a, puisque vous dites que vous l'avez vu hier, est-ce qu'il vous l'a solennellement promis, juré ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il ne promet pas…
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il s'est engagé ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il avait promis 1 million, il y aura 1 million d'emplois quand la croissance va repartir.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais est-ce qu'il vous a donné les engagements qui pourraient prouver ce matin que le patronat a l'intention, si vous faites baisser les charges, d'apporter les emplois à la France ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je m'appuie…
GUILLAUME DURAND
Soyons concrets.
FRANÇOIS REBSAMEN
Je suis très concret. Je m'appuie, pour ça, sur les organisations syndicales. Par exemple, la CFDT contrôle aujourd'hui - par les comités d'entreprises, de manière tout à fait régulière, distribue également des 4 pages d'informations aux salariés – contrôle, dans les entreprises, l'utilisation qui est faite du Crédit Emploi Compétitivité, Impôt Compétitivité, et donc ce crédit, par exemple on l'a vu l'autre jour en déplacement avec Manuel VALLS, ça représentait dans l'entreprise où on était, 500.000 euros en moins de dépenses pour le chef d'entreprise, gain de compétitivité. Eh bien il a été utilisé, à la demande du comité d'entreprise, pas pour créer de l'emploi, mais ça va en créer à terme, pour acheter deux machines de modernisation, pour investir pour l'entreprise, pour augmenter la productivité de l'entreprise. Ça c'est une contrepartie. Donc, les contreparties, elles sont à vérifier, entreprise par entreprise, par les organisations syndicales, ça va être sur la table le jour de la conférence sociale.
GUILLAUME DURAND
Mais vous, tout à l'heure vous expliquiez les différences, j'allais dire lexicales, qui existent entre vous et Michel SAPIN, mais s'il n'y a pas de résultat, il n'y a pas de résultat. Inversion ou baisse du chômage, de toute façon, ce qu'il faut, c'est que ça passe sous la barre des 3… quelle garantie, ou quel espoir vous avez, vous, parce que vous allez porter ça maintenant ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, alors on a mis, ça c'est Michel SAPIN, le gouvernement précédent, et puis on continue, on a mis en place tous les dispositifs, aujourd'hui, d'aides, de soutien, de formation, de soutien à l'apprentissage, tous les dispositifs d'aides à l'emploi sont là, maintenant il faut la croissance, et donc c'est là où le président de la République a parlé de retournement. C'est la première fois, depuis 2008, c'est la première fois qu'au quatrième trimestre, de l'année 2013, il y a eu plus de créations d'emplois marchands que de suppressions, donc on va voir pour le premier trimestre 2014 ce que cela donne. Parce que, ce n'est pas mois par mois qu'il faut analyser la tendance du chômage, c'est sur un trimestre au minimum, et donc on va voir…
GUILLAUME DURAND
Pour l'instant les chiffres ne baissent pas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, non, je l'ai dit, c'est stable…
GUILLAUME DURAND
Regardez ce matin, pardonnez-moi…
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est stable, c'est stable pour le moment, c'est déjà un progrès, ça augmentait de 30 ou 40.000 chaque mois, donc pour le moment c'est stabilisé, mais ça ne suffit pas, on a 3.349.000 chômeurs.
GUILLAUME DURAND
Je prends les dossiers qui me sont tombés sous la main dans les dernières heures, BOUYGUES, menace de plan social massif, Arnaud MONTEBOURG demande à Martin BOUYGUES de faire un effort en s'alliant avec un autre opérateur, vous avez la SNCF, on parle d'un plan de licenciements ou de départs volontaires ce matin, est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est faux, d'ailleurs vous le savez peut-être.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, pas encore. Pas encore. Il y a des négociations qui sont en cours…
GUILLAUME DURAND
On ne sait pas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais je n'ai pas encore les informations, non, mais ça ne sera pas des licenciements.
GUILLAUME DURAND
Donc des départs à la retraite ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense, des départs négociés, ou des départs anticipés, je ne sais pas encore.
GUILLAUME DURAND
Et le troisième point c'est effectivement à Marseille, la société de transport…
FRANÇOIS REBSAMEN
La SNCM.
GUILLAUME DURAND
Oui, et là aussi les syndicats sont hyper inquiets, considérant que finalement on est en train de négocier en douce un accord avec des partenaires privés pour que…
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a ces grands dossiers, que vous venez de citer, et puis il y a toutes ces PME, PMI, ou ces grosses entreprises, qui créent de l'emploi aujourd'hui en France, et donc, il y a ces suppressions d'emplois, mais ça, ça fait partie, j'allais dire, du monde économique, il y a des suppressions et des créations, ce qu'il faut c'est qu'il y ait plus de créations que de suppressions. Et donc, c'est ce qui s'est produit. Ça se produit quand la croissance revient. Pour la première fois…
GUILLAUME DURAND
Ça c'est le miracle que tout le monde attend.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, mais ce n'est pas un miracle. De 2008 à 2013 la croissance du produit intérieur brut français c'est 0 %, donc on a passé 5 ans sans 1 % d'augmentation de notre croissance.
