Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social à I-Télé le 26 juin 2014, sur la lutte contre le chômage et le Pacte de responsabilité.

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Média : Itélé

Texte intégral


CHRISTOPHE BARBIER
François REBSAMEN, bonjour et bienvenue.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
On va parler de football, mais tout à l'heure, avec Bruce, dans le journal de 08h, mais ça tombe bien d'ailleurs que toute la France parle de football parce que ce soir, on n'entendra pas le mauvais chiffre du chômage qui va tomber pour le mois de mai.
FRANÇOIS REBSAMEN
Vraisemblablement, mais je me suis donné une consigne en arrivant, on peut s'en donner quelques-unes, c'est de ne jamais commenter les chiffres mensuels du chômage. Mon prédécesseur l'a beaucoup fait, ces chiffres mensuels, quand on les prend mois par mois, ils ne veulent pas dire grand-chose. Il faut les étudier sur une période assez longue, ce que fait l'INSEE d'ailleurs cette semaine.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, on va regarder ce film quand même, alors, votre film, c'est sur 2014, vous voulez quoi ? Rester en dessous des trois millions de chômeurs, enfin, vous rapprocher des trois millions, des 10%… ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, en 2014, il y a un chiffre qui est pour moi un chiffre très important, d'abord, c'est le chiffre de la croissance, parce que, pour créer de l'emploi dans le secteur marchand, il faut de la croissance…
CHRISTOPHE BARBIER
0,7 selon l'INSEE, 1%...
FRANÇOIS REBSAMEN
0,7, c'est mieux que l'année dernière, mais il faut encore pousser les feux.
CHRISTOPHE BARBIER
A 0,7, on ne crée pas d'emplois.
FRANÇOIS REBSAMEN
A 0,7, on ne crée pas assez d'emplois par rapport à ceux que l'on détruit. Mais on crée de l'emploi, je le dis quand même, on crée de l'emploi dans ce pays, simplement, on en détruit également. Et donc pour que le solde soit positif, il faut créer plus d'emplois marchands. Il faut créer plus d'emplois marchands. L'INSEE dit cette année : on va créer de l'emploi marchand, un peu plus, 40.000, mais ce n'est pas suffisant par rapport au monde qui arrive sur le marché du travail, parce qu'on a un marché de l'emploi qui est – un marché du travail – qui est dynamique, il y a des jeunes qui arrivent chaque année, on n'est pas comme en Allemagne par exemple, donc il faut que tout le monde trouve sa place dans le marché de l'emploi, et c'est là où la croissance est insuffisante, j'en conviens, c'est pour ça que le Premier ministre, hier, a pris des mesures, on en a parlé avec le président de la République, pour relancer la construction notamment, c'est ça qui nous – excusez-moi l'expression – qui nous plombe en ce moment.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, on va essayer de regarder ces mesures, vraisemblablement, un mauvais chiffre mensuel, mais regardons sur la durée, la durée, c'était le CICE, le CICE est déjà en vigueur, il ne marche pas ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Le CICE, il vient d'arriver dans les entreprises, j'ai été, la semaine dernière, à Lyon, devant 400 chefs d'entreprises, présenter le CICE, il y en a encore qui ne connaissent pas le CICE, qui sont surpris de découvrir qu'ils ont effectivement touché… comment dire… un retour sur leur crédit d'impôt, et donc ce crédit d'impôt, il y a des débats – vous le savez – pour savoir combien d'emplois ça va créer, l'INSEE donne un chiffre, d'autres donnent d'autres chiffres, mais ça va créer de l'emploi d'ici la fin de l'année. Combien ? Je ne sais pas exactement, mais disons, ça va créer, d'ici la fin de l'année, 50.000 emplois, donc, est-ce que ça va suffire ? On verra. Ce que je souhaite, c'est que le taux de chômage de notre pays reste sous les 10%, vous me direz, c'est un objectif limité, mais c'est un objectif qui est compréhensible, qui est clair, c'est donc une stabilisation à la fin de l'année que je veux constater, voilà.
