Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social à RTL le 4 juin 2014, sur la position du MEDEF dans le cadre de la lutte contre le chômage et le Pacte de responsabilité.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Jean-Michel APHATIE
Bonjour François REBSAMEN.
François REBSAMEN
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
Jean-Michel APHATIE
Le MEDEF se fâche. Dans une interview au « Figaro » ce matin, le numéro 2 de l'organisation patronale, Geoffroy ROUX de BEZIEUX, dénonce la fausse baisse des impôts pour les entreprises, « une supercherie » dit-il, « les impôts ne baisseront pas en 2015, ils ne baisseront pas avant 2017 pour les entreprises », et il dénonce aussi un harcèlement fiscal, « du jamais vu » dit-il, « pour les entreprises. » C'est une mauvaise nouvelle un MEDEF fâché pour la lutte contre le chômage.
François REBSAMEN
Oui, heureusement ça ne représente pas toutes les entreprises.
Jean-Michel APHATIE
Non, mais ça représente le MEDEF, ça dit quelque chose.
François REBSAMEN
Oui, enfin une branche du MEDEF. Ce n'est pas acceptable d'entendre, comme ça, des remises en cause. J'ai eu l'occasion de rencontre plusieurs fois, dans un mois, le MEDEF, le MEDEF, son représentant monsieur GATTAZ, et ceux qui l'accompagnent, monsieur ROUX de BEZIEUX en fait partie.
Jean-Michel APHATIE
C'est le numéro 2 du MEDEF.
François REBSAMEN
Oui, absolument, c'est incroyable. Alors même que le gouvernement fait un effort sans précédent, de près de 41 milliards d'euros, envers les entreprises – je vais reprendre la formule de Laurent BERGER de la CFDT – entendre sans arrêt les entreprises se plaindre, geindre, pleurnicher, alors même qu'elles doivent emmener le mouvement aujourd'hui pour relancer la croissance dans ce pays, créer de la richesse, ce que font les entrepreneurs sur le terrain. Moi je fais la différence entre le MEDEF et les entreprises sur le terrain, les chefs d'entreprise.
Jean-Michel APHATIE
Vous pensez que le MEDEF ne représente pas les chefs d'entreprise aujourd'hui ?
François REBSAMEN
Les prises de position comme celle-là ne sont pas celles des chefs d'entreprise qui savent très bien qu'il y a des allégements qui ont été fait.
Jean-Michel APHATIE
Geoffroy ROUX de BEZIEUX dit « l'impôt sur les sociétés baisse, mais il y a tellement d'autres taxes qui augmentent… »
François REBSAMEN
Mais lesquelles ?
Jean-Michel APHATIE
Et puis, dit-il, « l'écotaxe qui va venir », enfin…
François REBSAMEN
Mais ils inventent, ils jouent à se faire peur, ils jouent à se faire peur. Le Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi, qui est là maintenant, c'est un allégement formidable de près de 20 milliards d'euros, et puis il va y avoir la disparition de la C3S, qui était une taxe qui pesait sur les entreprises, et puis il va y avoir des allégements de charges, et ils le savent très bien, et ils ont pris des engagements en contrepartie. Dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité le MEDEF a pris des engagements, donc il doit respecter les engagements qu'il a pris.
Jean-Michel APHATIE
Mais justement, il menace de ne plus soutenir le Pacte de responsabilité, Geoffroy ROUX de BEZIEUX…
François REBSAMEN
Ça serait…
Jean-Michel APHATIE
Il dit, « dans ces conditions-là nous on ne sera plus partants pour s'engager sur des emplois. »
François REBSAMEN
Il va falloir qu'on s'explique d'ailleurs, je le dis ici, il va falloir qu'on s'explique parce qu'on ne peut pas, ils ne peuvent pas renier, comme ça, leur signature du jour au lendemain, il y a un engagement qui est pris, il était soutenu, on ne peut pas se promener avec des badges « 1 million d'emplois seront créés » grâce à ce que vous faites, et puis, du jour au lendemain, dire exactement l'inverse, donc un peu de continuité.
