Déclaration de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sur les efforts demandés aux chambres de commerce dans la politique de redressement des finances publiques, Paris le 18 septembe 2014.

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Circonstance : Assemblée générale extraordianire des Chambres de commerce et d'industrie (CCI), à Paris le 18 septembre 2014

Texte intégral

J'aurais pu prétexter la réunion que tient en ce moment même le Premier ministre avec l'ensemble du gouvernement pour ne pas venir, mais j'ai préféré demander à Manuel Valls l'autorisation de vous parler en personne aujourd'hui. Il me l'a accordée ;
J'ai voulu venir vous parler car je m'y étais engagé auprès de vos représentants, que j'ai reçus, avec Carole Delga, il y a une semaine à Bercy. Et je fais partie de ceux que leur parole engage, même lorsqu'elle est prononcée dans le secret d'un bureau. Je l'ai promis, donc je suis venu. Mais j'ai aussi voulu venir vous parler parce que je veux vous dire en face que je reconnais la difficulté des efforts que nous vous demandons, et parce que je souhaite vous en expliquer les raisons et les buts. Je n'ai aucunement l'intention de me retrancher derrière les arbitrages ou les textes de loi pour esquiver les sujets difficiles. Au contraire, quand l'heure est grave, il faut savoir tout se dire - le redressement est à ce prix ;
J'ai enfin voulu venir vous parler parce que je sais qu'au fond, au-delà des questions de financement - même si elles sont très importantes - vous et moi partageons une conviction très forte : l'entreprise doit être le moteur du redressement économique de notre pays. Et quand je dis « l'entreprise », je veux parler de toutes les entreprises - les petites et les grandes, les SCOP et les anonymes, les artisanales et les industrielles, celles qui vont bien et celles qui vont moins bien, celles qui exportent et toutes les autres. Or les missions que vous menez sont capitales pour les entreprises de notre pays, et votre rôle est essentiel pour la mise en oeuvre des grandes décisions prises depuis 2012, au premier rang desquelles le CICE et le Pacte de responsabilité et de solidarité. Pour le dire autrement, j'ai besoin de vous.
Et je veux donc vous dire la vérité, droit dans les yeux.
Oui, nous vous demandons des efforts considérables. Mais ces efforts sont absolument nécessaires.
Nécessaires, d'abord, parce que tout le monde fait des efforts et c'est la condition de l'efficacité du redressement de nos finances publiques que chacun y participe. Il n'aurait pas été possible que vous restiez en marge de ce mouvement, vous me l'avez d'ailleurs dit spontanément. L'Etat est en train d'accomplir un effort historique. La Sécurité Sociale, comme les collectivités territoriales, prennent elles aussi toute leur part dans le travail de réduction de la dépense publique.
Nécessaires, aussi, parce que vos établissements ont touché durant plusieurs années des ressources fiscales excédant vos besoins : entre 2002 et 2012, cette ressource a augmenté de 41%, avant de diminuer en 2014. Elle a augmenté, là où la dépense de l'Etat est gelée en volume depuis 2003 et en valeur depuis 2011. Vos fonds de roulement ont largement augmenté, jusqu'en 2012. Ce n'est évidemment pas un reproche que je vous fais. Ma conviction intime, c'est qu'il aurait été de la responsabilité de la majorité précédente de ne pas laisser perdurer cette situation et de vous inviter, plutôt, à participer à l'effort collectif de diminution de la dépense publique.
Les efforts que nous vous demandons sont donc doublement nécessaires : ils ont conduit le Gouvernement à choisir de prélever sur vos fonds de roulement 500 Meuros en 2015 et de diminuer le plafond des taxes pour frais de chambres de 213 Meuros pour cette même année. En réalité, compte tenu du prélèvement effectué l'an dernier, ces efforts représentent une diminution d'environ 4% par rapport au niveau de TFC effectivement perçu en 2014.
Je veux par ailleurs être très clair avec vous : la baisse du plafond des taxes pour frais de chambres, ce n'est pas « plus d'argent pour l'Etat ». C'est de l'argent que nous rendons aux entreprises. A travers les efforts que nous demandons, le Gouvernement est donc cohérent et poursuit deux objectifs absolument prioritaires : la réduction des déficits et la relance de l'activité.
Je ne cherche donc en aucun cas à minimiser l'effort important que nous demandons aux CCI. Mon devoir est en revanche de vous expliciter clairement les raisons qui ont conduit le Gouvernement à faire ces choix dans le contexte budgétaire que vous connaissez.
Ces choix, le Gouvernement les a opérés en connaissance de cause.
Notre principal objectif est bien entendu de permettre aux CCI, à la fois de participer à l'effort collectif, mais surtout de pouvoir continuer à effectuer de manière efficace leurs missions, dont l'intérêt et la pertinence sont reconnus.