CHRISTOPHE BARBIER
Du côté des mesures sur le logement, finalement, l'encadrement des loyers va rester, ça va décourager les propriétaires, décourager les investisseurs ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, ce qui décourage en ce moment, c'est que les conditions d'accès au prêt à taux zéro, c'est-à-dire la possibilité d'acquérir un logement pour toute une catégorie de Français, plutôt les classes moyennes d'ailleurs, pour acquérir cela, il faut un prêt ; ce prêt, il est trop fermé, les conditions d'accès à ce prêt sont trop restrictives, et donc on va l'élargir. Et j'ai noté avec satisfaction – moi, je suis ce qui se passe dans le secteur du bâtiment pour d'autres raisons, je suis ça – que les promoteurs étaient satisfaits des annonces du Premier ministre, qui vont rentrer en vigueur au mois d'octobre, il faut aller vite, c'est là-dessus qu'on a perdu en début d'année.
CHRISTOPHE BARBIER
Et le pacte de responsabilité, le « 1 million d'emplois » que Pierre GATTAZ arbore à sa veste, quand est-ce que ça arrive ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je l'ai vu encore hier ou avant-hier, mais ça va venir, vous savez, pendant dix ans, il n'y a pas eu d'efforts, il faut le dire, pour rendre de la compétitivité aux entreprises, quelquefois, on me demande : à quoi ça sert le dialogue social, je rappelle que c'est à la suite de la première grande conférence qu'avait été décidé de donner un rapport à Louis GALLOIS, maintenant, je dis, c'est l'homme le plus célèbre de France, l'économiste le plus célèbre, c'est lui qui a, dans son rapport, montré notre retard de compétitivité de nos entreprises. Donc on y fait face en ce moment, avec le CICE, demain, avec les allègements de charges sur le travail, en baissant le coût du travail, donc tout ça va produire des effets pour redonner espoir…
CHRISTOPHE BARBIER
Et puis…
FRANÇOIS REBSAMEN
Et il y a heureusement CroissancePlus, il y a des entreprises qui aujourd'hui créent de l'emploi, c'est elles qui créent la richesse, mais il faut que tout le monde s'y mette.
CHRISTOPHE BARBIER
Et puis une excellente idée que vous aviez mise dans le débat : suspendre les seuils sociaux, quand on passe à 10 ou 50 salariés, pas de contraintes ou du moins pas de contraintes dans les deux, trois prochaines années, où est passée cette idée ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien alors, vous savez, j'ai rencontré chaque responsable syndical, ce n'est pas moi qui prends les décisions comme ça, je vais suspendre, je n'ai pas dit : je vais suspendre, je leur ai dit : que pensez-vous de l'idée de suspendre ? Il faut commencer à discuter avec Thierry LEPAON, Laurent BERGER, ils s'y sont, selon des manières différentes, ils y sont plutôt opposés, la CGT est totalement contre, les autres sont prêts, mais il faut que ça soit un donnant/donnant…
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, qu'est-ce qu'on donne en échange ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien, on donne plus de formations aux salariés, une meilleure représentativité des salariés, ça, c'est le dialogue social qui le fera et qui le dira. Et j'attends que les partenaires sociaux en débattent.
CHRISTOPHE BARBIER
L'idée n'est pas morte ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, non, non, l'idée n'est pas morte, vous savez, j'ai reçu une lettre hier, mais vous connaissez notre histoire très bien, ça va vous faire tilt ; j'ai reçu une lettre hier de Louis BESSON, l'ancien ministre socialiste du Logement…
CHRISTOPHE BARBIER
Maire de Chambéry…
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais qui a réussi, lui, pour me dire : François – il m'appelle par mon prénom – continue, en 1998, j'avais déjà proposé cette idée, voyez, la France, elle a du mal à se réformer.
CHRISTOPHE BARBIER
Valérie RABAULT, rapporteuse du Budget, a semé un peu une douche froide cette semaine, en disant que les cinquante milliards d'économie que l'Etat veut faire, c'est 250.000 emplois en moins, récessifs, est-ce que vous êtes sensible à cet argument ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, il y a un impact récessif dans les économies, après, ça dépend – excusez-moi de l'expression – si on passe un coup de rabot généralisé sans faire de différence sur tous les secteurs sur lesquels on fait des économies, donc on va faire des économies sur les secteurs où il y a le moins d'effet récessif. 200.000 emplois supprimés par l'effet récessif, 570.000 emplois estimés créés ou créables par le CICE et les baisses de charges et la relance de la consommation, parce que vous avez vu qu'il y a aussi, pour les particuliers, des avantages qui vont être là, du pouvoir d'achat…
CHRISTOPHE BARBIER
Moins d'impôts payés, ça va relancer la consommation ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Du pouvoir d'achat, donc on va soutenir aussi la consommation.
