Texte intégral
Q - Bonsoir, Laurent Fabius. Merci d'être avec nous depuis Erbil. Premier point, Monsieur le Ministre, comment se déroulent les opérations françaises d'aide humanitaire ? De quel type d'aide s'agit-il d'abord ? Prévoyez-vous par exemple l'envoi de personnel médical ? Et combien de temps dureront les opérations ?
R - Ce matin, j'ai apporté, avec l'armée de l'air, 18 tonnes de médicaments, de tentes, de jerrycans, ...des éléments qui sont nécessaires au secours d'urgence. Parce qu'ici, il y a une population, par centaines de milliers de gens, qui n'a strictement rien.
Dans le cours de la semaine, nous allons faire un nouvel envoi, notamment alimentaire, et il est tout à fait possible que nous procédions à des parachutages. Car, comme vous le savez sans doute, dans le djebel Sinjar, il y a des centaines de personnes qui sont menacées.
Donc, ceci est un premier point concret de solidarité qui est très apprécié bien sûr par les Kurdes.
Je vais lancer, à partir de demain, le projet d'un pont européen de solidarité. Parce que la France fait tout ce qu'elle peut faire, mais ce n'est pas suffisant. Si l'ensemble des 27 pays se met d'accord pour pratiquer un pont européen de solidarité sur toute une série de biens qui sont nécessaires, je pense que ce sera très apprécié et c'est ce que m'a demandé le président du Kurdistan, le président Barzani.
Q - La France pourrait-elle aussi livrer des armes ? Le président kurde le réclame. Que répondez-vous ? Est-ce envisageable ?
R - Il y a deux choses différentes. Est-ce que, nous-mêmes, nous allons nous impliquer militairement ? La réponse pour le moment est non, je vous le dis clairement, puisque notre doctrine est que nous n'intervenons pas s'il n'y a pas un feu vert du conseil de sécurité des Nations unies et s'il n'y a pas une menace directe pour nos ressortissants. Mais nous saluons le travail que font les Américains. C'est un premier point. Et, de toutes les manières, il n'est pas question d'envoyer des gens au sol.
Le deuxième point, c'est ce qui concerne les armements. Il est vrai que les Kurdes et, d'une façon générale, les Irakiens ont dit à quel point le Califat islamique, ce que moi j'appelle le califat de la haine, a pris des armes très sophistiquées qu'il a prélevées sur l'armée irakienne. Aujourd'hui, les Kurdes sont en état d'infériorité et il faudra, d'une manière ou d'une autre, qu'ils puissent être livrés d'une façon sûre en matériels qui leur permettent de se défendre et de contre-attaquer. On va voir cela dans les jours qui viennent mais en liaison avec les Européens toujours.
Q - Dernier point, Monsieur le Ministre, le gouvernement irakien affirme avoir la preuve d'un génocide yézidi. 500 personnes auraient été enterrées vivantes par des jihadistes. Confirmez-vous cette information ce soir ?
R - Je viens de rencontrer la communauté yézidie qui m'a dit plusieurs choses. Au moment-même où nous parlons, il y a des milliers de personnes qui sont dans le djebel Sinjar et qui, si on ne leur parachute pas des vivres, vont mourir.
Deuxièmement, il y a, dans deux villages, 1000 personnes qui sont encerclées, 500 femmes dans une prison qui sont menacées d'être violées. Les 1000 personnes encerclées, le califat islamique, le califat de la haine leur a dit : vous avez 48 heures pour abjurer votre religion, sinon on vous tue tous. Si cela ne s'appelle pas un génocide, je ne sais pas comment cela s'appelle.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 août 2014