Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, sur la coopération économique entre la France et la Tunisie, à Tunis le 8 septembre 2014.

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Circonstance : Ouverture de la Conférence internationale « Investir en Tunisie – ‘Start up' démocratie », à Tunis le 8 septembre 2014\

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre,
Cher Mehdi Jomâa,
Mesdames, Messieurs les Premiers ministres et ministres,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les représentants des gouvernements, organisations multilatérales, des institutions financières internationales, des Agences et des Fonds de développement et de coopération,
Mesdames et messieurs les représentants du secteur privé et des fondations,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis, ce que résume évidemment cette immense liste,
C'est un immense plaisir d'être parmi vous ce matin pour co-présider avec M. Mehdi Jomâa cette Conférence internationale de soutien à la Tunisie. Medhi Jomâa est l'un de mes premiers homologues que j'ai rencontrés après ma prise de fonctions en avril. Tout de suite, il m'a invité à venir en Tunisie, et tout de suite, j'ai bien sûr accepté. Car je tenais à venir ici pour saluer l'énergie et la persévérance déployées pour mener à bien transition politique et économique que les Tunisiens appellent de leurs vœux. Cette conférence, cela a été rappelé, est née d'une rencontre entre les Ministres des Affaires étrangères français et tunisien. Je veux à cette occasion remercier Laurent Fabius, dont l'affection qu'il porte à votre pays est bien connue. Je veux saluer également et très sincèrement les efforts menés conjointement par les deux coordonnateurs de cette Conférence, l'Ambassadeur Tahar Sioud et l'Ambassadeur Pierre Duquesne.
Pourquoi cette Conférence aujourd'hui ?
Parce que cela fait presque quatre ans que le cri de détresse de Mohamed Bouazizi a retenti. Ce fut un appel à la liberté, à la dignité et à la justice sociale, un appel qui a résonné à travers tout le pays et au-delà de ses frontières. Quatre ans après, la Tunisie peut être fière du chemin accompli, et plus encore au regard des violences, de l'extrémisme et du terrorisme qui frappent malheureusement d'autres pays de la région. A l'heure où le chaos menace la Libye, où la barbarie sévit en Irak et en Syrie, la Tunisie a besoin de tout notre soutien pour continuer d'avancer sur la voie de la démocratie.
Le Président de la République française, François Hollande, a tenu à venir ici à deux reprises en moins d'un an, d'abord en visite d'Etat en juillet 2013 puis de nouveau en début de cette année alors que la Constitution venait d'être adoptée par les représentants du peuple tunisien. Deux visites en un an, c'est exceptionnel. C'est la preuve de combien la France est aux côtés de la Tunisie et des Tunisiens.
Je veux bien sûr à mon tour saluer cette Constitution protectrice des droits fondamentaux, de la séparation des pouvoirs, de l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle est le résultat d'un compromis national, ce qui la rend plus exemplaire encore. Et je forme le vœu qu'elle soit, pour les Tunisiennes et pour les Tunisiens, le garant de leur cohésion, de leur unité, de leur prospérité.
La Tunisie est sur le point d'achever avec succès sa transition politique. Personne n'ignore les difficultés traversées durant ces quatre longues années. Le terrorisme a durement frappé, la Tunisie a parfois vacillé mais le courage des Tunisiens a toujours permis d'aller de l'avant. Et je veux, à ce titre, rendre hommage à tous ceux qui sont tombés pour la défense des libertés. Je pense notamment à Chokri Belaid et à Mohamed Brahmi, lâchement assassinés par les ennemis de la démocratie. La Tunisie a vacillé mais c'est sa force : elle a su dépasser les crises. Comme l'a fait François Hollande en février, je veux féliciter le Quartet, ces quatre organisations qui sont le symbole de la vivacité de la société civile tunisienne, une vivacité qui est d'ailleurs l'une des principales caractéristiques et l'une des principales forces de ce pays. Il faut également rappeler le sens des responsabilités et du compromis de l'ensemble des forces politiques tunisiennes. Elles ont su faire des choix difficiles mais indispensables. Bien sûr, nous en parlions ce matin, la bataille contre le terrorisme n'est pas terminée. Les menaces sont encore partout présentes. La France, et les pays amis de la Tunisie, sont donc mobilisés à vos côtés. Mais je veux insister sur ce point : la meilleure réponse face à la violence, face au terrorisme, c'est la poursuite permanente de votre quête de démocratie et de liberté, c'est la tenue des élections législatives et présidentielle, dans les semaines qui viennent. C'est au peuple tunisien de choisir ses représentants qui pourront alors mettre en œuvre cette aspiration collective à la justice sociale et réaliser les réformes dont la Tunisie a tant besoin pour relancer son économie.
