Texte intégral
* M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la décision de reprendre les essais nucléaires ? prise avant consultation des experts, si j'ai bien compris les propos de M. le Président de la République nous expliquant hier soir que le Premier ministre néo-zélandais, rencontré dès le 8 mai, ne devrait pas être surpris, mais annoncée entre les deux tours des municipales, sans doute pour des raisons d'opportunité électorale (protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) ? constitue aux yeux des socialistes une faute grave.
En effet, cette décision ne répond pas à un impératif de sécurité pour notre défense dont l'arsenal nucléaire est fiable jusqu'en 2010 ou 2015, comme l'a confirmé hier soir le ministre de la défense. Celui-ci a confirmé par ailleurs que la simulation serait au point en 2002.
D'ici là, si nous ne reprenions pas ces essais nucléaires, qui aurions-nous à craindre ? Vous le savez, seuls les Etats-Unis ont, dans ce domaine, de l'avance sur nous.
Par conséquent, non seulement cette initiative est inutile et coûteuse, car elle mobilise des crédits qu'il vaudrait mieux investir pour accélérer le programme de simulation, mais elle introduit une grave ambiguïté dans notre stratégie. Puisque la fiabilité des armes mégatonniques est assurée, s'agit-il de construire des armes kilotonniques, des armes tactiques, des armes du champ de bataille ?
Associés à l'annonce de la fermeture du plateau d'Albion, ces essais, indéfinis quant à leur objet précis, signifient-ils que la France, sans en avoir débattu, s'apprêterait à passer de la doctrine de dissuasion définie, je vous le rappelle, sous le général de Gaulle, à une doctrine inverse qui serait celle de l'emploi ?
Qui plus est, cette décision inefficace et ambiguë ternit l'image de la France dans le monde, parce qu'elle dessert la paix.
C'est le Président de la République française, François Mitterrand, qui avait pris l'initiative, largement suivie, de la suppression des essais nucléaires...
M. Jean-Claude Bahu. Ce n'est plus le même président.
M. Henri Emmanuelli. Je le sais, et cela se voit !
... initiative qui se prolongera par la signature en 1996 d'un nouveau traité de suppression totale de ces essais.
En prenant la décision unilatérale de procéder à de nouveaux essais nucléaires, la France met en danger l'aboutissement de ce mouvement général de limitation de l'arsenal nucléaire. Pire, elle offre à de nombreux pays parvenus au seuil de l'arme atomique l'occasion de franchir le pas décisif, portant ainsi atteinte à notre sécurité et à celle de la planète.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous offrir une version crédible justifiant la reprise de ces essais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, comme il l'a annoncé hier soir, et dans le cadre des compétences que lui confère la Constitution, M. le Président de la République a décidé de faire effectuer une campagne de huit essais nucléaires, qui s'achèvera au plus tard à la fin du mois de mai 1996.
Cette décision a été prise en considération du seul intérêt supérieur de la nation.
M. Gilbert Gantier. Très bien !
M. le Premier ministre. Je ne m'attarderai pas, naturellement, sur les allusions partisanes et politiciennes de M. Emmanuelli. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
L'intérêt supérieur de la nation...
M. Christian Bataille. Ayez au moins la politesse de regarder celui qui a posé la question ! Quel mépris !
M. le Premier ministre. Je regarde l'Assemblée, monsieur le député. Gardez donc votre sang-froid !
L'intérêt supérieur de la nation, disais-je, est que la France continue à disposer d'une force de dissuasion suffisante et crédible. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. Pierre Mazeaud. Très bien !
M. le Premier ministre. La préservation des intérêts vitaux du pays en dépend et cela, naturellement, prévaut sur toute autre considération, fût-elle de nature diplomatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
La question était la suivante : pouvons-nous aujourd'hui maintenir une force de dissuasion suffisante et crédible sans reprendre une campagne d'essais nucléaires ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. Charles Ehrmann. Certains de nos collègues n'y connaissent rien !
M. le Premier ministre. Une réponse prématurée, sans préparation suffisante, a été apportée en 1992 par un moratoire qui n'a pas pris en compte un certain nombre de préoccupations fondamentales que nous retrouvons aujourd'hui.
Aujourd'hui, je le dis d'emblée, il ne s'agit en aucune manière de changer quoi que ce soit à notre doctrine de dissuasion, ou de se mettre en situation de fabriquer des armes différentes ou plus sophistiquées et nul ne saurait, sauf à tomber dans le procès d'intention, affirmer le contraire.
Les deux seuls objectifs de cette campagne d'essais, tels que le Président de la République les a très clairement soulignés hier soir (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste),
M. Jean-Claude Lefort. A quoi ça sert, alors ?
M. le Premier ministre. Ecoutez-moi, vous le saurez. Ne soyez pas impatients à ce point. Vraiment, c'est la première fois qu'avant même que j'aie répondu j'entends contester ma réponse ! Je n'ai pas interrompu M. Emmanuelli, que diable ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Claude Bartolone. Gardez votre sang-froid !
M. le Premier ministre. Je disais donc que les deux seuls objectifs de cette campagne sont les suivants.
Premièrement, vérifier la sécurité des armes actuellement disponibles. Vous nous dites qu'elle est assurée jusqu'en 2010, 2015. C'est une contrevérité.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est M. million qui l'a dit !
M. le Premier ministre. Nous avons à assurer, face au vieillissement, les conditions de crédibilité des armes existantes. Deuxième objectif : pour passer à la simulation, dont nous n'avons pas, à l'heure actuelle, les moyens scientifiques et technologiques, nous avons besoin d'une série d'essais nous permettant d'acquérir les connaissances fondamentales nécessaires. Cette série d'essais a donc pour objectif de nous permettre de passer aussi rapidement que possible à la simulation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Cette décision est parfaitement conforme à nos engagements internationaux, car nous avons toujours réservé la possibilité de reprendre des essais, et elle s'accompagne d'un engagement officiel et sans ambiguïté du Président de la République de signer, dès lors que ce sera à l'ordre du jour, le traité d'interdiction définitive des essais nucléaires qui est en cours de négociation. La séquence est donc claire : dans l'intervalle qui nous sépare de la signature de ce traité, nous procéderons aux essais indispensables à la fiabilité de notre dissuasion. Ensuite, nous entrerons dans ce système d'interdiction définitive.
