Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à I-Télé le 2 septembre 2014, sur la rentrée scolaire et les chiffres du chômage en août 2014.

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Média : Itélé

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous, ministre du Travail, de l'Emploi, du Dialogue social. Bon ! C'est un bon souvenir en général les rentrées scolaires pour vous ou c'était un moment de stress, comme pour beaucoup, beaucoup d'entre nous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonne question !
BRUCE TOUSSAINT
Un petit moment de sincérité et d'honnêteté.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oh ! Dites donc, je suis sincère quand j'essaie de répondre sérieusement à cette question. Ce n'est pas évident, je vous dis, je suis sûr de ce que je dis, j'étais heureux de retrouver les copains.
BRUCE TOUSSAINT
Vraiment ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Vraiment !
BRUCE TOUSSAINT
L'école c'est un bon souvenir, en général, pour vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Oui, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
J'étais plutôt bon élève, donc je n'avais pas trop d'angoisses, de stress à la rentrée scolaire, bon après il y a eu d'autres moments de stress oui.
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! Tant mieux si vous avez été épargné par ça, parce que pour beaucoup on le sait c'est évidemment un moment un petit peu…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! C'est vrai.
BRUCE TOUSSAINT
Un petit peu particulier, et surtout en cette rentrée où il y a une nouvelle organisation. Alors, la question est très simple : est-ce que véritablement il faut des sanctions pour les maires ou pour les communes qui refusent d'appliquer cette réforme des rythmes scolaires ? Est-ce que c'est vraiment nécessaire, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais c'est nécessaire dans l'intérêt des enfants eux-mêmes !
BRUCE TOUSSAINT
Oui !
FRANÇOIS REBSAMEN
Tout le monde l'a constaté, même l'ancien gouvernement et même Luc CHATEL, l'ancien ministre qui avait fait faire une étude et cette étude démontrait clairement que, s'il n'y avait pas une meilleure répartition du temps scolaire sur la semaine, les enfants apprenaient moins vite, moins bien ; et tout se joue, vous le savez pertinemment, dès la petite enfance.
BRUCE TOUSSAINT
Ca, c'est le fond de la réforme.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah ! Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Mais est-ce qu'il faut aller jusqu'à des sanctions ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien la loi…
BRUCE TOUSSAINT
C'est une autre histoire.
FRANÇOIS REBSAMEN
La loi c'est la loi, monsieur. Moi j'avoue ne pas comprendre que des maires qui avaient déjà les 5 jours avant, c'est-à-dire vous savez avant 2008 il y avait déjà le même rythme scolaire que celui que nous proposons aujourd'hui - ça été supprimé par Nicolas SARKOZY - on revient à ce qui existait avant et ils ne veulent pas, c'est quand même quelque chose d'assez…
BRUCE TOUSSAINT
Donc, il faut que cette loi soit appliquée partout…
FRANÇOIS REBSAMEN
Bien sûr !
BRUCE TOUSSAINT
Zéro exception.
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous savez si on commence à toucher aux rythmes scolaires, après on touchera aux programmes scolaires et, là, ce sera la fin de l'éducation nationale.
BRUCE TOUSSAINT
A propos d'école, regardez la une de Libération, ça cela va vous intéresser le ministre du Travail « ministre de l'Education cherche professeurs », c'est quand même fou, c'est ce que rappelle Libération, qu'on ne trouve pas… Là, il manque 7.000 postes, 7.000 postes qui n'ont pas été pourvus. Il y a du boulot, pourquoi est-ce qu'on ne trouve pas des personnes pour occuper ces postes…
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah ! Mais je m'éver…
BRUCE TOUSSAINT
Alors qu'il y a plus de 3,5 millions de chômeurs ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je m'évertue à dire cela. Vous savez qu'on a mis en place des formations prioritaires pour justement pouvoir répondre à ces offres d'emploi qui ne trouvent pas preneurs - parce que tout ça développe un état d'esprit très désagréable dans le pays, 350.000 offres d'emploi ne trouvent pas de preneurs aujourd'hui dans un pays qui compte 3.400.000 chômeurs, c'est quand même quelque chose d'insupportable - donc on a mis en place des formations prioritaires, ce qui fait qu'on aura enfin des salariés formés qui pourront correspondre aux postes qui sont proposés, nous l'espérons, 100.000 cette année et on en est à 58.000 formations aujourd'hui. Mais… Voilà ! Ca ce sont des choses que les gens ne comprennent pas, et c'est bien normal.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez rappelé ce chiffre 350.000 postes qui ne sont pas pourvus, au fond est-ce qu'il faut aller jusqu'à changer les règles d'indemnisation du chômage ou est-ce que c'est un tabou, comme les 35 heures ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oh ! Aujourd'hui, si on écoute bien ce qui se dit, tout est tabou. Mais moi je vais vous dire je pense qu'il faut renforcer les contrôles, quand on est chômeur - au sens du Bureau International du Travail – on recherche un emploi et donc c'est négatif pour ceux qui recherchent des emplois d'être à côté de personnes qui ne cherchent pas d'emploi, donc je demande à Pôle emploi de renforcer les contrôles pour vérifier que les gens cherchent bien un emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Et Pôle emploi a les moyens de renforcer ces contrôles ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Bien sûr 4.000 postes, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Concrètement ça représenterait quoi ? C'est plus de rendez-vous pour les demandeurs d'emploi, plus de coups de fil ? Enfin comment ça se passerait concrètement ce renforcement ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Un état d'esprit différent, des convocations et des vérifications.
