Texte intégral
Me souvenant des temps anciens où je m'occupais des finances publiques, je me réjouis de vous retrouver... d'autant que vous n'avez pas tous changé... Ce que vous avez dit est parfaitement juste. Me voici pourtant dans une situation un peu difficile : s'il est vrai qu'on ne peut «racler l'os deux fois», en tant que membre du gouvernement, je comprends qu'on demande au ministère des affaires étrangères de réduire ses dépenses, sous peine de tomber dans le paradoxe des trains à grande vitesse, qui ne doivent passer nulle part, mais s'arrêter partout. Le principe de non-contradiction doit s'appliquer au gouvernement : je ne pourrai pas faire de réponses aussi enthousiasmantes que nous le souhaiterions.
Notre contribution aux organisations internationales représente des sommes colossales qui reviennent chaque année : nos efforts tendent à ce qu'elles n'augmentent pas, malgré des marges faibles. En premier lieu, lorsque nous en discutons le budget, nous nous opposons au sein des organisations à ce que les dépenses augmentent de manière inconsidérée. D'autre part, en 2013, notre quote-part à l'ONU - obéissant à des calculs très complexes - a pu être réduite de 9 %, ce qui dégage des économies en 2014. Pour 2016-2018, nous plaidons avec nos partenaires européens pour une révision des barèmes, afin de corriger la distorsion entre le poids réel des économies dans le monde et leur contribution. Soyons honnêtes : cela se fera au détriment d'autres pays. Les opérations de maintien de la paix, en nombre constant, devront coûter moins cher ; à cet égard nous devrons porter notre attention sur la demande américaine de plafonner leur propre contribution.
Cependant ces réductions ne sont pas infinies : si elle veut conserver sa place dans le monde, la France doit contribuer à sa juste part. Une étude conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires étrangères nous donnera une image complète des contributions, au-delà de celles versées à l'ONU, afin de savoir si l'investissement consenti correspond bien à nos priorités.
Quant à l'évolution du réseau, les représentants du personnel avec qui nous en parlons savent que les temps sont difficiles. Le principe de l'universalité du réseau reste intangible. Ce n'est pas jouer les casuistes que de ne pas le confondre avec l'exhaustivité et l'uniformité : nous devons être présents dans toutes les zones du monde, mais pas forcément dans toutes les capitales ni partout de la même façon. Autant nous pouvons dans certains cas «battre arrière», comme disent les marins, autant notre réseau, encore largement façonné durant les années 1960 à 1970, nous incite à faire mieux dans certaines zones appelées à se développer énormément. Les prévisions donnent au Nigeria 950 millions d'habitants à la fin du siècle. En outre, contre la représentation habituelle, la francophonie est aussi vivante dans des États non francophones : comme me le disait le président du Gabon, son pays compte numériquement moins de locuteurs du français que le Nigeria.
Il conviendra par conséquent d'être sélectif. Nous en parlons avec les ambassadeurs, les organisations syndicales, le Conseil des affaires étrangères, les commissions compétentes. Pour certains postes, nous avons décidé d'évoluer vers un format extrêmement allégé ; c'est le cas au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, au Honduras, en Papouasie-Nouvelle Guinée ou au Tadjikistan... D'autres, parmi ceux qu'on appelle les «grands postes», en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni ou aux États-Unis sont soumis à une certaine rationalisation ; j'ai demandé aux ambassadeurs eux-mêmes de réfléchir, ouvrant la voie à un exercice d'itération. Nous revoyons la carte des implantations, sur le plan culturel, notamment. Nous continuerons cette démarche de rationalisation dans le domaine de l'expertise technique, trop fragmentée en France dans les différents ministères si on la compare au cas allemand, conformément aux dispositions d'un amendement voté à l'initiative de votre collègue Jacques Berthou lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
Ils correspondent aux objectifs fixés ; les bourses sont en ligne avec les revenus des familles et nous rendent une certaine maîtrise budgétaire. L'enveloppe inscrite en loi de finances initiale pour 2013 a été respectée. En 2014, grâce à l'évolution des taux de change, nous pourrons restituer quatre des 118 millions d'euros de crédits ouverts. À quelques ajustements près, les choses sont assez bien menées.