M. Yves Verwaerde. Très bien !
M. le Premier ministre. L'argument selon lequel une telle décision inciterait à la prolifération ne tient pas. Car, vous le savez, il y a quelques semaines à peine, 178 Etats ont renouvelé leur engagement de respecter le traité de non-prolifération de manière indéfinie et inconditionnelle.
M. Henri Emmanuelli. Exactement !
M. le Premier ministre. Aucune circonstance ne saurait, évidemment, les amener à violer leur signature,...
M. Louis Pierna. Mais nous, nous pouvons !
M. le Premier ministre. ... qui engage donc les pays non nucléaires et les pays du seuil.
Je ne pense pas que, face à une telle situation, nous devions nous laisser impressionner...
M. Henri Emmanuelli. Non !
M. le Premier ministre. ... par les conseils, quand ce ne sont pas par les exhortations qui nous sont données ici ou là par des pays qui ont réalisé dix fois plus d'essais nucléaires que nous et qui disposent aujourd'hui de stocks nucléaires sans commune mesure avec ceux dont dispose la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
J'ajoute qu'il est de notoriété publique que nos essais dans le Pacifique ont toujours été d'une innocuité sur l'environnement régional constatée universellement par toutes les missions d'experts qui se sont rendues sur place et, comme le Président de la République l'a indiqué, nous sommes tout à fait prêts à accueillir, au terme de cette séance d'essais, de nouvelles missions scientifiques internationales. Je rappelle en effet que ces essais sont réalisés à grande profondeur, dans le socle basaltique de l'atoll de Mururoa, et que des analyses régulières ont été faites qui montrent l'innocuité du dispositif.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, dans quel contexte le Président de la République a été amené à prendre cette décision. Je constate d'ailleurs que nos partenaires européens ont la plupart du temps réagi avec beaucoup de compréhension face à cette décision, qui relève de notre seule souveraineté.
M. Pierre Mazeaud et M. Henri de Richemont. Très bien !
M. le Premier ministre. Nous sommes ainsi dans la droite ligne de la politique de dissuasion et de défense qu'a voulue à l'origine le général de Gaulle et à laquelle la nation reste fidèle. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
* M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron.
M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le Premier ministre, ma question portera également sur les essais nucléaires. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Nous venons d'entendre votre réponse. Devons-nous comprendre que la sécurité actuelle de nos armes nucléaires n'est pas assurée ? Cette intervention de votre part est extrêmement grave.
Devons-nous penser que les armes actuelles de 75 à 100 kilotonnes, que tous les experts disent opérationnelles, ne le seraient pas ?
Devons-nous également considérer que le gouvernement français compte, par ces essais, rattraper dans la course à l'arme nucléaire le niveau actuel des Etats-Unis d'Amérique ? Et si c'était cela, en quoi huit essais de plus changeraient quoi que ce soit à la situation ? Nos chercheurs du Commissariat à l'énergie atomique, puisqu'ils ont vingt ans devant eux, ne seraient pas capables de mettre au point la simulation informatique ?
Hier, le Président de la République a dit que sa décision avait été prise le 8 mai, c'est-à-dire avant le rapport des experts. Sa décision était déjà prise en tant que candidat à la présidence de la République. C'est donc une décision éminemment politique.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et alors ?
M. Jean-Michel Boucheron. Dans le monde, une quinzaine de pays, qu'on appelle « les pays du seuil », tentent de se procurer l'arme nucléaire ; jusqu'à ce jour, nous pouvions les montrer du doigt. Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, la France n'est plus en mesure d'accuser ceux qui participent à la prolifération nucléaire.
M. Richard Dell'Agnola. La question !
M. Jean-Michel Boucheron. En fait, le Président de la République a voulu faire son apparition sur la scène internationale. J'aurais préféré que la première adresse au monde du premier des Français fût un message de paix et non de course aux armements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Monsieur le Premier ministre, la question est suffisamment grave pour qu'un débat parlementaire ait lieu. Cette décision nous consterne et nous voudrions savoir ce que vous comptez faire pour réparer cette erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, face à un enjeu aussi grave pour la sécurité du pays et l'avenir de la nation, permettez-moi d'exprimer, sans aucun esprit de polémique, le regret de voir le débat se situer à un niveau aussi médiocre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Oui, monsieur le député, médiocre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Julien Dray. Propos électoralistes !
M. le Premier ministre. Vous ne m'empêcherez pas de parler !
M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît !
M. le Premier ministre. Monsieur le député, il est médiocre de déformer, comme vous venez de le faire, les propos de M. le Président de la République. Celui-ci n'a jamais dit ? et, je le répète, que cela vous plaise ou non, il est médiocre de lui prêter ce propos ?...
M. Julien Dray. C'est vous qui êtes médiocre !
M. le Premier ministre. ...qu'il avait pris sa décision le 8 mai. C'est faux ! (« Non ! Non ! » sur le bancs du groupe socialiste. ? « Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Martin Malvy. Il l'a dit !
M. le Premier ministre. C'est faux ! Et je mets quiconque au défi de trouver dans le propos de M. Chirac hier soir quoi que ce soit de ce type !
Dire qu'on a eu une conversation avec le Premier ministre de Nouvelle-Zélande sur l'ensemble de ce sujet et dire qu'on avait pris à cette époque la décision, ce sont deux choses fondamentalement différentes, et je ne peux pas permettre que l'on fasse l'amalgame. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Deuxième remarque. Laisser entendre que nos armes nucléaires aujourd'hui ne seraient pas sûres, monsieur le député, est une responsabilité dont je vous laisse la charge ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. ? Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Michel Boucheron. C'est vous qui l'avez dit !
M. le Premier ministre. J'ai dit que pour vérifier les conditions de vieillissement de nos armes, il était indispensable, comme tous les scientifiques compétents et responsables consultés nous l'ont affirmé, de procéder à un certain nombre d'essais supplémentaires.
Troisièmement, il faut tout de même être sérieux, car laisser entendre qu'avec huit essais la France se proposerait de rattraper le niveau actuel de l'arsenal nucléaire des Etats-Unis, cela me semble, venant de vous, de la polémique et non pas du raisonnement.
