Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Bernard CAZENEUVE, on l'a vu, vient de se rendre à Sarcelles après les incidents d'hier, qui ont suivi eux-mêmes ceux de Paris. Ne fallait-il pas autoriser ces manifestations pour éviter les débordements ?
MARISOL TOURAINE
Les manifestations, elles s'autorisent au cas par cas, et à l'évidence, il y avait tous les ingrédients de la violence que l'on a observée, moi, je comprends qu'il y ait de l'incompréhension, de l'émotion vis-à-vis de ce qui se passe au Moyen-Orient en ce moment. Mais la violence n'est pas porteuse de paix.
CHRISTOPHE BARBIER
On fait le jeu des radicaux en interdisant une manifestation, ils savent qu'ils vont pouvoir venir casser
MARISOL TOURAINE
Mais ce sont les radicaux qui empêchent que des manifestations se déroulent dans un climat serein, apaisé, qui est celui de l'expression de l'émotion, éventuellement même d'ailleurs de l'attente forte vis-à-vis du Moyen-Orient. Il faut faire en sorte que la violence n'ait pas place dans notre pays, dans notre société. On ne peut pas faire en sorte de répondre à la violence qu'il y a au Moyen-Orient par de la violence dans notre pays. Et donc la décision qui a été prise, aussi bien pour Paris que pour Sarcelles, étaient les bonnes décisions.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors il y a un mélange très disparate parmi ces cassures, est-ce que selon vous, néanmoins, on est en train d'assister à une montée, à une fièvre antisémite en France ?
MARISOL TOURAINE
Il y a un risque d'antisémitisme fort dans notre pays. Ce risque est fort, mais il y a aussi des risques de racisme, mais tout geste à l'égard de lieux juifs, de personnes juives, toute parole à l'égard des juifs peut être antisémite, il faut donc être extrêmement attentif à cela.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'on ne manque pas d'une parole très forte, d'une grande autorité du côté de la communauté musulmane ?
MARISOL TOURAINE
Il y a des mots qui s'expriment, et je crois que chacun, du côté de la communauté juive, du côté de la communauté musulmane, doit être conscient des responsabilités qui existent, et doit être messager de paix et de calme dans notre pays.
CHRISTOPHE BARBIER
Si le conflit dure là-bas, est-ce qu'il faudra interdire encore plus fortement, fermement les manifestations ?
MARISOL TOURAINE
Pas nécessairement, vous savez, d'autres manifestations se sont tenues dans le calme dans notre pays, et donc c'est au cas par cas que se prennent les décisions. Et je crois que chacun doit faire preuve de sens des responsabilités. Le principe de la liberté de manifester est évidemment un principe auquel chacun d'entre nous est fortement attaché, mais la violence met en cause, porte atteinte à la démocratie, et la violence ne peut pas être tolérée.
CHRISTOPHE BARBIER
On entend des critiques à gauche contre François HOLLANDE, il aurait divisé la gauche parce qu'il n'a pas été assez ferme dès le départ avec Israël, est-ce fondé ?
MARISOL TOURAINE
Non, je ne crois pas, la position du président de la République, de la diplomatie française, de la France est une position extrêmement ferme, extrêmement claire en faveur de la paix, du dialogue, du cessez-le-feu, et c'est à cela que travaille la France. Il n'y a pas de parti pris, il y a le parti pris de la paix, le parti pris du refus de la guerre, de tout mettre en oeuvre contre la guerre, et c'est cela qui nous motive.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors l'autre événement international depuis plusieurs jours, c'est évidemment le crash du MH17, il tourne à la crise diplomatique, pour les Américains, c'est sûr, le missile a été fourni par les Russes ; est-ce que la France est sur cette position ?
MARISOL TOURAINE
La France veut que toute la lumière soit faite, ce qui s'est passé avec cet avion abattu, comme si nous étions dans un film d'horreur, de guerre, a provoqué de la stupeur, parce que c'était de l'ordre de l'inconcevable, et donc aujourd'hui, la seule manière d'avancer, c'est de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé, et évidemment, faire toute la lumière, c'est permettre sans contrainte, sans entrave, aux experts internationaux d'aller voir sur place ce qui s'est passé, de mener l'enquête et de tirer les conclusions de ce qui s'est fait. Si l'on ne veut pas qu'il y ait des rumeurs ou des procès qui ne soient pas fondés, alors on ouvre grand les portes et on laisse faire la communauté internationale.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ce n'est pas déjà, après plusieurs jours, une cause perdue, on le voit sur le terrain, n'importe qui circule, les preuves disparaissent ?
MARISOL TOURAINE
Il y a des actes, des contraintes, des entraves qui sont inacceptables et qui ne peuvent pas être acceptés, toute la lumière doit être faite, donc permettons que si des accusations doivent être portées, elles le soient sur la base de preuves irréfutables, avec des drames, des tragédies, comme celle de cet avion abattu en plein vol ; on ne peut pas se permettre l'à peu près.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'il n'y a pas eu beaucoup de légèreté de la part des autorités de l'aviation civile à laisser les avions survoler l'Ukraine, depuis des mois que ce conflit dure ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, la décision, jusqu'à maintenant, n'avait pas évidemment été entachée de difficultés, l'enquête devra aussi porter là-dessus, en tout cas, aujourd'hui, les avions ne survolent plus ce théâtre de guerre.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que l'Europe n'a pas fait preuve de mollesse avec des sanctions économiques légères, symboliques contre la Russie, alors que les Etats-Unis, eux, étaient plus durs ?
