Déclaration de M. Kader Arif, secrétaire d'État aux anciens combattants et à la mémoire, en hommage aux anciens combattants du Débarquement de Normandie, à Caen le 5 juin 2014.

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Circonstance : Commémorations du 70e anniversaire du débarquement de Normandie-décoration des vétérans, à Caen (Calvados) le 5 juin 2014

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Madame la Consule générale,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les parlementaires et représentants des collectivités territoriales,
Monsieur le président de la région Basse-Normandie,
Messieurs les officiers généraux, Messieurs les Officiers supérieurs,
Messieurs les vétérans australiens, canadiens, américains, britanniques et polonais,
Il est toujours très difficile, même pour un ministre, de s'exprimer devant des hommes qui l'impressionnent. Impressionné par les parcours, impressionné par le courage, impressionné par le sens du sacrifice. Impressionné en fait par cette capacité qui a été la vôtre à rester des hommes debout tout au long de votre vie.
J'ai lu beaucoup d'ouvrages, visionné beaucoup de films et reportages mais je n'ai pas trouvé de mots qui me permettaient de ressentir ce que vous avez vécu de vos bateaux, vos avions, vos planeurs, vos barges entre le 5 et le 6 juin 1944.
Le seul mot en commençant cette cérémonie que j'ai envie d'utiliser, c'est le mot Honneur. Il peut paraît un mot désuet, un mot oublié, un mot dont les sens a évolué au cours de l'histoire mais pour moi il est un mot très fort. Oui, c'est un immense honneur que de pouvoir vous rencontrer, que de pouvoir vous décorer, que de pouvoir échanger avec vous.
Et puis, j'aime les hommes d'honneur que vous êtes, cette force qui vous a permis de dépasser les peurs, votre peur pour venir il y a 70 ans marquer de votre empreinte la terre de France, le sol de Normandie et l'Histoire du monde. Ce jour-là, vous entrez dans la légende. Vous devenez des héros. Vous n'êtes plus seulement des combattants mais des libérateurs, plus seulement des hommes mais des symboles.
Vous en gardez fierté. Nous en gardons reconnaissance.
Cette reconnaissance, vous la ressentez dans le regard des femmes et des hommes qui vous croisent. Cette reconnaissance, vous la ressentez chez ces jeunes qui vous demandent de parler de vous-même pour transmettre alors que vous avez toujours dit que vous n'aviez fait que votre devoir. Cette reconnaissance, elle est celle de vos États respectifs et elle vous sera adressée demain, ici, par le Président de la République française François Hollande, à Ouistreham au nom de mon pays qui vous doit tant, au nom de cette Europe que vous avez libérée, au nom du monde auquel vous avez rendu sa liberté.
Elle vous sera adressée aussi à l'occasion des cérémonies binationales à Bayeux où 3 935 soldats britanniques et 17 Australiens reposent ; à Colleville, dont le cimetière abrite 9 387 soldats américains tombés sur nos terres ; à Courseulles, où le cimetière canadien abrite la mémoire de 2 049 de vos camarades ; à Urville enfin où 650 soldats polonais reposent pour l'éternité.
Messieurs, venus d'Australie, de Grande-Bretagne, des États-Unis, du Canada et de Pologne, votre présence est le plus bel hommage que vous puissiez rendre à vos frères d'armes, vos frères d'âme, tombés il y a 70 ans sur les plages normandes, dans nos villes, nos villages de France.
Notre imagination est fertile mais elle ne pourra jamais traduire et concevoir ce qu'il vous a fallu d'engagement, de sens du sacrifice, d'esprit de solidarité à vous qui avez débarqué le 6 juin 1944. Ce jour-là, le monde retenait son souffle car l'issue était improbable mais cet alliage que vous représentiez a su faire tomber les murs.
L'acte du débarquement est par lui-même un acte d'héroïsme. Et l'on parlerait de vous, messieurs, dans les mêmes termes si vous n'aviez fait que cela. « C'est un spectacle inoubliable que celui des troupes alliées qui se rapprochent de la France », écrit le jeune canadien Alfred Turnbull à l'approche des plages normandes.
Mais votre amour de la liberté, cette liberté estimée plus que vos propres vies, vous a conduit à vous engager au-delà de ce seul jour. Vous vous êtes illustrés dans la coupure du Cotentin et la prise de Cherbourg, dans la libération de Caen et de Saint-Lô, dans les combats de la poche de Falaise. Pendant plusieurs semaines, vous avez livré vos jeunes vies, vos convictions et vos espoirs à l'épreuve de la guerre, à l'idéal de paix, pour le salut du monde.
Messieurs, 70 ans après, vous venez revivre une page de l'Histoire que vous avez vous-mêmes écrite. Je vous dédie ce temps commémoratif, sans oublier ceux, vos camarades, vos amis, vos frères, dont nous n'avons pas eu le temps de recueillir la mémoire mais que chaque bout de terre de Normandie nous raconte.
Vous êtes la mémoire de ce débarquement. Cette mémoire, je la rencontre ici en Normandie, lorsque je me rends sur les plages du 6 juin, lorsque je me recueille dans les cimetières normands. Mais je l'ai rencontrée aussi dans vos pays, à l'occasion de mes déplacements.
Je l'ai rencontré en Grande-Bretagne où je me suis rendu en septembre 2012, la Grande-Bretagne qui débarqua 65 000 de ses hommes sur le sable normand au soir du 6 juin. Plus de 20 d'entre eux sont parmi nous aujourd'hui.
Je l'ai rencontrée en Pologne au mois d'avril 2013 en m'entretenant avec des vétérans polonais : près de 20 000 hommes ont participé à la bataille de Normandie.
Cette mémoire, je l'ai rencontrée au Canada en septembre 2013 devant le monument commémoratif d'Ottawa où je me suis recueilli en saluant la mémoire des 1 200 Canadiens tombés sur le sable normand au soir du 6 juin.
Je l'ai rencontrée deux mois plus tard en Australie devant le War memorial à Canberra, un lieu qui m'a renvoyé au cimetière de Bayeux. La terre normande compte au total 41 tombes australiennes.
Cette mémoire, je l'ai rencontrée aux États-Unis, aux côtés du Président de la République, lorsqu'il a décoré de la Légion d'honneur à titre posthume le soldat inconnu américain de la seconde guerre mondiale au cimetière d'Arlington où j'ai pu déposer quelques heures après une urne contenant du sable des plages d'Omaha et de Utah Beach.
Cette mémoire, je l'ai rencontrée dans tous les pays qui ont participé à ce débarquement. Cette mémoire, elle construit la mienne, elle irrigue la nouvelle génération, elle est le moteur de cette alliance nouée dans la guerre et cimentée dans la paix. Cette alliance qui fait l'amitié entre nos peuples.
Aujourd'hui, je mesure donc, plus encore qu'hier, la richesse de cette mémoire du 6 juin 1944. Je mesure et porte la reconnaissance qui vous est due. Cette décoration que je m'apprête à vous remettre au nom du Président de la République est une nouvelle pierre à la reconnaissance que la nation française vous adresse.
Elle vous est acquise depuis bien longtemps.
Mais ce que je veux vous dire aujourd'hui, à chacun d'entre vous, c'est que nous veillons, chaque jour, à ce que les citoyens du monde n'oublient pas ce qu'ils vous doivent.
C'est pourquoi je terminerai par ce mot simple :
Merci !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 16 juin 2014