M. Jean-Michel Boucheron. C'est vous-même qui l'avez dit à l'instant !
M. le Premier ministre. Ne déformez pas mes propos ! J'ai dit à l'instant tout le contraire, à savoir que la France n'avait nullement l'intention, en procédant à ces essais, de se doter d'armes plus perfectionnées, mais qu'elle entendait simplement, premièrement, vérifier les conditions de vieillissement des armes existantes et, deuxièmement, acquérir les données techniques lui permettant ensuite de passer à la simulation. Voilà les deux choses que j'ai dites, et l'ensemble de l'Assemblée en est témoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Vous me dites encore que cette décision ne vous agrée pas ? et de votre point de vue je veux bien le comprendre ? parce que ce serait une sorte d'incitation aux « pays du seuil » à se livrer eux-mêmes, en violation des engagements internationaux qu'ils ont pris, à des essais nucléaires. Mais quelle est la question que doit se poser un président de la République...
M. Henri Emmanuelli. Vous ne l'êtes pas encore !
M. le Premier ministre. ... si je peux me permettre de faire cette hypothèse dans ma situation ? Est-ce de savoir si sa décision est bonne pour la France ou bien si elle est bonne pour tel ou tel autre pays de la scène internationale ? C'est d'abord l'intérêt national qui doit prévaloir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. Pierre Mazeaud. Voilà ! L'intérêt de la France doit l'emporter !
M. le Premier ministre. Enfin, monsieur le député, vous appelez un débat de vos voeux. Permettez-moi d'abord de vous faire remarquer que ce débat a lieu en ce moment (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)...
Mme Martine David. Vous êtes médiocre !
M. le Premier ministre. ... avec les nombreuses questions qui m'ont déjà été ou me seront posées à ce sujet, sauf à considérer que les questions d'actualité ne constituent pas un débat.
M. Claude Bartolone. A peine une introduction !
M. le Premier ministre. En matière nucléaire, il y a deux décisions importantes : décider de faire des essais ; décider de ne plus en faire.
En 1992, quand M. Malvy était ministre chargé des relations avec le Parlement, avez-vous organisé dans cette assemblée un débat sur le moratoire décidé par le Président de la République de l'époque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
J'ai cru comprendre, monsieur le président de l'Assemblée nationale, que certains présidents de groupe souhaitaient un tel débat et que d'autres ne le souhaitaient pas. Je m'en remets sur ce point à la conférence des présidents, qui doit se réunir en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement. Nous verrons à ce moment-là, en fonction des positions des différents groupes, ce qu'il y a lieu de faire.
Mais ne soyons pas amnésiques ! Ne me dites pas, messieurs, qu'il n'y avait pas eu de demande de débat en 1992 ! Cette demande avait été faite et vous l'avez refusée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe communiste.
* M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, le 19 mai, M. le Président de la République nous adressait un message où il écrivait : « Il faut remettre le Parlement à sa vraie place, une place centrale. » Et voilà qu'à peine un mois plus tard, les députés apprennent par une conférence de presse à la télévision la reprise des essais nucléaires, sans avoir été informés, encore moins consultés, sans avoir eu à débattre.
Je ne méconnais pas les prérogatives constitutionnelles du Président. Je dis simplement que le procédé est choquant et que, de toute façon, le choix opéré par un homme seul accentue la dérive monarchique des institutions.
M. Charles Ehrmann. Qu'a fait Mitterrand pendant quatorze ans ?
M. Jacques Brunhes. C'est d'autant plus inadmissible qu'il s'agit d'une décision d'une extrême gravité, lourde de conséquences pour notre pays et son image dans le monde, et pour la paix.
En rompant le moratoire en vigueur depuis 1992, notre pays ne respecte plus sa parole. Dire qu'il faut tendre à l'égalité technologique est un argument fallacieux, mais surtout dangereux. L'égalité n'étant jamais parfaite, c'est accepter, qu'on le veuille ou non, la prolifération d'armes de destruction massive, la course à l'équilibre de la terreur dont on a mesuré dans le passé les effets néfastes. C'est bien de cela qu'il s'agit puisque les essais à Mururoa ou en laboratoire visent à doubler le nombre des têtes nucléaires d'ici à dix ans, alors même que, selon les experts, la défense nationale est fiable et efficace dans la situation actuelle.
La décision du Président de la République porte donc gravement atteinte à l'image de la France. Vous interrogeant sur ce que devait être son attitude, vous avez répondu qu'il devait s'intéresser à la France. C'est une évidence, mais il doit aussi s'intéresser à la paix dans le monde.
Ma question est la suivante : la décision du Président n'obère-t-elle pas gravement les chances d'un arrêt total et définitif des essais nucléaires au moment où toutes les puissances de la terre s'apprêtent à en discuter ?
Enfin, n'est-ce pas là un immense gâchis ? Quand tant de familles souffrent, quand la création massive d'emplois ou la formation sont contrariées au nom de l'austérité des budgets civils, il est inacceptable que la France engage des milliards dans le perfectionnement d'armes de destruction et de mort.
A la veille du 6 août, cinquantième commémoration du terrible bombardement d'Hiroshima, notre pays va être isolé.
Monsieur le Premier ministre, avec les pacifistes de toutes sensibilités, avec les humanistes, les progressistes, les démocrates, nous demandons que la décision soit rapportée et qu'un grand débat s'engage à l'Assemblée nationale et dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, décision d'un homme seul, dites-vous : la Constitution fait du Président de la République le chef des armées et la décision qu'il a prise l'a été dans le cadre strict des compétences institutionnelles qui sont les siennes.
On peut apprécier ou ne pas apprécier la Constitution de la Ve République, mais nous sommes ici un grand nombre à considérer qu'il faut la respecter. Elle a été respectée.
Quant à dire que cette décision a été prise de manière solitaire, évidemment non. Le Président de la République a expliqué qu'il avait consulté tous les experts à la fois compétents et responsables, dont l'avis a été convergent et unanime.
M. Claude Bartolone. Ce n'est pas une question d'experts ! C'est une question politique !
M. le Premier ministre. J'ajoute que le conseil de défense, conformément à la Constitution, a été réuni, a délibéré de cette question et a donné son avis au Président de la République, qui a ensuite pris sa décision en connaissance de cause.