La Tunisie achève donc avec succès sa transition politique. Et je ne doute pas qu'elle saura aussi, grâce à vous M. le Chef du gouvernement, réussir sa transition économique. Et c'est la raison de ma venue aujourd'hui à Tunis avec le Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et le Secrétaire d'Etat au Commerce extérieure et à la promotion du tourisme, Matthias Fekl.
Notre intention n'est évidemment pas d'arrêter ici le programme que mettront en œuvre les futures autorités élues. Il s'agit d'envisager avec vous des pistes de réformes, en d'autres termes de baliser la route, pour que le futur gouvernement démarre son action aussi rapidement que possible et dans les meilleures conditions. L'économie a souvent été la dimension occultée de cette période postrévolutionnaire. Les défis politiques étaient de taille. Mais ne nous y trompons pas, à terme ce sont les réformes économiques et sociales, et je sais Monsieur le Chef du gouvernement que c'est votre conviction profonde, qui permettront de répondre aux attentes de la population tunisienne.
Le temps est compté. Les difficultés économiques appellent des mesures, des projets et, plus généralement l'élaboration d'une nouvelle stratégie économique. Le gouvernement tunisien a besoin, aura besoin des efforts de tous, de tous les pays et institutions partenaires qui veulent croire en l'avenir prometteur, radieux avez-vous dit, de cette « start-up démocratie ». Il aura aussi besoin de tous les acteurs privés qui ont un rôle déterminant à jouer pour relancer l'économie. Je tiens à saluer l'extraordinaire capacité de l'économie tunisienne à faire face aux chocs.
On oublie souvent que la Tunisie a retrouvé une croissance satisfaisante dès 2012, une croissance supérieure même à celle de certains voisins proches et qu'envieraient sans doute beaucoup de pays européens aujourd'hui. L'économie tunisienne, c'est une réalité et c'est une promesse. La réalité tunisienne, c'est celle d'un pays qui a subi le choc d'une Révolution et ses soubresauts politiques et régionaux. La promesse, c'est celle d'un rythme de croissance élevé et rapide qui pourra être retrouvé lorsque les réformes économiques auront été mises en œuvre, notamment dans les domaines fiscal et bancaire.
Je me réjouis que Mehdi Jomaa et son équipe présentent aujourd'hui à la communauté internationale publique et privée les réformes amorcées et le socle d'un nouveau programme économique. Un programme qui a été élaboré à l'issue d'un dialogue fructueux, mené avec l'ensemble des composantes économiques et sociales de la société tunisienne. Oui, l'économie tunisienne, c'est une start-up, une entreprise d'avenir dans laquelle, à mon tour, je vous invite à investir. Je vous invite à lui faire confiance.
La France, parce qu'elle a confiance, continuera de se tenir aux côtés de la Tunisie dans cette transition économique.
Elle s'est mobilisée dans les enceintes multilatérales et européennes, pour plaider, inlassablement, en faveur d'une aide plus substantielle. Aujourd'hui, de nombreuses institutions financières européennes et internationales sont présentes, BUI, BERD, FMI, Banque mondiale, Banque africaine de développement… Je ne peux ici toutes les citer, mais je sais que chacune de ces institutions sait bien que la Tunisie traverse, oui un moment historique, et que nous devons tous l'aider. Et nombreuses le font déjà.
La France agit, avec l'Union européenne et je salue la présence du Commissaire Michel Barnier, l'Union européenne qui investit et mobilise ses outils financiers en Tunisie. Dès les lendemains de la Révolution en 2011, elle a su répondre aux besoins de financement immédiats de la Tunisie. La France se tient également aux côtés du peuple tunisien par son action bilatérale, par sa coopération. Le Président de la République a réaffirmé cet engagement avec force lors de sa visite d'Etat.
