Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la simplification, à France Info le 25 août 2014, sur le remaniement du gouvernement.

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Média : France Info

Texte intégral

MATHILDE MUNOZ
L'invité politique de FRANCE INFO, et Thierry MANDON, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la Simplification. Bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
MATHILDE MUNOZ
Manuel VALLS va agir, normalement, après les critiques formulées par Arnaud MONTEBOURG et Benoit HAMON, c'est en tout cas ce que dit l'entourage du Premier ministre. Est-ce que ces deux ministres sont allés trop loin dans la critique de la politique économique du gouvernement, selon vous ?
THIERRY MANDON
Ecoutez, quand on regarde de très près ce qu'ils ont dit, sur le fond, ils disent avec un peu plus de sous-titres ce que dit le gouvernement, c'est-à-dire que l'on a un problème dans la zone euro, un problème de croissance, un problème de politique, de manière générale, qui est un peu léthargique et qu'il faut secouer. Ils disent qu'il faut continuer le soutien aux entreprises mais que probablement on a une question de demande, qui n'est pas qu'une question de demande européenne adressée à la France, mais qui est aussi une question de demande nationale, bref, ils disent des choses qui sont tout à fait dans la ligne des débats que nous avons au sein du gouvernement.
MATHILDE MUNOZ
Et ils disent aussi : « Il faut changer de cap », ce que n'a pas dit, ni le Premier ministre, ni François HOLLANDE, et il dit : « c'est une politique d'austérité ».
THIERRY MANDON
Alors, après, après ils sont un peu prisonniers de… vous savez, c'est comme à la rentrée, on essaie d'être bien habillé, d'avoir un beau cartable et on est, on va peut-être un peu plus loin que, dans l'expression, que ce que l'on souhaite, mais je… sur le fond, moi je ne vois pas trop de problèmes, il n'y a pas d'incompatibilité, en revanche sur la forme, je pense que là oui, on débat dans un gouvernement, on ne fait pas de débat public, sur, y compris les nuances, les appréciations, de conjoncture, qu'il peut y avoir et de ce point de vue là, ce n'était pas indispensable, ce week-end.
MATHILDE MUNOZ
Mais ce ne sont pas de novices en politique, ils savent très bien comment ça fonctionne, donc pourquoi, selon vous ont-ils eu justement ces… ont-ils formulé ces critiques devant les médias ? Ce n'est pas une erreur, ils ont du leur faire sciemment.
THIERRY MANDON
Eh bien, en tout cas, un ministre a peu à gagner à faire ce qui s'est passé ce week-end, je ne suis pas certain que les déclarations de Frangy-en-Bresse nous permettent de mieux préparer le sommet européen de la fin de semaine, pour laquelle la France joue très gros parce que c'est cette fin de semaine qu'il faut très concrètement trouver en Europe des alliés pour faire un petit peu évoluer le cours de la politique européenne. Pourquoi ils le font ? Ça c'est à eux qu'il faut poser la question, mais je pense que ce n'était pas totalement indispensable.
MATHILDE MUNOZ
Et donc il faut, quoi, qu'ils démissionnent, qu'ils fassent leur mea-culpa ? Qu'est-ce que vous souhaitez ? Est-ce que ça vous gêne, vous, en tant que ministre de ce gouvernement ?
THIERRY MANDON
Moi, c'est très gênant, parce que si on veut des vrais débats, que l'on a, d'ailleurs, tant au niveau du conseil des ministres qu'à la réunion qu'organise chaque semaine le Premier ministre, si on veut des vrais débats, libres, de fond, sérieux, ça doit être étanche à la scène publique, dans un gouvernement, dans tous les gouvernement du monde, on débat librement et on doit pouvoir débattre dans crainte. Si on se dit, finalement, qu'il y a une sorte de continuum entre les discussions que l'on peut avoir entre nous et la scène publique, c'est de nature à enlever de la qualité à notre débat interne, et ça c'est dommage, parce que l'on est dans une conjoncture très difficile, on ne peut pas être auto satisfait, il faut sans arrêt s'interroger pour savoir comment on peut améliorer nos choix, nos politiques, et de ce point de vue là, des week-end comme celui-là, et il y a celui de La Rochelle la semaine prochaine, ça aide pas, quand en tout cas des ministres participent à ça, ça n'aide pas.
MATHILDE MUNOZ
Et est-ce que vous faites la différence, vous, entre Arnaud MONTEBOURG et Benoit HAMON ? Arnaud MONTEBOURG c'est quand même le ministre de l'Economie, qui critique la politique économique. C'est bizarre, non ?
THIERRY MANDON
Qui en tout cas indique qu'il y a des corrections, au niveau européen, principalement, à faire là-dessus, oui, en tout cas ça prend une autre force, c'est pas rien. C'est pas rien. Là il faut se poser deux questions. Premièrement, est-ce que l'expression publique de ces difficultés, nous renforce au niveau européen ? On le saura ce week-end, je ne suis pas certain, mais on le saura ce week-end, et deuxième question, dans son action quotidienne, de ministre, quelle conclusion, quelle conséquence tire Arnaud MONTEBOURG de ses propos ? Quelle conséquence il en tire en matière de soutien aux entreprises, il le sait mieux que quiconque, d'ailleurs il le dit dans l'interview qu'il a donnée à un grand journal, il faut continuer le soutien aux entreprises. Quelle conséquence il en tire en matière de soutien à la demande ? Il sait mieux que quiconque que quand la demande augmente en France, ce qui est le cas aujourd'hui, 0,5 % au deuxième trimestre, donc il y a des problèmes de consommation, mais c'est quand même une des choses qui tient… il sait très bien que cette demande elle va de plus en plus augmenter le plus des importations, parce que l'offre française est trop faible, donc comment on fait pour bonifier cette offre. Enfin, il faut en tirer pour soi-même les conséquences, de ces critiques, et c'est ça, à mon avis, qui doit être sa tâche prioritaire.