Il y a du travail à faire sur les missions consulaires. Elles sont indispensables à certains endroits ; certaines de leurs tâches devront être modifiées. Nous devrons réfléchir sur le rôle des consuls honoraires, parfois si utiles ; j'ai ainsi assoupli les règles liées à l'âge pour ne pas en voir partir certains, qui sont excellents.
En novembre 2012, il y avait 27 ambassadeurs thématiques ; il n'y en a plus que 19, dont 11 agents du ministère. Comme vous l'avez dit, ce n'est pas une affaire de coût. J'ai diminué leur nombre en préservant les plus utiles et en utilisant les compétences internes. J'ai supprimé les ambassadeurs chargés de l'audiovisuel extérieur, de la préfiguration de l'Office méditerranéen de la jeunesse, du partenariat oriental de l'Union européenne, des relations avec la société civile... En revanche, le coprésident du Groupe de Minsk a été remplacé. L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ayant fusionné avec Ubifrance, sa présidente, Muriel Pénicaud, a été nommée ambassadrice déléguée aux investissements internationaux. J'ai modifié le dispositif relatif au changement climatique et chargé Laurence Tubiana de ces négociations. J'ai créé des postes sans charge financière, importants malgré les sourires qu'ils peuvent susciter : celui d'ambassadeur pour le sport, qui, on le voit au Brésil ou au Qatar comme pour les Jeux, est un des véhicules principaux du rayonnement - si le président de la République va au Japon accompagné de Teddy Riner, cela a un impact plus fort qu'avec une autre personnalité. Ici aussi, la cartographie obéit à l'évolution de nos intérêts.
Nous devons nous saisir du vaste sujet de la politique immobilière, non seulement à cause des contraintes financières mais aussi pour des exigences de sécurité et d'efficacité : le rayonnement de la France est mieux assuré par des services situés dans le même bâtiment, qui travaillent ensemble. L'idée d'une seule implantation de la France est justifiée, lorsque c'est possible. Comme le dit Roland du Luart, il ne faut pas être forcé à vendre, sous peine de vendre mal. Le ministère n'est souvent pas le mieux qualifié : dans le passé, des transactions auraient pu être plus profitables. Nous savons désormais réaliser de bonnes opérations. Il faut intéresser le ministère à ces cessions ; une bonne partie de leur produit est ainsi réinvesti dans la sécurité. Les ambassadeurs en Libye, en Irak, au Yémen sont très courageux, mais il faut les protéger.
La vente du palais Clam-Gallas ne signifie pas la fermeture de l'Institut français, auquel cette ancienne résidence n'est pas adaptée. Son nouveau projet culturel déterminera la nature de l'investissement. Une densification a été étudiée. J'ai demandé que tout cela soit revu, mais cela paraît difficile.
Le palais Farnèse, qui n'est d'ailleurs pas à nous, pourrait être optimisé selon deux scénarios, si l'École française de Rome libérait des surfaces : soit la majeure partie des services de l'État pourraient s'y regrouper, soit, parce qu'il est difficile de transformer les couloirs de la bibliothèque en bureaux, sa vocation de lieu d'exposition se développerait grâce à un partenariat avec une fondation culturelle.
Je ne sais pas qui succèdera au président Diouf, tâche qui ne sera pas facile. Il y a des candidatures du nord et du sud, de l'est et de l'ouest. J'ai lu comme vous des lignes sur une possible candidature française. Si c'était le cas, sans doute serais-je au courant. Restons prudents ; le sommet a lieu en novembre : cela nous laisse du temps. Bien sûr, nous contribuons beaucoup et la France doit affirmer sa présence ; mais il serait délicat de présenter les choses ainsi.
L'Institut français conservera un rôle de coordination. La généralisation de l'expérimentation coûterait trop cher. Ne privons pas les ambassadeurs de leur bras armé. La diplomatie de la France est globale ; nous ne pouvons pas séparer les diplomaties politique, culturelle, économie et scientifique. Le problème est l'allocation des moyens. Dans certains pays, il faudra faire appel aux partenaires privés. Auteur d'une bande dessinée célèbre, notre conseiller culturel nous a ainsi proposé devant la disparition de la dernière librairie française à New York, d'en ouvrir une dans les locaux du consulat ; il a trouvé des mécènes pour plusieurs millions de dollars. Bien sûr, vous ne pouvez pas faire cela dans tous les pays. Comme me l'a dit le président Xavier Darcos, il faut accepter une part plus grande de financements privés.
