Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à Europe 1 le 20 juin 2014, sur la politique de la santé et l'accès aux soins médicaux.

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Média : Europe 1

Texte intégral


JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour. Ça va, la santé est bonne ?
MARISOL TOURAINE
Parfaite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bon, on va voir la santé des Français, mais d'abord on parle du cas de Vincent LAMBERT. Aujourd'hui 17 juges du Conseil d'Etat se prononcent sur le cas de Vincent LAMBERT, cloué sur son lit d'hôpital depuis 6 ans, et vous le savez, la famille est déchirée. Le ministre de la Santé a-t-elle, ou une recommandation, ou au moins un avis personnel ?
MARISOL TOURAINE
La ministre de la Santé n'a pas de recommandation à faire aux juges. C'est une affaire très douloureuse et qui montre que la loi actuelle comporte des parts d'ombre, et que ces parts d'ombre doivent être levées. C'est un juge, ce sont des juges qui vont le faire, la loi devra évoluer. Le statu quo n'est pas possible, et le débat va s'engager. Je souhaite que les parlementaires, d'ailleurs, soient actifs sur ce sujet. Il faut le faire en recherchant les points de rassemblements et de convergences, mais on voit bien…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il faut une loi, vous, vous dites il faut une loi.
MARISOL TOURAINE
Oui, il faut faire évoluer le cadre législatif, on voit bien que cela ne répond pas aux situations, celle de monsieur LAMBERT, et puis d'autres situations. Il y a des Français qui arrivent en fin de vie, qui ne peuvent pas exprimer leur aspiration à une forme de dignité autre que celle que leur donne la maladie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce que vous êtes, vous, opposée à l'acharnement ?
MARISOL TOURAINE
L'acharnement n'est pas une bonne chose et d'ailleurs la loi actuelle permet d'éviter l'acharnement. Je crois que l'acharnement n'est pas une bonne chose, il faut simplement que l'expression de la volonté puisse être recueillie de façon claire et sans ambiguïté.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, à titre personnel, vous êtes, là, contre l'acharnement à propos de Vincent LAMBERT ?
MARISOL TOURAINE
Je ne suis pas favorable à l'acharnement de façon générale, et je crois que nous devons faire en sorte que la volonté de la personne, quelle que soit cette volonté, puisse être mieux entendue, et, surtout, mieux respectée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Marisol TOURAINE, le gouvernement doit faire 50 milliards d'économies en 3 ans.
MARISOL TOURAINE
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cette année, combien vous économisez ?
MARISOL TOURAINE
Cette année 2014 ou 2000…. ? Ecoutez, 2014, ça dépend de ce que vous prenez comme référence. La Sécurité Sociale s'engage dans un programme d'économies. Je voudrais rappeler que lorsque je suis arrivée aux responsabilités, la Sécurité Sociale avait un déficit de 21 milliards d'euros, fin 2014 ce déficit aura été ramené en dessous de 14 milliards, 13,3 milliards d'euros, donc vous voyez que les économies elles sont extrêmement importantes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais cette fois-ci, d'ici à 2015, 16, 17, puisque vous avez la mission…
MARISOL TOURAINE
Dix milliards d'euros d'économies.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous les ferez ?
MARISOL TOURAINE
Dix milliards d'euros sur l'Assurance Maladie, c'est l'occasion pour moi de dire une chose très simple. J'ai présenté une loi sur la santé, hier, qui a l'ambition de répondre aux attentes de nos concitoyens, qui, aujourd'hui, ont besoin d'être mieux pris en charge, de manière plus simple. Alors j'entends certains qui disent, « mais au fond, comment vont se faire les économies ? » Il s'agit de créer un cadre qui va permettre de soigner mieux, et donc d'organiser différemment.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais on peut soigner mieux et faire des économies parce qu'il y a des gaspillages, des dérives…
MARISOL TOURAINE
Absolument.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des dépenses inutiles, et apparemment vous n'aimez pas compter.
MARISOL TOURAINE
Bien sûr que je compte puisque, je vous l'ai dit, je pense que jamais les comptes de la Sécurité Sociale n'ont été tenus avec autant de force et de détermination.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors on entre dans ce que vous avez proposé hier.
