Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Environ deux mille soldats français sont déployés en République centrafricaine dans le cadre de l'opération Sangaris aux côtés de quelque cinq mille huit cents soldats de la Force de l'Union africaine. Le ministre de la Défense est en Centrafrique depuis hier pour une visite de deux jours. Je crois qu'il était bon de faire le point ; pourquoi ? Parce qu'on a totalement oublié la République centrafricaine, on n'en parle plus du tout. Jean-Yves LE DRIAN, bonjour.
MONSIEUR LE MINISTRE DE LA DEFENSE JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes avec nous, merci. Jean-Yves LE DRIAN, ça fait maintenant sept mois que les forces françaises sont déployées ; d'abord des nouvelles des soldats français. Il y a eu des blessés ces derniers jours.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui. Il y a eu des blessés il y a quelques jours, je suis venu ici à Bangui pour les rencontrer, les saluer et leur apporter le soutien et la reconnaissance de la France, des Français, du président de la République dans une situation qui reste très complexe. C'est ma sixième visite depuis le mois de décembre en République centrafricaine. Il y a des éléments positifs dans la mesure ou, par exemple, il y a six mois je ne pouvais pas rester à Bangui le soir, je ne pouvais pas déambuler ou me déplacer avec des patrouilles. Aujourd'hui, la situation à Bangui est relativement stabilisée grâce à la lucidité et au sang-froid de nos militaires dans une tâche extrêmement difficile qui vise à éviter des affrontements entre deux communautés qui, pour certains d'entre eux, ont la haine et qui pour d'autres font des exactions de l'ordre du criminel, puisque ce sont des bandes violentes qui sont parfois non-maîtrisées. La situation globale reste quand même très complexe et très fragile. Nous avons pu atteindre deux des trois objectifs que nous nous étions. Le premier, c'était de pacifier globalement la situation dans la capitale. C'est chose faite et je vais me rendre ce matin dans différents quartiers de Bangui pour le constater, dans des patrouilles que je vais accompagner. Le deuxième objectif, c'était de faire en sorte que la voie vers l'ouest soit ouverte et soit sécurisée, c'est-à-dire celle qui permet l'approvisionnement, celle qui permet le transport, celle qui permet le lien avec le Cameroun et finalement avec les réseaux portuaires. Cette deuxième orientation est aujourd'hui en voie d'être atteinte. Et puis, il y a la troisième mission qui est de faire en sorte que l'est du pays, qui est aujourd'hui le plus dangereux, puisse se pacifier et c'est la mission qui remplissent aujourd'hui nos forces avec beaucoup de détermination, même si hier soir encore il y a eu des conflits de violence intercommunautaire dans la ville de Bambari.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Hier soir à Bambari, c'est dans le centre du pays. Il y a eu de nouveau des victimes ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non. Il y a eu quelques éléments qui ont été neutralisés mais les forces de Sangaris ont dû intervenir, en particulier pour protéger l'Evêché. C'est donc une situation qui reste complexe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, la situation est extrêmement complexe. D'un côté, vous avez l'ex-rébellion Séléka à majorité musulmane, et de l'autre les milices anti-Balaka à majorité chrétienne. C'est une guerre confessionnelle terrible et une instabilité politique qui dure. Franchement, ça ne s'arrange pas sur le terrain politique.
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais il y a des éclaircies. J'ai pu rencontrer hier soir la présidente du gouvernement de transition, madame SAMBA-PANZA, qui a beaucoup de détermination et beaucoup de volonté. Elle est malheureusement un peu isolée et essaye avec beaucoup de force de faire en sorte qu'un cessez-le-feu soit possible. Du coup, elle encourage les actions à la fois de la force française mais il y a aussi ici la force africaine qui s'appelle la Misca et sera demain la force des Nations unies et il y a une force européenne. L'éclaircie vient du fait qu'il y a quelques jours à Malabo, en Guinée équatoriale, les Chefs d'Etats de la grande région ont proposé une initiative de réconciliation regroupant l'ensemble des acteurs de la République centrafricaine pour aboutir d'abord à un cessez-le-feu et ensuite à un processus politique. Cette rencontre devrait avoir lieu à Brazzaville avant la fin du mois de juillet. Je porte pour ma part, et le gouvernement français, porte beaucoup d'espoir sur cette réunion qui devrait permettre d'aboutir à une situation plus pacifiée, même si depuis que nous sommes intervenus, il y a eu beaucoup de progrès de faits. Lorsque nous étions en décembre de l'année dernière, les violences étaient extrêmes et il y avait des massacres par centaines. La situation s'est améliorée mais il reste encore du chemin à parcourir et la solution ne sera que politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, elle ne sera que politique mais, Jean-Yves LE DRIAN, nous allons rester jusqu'à quand ? Parce qu'il était déjà prévu de réduire la participation française, de réduire Sangaris, mais jusqu'à quand allons-nous rester et avec quels moyens ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Aujourd'hui, nous sommes deux mille sur place. Notre tâche est de faire en sorte que la mission des Nations unies qui a été décidée par le Conseil de sécurité et qui va s'organiser à partir du mois de septembre puisse se mettre en place le mieux possible, préparer cette arrivée pour que cette force multinationale se substitue à la force française progressivement avant la fin de l'année 2014.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais « progressivement » ça veut dire quoi ? Ça veut dire que pour l'instant, nous allons rester plus longtemps que prévu.
JEAN-YVES LE DRIAN
Non. Ecoutez, nous sommes intervenus il y a six mois. Honnêtement, vu la gravité de la situation en six mois, grâce à la qualité de nos soldats, nous avons quand même pu aboutir à un processus de pacification qui est en cours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais nous sommes condamnés pour l'instant à rester avec les mêmes forces en République centrafricaine.
JEAN-YVES LE DRIAN
Parce qu'il y a les Nations unies qui arrivent et que nous sommes déjà accompagnés par les forces européennes. Notre rôle, c'est de mettre en place toutes les conditions pour que les résolutions des Nations unies soient mises en oeuvre et qu'elles soient mises en oeuvre par la force des Nations unies de dix mille hommes qui est en cours de préparation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais nous restons à deux mille hommes jusqu'à quand ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous resterons proches de ce niveau. Nous diminuerons notre format au fur et à mesure que la mission des Nations unies arrivera et s'implantera, c'est-à-dire à partir de l'automne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que pour l'instant, on reste à deux mille hommes pendant encore plusieurs semaines et plusieurs mois.
JEAN-YVES LE DRIAN
Pendant plusieurs semaines sans doute, mais d'ici la fin de l'année nous pensons que le format pourra être diminué à partir du moment où la mission des Nations unies sera efficace et à partir du moment aussi où la solution politique sera respectée, ce que j'espère.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment. Merci, Jean-Yves LE DRIAN. Il était bon de parler de la République centrafricaine parce que plus personne n'en parle.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2014