Jean-Michel APHATIE
Vous vouliez être conciliant avec les chefs d'entreprise, puisque vous avez proposé la semaine dernière, François REBSAMEN, de suspendre les seuils sociaux dans les entreprises, à partir de 10 salariés il faut désigner des représentants du personnel et à partir de 50 salariés il faut créer un comité d'entreprise et un comité d'hygiène et sécurité. « Les patrons nous disent que ces seuils sont des freins à l'embauche », avez-vous dit la semaine dernière, « alors tentons l'expérience, suspendons-les pendant 3 ans. » Vous maintenez votre offre malgré la colère du MEDEF, et puis les syndicats ne l'ont pas bien accueillie non plus votre offre, vous la maintenez François REBSAMEN ?
François REBSAMEN
Je parle aux chefs d'entreprise. Pourquoi j'ai dit cela sur les seuils ? Ce que je maintiens. J'entends beaucoup de chefs d'entreprise me dire, le seuil de 10, le seuil de 50, le passage d'une entreprise de 49 à une entreprise de 51, crée un certain nombre d'obligations.
Jean-Michel APHATIE
Trente sept obligations légales…
François REBSAMEN
Trente cinq en réalité, j'ai bien regardé dans le détail, 35 obligations, certaines sont assez lourdes, ce qui fait qu'il y a un frein à l'évolution de l'entreprise. Et donc je pense - d'ailleurs c'est argument qui est employé par le patronat depuis maintenant une vingtaine d'années, on en entend parler - ça nous empêche de créer de l'emploi. Alors j'ai dit aux organisations syndicales, « débattons-en. » Donc on va avoir l'occasion d'en débattre, mais ce n'est pas un débat qui va être comme ça, en l'air, et qui ne sera pas conclusif. Ce que je souhaite c'est, sur ce qui concerne la représentativité syndicale dans les entreprises, sur l'information des salariés, qu'il y ait, après la grande conférence sociale, sur la base d'un document d'orientation, que j'enverrai aux organisations patronales et syndicales, un vrai dialogue qui s'installe, un dialogue social, mais ce dialogue il devra être conclusif.
Jean-Michel APHATIE
Ce que vous recherchez c'est de suspendre…
François REBSAMEN
Ça sera sur la table…
Jean-Michel APHATIE
Les effets des seuils sociaux.
François REBSAMEN
Aux organisations syndicales et patronales de prendre leurs responsabilités, d'arriver à un accord, s'ils n'y arrivent pas, le gouvernement prendra ses responsabilités.
Jean-Michel APHATIE
Je le répète, votre souhait c'est de suspendre les effets des seuils sociaux.
François REBSAMEN
Mais c'est un exemple que je donnais.
Jean-Michel APHATIE
Oui, mais c'est un exemple très important.
François REBSAMEN
Bien sûr. Pour faire tomber cet argument, ce que j'ai dit aux organisations syndicales, pour faire tomber cet argument qui consiste à dire « on ne peut pas créer de l'emploi parce qu'il y a des seuils », eh bien tentons l'expérience, expérimentons, par exemple dans une région, expérimentons pendant X années, 2 ans, 3 ans, « l'effet de seuil ne joue pas ». « Vous pouvez développer votre entreprise sans avoir les contraintes de l'effet de seuil », et puis on verra bien. Si ce que dit le patronat est juste, eh bien il y aura créations d'emplois, tant mieux, et si ce que dit le patronat n'est pas vrai, on le constatera et on n'entendra plus cet argument.
Jean-Michel APHATIE
La CGT dit déjà « c'est une bêtise », Force ouvrière dit « c'est inacceptable. »
François REBSAMEN
Je sais, je les ai rencontrés, j'ai rencontré Jean-Claude MAILLY avant-hier, on en a discuté, on en discute franchement…
Jean-Michel APHATIE
« Inacceptable », il l'a dit ici, à votre place.
François REBSAMEN
Il le dira au patronat.
Jean-Michel APHATIE
Il vous l'a dit aussi ?
François REBSAMEN
Bien sûr, enfin il ne le dit pas comme ça, avec moi, mais…
Jean-Michel APHATIE
Ah, il est plus gentil avec vous ?
