Texte intégral
FABIEN CROMBE
Bonjour Fleur PELLERIN, Secrétaire d'Etat chargée du Tourisme, du Commerce extérieur et des Français de l'étranger.
MADAME LA SECRETAIRE D'ETAT FLEUR PELLERIN
Bonjour.
FABIEN CROMBE
C'est le week-end le plus chargé de l'année, celui du chassé-croisé des vacances. On va parler des vacances mais aussi des ministres. Vous avez quatorze jours, à deux heures et demie de Paris, avec un portable allumé. J'ai bien résumé les consignes ?
FLEUR PELLERIN
Vous avez bien résumé les consignes, oui.
FABIEN CROMBE
Dans quel état d'esprit partez-vous en vacances, Fleur PELLERIN ?
FLEUR PELLERIN
Avec un état d'esprit d'essayer de récupérer au maximum.
FABIEN CROMBE
Envie de souffler un peu ?
FLEUR PELLERIN
Oui, oui. Un peu, oui, et je pense que c'est assez naturel, mais en étant évidemment déjà concentrée sur la rentrée. Vous savez que nous avons tout à l'heure un séminaire présidé par le président de la République pour déjà préparer la rentrée. On ne décroche jamais complètement, complètement non plus.
FABIEN CROMBE
Le tourisme : déception en juillet dans l'hôtellerie-restauration avec une baisse de fréquentation et des touristes qui dépensent moins. Comment relancer la machine tourisme en France ?
FLEUR PELLERIN
Il y a beaucoup de choses à faire. Nous avons présenté il y a peu de temps une vraie stratégie de tourisme. Je crois qu'il y a beaucoup de choses à renouveler. On a eu un petit peu tendance à considérer que la France est le plus beau pays du monde, ce qui est bien entendu vrai, mais qu'il n'était par conséquent pas nécessaire de mettre en place une politique pour attirer davantage de touristes. Or aujourd'hui, il y a de nouveaux touristes qui arrivent. Quand je dis nouveaux, ce sont de nouvelles classes moyennes qui apparaissent en Chine, au Brésil et dans un certain nombre de pays émergents. Ils ne veulent plus voyager de la même façon, en masse dans des bus, pour visiter des sites touristiques ; ils veulent faire autre chose. Ce que j'essaye de défendre, c'est l'idée d'un tourisme un peu différent qui s'adapte aux attentes de ces nouveaux touristes. C'est l'idée de travailler par exemple sur le luxe et le haut de gamme avec l'ouverture des palaces dont on va parler tout à l'heure, mais aussi la nature, l'éco-tourisme, la montagne. Chercher des thèmes pour faire des choses et proposer aux touristes de faire des choses différentes.
FABIEN CROMBE
On va voir justement les chiffres du tourisme. Concernant déjà la baisse de fréquentation de juillet, est-ce qu'il n'y a pas l'illustration claire et nette du pouvoir d'achat et, en plus, d'une illustration de ne pas vouloir se lâcher, d'avoir peur dans l'avenir. On dépense moins dans les restaurants par exemple.
FLEUR PELLERIN
Ce sont des chiffres qui tiennent sans doute à la fréquentation française. Ce que constatent beaucoup les hôteliers et qu'ils me disent en tout cas, c'est que maintenant les gens prennent de plus en plus des décisions à la dernière minute. Beaucoup d'entre eux comptaient aussi d'ailleurs pas mal sur le mois d'août pour avoir de plus bons résultats.
FABIEN CROMBE
De se rattraper sur août.
FLEUR PELLERIN
Il faut donc attendre la rentrée pour savoir exactement quel sera sur le seuil sur les deux mois. En revanche, on constate que les flux de touristes étrangers sont pour le coup très dynamiques. Nous avons fait un certain nombre de programmes en matière de délivrance de visas par exemple en Chine. Nous avons augmenté et accéléré les délivrances de visas ; nous les délivrons en quarante-huit heures. Ce sont des réformes qui ont permis de drainer beaucoup plus de touristes vers la France. Il y aura sans doute aussi une compensation par l'arrivée de touristes étrangers.
