Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, en réponse à une question sur les décisions du Conseil européen, le calendrier du passage à la monnaie unique en 1999, à l'Assemblée nationale le 28 juin 1995.

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Circonstance : Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 28 juin 1995

Texte intégral

M. le président. La parole est à M. Gilles de Robien.
M. Gilles de Robien. Monsieur le Premier ministre, aux côtés du Président de la République, le Gouvernement a pris une part active au sommet de Cannes qui s'est achevé hier soir. A quinze pays, vous avez affirmé votre ferme détermination à préparer le passage à la monnaie unique au plus tard le 1er janvier 1999, abandonnant donc implicitement la date de 1997. Cette monnaie unique, au-delà du symbole ? car c'est tout un symbole ? est synonyme de développement harmonieux de nos économies et donc de l'emploi.
Vous connaissez l'attachement du groupe UDF à la construction européenne. Nous souhaitons connaître votre sentiment sur ce report. Pensez-vous que les critères de convergence soient les seules conditions de passage à la monnaie unique ? La volonté politique ne peut-elle compenser en partie, voire prendre le relais, comme l'a brillamment montré l'Allemagne lors de son unification monétaire ? Ne craignez-vous pas une démobilisation des énergies, susceptible de menacer à son tour cette nouvelle échéance de 1999 ? Bref, comment s'assurer qu'une telle échéance reportée sera respectée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le député, la création de la monnaie unique sera, pour la construction européenne, un événement capital. Il faut donc la préparer avec tout le soin nécessaire et, de ce point de vue, j'ai été très surpris par les commentaires que j'ai entendus ici ou là, après ce qui a été pour moi, en réalité, à Cannes, une « non-décision », à savoir la simple constatation que nous ne sommes pas prêts pour 1997. Ce n'est pas une surprise ? tout le monde le savait et le disait.
Ce qui a été beaucoup plus important, c'est la réaffirmation très forte de la détermination des Quinze à tenir le calendrier du traité de l'Union européenne et à respecter les modalités prévues dans ce traité, à savoir la monnaie unique en 1999.
Pour parvenir à cet objectif, nous avons beaucoup à faire dans les quelques années qui nous en séparent : tout d'abord progresser vers la convergence économique en matière de finances publiques, d'inflation et d'endettement. De ce point de vue, le Gouvernement français a affirmé sa détermination et s'est donné les moyens de poursuivre vers la pleine réalisation des critères prévus dans le traité.
Deuxième travail considérable, qui n'est pas achevé, loin de là, c'est ce que j'appellerai le travail technique de définition du scénario concret de passage à la monnaie unique. Tout le monde a en tête évidemment les pièces et les billets ? c'est ce qui parle le plus à l'imagination ? mais il y a beaucoup d'autres choses à faire, concernant notamment les opérations interbancaires et l'ensemble des opérations financières. La Commission a travaillé sur ce sujet mais elle n'est pas encore parvenue au bout de sa tâche et le Conseil européen lui a demandé de la poursuivre.
Enfin, et ce point n'avait pas été évoqué, il faut bien le dire, dans le traité de Maastricht, il faut savoir comment fonctionnera, dans un grand marché, par hypothèse d'ailleurs élargi à d'autres que ceux qui y participent aujourd'hui, une monnaie unique qui ne concernerait pas l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. C'est une question d'une très grande gravité sur laquelle nous n'avons pas encore de réponse aujourd'hui.
Voilà ce que le Conseil européen a décidé de faire dans les mois qui viennent et je me réjouis de voir que, à cette occasion, il a réaffirmé ce que j'ai dit moi-même il y a quelques jours, à savoir qu'il y a non pas contradiction mais cohérence complète entre la lutte contre le chômage et la réduction des déficits publics. C'est le même combat. Le fait que cela ait été dit à quinze me renforce dans ma conviction.
Ce que je viens de dire concerne le moyen terme, les deux ou trois ans qui viennent, mais il y a le court terme : les fluctuations monétaires qui, aujourd'hui, désorganisent les relations commerciales entre les membres de l'Union européenne, dans le domaine agricole naturellement, mais aussi dans d'autres domaines. Le gouvernement français a déjà fortement réagi et obtenu, en ce qui concerne les questions agri-monétaires, quelques mesures de correction, mais ce n'est pas suffisant et le Conseil européen de Cannes a demandé à la Commission de lui faire des propositions dès le mois d'octobre sur cette question vitale pour le bon fonctionnement de l'Union européenne.
Tel est notre objectif et je vous rejoins, bien entendu : toutes ces décisions techniques n'ont de sens que s'il existe derrière une volonté politique forte. Vous pouvez compter sur le gouvernement français pour exprimer cette volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 juillet 2014