Vous me parlez aussi, monsieur le député, de la paix dans le monde. Qui, ici, n'est pas, aussi sincèrement que vous, attaché à la paix dans le monde ? Mais nous sommes un certain nombre à faire le partage entre pacifisme et paix, car nous savons que ce n'est pas toujours la même chose. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La paix dans le monde, la paix en Europe et la paix pour la France, nous la devons depuis quarante ans à la force de dissuasion nucléaire française. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.) Et dans un monde qui reste, hélas, instable, dangereux, inorganisé ? on le voit un peu partout ? nous la devrons encore demain à notre capacité de maintenir une force de dissuasion suffisante et crédible, non seulement pour nous, mais ouvrant peut-être des perspectives plus audacieuses, je serais tenté de dire : pour l'Europe aussi. Car c'est le destin de l'Union européenne elle-même qui est concerné par la capacité de la France à conserver une dissuasion nucléaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Plusieurs députés du groupe communiste. Nous y voilà !
M. le Premier ministre. Enfin, monsieur le député, vous me parlez du budget de la défense. Nous aurons l'occasion d'aborder ces questions le moment venu, dans le cadre des discussions budgétaires. Je connais votre conviction, qui a le mérite, au moins, de la cohérence et de la clarté : vous êtes partisans, vous et vos amis, de la suppression de tout budget de défense. (Protestations sur les bancs du groupe communiste.)
Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas vrai !
M. Louis Pierna. C'est un mensonge !
M. Jean-Pierre Brard. Un mensonge indigne !
M. le Premier ministre. Vous avez expliqué, à plusieurs reprises, qu'il fallait reconvertir toutes ces dépenses vers des affectations civiles. C'est votre conviction, ne la niez pas !
Mais tant que ce gouvernement sera en place, soyez sûrs que la France continuera à disposer ? avec un souci de saine gestion et de bonne utilisation des deniers publics, comme l'a indiqué le Président de la République ? des moyens d'assurer sa sécurité, parce que c'est l'intérêt supérieur de la nation qui est en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
* M. le président. La parole est à Mme Nicole Catala.
Mme Nicole Catala. Monsieur le Premier ministre, après trois semaines de vive inquiétude éprouvée non seulement par les familles de nos soldats prisonniers en Bosnie, mais aussi par l'ensemble de nos concitoyens, nous avons appris hier soir de la bouche du Président de la République que les derniers otages de la FORPRONU retenus par les Serbes de Bosnie allaient être libérés. Néanmoins, à l'heure où je parle, vingt-six d'entre eux ? onze casques bleus et quinze observateurs militaires de l'ONU ? sont encore détenus.
Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe du RPR, je me félicite de l'action très active et très énergique conduite par le Président de la République et par la diplomatie française, aussi bien auprès de nos partenaires européens que des autorités serbes pour obtenir la libération de tous les otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Au nom des parlementaires de mon groupe, je tiens également à rendre hommage au courage et à la dignité de nos soldats que des circonstances exceptionnelles ont placés dans une situation aussi dramatique qu'humiliante.
M. Pierre Mazeaud. Très bien !
Mme Nicole Catala. Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, je me pose et vous pose deux questions.
Premièrement, quels vont être les moyens mis à la disposition de l'ONU pour protéger les casques bleus et nos soldats au service de la plus noble des causes, celle de la paix ?
Deuxièmement, quelle démarche le gouvernement français, dont nous savons qu'il a été très actif dans le drame yougoslave, entend-il entreprendre pour que, très vite, on parvienne à une solution négociée respectant les droits des différentes parties en présence ? Monsieur le Premier ministre, il y va de la dignité de nos forces et de la crédibilité de l'ONU et de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Madame le député, je m'associe bien entendu à l'hommage que vous venez de rendre aux soldats français qui servent sous casque bleu et qui, dans des circonstances extraordinairement difficiles, ont fait preuve d'un grand courage et d'une grande dignité. Ce courage et cette dignité, il faut le savoir, ont forcé l'admiration non seulement en France mais aussi en Europe et dans le monde.
M. Pierre Mazeaud. Très bien !
M. le Premier ministre. A l'heure où je vous parle et compte tenu des informations qui m'ont été transmises par notre état-major, je suis en mesure de vous indiquer que quatorze personnels français restent otages des Serbes. Par ailleurs, un certain nombre de nos casques bleus, sans être à proprement parler prisonniers puisqu'ils disposent de leurs armes, sont toujours encerclés. Nous allons donc poursuivre l'action engagée avec beaucoup de détermination par le Président de la République et par le Gouvernement pour continuer à exiger leur libération sans délai et sans condition.
Vous l'avez constaté, la vigueur avec laquelle la France a réagi a été efficace. Le changement qui s'est produit dans l'attitude de la communauté internationale et en particulier des Européens est à mettre au crédit de la France. Nous allons continuer dans cette direction.
En ce qui concerne les moyens de la force de réaction rapide dont nous souhaitions depuis longtemps la constitution, des précisions vous ont déjà été données par M. le ministre de la défense. Je me bornerai à rappeler qu'il s'agit d'une force de 5 000 hommes environ, dotés des moyens en armement et en matériels nécessaires. Elle se met progressivement en place sur le terrain. C'est ainsi qu'un premier contingent français est arrivé en Croatie. Il devrait ensuite rejoindre ses positions en Bosnie-Herzégovine en compagnie d'un contingent britannique. La résolution du Conseil de sécurité qui prévoira les conditions d'intervention de cette force devrait être votée dans les prochaines heures ou les prochains jours.
En ce qui concerne l'action diplomatique, je vous rappelle que, il y a quelques jours, à l'initiative de la présidence française de l'Union européenne, les quinze ont désigné un nouveau représentant, nouveau co-président de la Conférence de Londres : l'ancien Premier ministre suédois, M. Carl Bildt. Il travaille à la reprise de la discussion diplomatique à la fois avec les autorités de Belgrade et celles de Bosnie. Il va de soi cependant que cette reprise du processus diplomatique est subordonnée à une condition préalable non négociable : la libération de la totalité de nos otages, laquelle se produira, je l'espère, dans les heures ou les jours qui viennent.