L'AEFE rencontre un succès considérable. Faut-il réserver nos écoles à l'étranger aux élèves français ? Je ne le crois pas. Il faut un brassage, car les élèves étrangers deviennent nos meilleurs ambassadeurs. L'État contribue au financement, les familles sont aussi sollicitées. Toutefois notre système reste moins cher que d'autres. Des députés comme Philip Cordery travaillent sur ce sujet. Je suis ouvert.
J'ai demandé à Bercy que la maquette budgétaire corresponde au nouvel organigramme du gouvernement. Je n'ai pas encore de réponse.
Selon nos estimations, l'aide publique au développement s'est élevée en 2013 à 8,5 milliards d'euros, soit 0,41 % du revenu national brut, contre 0,45 % en 2012. Cette baisse est conjoncturelle, madame Keller : elle est due à la baisse des flux nets de prêts déclarables au titre de l'aide publique au développement et à la baisse des annulations de dette. Anne Paugam, qui s'est engagée à venir deux fois par an devant la commission des affaires étrangères du Sénat, avait réclamé une hausse des fonds propres. Après une discussion interministérielle, une solution satisfaisante a été trouvée, même si elle n'est pas exactement celle qu'elle souhaitait. La diminution du nombre de projets tient à l'instabilité politique qui prévaut dans certaines régions, comme le Proche-Orient, et à un renforcement des exigences de qualité des projets, notamment en matière de responsabilité environnementale et de développement durable. Je souhaite que notre présence soit la plus large possible et que les engagements soient respectés.
Leila Aïchi m'a posé une colle, mais j'avais révisé : notre contribution à l'AIEA s'élève à 16,5 millions d'euros, et à 2,5 millions d'euros pour le Fonds de contribution technique. La création d'un poste d'ambassadeur auprès de l'Union africaine coûterait 500 000 euros. Notre ambassadrice à Addis-Abeba, Brigitte Collet, accomplit un travail excellent et assume une double mission. Un de ses collaborateurs est spécialement dédié à l'Union africaine. Il est peu probable que nous nommions à courte échéance un ambassadeur auprès de l'Union africaine. Enfin, notre contribution au TICEN est de 1,8 million de dollars et 3,8 millions d'euros.
Vos questions sont fondamentales. D'autres que moi pourraient aussi bien y répondre - je pense en particulier à Nicole Bricq qui a suivi tout cela dans un passé récent. En ce qui concerne le commerce, il est trop tôt pour juger les résultats de la redistribution gouvernementale intervenue il y a deux mois. L'idée est simple : les différents ministères doivent travailler à la même tâche, aussi bien à Paris qu'à l'étranger. Le décret de 1979 est clair : les ambassadeurs, qui ne proviennent pas nécessairement du Quai d'Orsay, sont les patrons de tous les services dans le pays où ils sont en poste. Ce principe a été réaffirmé, c'est un gage d'efficacité. À Paris, les administrations centrales du ministère de l'économie et du ministère des finances, d'une part, et du ministère des affaires étrangères, d'autre part, doivent se coordonner. Pour des raisons sociologiques évidentes, des réticences se sont manifestées au début, mais nous avons élaboré des protocoles afin que les entreprises sachent à qui s'adresser. Les choses se mettent donc en place. Nous avons déjà opéré le regroupement de l'AFII et d'Ubifrance. Avec mon collègue Stéphane Le Foll, nous avons décidé de renforcer la convergence de notre action à propos de la Sopexa en matière agricole, même si les modalités restent à définir. Il en va de même pour Atout France en matière de tourisme. En tout cas, nous avons intérêt à nous présenter sous la bannière France. J'ai demandé aux ambassadeurs de me soumettre un plan d'action. Ne sont-ils pas les mieux placés pour inciter la venue de touristes en France ? Sans brusquer les choses, l'idée est de favoriser la convergence.
L'objectif des maisons de la France n'est pas d'augmenter notre présence immobilière, mais de renforcer notre présence réelle. Nous n'avons pas les moyens de construire partout de nouveaux complexes immobiliers. En revanche nous devons afficher partout le «panneau France». Dans les domaines commerciaux, la marque France est perçue positivement. Donnons-lui les moyens d'être plus efficace. Favoriser la convergence et la coordination, réunir diplomatie classique et diplomatie économique, tourisme ou à agriculture compris, allait dans le sens de l'histoire. Nous dresserons un bilan dans six mois ou un an.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juin 2014