FABIEN CROMBE
On est très en avance sur le chiffre du tourisme, on est loin devant. On est la première destination mondiale avec quatre-vingt-trois millions de touristes.
FLEUR PELLERIN
Absolument.
FABIEN CROMBE
On est devant l'Espagne, les Etats-Unis, sauf que les touristes restent deux fois plus longtemps en Espagne que chez nous. Ils dépensent en moyenne deux mille euros aux Etats-Unis, mille euros en Espagne et six cent-cinquante euros en France. Qu'est-ce qu'il faut changer ? Qu'est-ce qui bloque ? Alors qu'on a énormément de monde, ils restent moins longtemps chez nous.
FLEUR PELLERIN
C'est vrai que c'est moins un tourisme de séjour. L'Espagne a fait le choix de développer des infrastructures de grands ressorts, de grands hôtels assez massifs avec des loisirs. C'est aussi un choix de tourisme.
FABIEN CROMBE
On bouge moins dans le pays. Par exemple, on se pose dans une station balnéaire en Espagne.
FLEUR PELLERIN
Voilà. Il y a beaucoup plus de tourisme de séjour dans ce type d'infrastructure hôtelière.
FABIEN CROMBE
Mais ce n'est pas forcément vers cela que vous voulez aller.
FLEUR PELLERIN
Ce n'est pas forcément vers cela qu'on veut aller. D'après l'Organisation Mondiale du Tourisme, il y aura un milliard de touristes supplémentaires dans le monde à l'horizon 2030, ce qui est considérable. Pour en attirer une petite partie, il faut essayer de comprendre ce que sont les attentes de ces nouveaux touristes qui sont moins des touristes de masse. C'est ce que je disais tout à l'heure. C'est donc essayer de moderniser un peu l'offre touristique française et travailler sur des thèmes.
FABIEN CROMBE
On comprend sur le fait qu'ils restent plus longtemps, ce que vous expliquez notamment par le choix des vacances, mais sur la dépense par contre ? Comment expliquer qu'ils dépensent beaucoup moins chez nous ?
FLEUR PELLERIN
C'est lié aussi à la longueur. Quand vous restez moins longtemps, par définition vous dépensez moins longtemps.
FABIEN CROMBE
Oui, mais même en moyenne. Sur les calculs en moyenne par jour.
FLEUR PELLERIN
Il y a aussi probablement des questions liées aux coûts des nuitées, à la restauration, aux dépenses de shopping, et cætera. Il y a un certain nombre de choses sur lesquelles on peut travailler, à la fois pour encourager davantage les achats dans l'artisanat. Il y a toute une série d'éléments sur lesquels on peut essayer de diriger davantage les touristes vers les lieux où on peut faire des achats.
FABIEN CROMBE
Vous évoquiez le luxe. La France a une offre haut de gamme pour les touristes à forts revenus. Grand coup de ménage dans les palaces parisiens, vous en avez d'ailleurs inaugurés. Rénovation massive du Plaza Athénée, ouverture du Peninsula. Je voulais vous poser la question d'abord sur le choix de ces palaces. Les propriétaires du Peninsula viennent du Qatar et de Hong-Kong, pour le Plaza Athénée c'est Brunei. Ajoutons l'Arabie Saoudite, l'Egypte ou Israël et on a là globalement tous les propriétaires des grands palaces parisiens. Est-ce que vous avez cela à l'oeil ou est-ce qu'au contraire, c'est tout bénéfice pour la France ?