Il a annoncé à cette occasion une conversion de dette en investissements ainsi qu'une enveloppe financière substantielle de plus d'un demi-milliard d'euros, composée d'engagements de l'Agence Française du Développement mais aussi de prêts et de dons exceptionnels du Trésor français. Je me félicite que ces engagements fermes aient commencé à se traduire dans les faits. Nous sommes attentifs à leur pleine et rapide mise en œuvre.
La France s'est également engagée dans plusieurs accords de coopération afin de consolider de nouveaux partenariats équilibrés entre la France et la Tunisie et cela notamment dans les domaines agricoles, des énergies renouvelables mais aussi du numérique. Sur ce dernier sujet, la Déclaration d'intention pour une Alliance franco-tunisienne pour le numérique a déjà porté plus que ses promesses initiales. Plus de 30 partenariats ont d'ores et déjà été signés et je remercie la Tunisie d'accueillir la France comme invitée d'honneur du Salon international ICT4All qui se tiendra le 24 septembre à Hammamet, en présence de la Secrétaire d'Etat française, Axelle Lemaire.
Le soutien de la France, c'est aussi celui de ses entreprises. La délégation d'entrepreneurs qui m'accompagne prouve, si besoin était, que les entreprises françaises n'ont jamais cessé de croire en la Tunisie. La France demeure le premier partenaire économique et commercial de la Tunisie : 1er exportateur, 1er pays d'accueil des exportations tunisiennes, 1er pourvoyeur de touristes, même s'il doit être prudent sur ce sujet-là, il y a d'autres concurrents, mais aussi 1er investisseur, en stock comme en flux : les filiales des 1300 entreprises françaises présentes totalisent près de 130.000 emplois et la Révolution n'a rien inversé à ce phénomène. Ainsi, l'an dernier, ce sont 4000 emplois qui ont été créés en Tunisie par nos sociétés françaises intervenant dans les domaines de l'hôtellerie, de la banque, de l'agro-alimentaire, de la distribution ou encore de la papeterie. Les collectivités territoriales françaises ne sont pas en reste, si j'en juge par le dynamisme des projets de coopération décentralisée, nombreux prennent forme, y compris, je tiens à le souligner, dans des régions éloignées, qui ont un besoin urgent de se désenclaver et de se moderniser.
Cher Mehdi,
Je perçois dans nos entreprises, chez nos investisseurs, une forte envie de pouvoir s'engager davantage. Ce que tous attendent, au-delà de la facilitation de l'environnement des affaires, c'est l'aboutissement concret des nombreux grands projets : la modernisation du port de Radès et des infrastructures logistiques du pays, des stations d'épuration d'eau ou de traitement des déchets, des centrales électriques, l'ouverture de villages innovants dans les énergies renouvelables ou les TIC, ou encore l'ouverture du capital de sociétés et de banques locales.
Je sais que le Gouvernement tunisien a parfaitement pris la mesure de cette urgence et je ne doute pas que la seconde plénière de cet après-midi, dédiée aux infrastructures, saura répondre aux attentes de nos entreprises, dont plusieurs dirigeants se trouvent aujourd'hui avec nous.
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Ma visite aujourd'hui est un moment de travail. Mais elle est aussi un symbole. Si j'ai voulu effectuer mon premier déplacement en tant que Premier ministre, hors de l'Union européenne, ici en Tunisie, et je salue mes amis algériens et marocains, c'est pour rappeler la force des liens qui nous unissent et qui plus largement unissent l'Europe au continent africain, ce continent exceptionnel et d'avenir, qui unissent bien sûr les deux rives de la Méditerranée, et de ce point de vue-là nous avons ensemble tant à faire pour nos entreprises, pour nos peuples, et bien sûr pour notre jeunesse. Notre jeunesse, des deux côtés, des deux rives de la Méditerranée, représente sans doute l'atout le plus exceptionnel.
Ici à Tunis, la France sera demain à vos côtés, monsieur le Chef de gouvernement, tout comme elle sera aux côtés du peuple tunisien. La construction d'une démocratie est une entreprise exigeante mais passionnante. C'est un défi parce que la démocratie est toujours fragile. C'est vrai en Tunisie et c'est vrai en France. Et pour accomplir ce défi, la Tunisie peut compter sur ses amis. Et la France, Mesdames et Messieurs, est fière d'être au premier rang de ceux-ci.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 2014