Texte intégral
LAURENT BAZIN
Et en ce jour de commémoration du D-Day, Jean-Michel APHATIE, vous recevez le ministre des Affaires étrangères, Laurent FABIUS.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous participerez tout à l'heure aux commémorations du débarquement du 6 juin 44 sur les plages de Normandie, il y a 70 ans l'Europe se libérait de la domination nazie, quel sens faut-il donner aujourd'hui à ces commémorations Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
La paix et la liberté. Bien évidemment la guerre puis la libération ont été un processus continu, mais le 6 juin pour moi qui en plus suis Normand, c'est le jour de la libération et de la paix.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'Europe se libère et il est paradoxal de constater aujourd'hui, on l'a noté aux élections du 25 mai, que l'Europe doute beaucoup d'elle-même et que sans doute beaucoup ont oublié que l'Europe c'était la paix et ça, c'est sorti des mémoires.
LAURENT FABIUS
Voilà exactement, exactement. C'est je pense l'une des grandes leçons de ce jour que beaucoup de gens ont oublié ou qu'ils n'ont pas connu tout simplement et souvent l'Europe est vue d'une manière beaucoup plus positive à l'extérieur de l'Europe qu'à l'intérieur même. Mais quand on voit par exemple ce qui se passe en Ukraine, l'Ukraine n'appartient pas à l'Union européenne et on voit bien que c'est l'Union européenne qui aujourd'hui, garantit la paix. Je pense que l'une des leçons que l'on tirera de ces journées, c'est que la France peut être un trait d'union entre les Nations, c'est ça que nous voulons faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Beaucoup de chefs d'Etat et parmi les pays les plus importants, se retrouveront donc tout à l'heure sur ces plages de Normandie, ceci a fourni l'occasion de rencontres diplomatiques importantes, François HOLLANDE a dîné hier soir notamment avec Barack OBAMA, vous participiez à ce dîner ; pouvez-vous nous dire où en est le dialogue avec les autorités américaines à propos du conflit BNP Paribas ?
LAURENT FABIUS
Il y a eu deux dîners, d'abord avec le président OBAMA, nous étions six, trois de chaque côté, ensuite avec le souper avec le président POUTINE, même chose
JEAN-MICHEL APHATIE
A l'Elysée.
LAURENT FABIUS
En ce qui concerne le dîner avec le président OBAMA il a été beaucoup question bien sûr de l'Ukraine et le président français, comme c'est son rôle, a abordé la question BNP Paribas en expliquant à la fois au président OBAMA et à John KERRY le ministre des Affaires étrangères, que c'était une affaire très importante pour l'Europe et pour la France, parce que BNP Paribas c'est la première banque d'Europe et si elle est mise dans une situation très difficile, ça a évidemment une interférence très négative pour l'Europe et pour son économie. Le président OBAMA a dit, je comprends tout ça, mais en même temps dans notre tradition et dans notre système, il ne m'appartient pas d'intervenir sur l'aspect judiciaire des choses. Mais je pense qu'il était utile que le président HOLLANDE aborde cela et je dois dire aussi que depuis plusieurs semaines nous fournissons des explications à l'ensemble des autorités américaines.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais le président OBAMA vous a dit d'une certaine manière qu'il ne pouvait pas vous aider dans le dossier.
LAURENT FABIUS
Il a répété ce qu'est la tradition américaine, mais en même temps je crois que les Américains entendent, en tout cas je l'espère, nos argument qui sont très très forts. Mais s'il y a une faute commise, il est normal qu'il y ait une sanction mais il faut que cette sanction soit proportionnée et les chiffres qui ont été cités jusqu'ici ne sont pas proportionnés.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous confirmez l'amende de 10 milliards de dollars qui serait demandée à BNP Paribas ?
LAURENT FABIUS
Non, il y a différentes autorités, c'est un chiffre qui a été avancé dans tel ou tel journal, mais la procédure américaine est très compliquée et donc on saura les choses d'ici quelques jours.
JEAN-MICHEL APHATIE
On croit comprendre que la France notamment, pourrait utiliser ce dossier si les choses tournaient mal pour BNP Paribas pour rompre, peut-être pas, en tout cas cela pourrait influer négativement sur la négociation du traité Transatlantique qui est actuellement en cours avec les Américains.