FLEUR PELLERIN
Ce que je vois surtout, c'est que pour le Peninsula, où je vais me rentre tout à l'heure pour l'inauguration, c'est tout d'abord une source de création d'emploi. Ce sont cinq cent-trente CDI et six cents d'ici à la fin de l'année. C'est donc de la création d'emploi, ce sont trois mille artisans qui ont été mobilisés pour la restauration de ce bâtiment qui est un bâtiment historique de la Ville de Paris. Des artisans ont également travaillé sur les chantiers au Château de Versailles ou sur des monuments du patrimoine français. C'est aussi une mise en valeur des savoir-faire de la France, c'est une source de création d'emploi. C'est une source d'attractivité pour la place parisienne, pour justement drainer ces touristes qui viennent en France mais qui peuvent aussi bien après aller à Londres ou d'autres capitales.
FABIEN CROMBE
Est-ce qu'on peut voir ces immeubles montrer et valoriser l'image de la France ? Ils jouent là-dessus mais au final, c'est vrai que ce sont des propriétaires étrangers. On est dans un pays avec ACCOR, le CLUB MED et autres, et on pourrait se dire : « Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui, on n'a plus les moyens d'avoir des grands groupes de palaces français ? »
FLEUR PELLERIN
Mais ACCOR a aussi beaucoup d'hôtels et est le leader mondial sur les hôtels. Evidemment, nous sommes en économie ouverte et les capitaux de ces entreprises, de ces hôtels ou de ces palaces sont ouverts. Il n'y a absolument aucun problème dès lors que ça met effectivement en valeur et permet l'attractivité de la France, de la capitale. Je n'y vois absolument aucune difficulté. Si des propriétaires français souhaitent aussi restaurer des palaces, ils sont les bienvenus et je leur décernerai bien volontiers cette distinction.
FABIEN CROMBE
Est-ce qu'il y a moyen de faire sortir les touristes de l'itinéraire Paris-Côte- d'Azur, notamment les étrangers ?
FLEUR PELLERIN
L'un de mes grands combats également en tant que ministre en charge du Tourisme, c'est effectivement de diversifier les lieux de séjour des touristes. C'est vrai que beaucoup maintenant se rendent plutôt dans la Vallée de la Loire, à Paris et sur la Côte d'Azur. Tout le travail que je fais avec l'agence Atout France qui promeut le tourisme français à l'étranger, c'est d'essayer d'intéresser davantage les tour-opérateurs, les influenceurs, les bloggers, les journalistes à d'autres destinations pour que tous ces nouveaux touristes n'aillent pas dans les lieux habituels de villégiature des touristes. C'est donc développer des destinations nouvelles comme la montagne et les Alpes, développer le tourisme de la nature, développer le tourisme fluvial, le tourisme de la mer avec mon collègue Frédéric CUVILLIER.
FABIEN CROMBE
Le handicap qu'on a vu rejoint un peu la réforme sur les régions qui est actuellement en train d'être faite, même si elle est contestée parce que certains voulaient qu'elle aille plus loin, ou qu'elle soit en tout cas plus efficace. Beaucoup de régions dans le même endroit et dans le même pays sont à promouvoir chacun de son côté leur territoire. Est-ce qu'il n'y a pas là un vrai sujet sur lequel il va falloir se mutualiser ?
FLEUR PELLERIN
Il y a un vrai sujet, je suis entièrement d'accord. C'est la raison pour laquelle je travaille beaucoup avec cette agence de l'Etat Atout France, qui est aussi beaucoup financée par les régions, pour mettre davantage de cohérence dans cette politique de promotion à l'étranger.
FABIEN CROMBE
Là, chacun vend son petit bout de pain.
FLEUR PELLERIN
En même temps, c'est naturel que chacun veuille valoriser son patrimoine, ses sites, et cætera. Mais c'est vrai qu'il faut de la cohérence, il faut travailler sur ce que j'appelle entre guillemets des marques. C'est-à-dire que quand vous parlez à un Américain par exemple de Provence, de Midi de la France ou de Côte- d'Azur, ça veut dire quelque chose pour lui, mais il y a des noms dans notre géographie française qui sont moins évocateurs pour des touristes. Il faut donc travailler avec la branche marketing sur les marques.
