Interview de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat chargée du numérique, dans "Le Figaro" le 26 juin 2014, sur le savoir-faire français en matière d'objets "connectés" et les problèmes de financement des "start-up" françaises.

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Q - À quoi sert le festival de la French Tech qui se tient à New York ?
R - Le festival de la French Tech s'est déroulé en France pendant tout le mois de juin. Il a commencé le 3 juin à Nantes, avec Web2day. Avec la French Tech, nous cherchons à fédérer les différentes initiatives ayant trait au numérique. Nous avons réuni sous la bannière French Tech différentes initiatives, publiques et privées, comme France Digitale Day, qui fait venir à Paris des investisseurs étrangers, Start-Up Assembly, qui organise des journées portes ouvertes de start-up, ou encore Futur en Seine, organisé depuis 2009 par le pôle de compétitivité Cap Digital. Ce sont des événements qui ont lieu à Paris ou en région. Les Français ont un véritable savoir-faire, notamment dans le domaine des objets connectés. Cette reconnaissance est la première étape dans un processus de popularisation et de commercialisation de ces produits et services. Ces start-up se tournent très vite vers les marchés internationaux pour se développer, d'où notre présence à New York.
Q - Quelles sont les mesures prises pour les accompagner ?
R - 215 millions d'euros de crédits ont été alloués à la French Tech dans le cadre des investissements d'avenir. Sur cette somme, 200 millions serviront à financer des accélérateurs de start-up, ou des «FabLab» nouvelle génération. Il pourra s'agir d'apports de fonds propres ou de prêts participatifs. 15 millions seront consacrés à promouvoir l'attractivité de la France à l'international. Nous pourrions aider financièrement des entreprises françaises à se rendre à Las Vegas pour le CES (grand salon de l'électronique grand public) ou au festival SouthBySouthWest à Austin sous la bannière French Tech. La mise en valeur des entreprises françaises et de leur savoir-faire est très importante. C'est aussi dans ce cadre que nous allons promouvoir la Cité des objets connectés, à Angers.
Q - Pourquoi avoir choisi Angers pour la Cité des objets connectés ?
R - Cette ville dispose de nombreux atouts, à commencer par des établissements scolaires et universitaires, allant du bac professionnel au diplôme d'ingénieur. Toutes les spécialités nécessaires à cette filière sont représentées : l'électronique, la plasturgie, la mécanique... La main d'oeuvre est sur place ! En outre, Eolane qui est un grand fabricant français d'électronique, y dispose d'une usine. Nous voulons ramener en France au moins l'assemblage des produits, en plus de leur conception. La Cité des Objets connectés pourrait bénéficier d'une quinzaine de millions d'euros d'investissements - dont un tiers venant de l'État et le solde des entreprises. Cinquante personnes y travailleront, à terme. Les start-up pourront y bénéficier d'outils de prototypage, de lignes de production, ou d'espace de «coworking».
Q - Les start-up françaises ont du mal à trouver des fonds...
R - La France crée quatre fois plus d'entreprises que la moyenne du G7. Notre souci est de parvenir à les pérenniser et à les faire grandir. Le financement de la seconde phase, post-amorçage, est un véritable enjeu. C'est à ce moment critique que beaucoup de start-up se font racheter par des entreprises américaines, à des niveaux de valorisation qui sont loin de ceux constatés outre-Atlantique, et elles partent aux États-Unis. La création de valeur se fait en France, mais le profit en est tiré aux États-Unis. Il nous faut rassurer les investisseurs étrangers, installer un climat de confiance en France, et changer la perception qu'ils ont de notre pays. Les investisseurs américains ont trop souvent une vision caricaturale de la France, qu'ils voient comme un pays «crypto-communiste» ! Il nous faut créer un cercle vertueux. Les investisseurs américains seront plus enclins à venir en France s'ils y réalisent plusieurs opérations, et nos start-up pourront continuer de grandir tout en restant installées sur notre territoire.
Q - Que faire pour les entrepreneurs qui se plaignent de la fiscalité ?
R - La fiscalité ne fait pas tout. Il faut prendre en compte le coût global et la qualité de la vie. En outre, le crédit impôt recherche français est un dispositif unique au monde, plébiscité par les entreprises qui innovent. De même, je suis favorable à la promotion du statut de «jeune entreprise innovante». Plus de 8000 entreprises en bénéficient. Ce n'est pas encore assez. La communication agressive de Londres sur sa politique fiscale visant à attirer des entreprises étrangères ne doit pas faire oublier que la fiscalité n'y est intéressante que la première année et que les coûts connexes (santé, logement, éducation) sont très dissuasifs. Nous n'avons pas à rougir, la France est très bien placée en matière d'attractivité.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juin 2014