MATHILDE MUNOZ
Et sur le fond, on a commencé à en parler un petit peu, vous vous êtes montré, vous, plutôt critique sur… vis-à-vis des députés frondeurs qui critiquaient le gouvernement, hier on a entendu Benoit HAMON et Arnaud MONTEBOURG dire qu'ils étaient proches des frondeurs, donc vous faites la distinction entre les deux ? Vous avez dit tout à l'heure qu'Arnaud MONTEBOURG, finalement…
THIERRY MANDON
Oui, je la fais. D'abord, les frondeurs sont des parlementaires. Le Parlement, par définition, dans la Vème République, il sert à contrôler l'action du gouvernement et il y a une forme de liberté qui existe au Parlement, en tout cas dans le débat, qui n'existe forcément pas pour les ministres. Moi, ce qui me préoccupe, c'est deux choses : d'abord, je ne crois pas, sauf si on les artificialise, je ne crois pas qu'il ait des clivages majeurs, majeurs, je dis bien majeurs, incompatibles, entre les différentes sensibilités de la majorité gouvernementale. Il y a des nuances, il y a des différences, mais il n'y a rien d'incompatible. Mais si par un jeu public, par un jeu de scène, on augmente artificiellement ces différences, le schisme peut se produire, et c'est ça ma dénonciation des frondeurs. Je leur ai dit, parce que j'ai vu ce qu'ils ont dit cet été : attention, les gars, vous êtes en train de couper la corde de la cordée, et quand on monte, ce n'est pas bon de couper la corde. Ça c'est le premier point. Le deuxième, c'est que la gauche n'en a pas fini avec ce qu'un auteur appelait de cette belle phrase : le long remord du pouvoir. Il reste cette culture qui fait que finalement on aime bien être dans l'opposition. Finalement, prendre ses responsabilités, surtout quand c'est difficile, ah, c'est pas ce que l'on préfère faire, et depuis quelques années la gauche a réussi à franchir ce cap et a assumé pleinement les contraintes et les difficultés du gouvernement. Je ne voudrais pas qu'il y ait de retour en arrière, je ne voudrais pas que… ce n'est pas forcément dans la pratique socialiste, d'ailleurs, que ça se passe, mais que, à l'image de telle ou telle autre phrase politique, finalement, on se dise : c'est quand même bien de rester entre nous, bon, les affaires de la France on va les déléguer à d'autres. Voilà, moi c'est ça mes deux craintes, pas de schisme et une culture de gouvernement qui n'interdit pas les débats organisés dans un cadre…
MATHILDE MUNOZ
Mais une meilleure communication.
THIERRY MANDON
Mais… dans un cadre, voilà, ça n'a pas vocation à être public.
MATHILDE MUNOZ
Alors, juste sur la zone euro, vous en parliez tout à l'heure, c'est une des critiques formulées par Arnaud MONTEBOURG et Benoit HAMON, on a l'impression donc que c'est la zone euro qui est source de problème. Quand on regarde les différents pays de cette zone, on voit que tout le monde n'est pas au même niveau, il y a des pays qui s'en sortent, qui ont renoué avec la croissance récemment, d'autres qui ont une croissance négative, d'autre nulle comme la France, pourquoi accabler la zone euro dans son ensemble, alors qu'on voit qu'il n'y a pas d'ensemble, justement ?
THIERRY MANDON
Parce que c'est malheureusement une réalité. Quand on regarde précisément la zone euro, à part un pays comme l'Espagne, mais qui vient quand même de… qui a perdu 25 % de son PIB, enfin, c'est normal que…
MATHILDE MUNOZ
Le Portugal aussi.
THIERRY MANDON
Oui, et le Portugal, c'est normal qu'il y ait un petit peu de croissance, heureusement pour eux, mais la zone euro est en panne de croissance. Toutes les organisations internationales le disent le répètent, depuis des mois, le FMI, l'OCDE, enfin, tout le monde voit bien qu'il y a un problème zone euro, et donc c'est une réalité que de dire qu'au niveau de cette zone, un certain nombre de mesures doivent être prises, à la fois pour soutenir la demande et peut-être aussi pour faire évoluer la nature des endettements des Etats, qui plombe cette croissance, donc ça c'est pas contestable.
MATHILDE MUNOZ
Donc Arnaud MONTEBOURG a raison, il faut arrêter de dire, il faut mener à tout prix une politique d'austérité.
THIERRY MANDON
Mais ce n'est pas Arnaud MONTEBOURG qui a raison, le président de la République, le Premier ministre, Arnaud MONTEBOURG, tout le monde dit : c'est un enjeu capital ce week-end, il faut faire évoluer la politique européenne.
MATHILDE MUNOZ
Merci beaucoup, Thierry MANDON, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la simplification et vous étiez l'invité de FRANCE INFO ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 septembre 2014