FABIEN CROMBE
Êtes-vous favorable d'ailleurs au changement de nom des régions puisqu'on veut en fusionner ?
FLEUR PELLERIN
Ça relève vraiment de la souveraineté des exécutifs locaux ?
FABIEN CROMBE
Oui, mais puisque vous dites qu'il faut qu'on accroche ? On a par exemple une région qui s'appelle PACA et qui est quand même un peu compliquée.
FLEUR PELLERIN
Oui, vous avez raison. On ne peut pas très bien communiquer sur « PACA » alors qu'on le peut sur Provence, Côte- d'Azur on peut. Je pense qu'il faut effectivement adopter maintenant une démarche marketing. On va dire que c'est une approche commerciale, et cætera, mais aujourd'hui c'est ça. Les touristes, les gens qui décident de partir en voyage regardent sur Internet et arbitrent entre plusieurs destinations.
FABIEN CROMBE
Partir en Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace, ça va être compliqué !
FLEUR PELLERIN
Voilà. Si on veut leur donner du désir de France, je pense qu'il faut jouer sur tous les tableaux. Il faut à la fois leur proposer des choses à faire, des activités, des thèmes, et cætera, et avoir une démarche qui donne envie. C'est donc travailler sur le nom, sur les images qu'on montre sur les bases de données, les sites Internet, et cætera. Moi, j'essaye d'avoir cette approche vraiment totalement panoramique avec, bien sûr, les collectivités concernées. Elles ont bien entendu leur mot à dire, mais c'est vrai qu'on essaye vraiment de donner plus de cohérence à la politique de promotion du tourisme français à l'étranger pour que tout le monde tire bien dans le même sens.
FABIEN CROMBE
Un dernier mot. Vous vous êtes rendue sur place à la suite du crash du vol d'Air Algérie au Mali. Je voulais juste vous poser la question de savoir si, lorsque cela sera possible, tous les corps seront ramenés en France. Je dis bien tous les corps de tous les passagers de ce vol, c'est ce qu'a dit le président. Maintenez-vous l'engagement de François HOLLANDE alors qu'on a bien vu que sur le site, les dégâts sont malheureusement considérables et que ça va être extrêmement long et compliqué ?
FLEUR PELLERIN
Ce à quoi le président de la République faisait allusion, c'est qu'il y avait en fait à bord plusieurs nationalités. La question que se posaient les proches des victimes, c'était effectivement de savoir dans quel pays va-t-on pouvoir envoyer les corps lorsque ce sera possible de les transporter. L'accord que nous avons eu avec le Gouvernement du Mali était de dire que nous allions ramener l'ensemble des corps de toutes les nationalités à Paris pour qu'ils puissent être identifiés et que la police puisse poursuivre ses enquêtes. C'était plus une allusion au fait que toutes les nationalités et l'ensemble des victimes seraient ramenés à Paris.
FABIEN CROMBE
Parce que ce processus pour l'identification va en tout cas être extrêmement long. Vous le confirmez ?
FLEUR PELLERIN
Voilà. Ce sont de toute façon des enquêtes qui sont longues. On a besoin d'avoir des éléments d'identification des familles. La police et la gendarmerie ont évidemment déjà commencé à se mettre en lien avec les familles des victimes pour leur demander ces éléments d'identification mais c'est toujours un travail extrêmement long.
FABIEN CROMBE
Merci beaucoup Fleur PELLERIN d'être venue nous voir.
FLEUR PELLERIN
Merci à vous.
FABIEN CROMBE
Je vous souhaite de bonnes vacances.
FLEUR PELLERIN
Merci.
FABIEN CROMBE
Vous partez donc demain et dans deux semaines, c'est le retour pour démarrer la rentrée gouvernementale.
FLEUR PELLERIN
Voilà !
FABIEN CROMBE
Merci Fleur PELLERIN, Secrétaire d'Etat chargée du Tourisme, du Commerce extérieur et des Français de l'étranger.
