Texte intégral
FRÉDÉRIC RIVIERE
Quatre syndicats ont boycotté la deuxième journée de la Conférence sociale, CGT, Force Ouvrière, FSU et SOLIDAIRES, est-ce que vous considérez ça comme une forme d'échec du dialogue social ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, pas du tout. D'abord je voudrais dire que cette Conférence sociale a été un vrai succès, un vrai succès
FREDERIC RIVIERE
Malgré l'absence des quatre syndicats ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Malgré l'absence, absence qui ne s'est produite que le second jour, puisque le premier jour avec le président de la République et le Premier ministre, dans le huis clos de cette rencontre, les organisations syndicales, que vous venez de citer, notamment celles qui sont des grandes organisations, la CGT et Force Ouvrière, ont participé au débat pendant 3 heures 30 avec le président de la République et le Premier ministre, ont assisté au discours du président de la République, et donc je considère qu'il s'agit plus, j'allais dire, pour l'une, d'une posture, je parle de Force Ouvrière, et pour la CGT d'une opposition politique à la politique qui est menée par ce gouvernement. Voilà.
FREDERIC RIVIERE
Est-ce qu'il y a une forme d'archaïsme dans leur manière de se comporter ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je pense qu'il y a une forme, je ne voudrais pas être vexant parce que je respecte leur position bien évidemment, mais je pense qu'il y avait une posture. C'était une posture, cette volonté, affichée en tous les cas, de ne pas participer le second jour. Ils ont eu tort d'ailleurs, parce que nombre de syndicalistes, qui sont dans leurs organisations, à la CGT et FO, auraient avantageusement, j'en suis sûr, participé aux tables rondes qui se sont tenues le lendemain, et donc c'est regrettable, pour eux-mêmes d'ailleurs, parce que le dialogue a continué, et il a continué avec des organisations qui sont majoritaires, qui signent les accords d'ailleurs. Les accords ne sont que très très rarement signés par la CGT, il faut dire les choses clairement.
FREDERIC RIVIERE
En même temps le MEDEF, le syndicat des patrons, avait lui aussi parlé d'un boycott à propos du compte pénibilité, et là le gouvernement a donc accepté de reporter partiellement. Vous ne comprenez pas que ça puisse finalement renforcer l'idée que vous faites tout pour le patronat, chez ceux qui le pensaient déjà ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, bien sûr, je me suis fait cette analyse, mais la vérité c'est que, et les parlementaires, et je dis bien et les parlementaires, socialistes et autres, et une partie des syndicalistes des organisations syndicales, savaient très bien la difficulté de la mise en oeuvre du compte pénibilité dans un secteur précis de l'activité économique de notre pays, à savoir le bâtiment. Les petites et moyennes entreprises du bâtiment étaient, je le dis, au 1er janvier 2015, dans l'incapacité matérielle de mettre en oeuvre ce compte pénibilité. Ce qui a été décidé ce n'est pas de supprimer le compte pénibilité, il s'ouvrira bien, les droits pour les travailleurs, les salariés, à la reconnaissance du travail pénible, s'ouvriront au 1er janvier 2015, mais la mise en oeuvre, pour que ce soit efficace, pour qu'on puisse vraiment comptabiliser les heures, les mois, les années de travail pénible, il faut encore simplifier et avancer, et c'est ce qui a été décidé par le gouvernement. Donc ce n'est pas un cadeau au patronat, je dois le dire ici, pas du tout, c'est tout simplement de l'efficacité, voilà. Et je pense que c'est ça qui a servi de prétexte, en réalité, c'est un prétexte, qui a été saisi par les organisations syndicales, que vous venez de citer, mais c'est dommage parce qu'il y a eu un travail de qualité, des propositions très importantes. Les Français, qu'est-ce qu'ils attendent, ils attendent que les décisions qui sont prises elles soient utiles au pays, pour la lutte contre le chômage, ce qui est quand même la plaie sociale de notre pays.
FREDERIC RIVIERE
Qui était au coeur de cette Conférence sociale, notamment l'emploi des seniors, vous allez lancer un plan pour lutter contre le chômage des seniors. Il faut rappeler qu'on est senior très jeune, dans ce pays, c'est assez triste à dire, mais enfin c'est comme ça. Vous avez trouvé la solution ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On a des mesures, la solution, je ne suis pas persuadé que ce soit la solution. Il y a plusieurs mesures qui ont été confirmées, celles que j'avais annoncées, amplifiées d'ailleurs dans le dialogue, acceptées à l'unanimité des présences, ce qui est important puisque c'est la garantie d'un accord demain, donc Vous savez, le taux d'emploi dans notre pays il est concentré essentiellement entre les 26/55 ans. Ce pays a fait le personne ne veut le reconnaître, mais moi je le dis a fait le choix du chômage de masse, dans toutes ses formes de représentation, le pays a fait ce choix. On a beaucoup de mal à entrer dans le monde du travail avant 26 ans, et on a beaucoup de mal à y rester après 55 ans, c'est un problème.
FREDERIC RIVIERE
Mais quand vous dites « ce pays a fait le choix », c'est qui ?