En conclusion, je voudrais simplement insister sur le fait qu'en parlant le langage du courage, en donnant de nouvelles consignes à ses soldats sur le terrain et en prenant les décisions concrètes qui vont avec, la France, une fois encore, a permis d'ouvrir une nouvelle perspective en Bosnie et de stopper le lent enlisement que nous connaissions. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 juillet 2014
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la décision de reprendre les essais nucléaires ? prise avant consultation des experts, si j'ai bien compris les propos de M. le Président de la République nous expliquant hier soir que le Premier ministre néo-zélandais, rencontré dès le 8 mai, ne devrait pas être surpris, mais annoncée entre les deux tours des municipales, sans doute pour des raisons d'opportunité électorale (protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) ? constitue aux yeux des socialistes une faute grave.
En effet, cette décision ne répond pas à un impératif de sécurité pour notre défense dont l'arsenal nucléaire est fiable jusqu'en 2010 ou 2015, comme l'a confirmé hier soir le ministre de la défense. Celui-ci a confirmé par ailleurs que la simulation serait au point en 2002.
D'ici là, si nous ne reprenions pas ces essais nucléaires, qui aurions-nous à craindre ? Vous le savez, seuls les Etats-Unis ont, dans ce domaine, de l'avance sur nous.
Par conséquent, non seulement cette initiative est inutile et coûteuse, car elle mobilise des crédits qu'il vaudrait mieux investir pour accélérer le programme de simulation, mais elle introduit une grave ambiguïté dans notre stratégie. Puisque la fiabilité des armes mégatonniques est assurée, s'agit-il de construire des armes kilotonniques, des armes tactiques, des armes du champ de bataille ?
Associés à l'annonce de la fermeture du plateau d'Albion, ces essais, indéfinis quant à leur objet précis, signifient-ils que la France, sans en avoir débattu, s'apprêterait à passer de la doctrine de dissuasion définie, je vous le rappelle, sous le général de Gaulle, à une doctrine inverse qui serait celle de l'emploi ?
Qui plus est, cette décision inefficace et ambiguë ternit l'image de la France dans le monde, parce qu'elle dessert la paix.
C'est le Président de la République française, François Mitterrand, qui avait pris l'initiative, largement suivie, de la suppression des essais nucléaires...
M. Jean-Claude Bahu. Ce n'est plus le même président.
M. Henri Emmanuelli. Je le sais, et cela se voit !
... initiative qui se prolongera par la signature en 1996 d'un nouveau traité de suppression totale de ces essais.
En prenant la décision unilatérale de procéder à de nouveaux essais nucléaires, la France met en danger l'aboutissement de ce mouvement général de limitation de l'arsenal nucléaire. Pire, elle offre à de nombreux pays parvenus au seuil de l'arme atomique l'occasion de franchir le pas décisif, portant ainsi atteinte à notre sécurité et à celle de la planète.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous offrir une version crédible justifiant la reprise de ces essais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, comme il l'a annoncé hier soir, et dans le cadre des compétences que lui confère la Constitution, M. le Président de la République a décidé de faire effectuer une campagne de huit essais nucléaires, qui s'achèvera au plus tard à la fin du mois de mai 1996.
Cette décision a été prise en considération du seul intérêt supérieur de la nation.
M. Gilbert Gantier. Très bien !
M. le Premier ministre. Je ne m'attarderai pas, naturellement, sur les allusions partisanes et politiciennes de M. Emmanuelli. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
L'intérêt supérieur de la nation...
M. Christian Bataille. Ayez au moins la politesse de regarder celui qui a posé la question ! Quel mépris !
M. le Premier ministre. Je regarde l'Assemblée, monsieur le député. Gardez donc votre sang-froid !
L'intérêt supérieur de la nation, disais-je, est que la France continue à disposer d'une force de dissuasion suffisante et crédible. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. Pierre Mazeaud. Très bien !
M. le Premier ministre. La préservation des intérêts vitaux du pays en dépend et cela, naturellement, prévaut sur toute autre considération, fût-elle de nature diplomatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
La question était la suivante : pouvons-nous aujourd'hui maintenir une force de dissuasion suffisante et crédible sans reprendre une campagne d'essais nucléaires ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)
M. Charles Ehrmann. Certains de nos collègues n'y connaissent rien !
M. le Premier ministre. Une réponse prématurée, sans préparation suffisante, a été apportée en 1992 par un moratoire qui n'a pas pris en compte un certain nombre de préoccupations fondamentales que nous retrouvons aujourd'hui.
Aujourd'hui, je le dis d'emblée, il ne s'agit en aucune manière de changer quoi que ce soit à notre doctrine de dissuasion, ou de se mettre en situation de fabriquer des armes différentes ou plus sophistiquées et nul ne saurait, sauf à tomber dans le procès d'intention, affirmer le contraire.
Les deux seuls objectifs de cette campagne d'essais, tels que le Président de la République les a très clairement soulignés hier soir (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste),
M. Jean-Claude Lefort. A quoi ça sert, alors ?
M. le Premier ministre. Ecoutez-moi, vous le saurez. Ne soyez pas impatients à ce point. Vraiment, c'est la première fois qu'avant même que j'aie répondu j'entends contester ma réponse ! Je n'ai pas interrompu M. Emmanuelli, que diable ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Claude Bartolone. Gardez votre sang-froid !
M. le Premier ministre. Je disais donc que les deux seuls objectifs de cette campagne sont les suivants.
Premièrement, vérifier la sécurité des armes actuellement disponibles. Vous nous dites qu'elle est assurée jusqu'en 2010, 2015. C'est une contrevérité.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est M. million qui l'a dit !
M. le Premier ministre. Nous avons à assurer, face au vieillissement, les conditions de crédibilité des armes existantes. Deuxième objectif : pour passer à la simulation, dont nous n'avons pas, à l'heure actuelle, les moyens scientifiques et technologiques, nous avons besoin d'une série d'essais nous permettant d'acquérir les connaissances fondamentales nécessaires. Cette série d'essais a donc pour objectif de nous permettre de passer aussi rapidement que possible à la simulation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Cette décision est parfaitement conforme à nos engagements internationaux, car nous avons toujours réservé la possibilité de reprendre des essais, et elle s'accompagne d'un engagement officiel et sans ambiguïté du Président de la République de signer, dès lors que ce sera à l'ordre du jour, le traité d'interdiction définitive des essais nucléaires qui est en cours de négociation. La séquence est donc claire : dans l'intervalle qui nous sépare de la signature de ce traité, nous procéderons aux essais indispensables à la fiabilité de notre dissuasion. Ensuite, nous entrerons dans ce système d'interdiction définitive.
