Texte intégral
Il y a un peu moins de 6 mois, nous achevions dans cet hémicycle l'examen en 1ère lecture du projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il nous faut en convenir entre nous, l'agenda robuste du Parlement nous a fait prendre un peu de retard dans l'examen du texte et je serai conduite à vous proposer en conséquence quelques amendements techniques pour adapter le calendrier d'application du texte.
Mais, et j'y insiste, nous n'avons pris aucun retard sur l'ambition de ce texte. Bien au contraire, nous avons au cours de la navette enrichi le texte en écho à la conviction partagée qu'il était temps pour la République de ne plus laisser les femmes dans l'espoir de l'égalité mais de passer à l'étape de l'égalité effective, celle vécue au quotidien.
J'ai noté que votre Commission des Lois partageait pleinement cette ambition au point de réinscrire dans le titre du projet de loi cet adjectif « réelle ».
Vous le savez, cette égalité réelle, je l'ai intégrée comme une exigence prioritaire de l'action publique que je conduis depuis deux ans. Et les nouvelles fonctions ministérielles dont j'ai pris la responsabilité depuis le mois d'avril sont un atout supplémentaire dans ce combat contre les inégalités.
Cela vaut pour le sport au sujet duquel vous nous rappelez régulièrement, chère Sylvie Tolmont, l'urgence qu'il se décline au féminin comme au masculin. Et bien, nous sommes sur le bon chemin : à notre demande expresse, c'est déjà 69 fédérations qui nous ont adressé des plans de féminisation ambitieux. Nous les avons toutes réunies pour échanger et mutualiser les bonnes pratiques et accorder à cette dimension l'importance qu'elle requiert.
Cela vaut dans nos quartiers de la politique de la Ville où les inégalités femmes-hommes sont à un niveau devenu inacceptable, comme l'a relevé le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le rapport qu'il m'a remis il y a quelques jours. Avec la nouvelle politique de la ville que je mets en place, l'égalité femmes-hommes deviendra un principe fondamental, décliné notamment dans les futurs contrats de ville.
Les avancées que cette loi permettra de faire sont enfin entièrement destinées à notre Jeunesse. C'est pour elle qu'il nous faut construire ensemble la troisième génération des droits des femmes.
La force de ce texte, c'est qu'il est global, qu'il aborde toutes les problématiques de l'égalité femmes-hommes et que l'effet d'accélération qu'il produira peut s'appuyer sur une dynamique réelle.
Vous avez avec moi construit ce texte, pour rendre les lois effectives et pour créer de nouveaux droits dans chacun des grands champs qui structurent l'action publique pour l'égalité.
Le défi de l'égalité professionnelle, le projet de loi le relève d'abord avec la réforme du congé parental.
Cette réforme, c'est un progrès pour un partage plus équilibré des responsabilités parentales, garante de l'égalité dans les parcours professionnels. Et je me réjouis que votre commission ait souhaité maintenir les facilités qui seront reconnues aux pères pour se rendre à trois examens médicaux obligatoires durant la grossesse.
Avec la réforme du congé parental et les mesures qui l'accompagnent, nous adaptons enfin nos outils publics d'aide aux parents, à tous les parents : je pense évidemment, à l'effort inédit que nous avons engagé sur l'augmentation en quantité et en qualité des solutions de garde. Mais je pense aussi à l'expérimentation d'un congé optionnel plus court et mieux rémunéré, que nous devrons évaluer précisément ; je pense à la prise en compte dans la nouvelle PREPARE de la situation des parents de jumeaux et triplés, issue du travail de vos assemblées. Je pense enfin à la mise en place du tiers payant pour le Complément de mode de garde pour les parents modestes, que nous préfigurerons en vue de le généraliser.
La réforme du congé parental concerne tous les parents ; elle doit donc concerner toutes les professions et je m'opposerai aux volontés de réduire la portée de cette réforme essentielle qui a pour ambition d'agir progressivement sur les comportements.
Cette réforme est un progrès pour l'emploi des femmes. L'emploi des femmes, c'est une urgence que les conclusions du Conseil de l'Union européenne du 19 juin dernier ont encore rappelée.
