Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à I-Télé le 27 août 2014, sur le remaniement gouvernemental et les relations entre le gouvernement et le groupe parlementaire du PS.

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Média : Itélé

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN est donc l'invité d'I-TELE ce matin. Bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Conseil des ministres tout à l'heure, à 10h. Il y a un bizutage qui est prévu pour les petits nouveaux ? Comment ça se passe ? Vous leur mettez quelque chose…
JEAN-MARIE LE GUEN
Non…
BRUCE TOUSSAINT
Vous leur sciez la chaise ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, d'abord, c'est le mobilier de la République, nous sommes très respectueux. Et ensuite, on sent bien, et c'est normal, d'ailleurs, moi-même, j'y ai participé il n'y a pas si longtemps que ça, il y a un peu de trac, un peu de… évidemment, on regarde un peu le décor, on essaie de comprendre, parce que c'est assez formel, quand même.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, d'ailleurs, on a entendu tout à l'heure deux des nouveaux ministres, Patrick KANNER et Thomas THEVENOUD, qui ne cachaient pas leur trac au moment d'aborder ces nouvelles fonctions.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous, vous allez prendre un petit coup de vieux, autour de la table, ça a rajeuni !
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, et ça, c'est vraiment une très, très bonne chose…
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez vu comment il est sympa, Christophe BARBIER !
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, non, mais il a raison, il a raison, je ne sais pas pour le coup de vieux, mais en tout cas, ça a rajeuni, vous avez raison, et moi, c'est quelque chose qui me va chaud au coeur, de voir cette génération, entre 30 et 40 ans ou la quarantaine, j'allais dire débutante, qui prenne des responsabilités très importantes, l'Economie, l'Education nationale. Une collègue de Paris, que je connais bien, Myriam El KHOMRI, qui vient prendre la politique de la ville, ce sont des gens de très grande qualité, et c'est un renouveau, et objectivement, on en a besoin, de la politique en général, et le Parti socialiste en particulier.
BRUCE TOUSSAINT
Alors cette nouvelle équipe resserrée, comme on dit, de clarté, a dit aussi le Premier ministre hier, elle met un terme finalement à une crise qui aura duré quelques jours, mais une crise grave !
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je ne sais pas si – elle était attristante – je ne sais pas si elle est grave, elle a abouti à un moment effectivement à un sentiment, à un malaise très profond, mais rien ne laissait véritablement présager ces éléments. Je pense qu'il y a eu des événements qui se sont précipités le week-end dernier, dimanche, pour avoir discuté avec Arnaud MONTEBOURG, l'avoir entendu, à la fois dans le collectif, et discuté avec lui, à titre personnel, je pense qu'il s'est passé dimanche des propos qui allaient bien au-delà de ce qu'il nous disait d'habitude.
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce qui s'est passé dans les jours précédents, Aurélie FILIPPETTI a évoqué dans sa lettre une réunion houleuse, on a parlé aussi de grandes tensions avec le Premier ministre. Vous dites : rien ne présageait, mais en même temps, il y avait quand même quelques signes !
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, c'est inexact, Aurélie FILIPPETTI a eu – vous le savez – pendant tout l'été des difficultés avec la question des intermittents…
BRUCE TOUSSAINT
Avec les intermittents…
JEAN-MARIE LE GUEN
Et c'était dur pour elle, bon, très bien. Mais pour le reste, nous avons toujours, je discutais vendredi encore avec Arnaud MONTEBOURG de la manière dont on allait programmer la loi qu'il voulait porter à l'Assemblée nationale, et si vous voulez, très clairement, on était sur le pacte de responsabilité, l'application du pacte de responsabilité, là où il y avait un vrai débat, et il y a toujours d'ailleurs un débat qui se pose à la société française, et au-delà en Europe, c'est la politique de l'Europe. Et c'est vrai que la situation est très mauvaise en Europe, on peut parler aujourd'hui presque de risque de déflation, de stagnation des économies, il y a besoin de relancer une politique européenne. Alors, fallait-il le faire d'une façon un peu tonitruante, comme le proposait Arnaud MONTEBOURG, faut-il le faire d'une façon plus diplomatique, comme le fait le président de la République ? Voilà ! On était entre…
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais vous êtes en train de nous dire que sur le fond, Arnaud MONTEBOURG n'a peut-être pas complètement tort…
JEAN-MARIE LE GUEN
Sur la politique française, j'ai été totalement stupéfait des critiques qu'il a portées, qui n'ont jamais été dans ses propos dans toutes les réunions que vous avez, et je ne suis pas le seul à pouvoir en témoigner. Donc il y a eu, je pense, dans son action, peut-être dans sa parole, des choses qui ont montré une évolution, peut-être un jeu tactique qui est allé trop loin.