M. Yves Verwaerde. Très bien !
M. le Premier ministre. L'argument selon lequel une telle décision inciterait à la prolifération ne tient pas. Car, vous le savez, il y a quelques semaines à peine, 178 Etats ont renouvelé leur engagement de respecter le traité de non-prolifération de manière indéfinie et inconditionnelle.
M. Henri Emmanuelli. Exactement !
M. le Premier ministre. Aucune circonstance ne saurait, évidemment, les amener à violer leur signature,...
M. Louis Pierna. Mais nous, nous pouvons !
M. le Premier ministre. ... qui engage donc les pays non nucléaires et les pays du seuil.
Je ne pense pas que, face à une telle situation, nous devions nous laisser impressionner...
M. Henri Emmanuelli. Non !
M. le Premier ministre. ... par les conseils, quand ce ne sont pas par les exhortations qui nous sont données ici ou là par des pays qui ont réalisé dix fois plus d'essais nucléaires que nous et qui disposent aujourd'hui de stocks nucléaires sans commune mesure avec ceux dont dispose la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
J'ajoute qu'il est de notoriété publique que nos essais dans le Pacifique ont toujours été d'une innocuité sur l'environnement régional constatée universellement par toutes les missions d'experts qui se sont rendues sur place et, comme le Président de la République l'a indiqué, nous sommes tout à fait prêts à accueillir, au terme de cette séance d'essais, de nouvelles missions scientifiques internationales. Je rappelle en effet que ces essais sont réalisés à grande profondeur, dans le socle basaltique de l'atoll de Mururoa, et que des analyses régulières ont été faites qui montrent l'innocuité du dispositif.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, dans quel contexte le Président de la République a été amené à prendre cette décision. Je constate d'ailleurs que nos partenaires européens ont la plupart du temps réagi avec beaucoup de compréhension face à cette décision, qui relève de notre seule souveraineté.
M. Pierre Mazeaud et M. Henri de Richemont. Très bien !
M. le Premier ministre. Nous sommes ainsi dans la droite ligne de la politique de dissuasion et de défense qu'a voulue à l'origine le général de Gaulle et à laquelle la nation reste fidèle. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
* M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron.
M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le Premier ministre, ma question portera également sur les essais nucléaires. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Nous venons d'entendre votre réponse. Devons-nous comprendre que la sécurité actuelle de nos armes nucléaires n'est pas assurée ? Cette intervention de votre part est extrêmement grave.
Devons-nous penser que les armes actuelles de 75 à 100 kilotonnes, que tous les experts disent opérationnelles, ne le seraient pas ?
Devons-nous également considérer que le gouvernement français compte, par ces essais, rattraper dans la course à l'arme nucléaire le niveau actuel des Etats-Unis d'Amérique ? Et si c'était cela, en quoi huit essais de plus changeraient quoi que ce soit à la situation ? Nos chercheurs du Commissariat à l'énergie atomique, puisqu'ils ont vingt ans devant eux, ne seraient pas capables de mettre au point la simulation informatique ?
Hier, le Président de la République a dit que sa décision avait été prise le 8 mai, c'est-à-dire avant le rapport des experts. Sa décision était déjà prise en tant que candidat à la présidence de la République. C'est donc une décision éminemment politique.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et alors ?
M. Jean-Michel Boucheron. Dans le monde, une quinzaine de pays, qu'on appelle « les pays du seuil », tentent de se procurer l'arme nucléaire ; jusqu'à ce jour, nous pouvions les montrer du doigt. Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, la France n'est plus en mesure d'accuser ceux qui participent à la prolifération nucléaire.
M. Richard Dell'Agnola. La question !
M. Jean-Michel Boucheron. En fait, le Président de la République a voulu faire son apparition sur la scène internationale. J'aurais préféré que la première adresse au monde du premier des Français fût un message de paix et non de course aux armements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Monsieur le Premier ministre, la question est suffisamment grave pour qu'un débat parlementaire ait lieu. Cette décision nous consterne et nous voudrions savoir ce que vous comptez faire pour réparer cette erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, face à un enjeu aussi grave pour la sécurité du pays et l'avenir de la nation, permettez-moi d'exprimer, sans aucun esprit de polémique, le regret de voir le débat se situer à un niveau aussi médiocre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Oui, monsieur le député, médiocre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Julien Dray. Propos électoralistes !
M. le Premier ministre. Vous ne m'empêcherez pas de parler !
M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît !
M. le Premier ministre. Monsieur le député, il est médiocre de déformer, comme vous venez de le faire, les propos de M. le Président de la République. Celui-ci n'a jamais dit ? et, je le répète, que cela vous plaise ou non, il est médiocre de lui prêter ce propos ?...
M. Julien Dray. C'est vous qui êtes médiocre !
M. le Premier ministre. ...qu'il avait pris sa décision le 8 mai. C'est faux ! (« Non ! Non ! » sur le bancs du groupe socialiste. ? « Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Martin Malvy. Il l'a dit !
M. le Premier ministre. C'est faux ! Et je mets quiconque au défi de trouver dans le propos de M. Chirac hier soir quoi que ce soit de ce type !
Dire qu'on a eu une conversation avec le Premier ministre de Nouvelle-Zélande sur l'ensemble de ce sujet et dire qu'on avait pris à cette époque la décision, ce sont deux choses fondamentalement différentes, et je ne peux pas permettre que l'on fasse l'amalgame. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Deuxième remarque. Laisser entendre que nos armes nucléaires aujourd'hui ne seraient pas sûres, monsieur le député, est une responsabilité dont je vous laisse la charge ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. ? Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Michel Boucheron. C'est vous qui l'avez dit !
M. le Premier ministre. J'ai dit que pour vérifier les conditions de vieillissement de nos armes, il était indispensable, comme tous les scientifiques compétents et responsables consultés nous l'ont affirmé, de procéder à un certain nombre d'essais supplémentaires.
Troisièmement, il faut tout de même être sérieux, car laisser entendre qu'avec huit essais la France se proposerait de rattraper le niveau actuel de l'arsenal nucléaire des Etats-Unis, cela me semble, venant de vous, de la polémique et non pas du raisonnement.