FRANÇOIS REBSAMEN
L'ensemble des organisations, patronales, syndicales, politiques, parce qu'on a
FREDERIC RIVIERE
Depuis des décennies.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, depuis des décennies, évidemment, et c'est cela qu'on essaye aujourd'hui de casser, ce chômage de masse, et c'est ça qui est intéressant, c'est qu'il y a eu hier des mesures, concernant l'alternance, pour les jeunes, la « garantie jeunes », parce que ces jeunes qui sont sans rien, ce qu'on appelle au niveau européen « les NEET », c'est-à-dire qui sont sans emploi, sans formation, sans stage, qui n'ont rien, eh bien il y en aura, grâce aux décisions qui ont été prises hier, 100.000 qui vont être accompagnés d'ici 2017, c'était demandé par la CFDT, grande organisation syndicale aussi, qui a signé les accords.
FREDERIC RIVIERE
C'est un petit remerciement, au passage, à la CFDT qui
FRANÇOIS REBSAMEN
Elle portait cette proposition, et j'ai été très heureux qu'on puisse la reprendre.
FREDERIC RIVIERE
Qui elle n'a pas boycotté la Conférence. L'apprentissage était aussi au coeur de la Conférence sociale, le Premier ministre a annoncé hier que 200 millions d'euros supplémentaires seront dégagés et votés dès la semaine prochaine pour favoriser l'apprentissage. En même temps ça fait une quarantaine d'années que l'on dit tout le temps « l'apprentissage c'est formidable, il faut le valoriser, il faut le promouvoir, regardez comme ça marche en Allemagne, comme ça marche en Suisse », et on n'y arrive pas. Alors, cette fois c'est la bonne ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'espère bien oui. Chaque fois, ça fait plusieurs années effectivement, et même plusieurs gouvernements, qu'on annonce 500.000 jeunes en apprentis
FREDERIC RIVIERE
Oui, ce qui est l'objectif actuel.
FRANÇOIS REBSAMEN
On a repris cette proposition, mais on veut y arriver, avec le Premier ministre, avec le président de la République, on veut y arriver. Alors, pour qu'on y arrive, il faut que des métiers nouveaux, parce qu'il faut regarder pourquoi on n'y arrive pas dans ce pays, il faut que des métiers nouveaux s'ouvrent à l'apprentissage, des métiers qui vont et c'est le rapport de Jean PISANI-FERRY qui nous a incités qui montre qu'il va y avoir 800.000 emplois dans ces secteurs-là, et dans ces secteurs-là il n'y a pas, dans ces métiers-là, il n'y a pas aujourd'hui le moindre apprentissage. Les entreprises françaises ont cette particularité c'est qu'elles disent tous les jours « c'est formidable l'apprentissage », mais elles ne prennent pas des alternants, ou elles en prennent peu, il n'y a que 4 % des entreprises françaises qui prennent des alternants, c'est insuffisant.
FREDERIC RIVIERE
Laurence PARISOT, qui était à votre place hier matin, l'ancienne présidente du MEDEF, disait que parmi les freins à l'emploi aujourd'hui en France, il y a les tribunaux de prud'hommes qui, disait-elle, rendent beaucoup trop souvent des avis favorables aux salariés. Est-ce qu'il y a là, selon vous, une piste à explorer ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, enfin je n'ai pas encore vous savez que je cherche, nous cherchons, ce qui peuvent être les freins à l'emploi pour les lever, enlever ces freins, j'ai entendu les propos de madame PARISOT, bon, c'est quand même une justice, donc les décisions de justice, la justice prud'homale c'est une justice et si elle rend des droits à des salariés c'est que ceux-ci en avaient été lésés, donc je ne mettrai pas en cause les décisions des tribunaux de prud'hommes.
FREDERIC RIVIERE
Il n'y a eu, hier, « que » 33 députés socialistes qui se sont abstenus lors du vote sur le projet de loi rectificative de la Sécurité Sociale, qui est l'une des premières pierres du Pacte de responsabilité, ils étaient 41 début avril lors du vote sur le programme de stabilité, est-ce que ça veut dire que la fronde, comme on l'appelle, ou les frondeurs, sont en train de s'essouffler devant la fermeté de Manuel VALLS ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Fermeté et dialogue, parce que Manuel VALLS a été présent à toutes les réunions de groupe pour expliquer quelle était sa position, et il y a un certain nombre de propositions qui ont été votées hier, dans le projet de loi de Finances de la Sécurité sociale, rectificative, eh bien qui vont dans le sens de ce que demandaient des députés socialistes, à savoir des mesures pour le pouvoir d'achat, des mesures qui concernent les bas salaires, des augmentations d'un certain nombre de minima sociaux. Donc, il y a eu des éléments de réponses qui ont été apportés, il y a eu un dialogue qui s'est fait, et puis sur le fond, le Pacte de responsabilité et de solidarité, rien n'a été lâché. Donc c'est cette pratique, j'allais dire, de la fermeté, mais aussi de la capacité de dialogue, qui emporte l'adhésion progressivement. Vous avez vu qu'il n'y a pas eu une voix contre, c'était quand même quelque chose d'important
FREDERIC RIVIERE
Oui, que des abstentions.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ensuite j'appelle ces députés à soutenir plus fermement la politique du gouvernement.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juin 2014