Pour y parvenir, nous mettons en place à la rentrée pour les femmes qui n'ont pas de perspective immédiate de retour à l'emploi, un dispositif d'orientation et d'accompagnement renforcé. Pôle emploi et la CNAF ont mis au point avec moi une nouvelle offre de formation et d'accompagnement vers l'emploi qui sera généralisée sur tout le territoire d'ici 18 mois et pourra concerner jusqu'à 10 000 femmes par an. Cette nouvelle offre permettra aux femmes de s'engager dans la préparation de leur retour à l'emploi un an avant la fin des droits au congé parental, en bénéficiant d'un bilan de compétence et de formations sur mesure.
Le défi de l'égalité professionnelle, il se joue bien entendu aussi dans les entreprises au travers de la négociation sur l'égalité professionnelle et salariale que vous rendrez plus efficace. Une négociation qui sera mieux préparée et plus efficace grâce à des améliorations à l'échelle de l'entreprise, avec un RSC réformé, ou à l'échelle des branches, lors des négociations sur les classifications professionnelles. Sur ce sujet, j'approuve les amendements de clarification proposés par votre rapporteur.
Le texte que nous avons construit ensemble est porté par un vrai changement sur le terrain.
Un changement de pratiques dans l'accompagnement des entreprises : à l'automne 2012, j'ai mis en place les 9 territoires d'excellence de l'égalité professionnelle avec le concours des partenaires sociaux et des régions. Eh bien, cette dynamique porte ses fruits : les premiers retours que j'ai montrent que ces actions ont touché près de 170 000 bénéficiaires et concerné près de 7 400 entreprises. Ces actions de sensibilisation et d'accompagnement ont favorisé la rédaction d'accords sur l'égalité professionnelle, nous en avons déjà enregistré 5 300 et le rythme de progression est constant.
Un changement aussi dans le contrôle des entreprises : désormais, lorsqu'on ne respecte pas la loi, on est sanctionné : 700 entreprises ont déjà été mises en demeure et 20 sanctionnées. La stratégie de contrôle monte en puissance et gagne en efficacité : 91 % des mises en demeure sont suives d'effets.
J'ai noté plusieurs amendements pour supprimer la mesure d'interdiction d'accès aux marchés publics pour les entreprises qui méconnaissent les lois sur l'égalité professionnelle. Certains amendements déposés visent à l'inverse à renforcer les sanctions sur les entreprises qui ne respectent pas les prescriptions en matière d'égalité.
J'estime pour ma part que le texte issu de la Haute assemblée a atteint un équilibre satisfaisant et qu'en combinant le dispositif de contrôle actuel, renforcé par la mesure d'interdiction d'accès à la commande publique, et les mécanismes d'accompagnement que nous avons mis en place dans les territoires et que nous renforcerons encore, nous pouvons vraiment avancer sur l'égalité professionnelle et salariale.
Au-delà de l'égalité professionnelle, il y a, pour les plus fragiles, je pense en particulier aux familles monoparentales, la lutte contre la précarité. Ce combat pour les familles monoparentales, je le mènerais partout et en particulier dans les quartiers prioritaires où les familles monoparentales vivent deux fois plus souvent sous le seuil de pauvreté que celles qui vivent ailleurs. Je le mènerai notamment grâce à la mise en place de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Une vingtaine de CAF et caisses de MSA sont déjà mobilisés et préfigureront ce dispositif novateur et très attendu avec nous à la rentrée.
Je me réjouis que votre commission ait décidé de rétablir la faculté qu'elle avait prévu en 1ère lecture d'un versement des pensions par virement bancaire. Aujourd'hui même, avec le soutien de ma collègue Christiane Taubira, un décret a été publié au Journal officiel pour dispenser les victimes d'impayés du versement d'une provision aux huissiers. C'est une mesure très concrète qui bénéficiera à beaucoup de ces mamans solos dont on sait que le quotidien est si difficile.