M. Jean-Michel Boucheron. C'est vous-même qui l'avez dit à l'instant !
M. le Premier ministre. Ne déformez pas mes propos ! J'ai dit à l'instant tout le contraire, à savoir que la France n'avait nullement l'intention, en procédant à ces essais, de se doter d'armes plus perfectionnées, mais qu'elle entendait simplement, premièrement, vérifier les conditions de vieillissement des armes existantes et, deuxièmement, acquérir les données techniques lui permettant ensuite de passer à la simulation. Voilà les deux choses que j'ai dites, et l'ensemble de l'Assemblée en est témoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Vous me dites encore que cette décision ne vous agrée pas ? et de votre point de vue je veux bien le comprendre ? parce que ce serait une sorte d'incitation aux « pays du seuil » à se livrer eux-mêmes, en violation des engagements internationaux qu'ils ont pris, à des essais nucléaires. Mais quelle est la question que doit se poser un président de la République...
M. Henri Emmanuelli. Vous ne l'êtes pas encore !
M. le Premier ministre. ... si je peux me permettre de faire cette hypothèse dans ma situation ? Est-ce de savoir si sa décision est bonne pour la France ou bien si elle est bonne pour tel ou tel autre pays de la scène internationale ? C'est d'abord l'intérêt national qui doit prévaloir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. Pierre Mazeaud. Voilà ! L'intérêt de la France doit l'emporter !
M. le Premier ministre. Enfin, monsieur le député, vous appelez un débat de vos voeux. Permettez-moi d'abord de vous faire remarquer que ce débat a lieu en ce moment (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)...
Mme Martine David. Vous êtes médiocre !
M. le Premier ministre. ... avec les nombreuses questions qui m'ont déjà été ou me seront posées à ce sujet, sauf à considérer que les questions d'actualité ne constituent pas un débat.
M. Claude Bartolone. A peine une introduction !
M. le Premier ministre. En matière nucléaire, il y a deux décisions importantes : décider de faire des essais ; décider de ne plus en faire.
En 1992, quand M. Malvy était ministre chargé des relations avec le Parlement, avez-vous organisé dans cette assemblée un débat sur le moratoire décidé par le Président de la République de l'époque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
J'ai cru comprendre, monsieur le président de l'Assemblée nationale, que certains présidents de groupe souhaitaient un tel débat et que d'autres ne le souhaitaient pas. Je m'en remets sur ce point à la conférence des présidents, qui doit se réunir en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement. Nous verrons à ce moment-là, en fonction des positions des différents groupes, ce qu'il y a lieu de faire.
Mais ne soyons pas amnésiques ! Ne me dites pas, messieurs, qu'il n'y avait pas eu de demande de débat en 1992 ! Cette demande avait été faite et vous l'avez refusée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe communiste.
* M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, le 19 mai, M. le Président de la République nous adressait un message où il écrivait : « Il faut remettre le Parlement à sa vraie place, une place centrale. » Et voilà qu'à peine un mois plus tard, les députés apprennent par une conférence de presse à la télévision la reprise des essais nucléaires, sans avoir été informés, encore moins consultés, sans avoir eu à débattre.
Je ne méconnais pas les prérogatives constitutionnelles du Président. Je dis simplement que le procédé est choquant et que, de toute façon, le choix opéré par un homme seul accentue la dérive monarchique des institutions.
M. Charles Ehrmann. Qu'a fait Mitterrand pendant quatorze ans ?
M. Jacques Brunhes. C'est d'autant plus inadmissible qu'il s'agit d'une décision d'une extrême gravité, lourde de conséquences pour notre pays et son image dans le monde, et pour la paix.
En rompant le moratoire en vigueur depuis 1992, notre pays ne respecte plus sa parole. Dire qu'il faut tendre à l'égalité technologique est un argument fallacieux, mais surtout dangereux. L'égalité n'étant jamais parfaite, c'est accepter, qu'on le veuille ou non, la prolifération d'armes de destruction massive, la course à l'équilibre de la terreur dont on a mesuré dans le passé les effets néfastes. C'est bien de cela qu'il s'agit puisque les essais à Mururoa ou en laboratoire visent à doubler le nombre des têtes nucléaires d'ici à dix ans, alors même que, selon les experts, la défense nationale est fiable et efficace dans la situation actuelle.
La décision du Président de la République porte donc gravement atteinte à l'image de la France. Vous interrogeant sur ce que devait être son attitude, vous avez répondu qu'il devait s'intéresser à la France. C'est une évidence, mais il doit aussi s'intéresser à la paix dans le monde.
Ma question est la suivante : la décision du Président n'obère-t-elle pas gravement les chances d'un arrêt total et définitif des essais nucléaires au moment où toutes les puissances de la terre s'apprêtent à en discuter ?
Enfin, n'est-ce pas là un immense gâchis ? Quand tant de familles souffrent, quand la création massive d'emplois ou la formation sont contrariées au nom de l'austérité des budgets civils, il est inacceptable que la France engage des milliards dans le perfectionnement d'armes de destruction et de mort.
A la veille du 6 août, cinquantième commémoration du terrible bombardement d'Hiroshima, notre pays va être isolé.
Monsieur le Premier ministre, avec les pacifistes de toutes sensibilités, avec les humanistes, les progressistes, les démocrates, nous demandons que la décision soit rapportée et qu'un grand débat s'engage à l'Assemblée nationale et dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, décision d'un homme seul, dites-vous : la Constitution fait du Président de la République le chef des armées et la décision qu'il a prise l'a été dans le cadre strict des compétences institutionnelles qui sont les siennes.
On peut apprécier ou ne pas apprécier la Constitution de la Ve République, mais nous sommes ici un grand nombre à considérer qu'il faut la respecter. Elle a été respectée.
Quant à dire que cette décision a été prise de manière solitaire, évidemment non. Le Président de la République a expliqué qu'il avait consulté tous les experts à la fois compétents et responsables, dont l'avis a été convergent et unanime.
M. Claude Bartolone. Ce n'est pas une question d'experts ! C'est une question politique !
M. le Premier ministre. J'ajoute que le conseil de défense, conformément à la Constitution, a été réuni, a délibéré de cette question et a donné son avis au Président de la République, qui a ensuite pris sa décision en connaissance de cause.