FLEUR PELLERIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 août 2014
Bonjour Fleur PELLERIN, Secrétaire d'Etat chargée du Tourisme, du Commerce extérieur et des Français de l'étranger.
MADAME LA SECRETAIRE D'ETAT FLEUR PELLERIN
Bonjour.
FABIEN CROMBE
C'est le week-end le plus chargé de l'année, celui du chassé-croisé des vacances. On va parler des vacances mais aussi des ministres. Vous avez quatorze jours, à deux heures et demie de Paris, avec un portable allumé. J'ai bien résumé les consignes ?
FLEUR PELLERIN
Vous avez bien résumé les consignes, oui.
FABIEN CROMBE
Dans quel état d'esprit partez-vous en vacances, Fleur PELLERIN ?
FLEUR PELLERIN
Avec un état d'esprit d'essayer de récupérer au maximum.
FABIEN CROMBE
Envie de souffler un peu ?
FLEUR PELLERIN
Oui, oui. Un peu, oui, et je pense que c'est assez naturel, mais en étant évidemment déjà concentrée sur la rentrée. Vous savez que nous avons tout à l'heure un séminaire présidé par le président de la République pour déjà préparer la rentrée. On ne décroche jamais complètement, complètement non plus.
FABIEN CROMBE
Le tourisme : déception en juillet dans l'hôtellerie-restauration avec une baisse de fréquentation et des touristes qui dépensent moins. Comment relancer la machine tourisme en France ?
FLEUR PELLERIN
Il y a beaucoup de choses à faire. Nous avons présenté il y a peu de temps une vraie stratégie de tourisme. Je crois qu'il y a beaucoup de choses à renouveler. On a eu un petit peu tendance à considérer que la France est le plus beau pays du monde, ce qui est bien entendu vrai, mais qu'il n'était par conséquent pas nécessaire de mettre en place une politique pour attirer davantage de touristes. Or aujourd'hui, il y a de nouveaux touristes qui arrivent. Quand je dis nouveaux, ce sont de nouvelles classes moyennes qui apparaissent en Chine, au Brésil et dans un certain nombre de pays émergents. Ils ne veulent plus voyager de la même façon, en masse dans des bus, pour visiter des sites touristiques ; ils veulent faire autre chose. Ce que j'essaye de défendre, c'est l'idée d'un tourisme un peu différent qui s'adapte aux attentes de ces nouveaux touristes. C'est l'idée de travailler par exemple sur le luxe et le haut de gamme avec l'ouverture des palaces dont on va parler tout à l'heure, mais aussi la nature, l'éco-tourisme, la montagne. Chercher des thèmes pour faire des choses et proposer aux touristes de faire des choses différentes.
FABIEN CROMBE
On va voir justement les chiffres du tourisme. Concernant déjà la baisse de fréquentation de juillet, est-ce qu'il n'y a pas l'illustration claire et nette du pouvoir d'achat et, en plus, d'une illustration de ne pas vouloir se lâcher, d'avoir peur dans l'avenir. On dépense moins dans les restaurants par exemple.
FLEUR PELLERIN
Ce sont des chiffres qui tiennent sans doute à la fréquentation française. Ce que constatent beaucoup les hôteliers et qu'ils me disent en tout cas, c'est que maintenant les gens prennent de plus en plus des décisions à la dernière minute. Beaucoup d'entre eux comptaient aussi d'ailleurs pas mal sur le mois d'août pour avoir de plus bons résultats.
FABIEN CROMBE
De se rattraper sur août.
FLEUR PELLERIN
Il faut donc attendre la rentrée pour savoir exactement quel sera sur le seuil sur les deux mois. En revanche, on constate que les flux de touristes étrangers sont pour le coup très dynamiques. Nous avons fait un certain nombre de programmes en matière de délivrance de visas par exemple en Chine. Nous avons augmenté et accéléré les délivrances de visas ; nous les délivrons en quarante-huit heures. Ce sont des réformes qui ont permis de drainer beaucoup plus de touristes vers la France. Il y aura sans doute aussi une compensation par l'arrivée de touristes étrangers.