CHRISTOPHE BARBIER
Les lois qu'on attendait, c'est-à-dire la fameuse loi pouvoir d'achat, mais aussi les attaques contre les professions dites réglementées…
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce n'est pas les attaques…
CHRISTOPHE BARBIER
Bon, la déréglementation…
JEAN-MARIE LE GUEN
Si vous voulez bien, c'est essayer de faire en sorte qu'on modernise…
CHRISTOPHE BARBIER
Ce n'est pas abandonné ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah, je ne vois pas de raisons, ces dossiers sont sur la table depuis des années, c'était d'ailleurs porté par Arnaud MONTEBOURG, mais ça avait été en son temps avancé par Jacques ATTALI, y compris sous le gouvernement de monsieur SARKOZY. Pourquoi ? Parce que, il s'agissait, et il s'agit toujours, de moderniser un certain nombre de professions, il s'agit aussi d'avancer sur le travail du dimanche. Sur ces questions-là, nous ne pouvons pas reculer. Et il faudra bien avancer parce que la nécessité de moderniser, de donner du pouvoir d'achat aux Français, de redonner du pouvoir d'achat, de moderniser, de faire en sorte que ces professions n'ont pas d'avenir sous une forme traditionnelle, il faut moderniser ces professions.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour réformer, il faudra trouver des majorités. Alors, deux questions : est-ce que vous allez, vous, changer de méthode ? Les frondeurs vous disaient trop brutal avant l'été, est-ce que vous allez être un peu plus doux ? Et deuxième question : est-ce que vous vous préparez à sortir le 49.3, le vote bloqué, quand il le faudra ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, texte après texte, nous avons été majoritaires, on nous promettait que jamais nous ne passerions, les fameux frondeurs, qui sont très souvent dans l'expression sur vos plateaux, étaient très minoritaires à l'intérieur du groupe…
CHRISTOPHE BARBIER
Une trentaine, une quarantaine…
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais oui, bien sûr, mais il y avait toujours une majorité de gauche pour voter ces textes, et il y aura demain…
BRUCE TOUSSAINT
Et là, vous avez commencé à faire les comptes, là, depuis deux jours, vous essayez de…
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je pense que, si vous voulez, les parlementaires se sont exprimés à quatre ou cinq reprises sur des votes tout à fait fondamentaux dans les axes du pacte de responsabilité. Il n'y a pas de raison que les choses changent. Les parlementaires sont des gens qui ont réfléchi en conscience, ce ne sont pas…
BRUCE TOUSSAINT
Y a-t-il un risque sur le vote de confiance du Premier ministre ? Hier, Manuel VALLS, hier soir, a dit : il n'y aura pas de souci, c'est de la méthode Coué ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je le crois, je pense, en responsabilité, il y a une très large majorité, d'abord, dans le groupe socialiste, plus de 80% des parlementaires socialistes se retrouvent dans les orientations du président de la République et du Premier ministre, et puis, plus largement, à l'Assemblée nationale. Et il y aura une majorité évidemment pour toute cette politique, et pour la confiance au Premier ministre.
CHRISTOPHE BARBIER
Et est-ce qu'il y a un risque sur le budget, où là, il pourrait y avoir des votes contre ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je n'imagine pas aujourd'hui que des parlementaires de la gauche socialiste puissent – enfin, du Parti socialiste – puissent voter contre des textes budgétaires. Et je pense qu'ils ne l'ont jamais fait et qu'ils ne le feront pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous allez faire patte douce quand même !
JEAN-MARIE LE GUEN
Maintenant, il faut bien être clair, il y a plusieurs politiques possibles dans ce pays, à gauche, on ne voit pas très bien où conduirait une politique de surenchère dans les déficits. Par contre, on voit ce qui existe, non seulement à l'extrême droite, je n'en parlerai pas, parce que ça serait trop long ce matin, mais ce que propose la droite, c'est-à-dire des efforts d'une politique très réellement antisociale, avec une casse des services publics ; si c'est ce que veut un certain nombre de parlementaires de gauche, alors, il faudra qu'ils prennent leurs responsabilités. Non, je suis assez confiant, je pense que, au-delà des événements, des péripéties, j'allais dire, pénibles, douloureuses même, nous allons avancer.