Vous me parlez aussi, monsieur le député, de la paix dans le monde. Qui, ici, n'est pas, aussi sincèrement que vous, attaché à la paix dans le monde ? Mais nous sommes un certain nombre à faire le partage entre pacifisme et paix, car nous savons que ce n'est pas toujours la même chose. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La paix dans le monde, la paix en Europe et la paix pour la France, nous la devons depuis quarante ans à la force de dissuasion nucléaire française. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.) Et dans un monde qui reste, hélas, instable, dangereux, inorganisé ? on le voit un peu partout ? nous la devrons encore demain à notre capacité de maintenir une force de dissuasion suffisante et crédible, non seulement pour nous, mais ouvrant peut-être des perspectives plus audacieuses, je serais tenté de dire : pour l'Europe aussi. Car c'est le destin de l'Union européenne elle-même qui est concerné par la capacité de la France à conserver une dissuasion nucléaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Plusieurs députés du groupe communiste. Nous y voilà !
M. le Premier ministre. Enfin, monsieur le député, vous me parlez du budget de la défense. Nous aurons l'occasion d'aborder ces questions le moment venu, dans le cadre des discussions budgétaires. Je connais votre conviction, qui a le mérite, au moins, de la cohérence et de la clarté : vous êtes partisans, vous et vos amis, de la suppression de tout budget de défense. (Protestations sur les bancs du groupe communiste.)
Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas vrai !
M. Louis Pierna. C'est un mensonge !
M. Jean-Pierre Brard. Un mensonge indigne !
M. le Premier ministre. Vous avez expliqué, à plusieurs reprises, qu'il fallait reconvertir toutes ces dépenses vers des affectations civiles. C'est votre conviction, ne la niez pas !
Mais tant que ce gouvernement sera en place, soyez sûrs que la France continuera à disposer ? avec un souci de saine gestion et de bonne utilisation des deniers publics, comme l'a indiqué le Président de la République ? des moyens d'assurer sa sécurité, parce que c'est l'intérêt supérieur de la nation qui est en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
* M. le président. La parole est à Mme Nicole Catala.
Mme Nicole Catala. Monsieur le Premier ministre, après trois semaines de vive inquiétude éprouvée non seulement par les familles de nos soldats prisonniers en Bosnie, mais aussi par l'ensemble de nos concitoyens, nous avons appris hier soir de la bouche du Président de la République que les derniers otages de la FORPRONU retenus par les Serbes de Bosnie allaient être libérés. Néanmoins, à l'heure où je parle, vingt-six d'entre eux ? onze casques bleus et quinze observateurs militaires de l'ONU ? sont encore détenus.
Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe du RPR, je me félicite de l'action très active et très énergique conduite par le Président de la République et par la diplomatie française, aussi bien auprès de nos partenaires européens que des autorités serbes pour obtenir la libération de tous les otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Au nom des parlementaires de mon groupe, je tiens également à rendre hommage au courage et à la dignité de nos soldats que des circonstances exceptionnelles ont placés dans une situation aussi dramatique qu'humiliante.
M. Pierre Mazeaud. Très bien !
Mme Nicole Catala. Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, je me pose et vous pose deux questions.
Premièrement, quels vont être les moyens mis à la disposition de l'ONU pour protéger les casques bleus et nos soldats au service de la plus noble des causes, celle de la paix ?
Deuxièmement, quelle démarche le gouvernement français, dont nous savons qu'il a été très actif dans le drame yougoslave, entend-il entreprendre pour que, très vite, on parvienne à une solution négociée respectant les droits des différentes parties en présence ? Monsieur le Premier ministre, il y va de la dignité de nos forces et de la crédibilité de l'ONU et de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Madame le député, je m'associe bien entendu à l'hommage que vous venez de rendre aux soldats français qui servent sous casque bleu et qui, dans des circonstances extraordinairement difficiles, ont fait preuve d'un grand courage et d'une grande dignité. Ce courage et cette dignité, il faut le savoir, ont forcé l'admiration non seulement en France mais aussi en Europe et dans le monde.
M. Pierre Mazeaud. Très bien !
M. le Premier ministre. A l'heure où je vous parle et compte tenu des informations qui m'ont été transmises par notre état-major, je suis en mesure de vous indiquer que quatorze personnels français restent otages des Serbes. Par ailleurs, un certain nombre de nos casques bleus, sans être à proprement parler prisonniers puisqu'ils disposent de leurs armes, sont toujours encerclés. Nous allons donc poursuivre l'action engagée avec beaucoup de détermination par le Président de la République et par le Gouvernement pour continuer à exiger leur libération sans délai et sans condition.
Vous l'avez constaté, la vigueur avec laquelle la France a réagi a été efficace. Le changement qui s'est produit dans l'attitude de la communauté internationale et en particulier des Européens est à mettre au crédit de la France. Nous allons continuer dans cette direction.
En ce qui concerne les moyens de la force de réaction rapide dont nous souhaitions depuis longtemps la constitution, des précisions vous ont déjà été données par M. le ministre de la défense. Je me bornerai à rappeler qu'il s'agit d'une force de 5 000 hommes environ, dotés des moyens en armement et en matériels nécessaires. Elle se met progressivement en place sur le terrain. C'est ainsi qu'un premier contingent français est arrivé en Croatie. Il devrait ensuite rejoindre ses positions en Bosnie-Herzégovine en compagnie d'un contingent britannique. La résolution du Conseil de sécurité qui prévoira les conditions d'intervention de cette force devrait être votée dans les prochaines heures ou les prochains jours.
En ce qui concerne l'action diplomatique, je vous rappelle que, il y a quelques jours, à l'initiative de la présidence française de l'Union européenne, les quinze ont désigné un nouveau représentant, nouveau co-président de la Conférence de Londres : l'ancien Premier ministre suédois, M. Carl Bildt. Il travaille à la reprise de la discussion diplomatique à la fois avec les autorités de Belgrade et celles de Bosnie. Il va de soi cependant que cette reprise du processus diplomatique est subordonnée à une condition préalable non négociable : la libération de la totalité de nos otages, laquelle se produira, je l'espère, dans les heures ou les jours qui viennent.
En conclusion, je voudrais simplement insister sur le fait qu'en parlant le langage du courage, en donnant de nouvelles consignes à ses soldats sur le terrain et en prenant les décisions concrètes qui vont avec, la France, une fois encore, a permis d'ouvrir une nouvelle perspective en Bosnie et de stopper le lent enlisement que nous connaissions. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 juillet 2014