FABIEN CROMBE
On est très en avance sur le chiffre du tourisme, on est loin devant. On est la première destination mondiale avec quatre-vingt-trois millions de touristes.
FLEUR PELLERIN
Absolument.
FABIEN CROMBE
On est devant l'Espagne, les Etats-Unis, sauf que les touristes restent deux fois plus longtemps en Espagne que chez nous. Ils dépensent en moyenne deux mille euros aux Etats-Unis, mille euros en Espagne et six cent-cinquante euros en France. Qu'est-ce qu'il faut changer ? Qu'est-ce qui bloque ? Alors qu'on a énormément de monde, ils restent moins longtemps chez nous.
FLEUR PELLERIN
C'est vrai que c'est moins un tourisme de séjour. L'Espagne a fait le choix de développer des infrastructures de grands ressorts, de grands hôtels assez massifs avec des loisirs. C'est aussi un choix de tourisme.
FABIEN CROMBE
On bouge moins dans le pays. Par exemple, on se pose dans une station balnéaire en Espagne.
FLEUR PELLERIN
Voilà. Il y a beaucoup plus de tourisme de séjour dans ce type d'infrastructure hôtelière.
FABIEN CROMBE
Mais ce n'est pas forcément vers cela que vous voulez aller.
FLEUR PELLERIN
Ce n'est pas forcément vers cela qu'on veut aller. D'après l'Organisation Mondiale du Tourisme, il y aura un milliard de touristes supplémentaires dans le monde à l'horizon 2030, ce qui est considérable. Pour en attirer une petite partie, il faut essayer de comprendre ce que sont les attentes de ces nouveaux touristes qui sont moins des touristes de masse. C'est ce que je disais tout à l'heure. C'est donc essayer de moderniser un peu l'offre touristique française et travailler sur des thèmes.
FABIEN CROMBE
On comprend sur le fait qu'ils restent plus longtemps, ce que vous expliquez notamment par le choix des vacances, mais sur la dépense par contre ? Comment expliquer qu'ils dépensent beaucoup moins chez nous ?
FLEUR PELLERIN
C'est lié aussi à la longueur. Quand vous restez moins longtemps, par définition vous dépensez moins longtemps.
FABIEN CROMBE
Oui, mais même en moyenne. Sur les calculs en moyenne par jour.
FLEUR PELLERIN
Il y a aussi probablement des questions liées aux coûts des nuitées, à la restauration, aux dépenses de shopping, et cætera. Il y a un certain nombre de choses sur lesquelles on peut travailler, à la fois pour encourager davantage les achats dans l'artisanat. Il y a toute une série d'éléments sur lesquels on peut essayer de diriger davantage les touristes vers les lieux où on peut faire des achats.
FABIEN CROMBE
Vous évoquiez le luxe. La France a une offre haut de gamme pour les touristes à forts revenus. Grand coup de ménage dans les palaces parisiens, vous en avez d'ailleurs inaugurés. Rénovation massive du Plaza Athénée, ouverture du Peninsula. Je voulais vous poser la question d'abord sur le choix de ces palaces. Les propriétaires du Peninsula viennent du Qatar et de Hong-Kong, pour le Plaza Athénée c'est Brunei. Ajoutons l'Arabie Saoudite, l'Egypte ou Israël et on a là globalement tous les propriétaires des grands palaces parisiens. Est-ce que vous avez cela à l'oeil ou est-ce qu'au contraire, c'est tout bénéfice pour la France ?
