Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l'avenir de l'Afrique, à Libreville le 24 mai 2014.

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Circonstance : « New York Forum Africa 2014 », à Libreville (Gabon) les 23 et 24 mai 2014

Texte intégral


Je remercie beaucoup les organisateurs de cet évènement de m'avoir convié ce matin. Je suis très heureux et honoré d'être parmi vous. Je pense que ce Forum est une initiative excellente qui permet de réfléchir ensemble à l'avenir de l'Afrique, de voir des perspectives, de voir aussi des échéances qui sont nécessaires entre nous.
Ce que j'ai à dire tient en peu de mots. L'Afrique est à la fois le continent le plus ancien, puisque c'est le berceau de l'Humanité, mais aussi le continent le plus jeune. C'est une chose excellente que, dans la même grande salle, puissent se réunir à la fois des responsables politiques et beaucoup de jeunes que je salue avec énormément d'amitié. Le défi qui est le nôtre doit être relevé par les autorités des différents pays d'Afrique, auxquels doivent concourir toute une série de partenaires, notamment la France. Ce défi est finalement simple à définir.
Il faut que le développement du continent africain soit à la hauteur des aspirations et des rêves de tous ces jeunes. C'est cela qui anime, je pense, les autorités africaines et leurs partenaires. Pour cela, nous disposons d'atouts extraordinaires et le premier atout, précisément, ce sont ces jeunes. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de problèmes, ils sont considérables, mais ceux qui viennent de s'exprimer avec talent nous ont montré que dans les domaines de la formation, du sport, de la culture, dans tous les domaines, les Africains disposent d'atouts extraordinaires. En même temps, il est vrai que, sur le plan de la santé, de l'eau, de l'énergie, du droit, et de la sécurité, il y a encore beaucoup de défis à relever ; c'est la tâche des autorités d'aider à les relever.
Je voudrais mettre l'accent dans ce court propos sur deux aspects.
D'abord, sans vouloir assombrir l'atmosphère de ce forum qui s'annonce déjà comme une grande réussite, je voudrais mettre l'accent sur la question de la sécurité qui concerne l'ensemble des pays africains. Assurer le développement, tel est l'objectif. Mais nous savons qu'il n'y a pas de développement possible s'il n'y a pas de sécurité. Certains pays sont plus touchés que d'autres. On pense à la République centrafricaine, à toute une série de territoires à l'intérieur du Soudan, on pense à ce qui se passe au Mali et on pense, bien sûr, parmi les grands États qui se trouvent atteints par les problèmes de sécurité, au Nigeria. Je pourrais allonger la liste. D'autres ont la chance, d'être relativement épargnés mais faisons attention à cela : aucun pays en fait n'est totalement à l'abri de ces problèmes parce que dans cette Afrique globalisée, dans ce monde globalisé, ce qui touche un pays en touche un autre. Je crois donc qu'il faut que nous ayons à l'esprit que cette question de la sécurité, qui n'existait pas de la même façon il y a quelques décennies, est pour nous tous une exigence. Nous devons tous, Africains et non-Africains, nous atteler à la tâche d'assurer la sécurité. Avec le développement, il s'agit de la première exigence que demandent nos concitoyens.
Je veux aussi dire un mot de l'éducation. Ce qui a été dit avant moi et le fait que beaucoup de jeunes soient là montre que les seuls trésors qui soient vraiment à notre disposition sont l'éducation et la formation. Les États font de grands efforts. Ils sont toujours insuffisants. Il faut à la fois former dès la petite école et donner une formation technique. Il faut permettre une formation permanente à ceux qui sont déjà dans l'emploi. Il faut que, y compris sur les territoires africains eux-mêmes, il y ait des grandes écoles qui puissent faire accéder aux plus grandes responsabilités. Certains vont ailleurs, notamment en France qui est le pays qui accueille le plus grand nombre d'Africains pour leurs études. Mais il faut - et c'est une chance pour nous et pour vous - qu'une fois cette formation assurée en qualité, beaucoup puissent revenir au pays pour mettre à la disposition de leur patrie les talents qu'ils possèdent.
Je rejoins tout à fait ce que disait ce grand basketteur qui a mis son pied sur la tribune, nous rappelant un geste qu'avait fait dans d'autres conditions Nikita Khrouchtchev. Je veux dire qu'il faut se rappeler la phrase de Kennedy et l'adapter à l'Afrique. Il faut que les Africains eux-mêmes, les jeunes Africains, non seulement se demandent ce que l'Afrique peut leur apporter mais ce qu'ils peuvent apporter à leur propre pays et au continent africain. C'est à cela que nous, Européens, devons les aider.
Le dernier point que je souhaite aborder, c'est celui du choix du modèle de développement et de ceux qui doivent en décider. Dans le passé, on a beaucoup discuté sur la question de savoir - et cela a donné lieu à des polémiques - qui devait choisir le modèle de développement. Il n'y a, dans mon esprit, absolument aucun doute : c'est aux Africains qu'il appartient de décider leur modèle de développement. Notre apport, c'est tout simplement de vous aider à être encore davantage vous-mêmes. Il n'y a pas d'un côté l'Afrique, de l'autre l'Europe, dans une troisième partie les États-Unis, et puis l'Asie... Dans le monde où nous sommes, tout ceci est lié mais la décision appartient à vos responsables, à vos peuples. Nous sommes là tout simplement pour vous aider à vous développer et à réussir les rêves de la jeunesse.
Voilà ce que je voulais vous dire. Vous avez dans ce pays comme dans les pays voisins des potentialités extraordinaires. Tout à l'heure, Youssou N'Dour nous disait - mais je n'aime pas beaucoup cette expression - que l'Afrique est le continent de l'avenir. Je comprends tout à fait ce qu'il a voulu dire, alors disons les choses ainsi : l'Afrique est le continent de l'avenir mais c'est aussi le continent du présent.
Vive l'Afrique et vive le Gabon !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mai 2014