CHRISTOPHE BARBIER
François FILLON suggère de n'indemniser qu'à 75% maximum les chômeurs, de manière à les inciter à reprendre un emploi plus vite, c'est une idée qu'on peut retenir ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, moi, je ne crois pas que ce soit le frein, là, le problème, aujourd'hui, c'est de trouver une meilleure adéquation, je le fais avec des formations prioritaires, une meilleure adéquation entre des postes de travail qui existent, c'est insupportable, près de 350.000 postes de travail existent et ne sont pas pourvus, et ça, je trouve ça absolument insupportable, donc…
CHRISTOPHE BARBIER
Parce que certains ne veulent pas prendre ces emplois, trop durs, trop loin ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Peut-être pour des raisons de mobilité, quelquefois, souvent, parce qu'on n'a pas le permis de conduire, parce qu'on n'a pas les transports collectifs qui permettent de se rendre sur le lieu de travail, donc c'est tout ça qu'il faut qu'on résolve ensemble, en rapprochant l'offre d'emploi de la demande d'emploi, sur le terrain…
CHRISTOPHE BARBIER
Et moins indemniser les chômeurs, ça n'aurait pas d'effet incitatif à la reprise de l'emploi ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je ne crois pas, je ne crois pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'il faut également travailler sur les seniors – vous voulez le faire – sans avoir de moyens supplémentaires ? Est-ce que vous ne perdez pas votre temps ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, non, non, parce que, vous savez, un de mes prédécesseurs, Gérard LARCHER, avait lancé un plan senior, ça n'a pas vraiment fonctionné, ils avaient aussi lancé un autre plan "500.000 apprentis", ça n'a pas vraiment marché…
CHRISTOPHE BARBIER
Et le contrat de génération est un peu en faillite…
FRANÇOIS REBSAMEN
Et le contrat de génération, il faut le pousser, ce que je fais, pour que, il atteigne son rythme de croisière, notamment maintenant dans les entreprises de moins de 300 salariés, ce qui n'était pas le cas au début, il n'était pas prévu pour ces entreprises-là. Et sur les seniors, je crois que les partenaires sociaux, que j'ai rencontrés l'autre jour, auxquels j'ai présenté ce plan, ont été… ces mesures ont été assez sensibles, il s'agit donc de réorienter, notamment le contrat de professionnalisation, qui n'est pas utilisé, pour les chômeurs longue durée, seniors essentiellement, et d'en faire un contrat de professionnalisation de nouvelle carrière.
CHRISTOPHE BARBIER
Si le chiffre n'est pas bon ce soir, vous savez ce qu'on va dire, on va dire : ah, François HOLLANDE ne pourra peut-être pas se représenter en 2017, il l'a dit lui-même, vous êtes conscient de ce risque ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Bien sûr, bien sûr, j'en ai parlé, mais ce n'est pas sur le chiffre de ce soir ni sur celui du mois prochain, c'est sur l'année 2014, l'année 2015, qu'on sera jugé, mais moi, le message que je veux faire passer, c'est : il faut avoir confiance, dans ce pays, il faut avoir confiance dans nos entreprises, confiance dans nos salariés, ce pays doit sortir de cette dépression nerveuse, et reprendre confiance en ses forces.
CHRISTOPHE BARBIER
Un mot pour terminer sur un dossier que vous connaissez bien, même s'il n'est pas dans votre domaine ministériel, le FLNC en Corse, annonce la trêve, le dépôt des armes, le renoncement à la lutte, est-ce que c'est crédible ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, oui, c'est une bonne nouvelle, il faut prendre les bonnes nouvelles comme celle-là, chaque matin, à vérifier sur la durée.
CHRISTOPHE BARBIER
François REBSAMEN, merci beaucoup.
FRANÇOIS REBSAMEN
Merci.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous restez ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour parler des Bleus. Ça joue sur le moral des Français, le foot ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah, ça joue un peu, oui, on sent que cette nation a besoin de se retrouver à travers une équipe, et je trouve ça très bien, c'est une belle équipe de France.
CHRISTOPHE BARBIER
Merci beaucoup, et à tout de suite.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2014