FLEUR PELLERIN
Ce que je vois surtout, c'est que pour le Peninsula, où je vais me rentre tout à l'heure pour l'inauguration, c'est tout d'abord une source de création d'emploi. Ce sont cinq cent-trente CDI et six cents d'ici à la fin de l'année. C'est donc de la création d'emploi, ce sont trois mille artisans qui ont été mobilisés pour la restauration de ce bâtiment qui est un bâtiment historique de la Ville de Paris. Des artisans ont également travaillé sur les chantiers au Château de Versailles ou sur des monuments du patrimoine français. C'est aussi une mise en valeur des savoir-faire de la France, c'est une source de création d'emploi. C'est une source d'attractivité pour la place parisienne, pour justement drainer ces touristes qui viennent en France mais qui peuvent aussi bien après aller à Londres ou d'autres capitales.
FABIEN CROMBE
Est-ce qu'on peut voir ces immeubles montrer et valoriser l'image de la France ? Ils jouent là-dessus mais au final, c'est vrai que ce sont des propriétaires étrangers. On est dans un pays avec ACCOR, le CLUB MED et autres, et on pourrait se dire : « Est-ce que ça veut dire qu'aujourd'hui, on n'a plus les moyens d'avoir des grands groupes de palaces français ? »
FLEUR PELLERIN
Mais ACCOR a aussi beaucoup d'hôtels et est le leader mondial sur les hôtels. Evidemment, nous sommes en économie ouverte et les capitaux de ces entreprises, de ces hôtels ou de ces palaces sont ouverts. Il n'y a absolument aucun problème dès lors que ça met effectivement en valeur et permet l'attractivité de la France, de la capitale. Je n'y vois absolument aucune difficulté. Si des propriétaires français souhaitent aussi restaurer des palaces, ils sont les bienvenus et je leur décernerai bien volontiers cette distinction.
FABIEN CROMBE
Est-ce qu'il y a moyen de faire sortir les touristes de l'itinéraire Paris-Côte- d'Azur, notamment les étrangers ?
FLEUR PELLERIN
L'un de mes grands combats également en tant que ministre en charge du Tourisme, c'est effectivement de diversifier les lieux de séjour des touristes. C'est vrai que beaucoup maintenant se rendent plutôt dans la Vallée de la Loire, à Paris et sur la Côte d'Azur. Tout le travail que je fais avec l'agence Atout France qui promeut le tourisme français à l'étranger, c'est d'essayer d'intéresser davantage les tour-opérateurs, les influenceurs, les bloggers, les journalistes à d'autres destinations pour que tous ces nouveaux touristes n'aillent pas dans les lieux habituels de villégiature des touristes. C'est donc développer des destinations nouvelles comme la montagne et les Alpes, développer le tourisme de la nature, développer le tourisme fluvial, le tourisme de la mer avec mon collègue Frédéric CUVILLIER.
FABIEN CROMBE
Le handicap qu'on a vu rejoint un peu la réforme sur les régions qui est actuellement en train d'être faite, même si elle est contestée parce que certains voulaient qu'elle aille plus loin, ou qu'elle soit en tout cas plus efficace. Beaucoup de régions dans le même endroit et dans le même pays sont à promouvoir chacun de son côté leur territoire. Est-ce qu'il n'y a pas là un vrai sujet sur lequel il va falloir se mutualiser ?
FLEUR PELLERIN
Il y a un vrai sujet, je suis entièrement d'accord. C'est la raison pour laquelle je travaille beaucoup avec cette agence de l'Etat Atout France, qui est aussi beaucoup financée par les régions, pour mettre davantage de cohérence dans cette politique de promotion à l'étranger.
FABIEN CROMBE
Là, chacun vend son petit bout de pain.
FLEUR PELLERIN
En même temps, c'est naturel que chacun veuille valoriser son patrimoine, ses sites, et cætera. Mais c'est vrai qu'il faut de la cohérence, il faut travailler sur ce que j'appelle entre guillemets des marques. C'est-à-dire que quand vous parlez à un Américain par exemple de Provence, de Midi de la France ou de Côte- d'Azur, ça veut dire quelque chose pour lui, mais il y a des noms dans notre géographie française qui sont moins évocateurs pour des touristes. Il faut donc travailler avec la branche marketing sur les marques.