MARISOL TOURAINE
Et dans le même temps, Jean-Pierre ELKABBACH, il n'y a pas de fatalité à ce que la maîtrise des comptes de la Sécurité Sociale s'accompagne d'une réduction des droits de nos concitoyens. Ce qui a été mon fil conducteur c'est maîtrise des comptes, mais, en même temps, garantie des droits, ce ne sont pas aux assurés de payer les pots cassés pour la mauvaise gestion passée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, dans la prochaine loi de santé, il y a le tiers-payant. D'abord on peut dire que cette loi de santé, combien coûte-t-elle, puisque vous vous intéressez aux calculs et au coût, combien elle coûte et comment elle est financée ?
MARISOL TOURAINE
Mais la loi de santé ne coûte pas en elle-même, la loi de santé elle définit une nouvelle organisation et elle répond aux besoins des Français, et à partir de là on décline un certain nombre de mesures dans le cadre du budget qui est fixé. Quels sont les enjeux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Allons-y.
MARISOL TOURAINE
La prévention, parce qu'on sait que si on veut un bon état de santé…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais vous savez que tout ça EUROPE 1 l'a analysé, puisque vous avez parlé hier, mais là on veut aller plus loin. Par exemple, vous prévoyez de généraliser, d'ici 2017, à partir de l'an prochain, le tiers-payant pour les patients modestes.
MARISOL TOURAINE
Oui, c'est une mesure très forte. Pas que modeste.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui. Vous avez déclenché un tollé, vous l'avez entendu, chez les médecins, ils n'en veulent pas, parce que le tiers-payant provoquerait une explosion de la consommation de santé. Vous dites non…
MARISOL TOURAINE
Non.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous répondez, « il y a la responsabilité des Français », mais on peut trouver différents systèmes qui ont été mis en place, sur la santé, qui ne coûtaient rien au début, et qui ont fait exploser les comptes.
MARISOL TOURAINE
On trouve le tiers-payant dans la plupart des pays européens et de l'OCDE.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais les autres ne sont pas français.
MARISOL TOURAINE
C'est un modèle qui existe, c'est un système, c'est une technique, qui existe dans la plupart des pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les médecins ne veulent pas la fin de l'acte payé.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, l'acte payé sera toujours payé à l'acte, il sera payé par la Sécurité Sociale, par les complémentaires, il n'y aura pas d'avance de la part du patient. Je voudrais quand même rappeler des choses très simples. Il y a, parmi nos concitoyens, des hommes et des femmes, pour qui l'avance du prix de la consultation, de généraliste, de spécialiste, représente un frein, et qui ne vont pas se faire soigner pour ces raisons-là. Qu'est-ce qui se passe ? Leur maladie se développe, et ensuite ils vont à l'hôpital, où ça coûte plus cher. Le tiers-payant c'est aussi une garantie de maîtrise des coûts. Je voudrais rappeler que lorsqu'on a introduit la carte Vitale, il y a eu, du côté de certains médecins, les mêmes réserves que celles que j'entends aujourd'hui, à propos du tiers-payant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors qu'est-ce que vous leur dites pour les rassurer, parce qu'ils ne veulent pas attendre que l'Administration, l'Assurance Maladie…
MARISOL TOURAINE
Ils n'attendront pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mettra un certain délai à les payer.
MARISOL TOURAINE
Ils n'attendront pas, j'ai pris l'engagement que le système serait extrêmement simple et que le paiement serait immédiat. Ils auront un interlocuteur, et un seul, l'Assurance Maladie, et cela simplifiera leurs démarches. Moi je comprends parfaitement qu'il puisse y avoir des appréhensions vis-à-vis d'un système compliqué, je prends l'engagement que ce système sera simple…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous verrez qu'il y aura de la résistance.
MARISOL TOURAINE
Mais je veux dire que c'est un système qui apportera un plus à tous nos concitoyens et c'est aussi ça la responsabilité d'une ministre de la Santé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le décret que vous avez annoncé sur les complémentaires Santé, qui concerne les opticiens, les dentistes, etc., c'est comme l'Arlésienne, il arrive quand ?