François REBSAMEN
On s'entend bien, c'est important de s'entendre bien avec les représentants syndicaux, et patronaux, et donc on mettra ça sur la table et puis on verra s'ils peuvent avancer, mais moi je ne veux pas que ce soit repoussé à 3 ans ou à 4 ans, l'examen, je veux que ce soit, il faut qu'on avance. Il faut débloquer cette société, il faut redonner confiance aux chefs d'entreprise, sur le terrain, il faut leur dire que ce sont eux qui créent la richesse de ce pays, ce sont eux qui créent, comment vous dire, l'emploi dans ce pays, mais la richesse de l'entreprise c'est les salariés, donc ça doit marcher ensemble, et c'est ces accords salariaux, ces accords d'entreprises, qui vont faire avancer notre pays, pour la croissance et pour l'emploi.
Jean-Michel APHATIE
En attendant de créer des emplois dans les entreprises, le gouvernement a décidé hier de financer 45.000 emplois d'avenir supplémentaires.
François REBSAMEN
Oui.
Jean-Michel APHATIE
Il faut subventionner l'emploi, sinon on n'arrivera pas à faire baisser la courbe du chômage en France ?
François REBSAMEN
Non, parce que ces emplois d'avenir, d'abord ils s'adressent à des gens qui sont très loin de l'emploi…
Jean-Michel APHATIE
Peu ou pas formés, des jeunes.
François REBSAMEN
Oui, pas formés.
Jean-Michel APHATIE
Mais il faut en faire plus, quoi !
François REBSAMEN
Non, il faut en faire un nombre suffisant pour préparer ces jeunes à l'emploi, leur mettre le pied à l'étrier et faire que, après leur contrat d'avenir, ils trouvent effectivement un emploi dans le secteur marchand…
Jean-Michel APHATIE
… il faut en faire toujours plus, toujours plus, 500 millions d'euros de plus.
François REBSAMEN
Non, pas toujours plus. Est-ce que vous saviez combien il y en avait en 2000, des emplois aidés ?
Jean-Michel APHATIE
…
François REBSAMEN
Je vais vous le dire, 540.000. Est-ce que vous savez combien il y en a aujourd'hui ?
Jean-Michel APHATIE
100.000.
François REBSAMEN
310.000.
Jean-Michel APHATIE
310.000.
François REBSAMEN
Donc vous voyez, il y a encore de la marge.
Jean-Michel APHATIE
Vous avez de la marge. Vos oreilles ont sifflé, François REBSAMEN, lundi soir, cérémonie des Molières, c'est la remise des prix au théâtre, pour protester contre la réforme UNEDIC qui modifie le régime des intermittents.
François REBSAMEN
Oui, c'est vrai.
Jean-Michel APHATIE
Un comédien, Nicolas BOUCHAUD, vous a décerné sur scène, je le cite, « le Molière de la meilleure trahison à François REBSAMEN pour son rôle d'employé du MEDEF. » Ce n'est pas sympa ça.
François REBSAMEN
Non seulement ce n'est pas sympa, c'est injuste et c'est infamant, à mon endroit, et donc…
Jean-Michel APHATIE
Pourquoi infamant ?
François REBSAMEN
Merci, parce que toute ma pratique, en tant que maire, a consisté à développer la culture, 23 % du budget de la ville de Dijon était consacré à la culture, on a fait travailler les intermittents, et je sais, moi, que sans les intermittents il n'y a pas de culture. Mais faisons un peu d'histoire. Où on en était…
Jean-Michel APHATIE
Rapidement.
François REBSAMEN
Oui, rapidement. Où on en était ? Le MEDEF voulait supprimer le régime des intermittents, grâce aux partenaires sociaux ce régime a été sauvé le 22 mars, et donc j'en suis très heureux, et contrairement à ce qui s'est dit trois quarts, vous m'entendez bien, trois quarts des artistes ne sont pas concernés par cette réforme, c'est ceux qui sont les plus précaires.
Jean-Michel APHATIE
Donc vous n'avez pas trahi les intermittents ?
François REBSAMEN
Mais non seulement je ne les ai pas trahis, mais c'est insultant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2014