Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, en hommage aux combattants de la libération de Paris, le 25 août 2014.

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Circonstance : 70e anniversaire de la libération de Paris, le 25 août 2014

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Président du Sénat,
Madame la maire de Paris,
Monsieur le maire honoraire de Paris,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le délégué général de l'Ordre de la Libération, cher Fred MOORE,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 70 ans, Paris se libérait.
Il y a 70 ans, ici même, à l'Hôtel de Ville, le général de GAULLE annonçait que la France était rentrée chez elle.
Ce soir, nous nous souvenons de ces journées pendant lesquelles la Liberté a de nouveau guidé le peuple de Paris.
C'était une délivrance pour la Nation, mais ce fut aussi un espoir pour le monde entier. En effet, à l'annonce de la libération de Paris, les cloches de la cathédrale Saint-Paul à Londres résonnèrent, pour la première fois, depuis 1940.
A l'annonce de la libération de Paris, on dansa à Rome, à Buenos Aires, à la Havane. En Australie, en Nouvelle Zélande, les drapeaux furent déployés comme pour une fête nationale. Et même dans la nuit des camps, dans ces lieux d'horreur, la nouvelle fut accueillie comme une lueur ; on chanta La Marseillaise à Buchenwald ; on pleura de joie à Dachau.
Pour la France, Paris libérée, c'était le signal de la victoire. Paris libérée par elle-même, Paris libérée par son peuple avec le concours des armées de France. Pour les Parisiens, c'était la fin d'un calvaire qui avait duré trop longtemps : quatre années !
Quatre années durant lesquelles ils avaient vécu la soumission, l'occupation, la collaboration. Quatre années de privations, d'exactions et d'humiliations. Mais quatre années aussi de luttes souterraines, d'actions d'éclat et de préparation méticuleuse du soulèvement. Bientôt, à l'heure dite, les héros de l'ombre se sont retrouvés au rendez-vous que leur avait fixé l'Histoire.
Ce rendez-vous, c'était le 10 août : les cheminots se mirent en grève. Ce rendez-vous, c'était le 15 août : ils étaient rejoints par des policiers. Puis le 18 août - alors que le dernier convoi de déportés de la région parisienne venait d'emporter 1 600 sacrifiés vers les camps de la mort - ce jour-là les services publics sont à l'arrêt. ROL-TANGUY, le chef des FFI d'Ile-de-France, appelle à la mobilisation générale et à l'insurrection nationale. Le 19, le drapeau français flotte sur la préfecture de police. C'est le début de la bataille, des dizaines de milliers de Parisiens vont se soulever.
Ils avaient peu d'armes, mais beaucoup de courage. Leur fer de lance, si je peux dire, c'était les barricades, et leur force était sans égale. En érigeant ces barricades, les Parisiens appelaient à leur secours les insurgés magnifiques des temps anciens. Ceux de 1789 quand Paris faisait la Révolution. Ceux de 1830 quand la Restauration était renversée. Ceux de 1848 quand la République renaissait. Ceux de 1870 quand la Commune prétendait inventer un monde nouveau.
Mais leur soulèvement n'aurait pas suffi. Au 6ème jour, les insurgés reçoivent l'aide décisive de la 2ème DB du général LECLERC et de la 4ème division d'infanterie américaine. De durs combats se déroulent pour réduire les dernières poches de résistance nazies au Sénat, place de la République, à la Concorde, à l'Ecole militaire. 1 000 FFI meurent durant cette semaine glorieuse. Mais l'essentiel est acquis. C'est entre des mains françaises, oui des mains françaises, que le 25 août Von CHOLTITZ remet sa reddition. Ces mains sont celles du général LECLERC et du colonel ROL-TANGUY.
Le lendemain, sur les Champs-Elysées, un million de Parisiens, au moins, accueillent en liesse le général de GAULLE, et acclament les soldats de la 2ème DB. Paris libérée par elle-même, c'était la fierté, la fierté reconquise d'un peuple, d'une ville, d'une nation décidée à retrouver sa grandeur.
Paris libérée, c'était la victoire de la France, de toute la France. Celle des Français libres, celle des Français engagés de Londres, celle de la Résistance, celle des cohortes bigarrées de LECLERC et de de LATTRE de TASSIGNY, celle des évadés de métropole, des dissidents de l'Outre-mer. Cette France à laquelle s'était ralliés les soldats d'Afrique, mais aussi les Allemands antinazis et les républicains espagnols de la « Nueve » qui furent parmi les premiers à pénétrer dans Paris, et auxquels je veux rendre hommage une nouvelle fois ce soir.
