Texte intégral
Monsieur le Président du Palais de Tokyo,
Mesdames et Messieurs,
Je souhaite tout d'abord exprimer mes remerciements à Jean de Loisy pour nous accueillir ici, dans ce haut lieu de la création contemporaine. Depuis sa conception, le Palais de Tokyo s'est imposé comme un des pôles de référence mondiaux dédiés à l'art contemporain. Il s'emploie à relever le défi d'un pari ambitieux : celui de mettre en valeur les artistes français, toutes générations confondues, et de les accompagner jusqu'à la consécration sur le marché international.
L'exposition que vous allez visiter témoigne bien du dynamisme du palais de Tokyo à l'international, de ses choix audacieux et de sa volonté d'être à l'écoute des interrogations et des inquiétudes du monde contemporain, dont les artistes sont évidemment les porte-paroles privilégiés.
J'ajouterai que son titre - l'État du ciel - n'est pas sans évoquer dans mon esprit le grand rendez-vous qui nous attend en 2015 sur le climat ! Mais je n'y reviens pas car vous en avez déjà beaucoup entendu parler aujourd'hui.
Ce soir, vous représentez ici les deux réseaux du ministère, le réseau de coopération et d'action culturelle, auquel j'ai déjà eu le plaisir de m'adresser à deux reprises aujourd'hui, ainsi que le réseau des services économiques, dont je salue chaleureusement les représentants.
Vous ne m'en voudrez donc pas si j'utilise une à deux minutes pour leur adresser un message que certains d'entre vous ont déjà entendu ce matin, car il me semble important.
Les entreprises jouent un rôle majeur dans le développement économique et humain et je suis convaincue que l'action de l'État a trop longtemps été séparée de l'action des entreprises. Alors qu'en réalité, les deux peuvent être complémentaires.
Le rôle des entreprises dans le développement doit être reconnu et valorisé, tout autant que leurs responsabilités en matière sociétale.
Bien entendu, notre plaidoyer international sur ces enjeux est utile. Mais il serait vain si notre réseau ne jouait pas pleinement son rôle. Pour accompagner les pays partenaires à renforcer leur niveau d'exigence et mettre en place des cadres législatifs et réglementaires adaptés. Mais aussi pour accompagner les entreprises françaises dans cette démarche qui peut leur donner un avantage comparatif, à l'heure où les pays sont de plus en plus regardants sur ces questions.
C'est l'aparté que je souhaitais faire auprès de vous, qui travaillez quotidiennement avec les entreprises.
Je voudrais aussi saisir cette occasion pour rappeler toute l'importance que j'attache à la coopération décentralisée. Anne Hidalgo n'a finalement pas pu être avec nous ce soir mais j'avais prévu de citer les multiples partenariats noués par la Ville de Paris avec notre réseau culturel - c'est-à-dire avec vous - en exemple de l'effet démultiplicateur d'influence que peut avoir la coopération décentralisée.
Les programmes de résidence d'artistes, menés conjointement avec l'Institut français, ce ministère et la Ville de Paris, renforcent le positionnement de Paris comme place stratégique de l'art contemporain. En dix ans, 180 artistes et auteurs, en arts visuels, arts de la scène et littérature, venus de plus de 80 pays, ont été accueillis en résidence à la Cité Internationale des Arts et au Couvent des Récollets grâce à ces programmes conjoints. La convention de partenariat entre la Ville de Paris et l'Institut Français est un modèle du genre.
Les projets, les coopérations et les partenariats de la Ville de Paris sont une illustration exemplaire de ce que doit être la politique de la France en matière de développement, d'action culturelle et de francophonie : une dynamique collective impliquant tous les acteurs, publics et privés travaillant sur le terrain, dans des logiques de co-création où chaque partenaire apporte le meilleur de son expertise au service de la réalisation d'un projet commun.
Ce projet, c'est le rayonnement de la France, dans toutes ses dimensions.
J'y attache une importance toute personnelle. Vous le savez peut-être, je viens de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce territoire de France immergé dans une Amérique du Nord essentiellement anglophone. Pour moi, venant de là-bas, la francophonie, c'est plus qu'une langue, c'est comme un écosystème. On y plonge si on y trouve tous les éléments nécessaires à un épanouissement personnel. L'enseignement de base pour apprendre la langue. L'enseignement supérieur ou professionnel pour trouver un travail. Des films, des chansons ou des romans pour s'évader. Des oeuvres d'art pour rêver. Des journaux et des revues pour s'informer et s'engager. De bons plats et du bon vin pour se régaler... et tout cela sur tous les supports disponibles - le musée, le livre, le cinéma, la télévision, les tablettes numériques...
Cet écosystème, nous devons l'incarner. Cela commence par une forme d'exemplarité. Ceux d'entre vous qui me connaissent savent que j'aime défendre et pratiquer le français devant tous mes interlocuteurs, même anglophones !
Des personnalités politiques de pays francophones sont souvent stupéfaites de la désinvolture que les Français peuvent avoir pour leur propre langue, notamment au travail. Évitons de tomber dans la facilité de l'anglicisation. Je vous pose la question : Est-il plus pratique et moins ridicule de dire «je te forwarde un mail» ou «je te transfère un courriel» ? Tout cela peut paraitre anecdotique, mais ça ne l'est pas. Nous devons porter haut les couleurs de notre pays, et ça commence par sa langue et sa culture.
Et cela nous ramène au thème de l'exposition que vous allez visiter après ce discours déjà trop long. L'État du ciel... C'est un titre tiré d'un livre de Victor Hugo, le «Promontoire du Songe», en référence à une montagne qui porte ce nom sur la Lune. Il y décrit le rêve de l'art et le besoin naturel, presque existentiel, qu'a l'homme de rêver.
Votre rôle, notre rôle, c'est de continuer à offrir cette part de rêve au monde. Pour que chaque jour qui se lève, des jeunes Sénégalais, Ivoiriens, Algériens dont les familles s'expriment en wolof, en baoulé, en berbère ou en arabe, que tous ces jeunes se réveillent avec l'envie d'apprendre les fables de La Fontaine, de fredonner des airs de Stromae, et peut-être un jour, de nous faire rêver à leur tour.
Mais pour continuer à rêver et à faire rêver, on a besoin de positif. On a besoin de savoir que chaque jour, dans les quatre coins du monde, des initiatives voient le jour pour construire un monde meilleur.
Je voudrais citer en exemple le concept des «boîtes à idées» développées par l'ONG bibliothèques sans frontières, présenté ce matin sur le site de la Convention. Ce concept vise à implanter dans les camps de réfugiés une offre culturelle sous une forme très accessible et adaptée aux situations d'urgence.
C'est un bel exemple d'innovation au service des plus vulnérables rendue possible par un partenariat entre l'État, la ville de Paris, un créateur (Philippe Starck), des entreprises et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés.
J'ai récemment ouvert un compte Twitter (je ne dis pas «Gazouillis» ; vous voyez que je ne suis pas extrémiste !) et je vous invite à me suivre. À m'interpeller, à me questionner, à me faire remonter les initiatives positives que vous voyez autour de vous et que vous souhaitez voir relayées à mon niveau.
Je suis une élue de terrain et d'action ; je veux rester en lien avec vous, les acteurs de notre politique au quotidien. C'est pourquoi je vous invite à utiliser le mot-dièse réseau positif et à me solliciter sur Twitter. N'hésitez pas !
Mais il est temps pour moi de vous laisser profiter des expositions déployées dans les vastes espaces du Palais de Tokyo. Je souhaite donc à chacune et à chacun d'entre vous une excellente soirée !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juillet 2014