J'en viens au troisième axe de ce projet de loi-cadre : la lutte contre les violences faites aux femmes. Tout ce volet de la loi met en oeuvre la convention du Conseil de l'Europe, dite Convention d'Istanbul, que la France a ratifiée et qui entrera en vigueur au 1er octobre. Il est évidemment aussi articulé avec le 4ème plan de lutte contre les violences faites aux femmes qui se met en place dans les territoires : le 39 19, que vous connaissez tous, change enfin d'échelle : il est disponible pour toutes les femmes victime de violence, accessible 7/7 et gratuitement depuis les portables. Le résultat, c'est un flux mensuel supplémentaire de 3000 appels depuis le début de l'année.
Avec la garde des sceaux, nous engagerons dès la loi votée le déploiement des Téléphones grand danger, le marché national va être notifié dans les prochaines semaines ; nous lancerons également à la rentrée les stages de responsabilisation que vous avez adoptés.
Avec la ministre des affaires sociales et de la santé, nous achevons le processus de prise en compte de la question des violences faites aux femmes dans la formation des professionnels de santé et des travailleurs sociaux. Avec mon collègue Jean-Yves Le Drian nous construisons sur ce même sujet un plan de formation pour les personnels de l'Armée, comme il l'a annoncé en avril dernier.
Le texte a connu des enrichissements importants, dans la lutte contre le harcèlement sexuel, dans la prise en compte de la nécessaire protection des enfants menacés par les violences au sein du couple. Quelques ajustements me semblent encore pouvoir être apportés, pour que la protection des victimes de harcèlement sexuel à l'université soit renforcée comme vous m'y aviez invitée lors de nos débats en janvier dernier.
J'ai noté au travers des amendements que vous avez déposés une attention forte sur la protection des femmes étrangères victimes de violences. La navette a permis, et je m'en félicite, d'apporter une réponse à des situations ambiguës rencontrées par les femmes étrangères victimes de violences.
Ce volet du texte donne lieu encore à de nombreux amendements dont j'ai noté que certains veulent lier l'administration plus qu'il n'est nécessaire tandis que d'autres anticipent l'examen à venir d'un projet de loi sur l'immigration. Je ne pourrai donc pas les soutenir.
Si nous voulons lutter efficacement contre les violences, il faut, vous le savez, élever notre niveau d'intolérance aux images dégradantes des femmes, aux stéréotypes sexistes et diffuser une vraie culture de l'égalité.
Cela vaut à l'école où nous voulons avec benoît Hamon inscrire la transmission d'une culture de l'égalité dans la durée. Nous ne cèderons rien sur l'enseignement de l'égalité filles-garçons à l'école.
Je ne suis pas prête non plus à céder sur la définition d'une règle sur Internet pour permettre aux internautes de signaler aux hébergeurs les propos homophobes, handiphobes ou sexistes et de rendre obligatoire leur suppression.
Enfin le dernier volet du texte, concernant la parité, est un volet important de ce texte. 70 ans après le droit de vote et d'éligibilité des femmes, il est temps d'accélérer le rythme des progrès. Cela vaut en France, cela vaut aussi en Europe, comme avec d'autres ministres européens nous l'avons demandé à tous les candidats aux instances européennes. Je note que certains députés européens nouvellement élus ont répondu à cet appel.
J'assume ce parti pris paritaire, ambitieux et réaliste car la parité, ce n'est pas un coup, je veux l'inscrire dans la durée, parce que c'est une question de justice et parce que c'est un vecteur de renouvellement des décideurs et de changement des comportements.
Pourtant, j'ai noté plusieurs amendements de nature à poser une difficulté. Mon souci, c'est d'aller aussi loin que possible, mais c'est aussi de le faire avec le souci de la sécurité juridique et de l'opérationnalité. C'est le sens des positions que j'adopterai concernant les propositions qui ont été faites concernant les pénalités en cas de non respect de la parité dans les candidatures aux élections législatives, la parité dans les élections locales, encore la féminisation dans la fonction publique ou la féminisation des conseils d'administration des entreprises.
Je crois, mesdames et messieurs les députés, dans la force de ce texte, car il est porté par la dynamique que nous avons enclenché depuis deux ans et parce qu'il est d'abord conçu pour être applicable et pour être appliqué.
C'est ce qui fait la nouveauté de ce texte pour l'égalité femmes-hommes.
C'est ce qui nous permettra avec votre soutien et avec votre vote de changer véritablement la donne et de parvenir à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Je vous remercie.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 juillet 2014