C'est grâce à eux, à tous ceux-là, que Paris a pu rester la capitale de la liberté, la ville des droits de l'Homme et la cité de l'esprit. Aujourd'hui encore, c'est toujours vers Paris que se tournent les peuples qui souffrent sous le joug des dictatures que se dirigent les peuples qui luttent pour leur émancipation. C'est à Paris que les démocraties demandent à être protégées de la terreur. C'est vers Paris, encore aujourd'hui, que regardent le peuple irakien et toutes ses minorités persécutées par le groupe barbare de l'Etat islamique.
Ces appels-là, nous devons aussi y répondre. Notre histoire nous le commande, au nom des valeurs que nous portons, mais aussi au nom de la solidarité qui doit unir tous les peuples libres. Cette solidarité nous en avons nous-mêmes bénéficié il y a 70 ans.
A tous ceux qui, dans ces pays, sont engagés dans la construction de la démocratie, comme à tous ceux qui, chez nous en Europe, se désespèrent des difficultés du moment, nous devons évoquer l'exemple de la France de l'été 1944. La France de l'été 1944, c'est un pays en ruine qui a trouvé la force en lui-même de se redresser. La France de 1944, ce sont des Françaises, des Français, de toutes origines, de toutes croyances, de gauche, de droite, civils et militaires, jeunes et moins jeunes, qui se sont fédérés au nom de la République.
Pour faire quoi ? Pour relever l'économie, pour ouvrir de nouveaux droits sociaux et pour redonner à la France la place qu'elle doit avoir dans le monde. La France de 1944 fêtait le bonheur d'avoir retrouvé sa souveraineté. Mais ce n'était pas un bonheur égoïste, c'était le bonheur d'une nation rassemblée et ouverte. C'était le bonheur d'un peuple uni qui croyait de nouveau en son destin, en sa parole, en son avenir. C'était le bonheur qui donne confiance. La France de l'été 44, c'est une France qui se retrouve derrière un programme, celui du Conseil national de la Résistance. Nous en sommes les héritiers.
Les Résistants voulaient une société juste, qui conjugue tous les efforts pour lutter contre le fanatisme, une société où les ambitions légitimes de l'entreprise devaient être équilibrées par les garanties sociales. Aujourd'hui encore, toute notre action doit être consacrée à cet objectif, concentrée sur ce but : restaurer la compétitivité de la France pour assurer son indépendance ; et lutter contre les inégalités pour préserver la cohésion sociale.
Nous n'obtiendrons rien sans effort, rien sans abnégation, rien sans courage. Il n'y a jamais de fatalité. Mais dans les moments les plus difficiles, il y a toujours la volonté qui triomphe, l'unité qui permet d'avancer, et la solidarité qui fait que nous sommes la France. C'est en croyant en notre avenir, que nous pourrons inventer cet avenir. A tous les moments de notre histoire, les Français se sont mobilisés. C'est grâce à eux si notre pays reste une puissance influente et respectée. C'est grâce à eux que nous sommes aujourd'hui capables d'utiliser toutes nos différences, toutes nos richesses, tous nos talents, pour créer, pour innover, pour produire, pour inventer.
Mesdames et Messieurs, notre rang parmi les nations, le rang de la France, en Europe comme dans le monde, nous le devons à notre histoire, à ces Résistants qui se sont battus, à ces soldats qui sont venus nous libérer. Nous le devons aussi à toutes ces générations de femmes et d'hommes qui se sont dévoués par leur travail, par leur sacrifice, pour nous hisser à ce niveau. Mais cette influence dans le monde, nous la devons aussi à Paris.
Paris, cette capitale dont le nom fait rêver, partout dans le monde. Paris, cette ville riche de son passé est si forte dans sa capacité à toujours inventer, avancer, imaginer. C'est pourquoi Paris est l'une des métropoles les plus aimées et les plus visitées du monde et, en même temps, l'une des plus attractives. Paris, une ville où tous les milieux, toutes les nationalités se retrouvent, travaillent, et se croisent sans cesse.
C'était l'idéal que les hommes et les femmes, il y a 70 ans, portaient quand ils luttaient côte à côte dans les rues de Paris. Que voulaient-ils ? Libérer bien plus que leur territoire. Libérer toutes les énergies. Que voulaient-ils ? Ecarter le nazisme et empêcher tout retour des fanatismes. Que voulaient-ils ? Bâtir une société nouvelle fondée sur l'égalité mais aussi sur un goût sans limite pour la liberté. Que voulaient-ils ? Non pas simplement lever un espoir pour Paris et pour la France, mais un espoir pour tout le monde.
A nous de poursuivre le combat pour que cette promesse de la Résistance continue d'être tenue aujourd'hui, parce que c'était la promesse de jours meilleurs.
Vive Paris, vive la République, et vive la France !