LAURENT FABIUS
C'est un point que nous avons abordé hier au dîner, il y a un projet de traité commercial entre l'Europe et les Etats-Unis, ce traité qui est peut-être positif pour développer les échanges, ne peut exister sur une base de réciprocité. Evidemment, si dans le cas d'une banque européenne c'était de l'unilatéralisme qu'il s'agissait et non pas de réciprocité, ça risque d'avoir des conséquences négatives, c'est exact.
JEAN-MICHEL APHATIE
Deuxième dîner donc avec Vladimir POUTINE à l'Elysée, l'ambiance était moins chaleureuse on peut l'imaginer, je ne sais pas si on se trompe.
LAURENT FABIUS
Ce n'est pas le même cadre, ce n'est pas les mêmes personnalités bien sûr et là il a été surtout question de l'Ukraine et on va voir ce qui se passe aujourd'hui et demain car demain il y a l'intronisation si je puis dire, du nouveau président ukrainien, je me rendrai moi-même d'ailleurs à Kiev. Qu'est-ce que nous souhaitons ? Nous avons discuté avec le président POUTINE pour dire, en Ukraine c'est quasiment la guerre et donc comment on peut aider à ce qu'il y ait un cessez-le-feu, c'est la première chose qui est nécessaire. Comment peut-on aider à ce que sur le plan économique, il y a un conflit gazier, ce conflit soit résolu. Comment peut-on aider à ce que toutes les régions d'Ukraine voient leurs droits reconnus. Et nous avons discuté de cela d'une façon très franche pendant deux heures.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez quel sentiment, le président POUTINE à l'air d'acquiescer à vos arguments, il a l'air sincère, il a l'air
LAURENT FABIUS
On verra ce qu'il va se passer dans les heures et dans les jours qui viennent mais ce que nous avons expliqué et que je crois incontestable, c'est qu'il n'est d'intérêt d'absolument personne qu'il y ait un conflit majeur en Ukraine. L'Ukraine géographiquement, elle doit avoir de bonnes relations avec la Russie, mais de bonnes relations avec l'Union européenne, ce n'est pas ou l'un ou l'autre et c'est cette argumentation là que nous avons développé. J'espère que nous seront entendus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le rôle particulier des pro-russes en Ukraine qui serait ou pas soutenu par le Kremlin
LAURENT FABIUS
Oui alors là le président russe dit, je peux avoir une certaine influence sur eux, mais je n'ai pas une influence totale et il prend l'exemple du référendum qui a eu lieu, il avait appelé à ce que le référendum n'ait pas lieu, il a eu lieu quand même. Mais là encore ce n'est pas simplement, bien sûr nous sommes hôtes de cette grande réunion mondiale, mais ce qui me frappe si vous voulez c'est le fait que, vous avez encore une fois les résultats, mais le rôle de la France c'est de chercher partout la sécurité et la paix. Et ce rôle-là, il est entendu.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que ce rôle-là est rempli quand la France vendra des bateaux de transport de troupes qui peuvent aider en tout cas l'armée russe, des bateaux Mistral.
LAURENT FABIUS
Les Mistral, ça c'est une autre question qui a été abordée avec les deux d'ailleurs, avec aussi bien le président OBAMA
JEAN-MICHEL APHATIE
Le président OBAMA ne souhaite pas que la France vende ces bateaux.
LAURENT FABIUS
Oui, en même temps nous avons répondu et c'est la réalité, que ce sont des contrats qui ont été conclus en 2011 sous un autre gouvernement mais qui existent, que d'autre part ces contrats ont été pour une large partie payés, ce qui représente beaucoup d'emplois et que la tradition, la France comme d'ailleurs les Etats-Unis est d'honorer ses contrats. J'ajoute que vous vous rappelez peut-être qu'il était dit que les aspects de défense pourraient être abordés si on était dans le niveau trois des sanctions et là, on n'y est pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous vendrez les bateaux, les Mistral aujourd'hui
LAURENT FABIUS
Ce qui est prévu c'est l'exécution des contrats oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'exécution des contrats est prévue. Merci d'être passé par les studios de RTL Laurent FABIUS avant de vous rendre en Normandie, à Caen d'abord et à Ouistreham après.
LAURENT FABIUS
Voilà, merci beaucoup.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci à vous et merci Jean-Michel, à lundi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juin 2014