Texte intégral
Lorsque j'ai pris mes fonctions hier et qu'il m'a été proposé de me joindre à vous pour clore votre université d'été, je n'ai pas hésité un seul instant, et c'est un premier contact qui en augure bien d'autres, pour vous dire toute l'importance que j'accorderai à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le cadre de mes fonctions.
Je sais en effet le rôle structurant que vous jouez dans le parcours des étudiants, leur acquisition de compétences et de connaissances, la construction de leur projet professionnel et parfois même de leur projet de vie, mais aussi parce que les universités sont porteuses de valeurs qui sont au coeur même de notre contrat social : la pensée libre, la co-existence des disciplines et le partage des savoirs.
Vous échangez depuis deux jours sur un thème qui, en tant que ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, m'est cher, et qui est cher à ce gouvernement : celui de la stratégie à bâtir pour l'université de demain. Il n'est pas de grand pays sans un grand dessein, et donc sans stratégie.
Prendre le temps de la réflexion stratégique, ne pas se laisser enfermer dans le court terme et dans les seules préoccupations de gestion, est essentiel.
La stratégie, c'est aussi connaître le rôle et la place de chacun pour permettre de bien articuler stratégie nationale, stratégie territoriale et stratégie d'établissement, pour reconnaître la spécificité et l'autonomie de chacun tout en s'inscrivant dans un cadre global clair et cohérent. Cela implique, je le sais, que l'État assume mieux son rôle d'État stratège et régulateur pour permettre à vos établissements de pleinement assumer leur autonomie. Il revient à l'Etat de fixer le cap, les objectifs pour la Nation, de décliner et de rappeler ce qu'est la mission de service public : l'accès et la réussite du plus grand nombre de jeunes à l'université, la réduction des inégalités sociales ou culturelles, le renforcement des interactions entre la science et la société.
Je souhaite que ces réflexions sur la stratégie de vos établissements associent largement les personnels, les usagers, les partenaires de vos établissements.
Vous l'avez évoqué lors de votre université d'été, la réflexion stratégique doit s'inscrire dans une approche de site, celle que vous construisez en ce moment et que l'Etat a fait le choix de renforcer. Notre souhait est que l'offre de formation d'un site soit lisible, cohérente et complémentaire et non plus élaborée en concurrence. C'est au regroupement d'établissements sur chaque site que la loi de juillet 2013 portée par Geneviève Fioraso a confié ce rôle de concertation, même si bien sûr les opérateurs gardent leur caractère autonome.
Le choix de l'Etat, ce n'est pas celui qui serait « le plus fort » ou « le plus gros », c'est celui de l'intelligence collective sur un site.
Sans doute avez-vous eu l'occasion, hier et aujourd'hui, d'évoquer ces sujets. A mon tour, à l'issue de vos travaux, je voudrais partager avec vous trois préoccupations.
I. l'importance de continuer à améliorer l'articulation et la transition entre lycées et universités, le fameux « -3 / +3 » : cette nécessité, je le sais, est déjà bien affirmée dans le cadre de la loi ESR. Il nous faut à présent le concrétiser : Oui, il faut davantage de bacs pros en sections STS (sections techniciens supérieurs), oui, il faut que l'accès aux IUT reste pleinement ouvert aux bacheliers technologiques. Oui, les choix d'orientation des jeunes vers le supérieur doivent être construits, mûris et ne pas être des choix par défaut. Ce travail s'inscrit pleinement dans un ministère confirmé autour de l'Education nationale et l'enseignement supérieur.
II. Seconde préoccupation que je souhaite évoquer avec vous : les chantiers communs qui nous attendent en matière de pédagogie, pour lever les verrous et tenir les engagements qui ont été pris lors de la Grande conférence sociale de cet été, que ce soit en matière de lutte contre les discriminations, d'apprentissage ou de formation des enseignants. Pour relever ces défis et je vous y sais attachés, il nous faudra une rénovation pédagogique ambitieuse qui redonne enfin à la pédagogie la place qu'elle mérite en lien avec la recherche au sein de vos établissements. Le numérique sera bien sûr l'un des leviers de cette rénovation mais il nous faut aller plus loin, collectivement, et je souhaite, en lien avec Geneviève Fioraso, que ce sujet soit un des sujets phares des années à venir.
III. Troisième préoccupation : la place du budget dans la stratégie de l'université de demain. Je ne méconnais pas à la fois la beauté de vos missions, mais aussi les difficultés qu'elles impliquent au quotidien, notamment en termes de gestion et plus particulièrement budgétaires. Ayez l'assurance qu'en tant que ministre de l'enseignement supérieur de la recherche, j'aurai une vigilance toute particulière sur le budget de l'enseignement supérieur comme sur celui de l'éducation nationale. La question du budget n'est d'ailleurs pas indépendante de celle de la stratégie : dans une situation budgétaire difficile pour notre pays, il est plus que jamais nécessaire de fonder les choix nécessaires sur une réflexion stratégique partagée au sein de vos établissements.
Ces trois préoccupations que je vous livre aujourd'hui ne sont bien sûr que le début des échanges fructueux que nous allons poursuivre ensemble dès à présent et dans les prochains mois, que ce soit dans le cadre de nos rencontres à venir que celui de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur qui sera débattue au Parlement. Cette stratégie sera bientôt l'occasion de montrer que des systèmes (écoles vs universités, public vs privé) que trop cherchent à opposer, de même que la relation entre public et privé, peuvent partager des objectifs communs, pour la réalisation de cette belle mission de service public de l'enseignement supérieur.
Je profite de ce premier échange pour remercier Sophie Bejean et Bertrand Monthubert pour le travail de préparation du débat large que nous allons avoir. Je vous invite à y contribuer sur la base du premier rapport qu'ils m'ont transmis.
Voilà en quelques mots, très brièvement, l'état d'esprit dans lequel je souhaite inscrire nos échanges. Je serai, avec Genevève Fioraso, à vos côtés pour faire en sorte que vos établissements soient au coeur de ce grand projet de passage de la société de la connaissance à la société apprenante, une société qui fait grandir sa jeunesse.
Je vous remercie et je vous dis à très bientôt.
Source http://www.cpu.fr, le 16 septembre 2014