MARISOL TOURAINE
Dans quelques semaines, il est aujourd'hui en cours d'examen final, il s'agit de faire en sorte que les complémentaires santé, pour bénéficier de certains avantages fiscaux, n'encouragent pas l'inflation des coûts, et cela nous permettra de permettre l'accès…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quelques semaines, ce n'est pas la saint glinglin quelques semaines ?
MARISOL TOURAINE
Non, non, c'est dans… au mois de juillet, bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La prévention c'est le tabac, Marisol TOURAINE, fin mai vous promettez des mesures fortes. Elles ne sont pas prêtes ? Parce qu'on ne les voit pas venir, elles non plus.
MARISOL TOURAINE
Non, elles sont…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Par exemple, est-ce que vous confirmez…
MARISOL TOURAINE
Attendez, Jean-Pierre ELKABBACH, Jean-Pierre ELKABBACH je crois que, j'ai dit de façon extrêmement claire que la lutte contre le tabac est absolument indispensable si nous voulons lutter contre le cancer. Le président de la République m'a demandé de préparer un plan spécifique pour faire reculer le tabagisme, ce plan je l'annoncerai dans quelques semaines, parce que c'est un plan qui fait partie du plan cancer, et donc je ne souhaitais pas mélanger des annonces sur le tabac et la présentation de la loi santé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais la lutte contre l'excès, pour les fumeurs, vous serez plus dure ?
MARISOL TOURAINE
Je considère qu'il faut faire reculer le tabagisme, ce qui passe par des mesures plus contraignantes et plus fermes, mais aussi des mesures d'information, des campagnes d'information.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les cigarettes électroniques, est-ce qu'elles seront autorisées ?
MARISOL TOURAINE
Les cigarettes électroniques sont d'ores et déjà interdites à la vente pour les mineurs, il faut en réduire la publicité, en encadrer la publicité, et il faut évidemment faire en sorte que la cigarette électronique ne soit pas autorisée de façon trop large, parce que sinon cela revient à inciter à la cigarette.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien réclamez-vous d'économies à l'hôpital ? Parce que vous encouragez la chirurgie ambulatoire, etc., on dit que ce n'est pas assez, mais qu'il y a des efforts à faire.
MARISOL TOURAINE
Vous parlez de l'hôpital, Jean-Pierre ELKABBACH, dans la loi que j'ai annoncée hier, j'ai indiqué qu'il était absolument essentiel de pouvoir mieux organiser la prise en charge des patients lorsqu'ils sortent de l'hôpital et qu'ils vont vers la ville. Cela suppose, que ce soit les médecins de ville, et donc c'est un geste de confiance envers les médecins de ville, que ce soit les médecins de ville qui prennent en charge les patients, plus que l'hôpital. De cette manière-là des économies vont pouvoir être réalisées, c'est ce qu'on appelle la prise en charge ambulatoire, j'ai prévu un certain nombre d'économies, 2 milliards…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça veut dire aussi que des lits vont fermer dans des hôpitaux, inutiles.
MARISOL TOURAINE
Non, il y aura une organisation plus efficace.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je peux lui poser une question sur le foot ?
THOMAS SOTTO
Allez-y.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Mondial, il y a ce soir… vous avez, je ne dis pas un souhait, mais…
MARISOL TOURAINE
France/ Suisse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais un favori…
MARISOL TOURAINE
Oui, c'est la France qui va gagner, bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce que c'est vrai qu'on ne peut pas tout avoir quand on est Suisse, les fraudeurs fiscaux et la victoire, on va laisser aux Bleus le succès.
MARISOL TOURAINE
Mais la France va gagner ce soir, je crois, elle a montré ses talents.
THOMAS SOTTO
Allez, un petit score…
MARISOL TOURAINE
Allez, on va espérer un 2/0.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais elle a dit qu'elle ne sait pas compter…
MARISOL TOURAINE
Ah non, je sais tout à fait compter, c'est vous qui l'avez dit…
THOMAS SOTTO
C'est vous qui l'avez dit Jean-Pierre.
MARISOL TOURAINE
Et je vous ai montré que je faisais mieux que compter, je réalisais les économies.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous reviendrez.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Marisol TOURAINE d'être venue ce matin sur EUROPE 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juin 2014