BRUCE TOUSSAINT
Vous n'excluez pas le 49.3 ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais le 49.3 fait partie des institutions de la 5ème République, il peut exister, mais nous n'en avons jamais eu besoin pour l'instant, je ne vois aucune raison d'avancer… nous aurons une majorité à l'Assemblée nationale, je vous le dis.
BRUCE TOUSSAINT
Alors l'un de vos nouveaux collègues s'appelle Emmanuel MACRON, voilà une personnalité qui fait la Une ce matin, 36 ans, ancien banquier, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée. Emmanuel MACRON qui remplace Arnaud MONTEBOURG, est-ce que ce n'est pas quand même une provocation à l'égard des frondeurs ?
JEAN-MARIE LE GUEN
D'abord, Emmanuel MACRON est un homme engagé politiquement, et il l'a fait en conscience, il a même fait des choix professionnels, comme vous l'avez dit, il a rejoint l'Elysée et François HOLLANDE, et ça lui a coûté une partie de carrière professionnelle. C'est un homme qui est salué y compris par Arnaud MONTEBOURG, je veux dire par-là, parce que je sais…
BRUCE TOUSSAINT
C'est vrai ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Moi, je sais qu'ils ont travaillé ensemble, de très près, que, contrairement à ce qui est un peu rapidement présenté, ce n'est pas une orientation dite sociale libérale, c'est des mots qui ne me choqueraient pas…
BRUCE TOUSSAINT
Ah bon ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Pas du tout. C'est une orientation plus complexe, où évidemment l'économie de marché a un rôle important, mais Emmanuel MACRON a toujours été aussi sur la nécessité d'avoir une intervention de l'Etat, qu'il faille baisser le coût du travail dans ce pays, qu'il faille une économie compétitive, qu'il faille redresser notre économie, on en est tous convaincus, et pas simplement Emmanuel MACRON. Enfin, sur l'anecdote dite de la banque ROTHSCHILD, je vous rappelle que nous avons un très bon ami au Parti socialiste qui a fait ses premières armes dans cette banque…
CHRISTOPHE BARBIER
Henri EMMANUELLI…
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est Henri EMMANUELLI, et donc vous voyez que, il y a matière à considérer que ce n'est pas parce qu'on est passé par cette banque qu'on est forcément très libéral, voilà.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un portrait d'Emmanuel MACRON dans Libération ce matin, Grégoire BISEAU a rencontré Emmanuel MACRON il y a quelques semaines, voici les propos qui sont tenus dans Libé : Le PS n'a toujours pas fait son aggiornamento idéologique, il n'y a jamais eu de renouveau idéologique profond, lui, le social libéral, croit, certes, à la régulation et à la solidarité, mais il fustige aussi une gauche CETELEM, qui vit à crédit et qui ne pense qu'à étendre ses droits à l'infini, voilà ce que dit Emmanuel MACRON !
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je le dis personnellement depuis des semaines et des mois avec mes amis du pôle réformiste, et il y a une majorité de parlementaires qui savent qu'on ne peut pas être cette gauche CETELEM, qu'est-ce qu'il veut dire par-là, c'est-à-dire une gauche qui fait et qui vit à crédit et qui fait du social à crédit, comme la France a été à crédit sous monsieur Nicolas SARKOZY. Donc c'est la conscience que nous avions. Et dans la campagne électorale de François HOLLANDE, je vous rappelle qu'il avait mis la maîtrise des déficits publics en premier point de ces… donc il n'y a aucune surprise. Simplement, s'il faut dire que la gauche doit se renouveler et que la France doit se réinventer et réinventer son modèle social, je le redis, nous le redisons, et c'est ce que nous faisons avec pragmatisme, avec volonté évidemment d'avancer, dans la justice. Notre pays a besoin de se redresser avec des réformes pour aller vers une France, un modèle social maintenu, mais réformé.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Jean-Marie LE GUEN. Merci d'avoir été avec nous ce matin sur I-TELE.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
BRUCE TOUSSAINT
Et Conseil des ministres tout à l'heure, 10h, à l'Elysée.Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 septembre 2014