GUILLAUME DURAND
Mais vous savez très bien que la croissance c'est aussi une question de confiance.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, elle revient la confiance. Comment ? Par…
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas simplement un mécanisme économique.
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est clair ce que vous dites, bien sûr, et je le dis, quand je rencontre les organisations patronales, il n'y a pas que le MEDEF, la CGPME, l'UPA, ils peuvent avoir confiance dans ce gouvernement, il faut qu'ils aient confiance, parce que ce gouvernement il fait tout pour leur redonner des marges, des marges pour embaucher, pour se développer, pour libérer les énergies, les mesures de simplification vont dans ce sens. Et puis, en même temps, les organisations syndicales, en France, sont en train de jouer le jeu, ce qui est nouveau quand même, il y a des accords qui se passent un peu partout sur le territoire, moi j'ai confiance dans le dialogue social, et avec une situation, un environnement européen, qui est meilleur, parce qu'il faut dire les choses, eh bien notre situation doit s'améliorer et le chômage doit baisser.
GUILLAUME DURAND
La flexisécurité à la française, ce matin dans LES ECHOS on signale que finalement une grande partie de ce qu'a voulu Michel SAPIN est un échec, il n'y aurait que quatre accords massifs qui auraient été signés. Ce n'est pas beaucoup.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais il y a d'autres formes. Il faut du temps pour que ça rentre dans les moeurs, il y a d'autres formes de négociations que les quatre accords, j'ai vu l'article ce matin. D'abord, il y a beaucoup de salariés, aujourd'hui, qui choisissent des départs volontaires, il y a aussi la forme, et ça c'est à l'honneur de Michel SAPIN, et des organisations patronales et syndicales, dans le cadre de l'accord national interprofessionnel qui a été passé, la sécurisation de l'emploi, c'est-à-dire quand il y a eu des difficultés. Et il y en a eu dans le secteur de l'automobile, par exemple, des accords avec du chômage, du temps partiel, qui a été négocié dans l'entreprise, pour garder les salariés dans l'entreprise. Le dialogue social a permis de faire face à cette crise.
GUILLAUME DURAND
J'ai une dernière question à vous poser qui me paraît, enfin qui vient justement de la gauche de la gauche, et de très nombreux, par exemple, députés socialistes, ou même d'un certain nombre d'économistes, qui disent, au fond ce gouvernement il se plante de A à Z, ils font des cadeaux au patronat, le patronat ne leur rendra rien, et ça durera jusqu'à la fin du quinquennat de François HOLLANDE. Vous répondriez quoi à ceux qui doutent énormément de cette piste dans laquelle vous vous engagez tous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est un chemin de crête, la confiance elle ne se décrète pas, on en crée les conditions, et on en crée les conditions en redonnant de la compétitivité aux entreprises, on ne peut pas faire autrement, il faut redonner de la compétitivité.
GUILLAUME DURAND
Vous ne m'avez pas répondu. Ils disent… la politique de François HOLLANDE est une bérézina annoncée, dit la gauche de la gauche.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, c'est les entreprises qui créent de l'emploi, je m'excuse de dire les choses aussi simplement…
GUILLAUME DURAND
Il fallait peut-être le découvrir en 2012 ça, non ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, mais quand on est arrivé en 2012, il y avait des déficits abyssaux, il y avait une dette abyssale, et donc il a fallu stopper cela, redonner confiance aux entreprises, leur redonner de la compétitivité, c'est le rapport GALLOIS, je rappelle que Jean-Marc AYRAULT l'avait commandé, je rappelle qu'il n'a qu'1,5 an le rapport GALLOIS, et on le met en oeuvre en ce moment, on continue de le mettre en oeuvre, avec les baisses de charges.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup. Je rappelle que les négociations, les grandes négociations, commenceront le 7 et le 8 juillet avec des résultats, vous le souhaitez en tout cas, à partir du mois de décembre, en tout cas des engagements…
FRANÇOIS REBSAMEN
Concrets.
GUILLAUME DURAND
Concrets, que vous surveillerez.
FRANÇOIS REBSAMEN
Merci.
GUILLAUME DURAND
C'était donc François REBSAMEN qui était notre invité ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2014