FABIEN CROMBE
Êtes-vous favorable d'ailleurs au changement de nom des régions puisqu'on veut en fusionner ?
FLEUR PELLERIN
Ça relève vraiment de la souveraineté des exécutifs locaux ?
FABIEN CROMBE
Oui, mais puisque vous dites qu'il faut qu'on accroche ? On a par exemple une région qui s'appelle PACA et qui est quand même un peu compliquée.
FLEUR PELLERIN
Oui, vous avez raison. On ne peut pas très bien communiquer sur « PACA » alors qu'on le peut sur Provence, Côte- d'Azur on peut. Je pense qu'il faut effectivement adopter maintenant une démarche marketing. On va dire que c'est une approche commerciale, et cætera, mais aujourd'hui c'est ça. Les touristes, les gens qui décident de partir en voyage regardent sur Internet et arbitrent entre plusieurs destinations.
FABIEN CROMBE
Partir en Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace, ça va être compliqué !
FLEUR PELLERIN
Voilà. Si on veut leur donner du désir de France, je pense qu'il faut jouer sur tous les tableaux. Il faut à la fois leur proposer des choses à faire, des activités, des thèmes, et cætera, et avoir une démarche qui donne envie. C'est donc travailler sur le nom, sur les images qu'on montre sur les bases de données, les sites Internet, et cætera. Moi, j'essaye d'avoir cette approche vraiment totalement panoramique avec, bien sûr, les collectivités concernées. Elles ont bien entendu leur mot à dire, mais c'est vrai qu'on essaye vraiment de donner plus de cohérence à la politique de promotion du tourisme français à l'étranger pour que tout le monde tire bien dans le même sens.
FABIEN CROMBE
Un dernier mot. Vous vous êtes rendue sur place à la suite du crash du vol d'Air Algérie au Mali. Je voulais juste vous poser la question de savoir si, lorsque cela sera possible, tous les corps seront ramenés en France. Je dis bien tous les corps de tous les passagers de ce vol, c'est ce qu'a dit le président. Maintenez-vous l'engagement de François HOLLANDE alors qu'on a bien vu que sur le site, les dégâts sont malheureusement considérables et que ça va être extrêmement long et compliqué ?
FLEUR PELLERIN
Ce à quoi le président de la République faisait allusion, c'est qu'il y avait en fait à bord plusieurs nationalités. La question que se posaient les proches des victimes, c'était effectivement de savoir dans quel pays va-t-on pouvoir envoyer les corps lorsque ce sera possible de les transporter. L'accord que nous avons eu avec le Gouvernement du Mali était de dire que nous allions ramener l'ensemble des corps de toutes les nationalités à Paris pour qu'ils puissent être identifiés et que la police puisse poursuivre ses enquêtes. C'était plus une allusion au fait que toutes les nationalités et l'ensemble des victimes seraient ramenés à Paris.
FABIEN CROMBE
Parce que ce processus pour l'identification va en tout cas être extrêmement long. Vous le confirmez ?
FLEUR PELLERIN
Voilà. Ce sont de toute façon des enquêtes qui sont longues. On a besoin d'avoir des éléments d'identification des familles. La police et la gendarmerie ont évidemment déjà commencé à se mettre en lien avec les familles des victimes pour leur demander ces éléments d'identification mais c'est toujours un travail extrêmement long.
FABIEN CROMBE
Merci beaucoup Fleur PELLERIN d'être venue nous voir.
FLEUR PELLERIN
Merci à vous.
FABIEN CROMBE
Je vous souhaite de bonnes vacances.
FLEUR PELLERIN
Merci.
FABIEN CROMBE
Vous partez donc demain et dans deux semaines, c'est le retour pour démarrer la rentrée gouvernementale.
FLEUR PELLERIN
Voilà !
FABIEN CROMBE
Merci Fleur PELLERIN, Secrétaire d'Etat chargée du Tourisme, du Commerce extérieur et des Français de l'étranger.
FLEUR PELLERIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 août 2014