Nous avons notamment veillé à tenir compte de la réalité et des situations locales : la taille des chambres de commerce et d'industrie, leur dynamisme et les situations auxquelles elles doivent faire face ont fait l'objet d'une attention particulière. Ainsi, malgré le niveau très conséquent atteint par la plupart de vos fonds de roulement, le projet du Gouvernement ne prévoit de ponctionner qu'une partie du fonds de roulement excédant quatre mois. Au final, une trentaine de CCI ne seraient pas concernées.
Toutefois, j'ai pleinement conscience que ces efforts auront un impact fort sur votre fonctionnement. Je sais que cela sera plus difficile de soutenir les entrepreneurs lorsqu'ils voudront créer leur structure, de former des apprentis et d'aider les entreprises qui tenteront de se développer à l'international. Il vous sera nécessaire de revoir vos manières de travailler et de vous organiser pour assurer vos missions.
Ce que je vous demande donc de faire, c'est d'être responsables dans la gestion des évolutions auxquelles vous allez avoir à faire face. Choisir la rationalisation, plutôt que les licenciements, comme vous le feriez d'ailleurs dans vos entreprises. Opter pour les regroupements, plutôt que pour la baisse des investissements. Pourquoi ? Parce que les missions que vous remplissez sont capitales pour assurer le dynamisme de notre économie, de nos entreprises et de nos territoires. Ils ont besoin de vos aéroports, de vos ports et de vos écoles ! Ne les en privez pas.
Il vous appartient donc de tout faire pour les renforcer et les consolider.
Je sais que vous avez réalisé des efforts depuis la réforme de la loi consulaire du 23 juillet 2010. Il est sans doute nécessaire d'aller plus loin, et notamment :
De rééquilibrer les activités marchandes déficitaires. Elles n'ont pas à être équilibrées par de la ressource fiscale, nous le disons avec constance depuis deux années ;
De prolonger vos efforts de rationalisation. A l'image de la réforme territoriale en cours, il est essentiel que vous engagiez un effort important de régionalisation. Il faudra notamment prêter une attention particulière à la situation des CCI des territoires ruraux et des territoires en difficulté. Je suis prêt à vous accompagner dans cette réflexion et à adapter en conséquence notre législation. Certaines chambres ont d'ores et déjà entrepris ce travail : prenez exemple sur elles !
De réorganiser vos priorités : vous êtes élus et vous votez vos propres budgets. Votre mission, c'est donc de hiérarchiser les actions que vous voulez conduire. Le Gouvernement a indiqué ses priorités, vous les connaissez : j'insiste, tout particulièrement sur l'apprentissage pour lequel le Président de la République a fixé un objectif de 500.000 jeunes en apprentissage en 2017. Cet objectif mobilisateur nécessite un engagement collectif de tous les acteurs publics et des mesures immédiates pour soutenir l'apprentissage ont été prises :
- Une campagne de communication sur l'apprentissage mise en oeuvre dès la rentrée 2014 par l'Etat ;
- 100 millions d'euros issus des fonds européens seront dédiés, sur 2 ans, à l'insertion professionnelle des jeunes et en particulier à l'alternance (accompagnement renforcé vers l'accueil en entreprise, financements de permis de conduire, premiers équipements professionnels, solutions d'hébergement) dans les 16 régions de France où le chômage des jeunes dépasse les 25%.
- 80 Meuros permettront de financer des nouvelles formations et d'augmenter les capacités d'hébergement dans le cadre des Plans d'Investissements d'Avenir ;
- Enfin, l'Etat a décidé de dégager 200 Meuros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (aide de 1000 euros par tête pour inciter à la première embauche d'un apprenti et stabilisation de la répartition de la taxe d'apprentissage afin de conforter le rôle des régions et de donner plus de marges aux entreprises et aux branches.)
Là encore nous sommes prêts à engager avec vous les réflexions qui s'imposent.
S'agissant de l'évolution des ressources budgétaires pour 2016 et 2017, des hypothèses ont été posées sur la table.
Au printemps prochain, nous ferons un point ensemble. Je m'engage aujourd'hui, devant vous, à réexaminer le cas échéant l'évolution de vos ressources budgétaires au vu du bon déroulement des évolutions budgétaires 2015, et notamment du prélèvement sur fonds de roulement ; du maintien de l'effort en matière de financement des structures d'apprentissage, des efforts de rationalisation de votre réseau que vous aurez engagés et de la mise en oeuvre de vos Contrats d'objectifs et moyen à venir.
Soyez assurés que nous partageons le même objectif : soutenir les entreprises de notre pays, afin de relancer l'activité, l'investissement et l'embauche. C'est le sens des efforts que nous vous demandons.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 22 septembre 2014