MARISOL TOURAINE
L'Europe a été aux avant-postes, et l'Europe a été à l'avant du combat pour la paix, parce que, ce qui est en jeu, ça n'est pas de savoir si on met en place des sanctions sans effet, mais si on obtient la fin du conflit et la fin de la guerre. Il y a eu des engagements diplomatiques extrêmement actifs, y compris, et notamment de la part de la France, et c'est cela qui est le plus important.
CHRISTOPHE BARBIER
Une information dans votre domaine, vingt-six milliards de dollars d'amende, c'est ce qui frappe le cigarettier REYNOLDS, pour un mort, un fumeur de 36 ans, on sait bien que ce genre de décision n'est pas transposable à la France, mais est-ce que vous ne regrettez pas que dans la prochaine mesure sur les class actions, eh bien, la santé ait été exclue ?
MARISOL TOURAINE
J'ai annoncé que, il y aurait la possibilité d'actions de groupe, class actions, en matière de santé, et que cela serait proposé prochainement, notamment dans le cadre de la loi de santé, que je porte, parce que je crois qu'il faut donner à nos concitoyens des armes nouvelles, des instruments nouveaux dans le domaine de la santé face à des accidents en série, qui peuvent exister, par exemple, en matière de médicaments. Et donc c'est une avancée que nous allons prendre, la décision que vous mentionnez, c'est une décision très américaine, un cas individuel avec des montants qui
CHRISTOPHE BARBIER
Proportionnels aux moyens de celui qui peut payer
MARISOL TOURAINE
Qui n'ont pas de sens dans notre pays, mais l'intérêt pour moi de cette décision est surtout de rappeler à tout le monde, et au monde entier, que le tabac est un fléau et que le tabac tue et qu'il tue en France.
CHRISTOPHE BARBIER
Un million de morts attendu très fréquemment sur l'occident. Vous êtes de retour de Guadeloupe, le Chikungunya est-il sous contrôle ou bien faut-il annuler ses vacances aux Antilles ?
MARISOL TOURAINE
J'ai été en Guadeloupe et à la Martinique, il n'y a pas de restriction au voyage, il y a une épidémie de Chikungunya, à laquelle nous faisons face en développant des moyens de prévention, et je salue la mobilisation des acteurs locaux, mais nous faisons preuve de vigilance, parce que c'est une épidémie qui ne peut pas se soigner avec un médicament, et qui donc doit être enrayée par des comportements de protection de la peau, des répulsifs, des moustiquaires, par une bataille de chaque instant contre ce que l'on appelle les gites larvaires, c'est-à-dire les mares d'eau stagnantes qui permettent la prolifération des moustiques, et c'est cela que je suis allée porter comme message aux Antilles. Je veux souligner d'ailleurs qu'il y a une forte solidarité de la République, puisque nous envoyons des renforts, des renforts sanitaires, des renforts de pompiers, qu'il y a des jeunes du service civique qui vont de porte en porte pour porter le message de la prévention.
CHRISTOPHE BARBIER
On peut y aller en toute sécurité si on prend ses précautions-là ?
MARISOL TOURAINE
Ah, on peut aller aux Antilles passer des vacances, c'est la saison des pluies en ce moment, il faut être prudent et adopter des mesures de précaution et de prévention.
CHRISTOPHE BARBIER
Martine AUBRY défie le gouvernement en rejetant la fusion Nord-Pas-de-Calais/Picardie, la soutenez-vous ?
MARISOL TOURAINE
Martine AUBRY est une grande élue locale, attachée à sa région, mais elle est une femme de progrès, et je ne crois pas qu'elle puisse être comment dire porteuse du statu quo et de l'immobilisme, nous avons besoin de renouveler la carte de nos régions pour donner de la force à nos collectivités locales, et c'est ainsi que nous donnerons toutes les chances à notre pays dans la bataille que nous connaissons.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc du mouvement dans votre région aussi, on, met l'Eure-et-Loir en Ile-de-France, et le reste en Pays de la Loire ?
MARISOL TOURAINE
Non, moi, je souhaite précisément, au nom du mouvement, de la force donnée aux régions, que la région Centre ne reste pas seule dans cette reconfiguration de la carte des régions, l'isolement de la Bretagne, des Pays de Loire et de la région Centre ne me paraît pas une bonne chose.
CHRISTOPHE BARBIER
On peut faire une belle grande région.
MARISOL TOURAINE
En tout cas, pas forcément une seule région, mais je crois que nous devons aller vers des rencontres, et moi, je souhaite que la région Centre se tourne vers la région Pays-de-la-Loire.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour finir, en un mot, avez-vous des informations sur cet enfant qui est mort à Ascou, en colonie de vacances, ce n'est pas l'eau, ce n'est pas la nourriture, pourquoi est-il mort ?
MARISOL TOURAINE
Aujourd'hui, malheureusement, nous n'avons pas d'éléments qui nous permettent d'expliquer ce décès d'un enfant de 8 ans, je veux dire d'ailleurs toute ma tristesse et toute mon émotion face à cette situation.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est un mystère.
MARISOL TOURAINE
Les analyses, non, les analyses se poursuivent, nous avons besoin de temps, mais rien à ce stade ne permet d'expliquer le décès de cet enfant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2014