BRUCE TOUSSAINT
Sinon ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Eh bien sinon on est radié, sinon on est radié – on peut se réinscrire d‘ailleurs après- mais il faut qu'il y ait à un moment une sanction. Il n'est pas possible dans un pays qui est en difficulté, qui veut se redresser, qui porte le travail, d'avoir des gens qui… alors il y en a, il y en a, ce n'est pas la majorité et je ne fais pas…
BRUCE TOUSSAINT
Non ! Mais 350.000 quand même.
FRANÇOIS REBSAMEN
Voilà ! Alors certains…
BRUCE TOUSSAINT
Alors ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Certains il y a des problèmes de salaires, il y a des problèmes d'adéquation, je le dis - c'est pour ça qu'on fait des formations prioritaires – mais moi je souhaite qu'on vérifie au sens du centre du Bureau International du Travail que les chômeurs cherchent du travail.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a quelques jours, le 30 août, vous avez reconnu un échec – c'est le mot que vous avez utilisé pour parler du chômage…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Depuis le début du quinquennat de François HOLLANDE. Alors il y a une expression qui est très célèbre et donc je vous pose la question avec cette formule : est-ce qu'on a tout essayé pour essayer de lutter contre le chômage ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, non, non. Non ! On n'a pas tout essayé, on ne peut pas dire ça, il y a toujours - comment dire - des formations à faire, des positions à prendre, des politiques d'emploi à renforcer... Mais vous savez le chômage est quand même la résultante du développement économique, donc la France n'est pas le pays le plus mal placé de l'Union européenne, le taux de chômage moyen dans la zone euro c'est 11,5 %, on a 9,7 en France métropolitaine, 9,7 % aux chiffres du BIT. C'est déjà énorme, mais il y a déjà eu plus en France, plus de 10 % de chômeurs par rapport à la population active. Donc c'est énorme, on se bat, mais bon ça n'a pas régressé et, donc, c'est un échec quand on… Alors ça ne veut pas dire qu'on baisse les bras, ça veut dire au contraire on réagit, on va plus fort, on va plus vite…
BRUCE TOUSSAINT
Bon ! Ca veut dire que déjà on évite de refixer des objectifs, parce que ça aussi ça été un échec de communication j'allais dire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je le pense ! Je le pense oui. Et puis, en plus, ça ne… je m'excuse, mais ça ne veut rien dire mensuellement si vous voulez, moi j'espère que le mois prochain il y aura une baisse du nombre d'inscrits à Pôle emploi mensuelle, je ne viendrai pas me glorifier si c'est mensuel, ça n'aura de valeur que quand ça sera plusieurs mois d'affilée.
BRUCE TOUSSAINT
Alors je ne sais pas si vous avez fait des cauchemars cette nuit après avoir lu Le Monde hier soir - parce que voilà la une du journal - et cette enquête du Bureau, enfin du Conseil d'analyse économique, qui dit : « et si la croissance ne repartait jamais ? », au fond est-ce que cette croissance molle, quasiment à zéro, n'est pas finalement une réalité pour les 10, 15, 20 prochaines années ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Moi je ne le crois pas, je ne le crois pas. Mais l'analyse qui a été faite… d'abord ne donne pas de chiffres, ils ont démenti ce matin…
BRUCE TOUSSAINT
C'est vrai !
FRANÇOIS REBSAMEN
Et vous ne l'avez pas fait.
BRUCE TOUSSAINT
Si ! Si, on l'a fait, absolument, mais…
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Mais là tout de suite, vous…
BRUCE TOUSSAINT
Ah ! A l'instant, pardon, oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous n'avez pas donné à l'instant de chiffres. Donc, ils ne donnent pas de chiffres. Mais c'est vrai que si l'Europe… parce que le problème n'est pas la France, c'est la zone euro, si l'Europe, si la zone euro ne réagit pas, n'investit pas, le risque avec une faible inflation c'est qu'on vive une période j'allais dire de stagnation à la japonaise où on aura une croissance molle effectivement, disons - de 1 %, 1 % et qui ne suffira pas à résorber le chômage. Donc pour ça il y a des leviers pour renforcer la croissance, c'est ceux que nous utilisons avec la formation, vous savez c'est… et là il y a une erreur d'analyse je le crois, la formation, l'éducation, l'innovation, la recherche, ce sont des formidables accélérateurs de croissance et c'est là qu'on est en retard.
BRUCE TOUSSAINT
La formation ça crée de la compétence…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui !
BRUCE TOUSSAINT
Mais ça ne crée pas forcément des emplois ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Mais la…
BRUCE TOUSSAINT
Si l'entreprise derrière est au point mort ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais la compétence ça crée aussi des entreprises, ça crée aussi une volonté de développement, et cette puissance, cette capacité intellectuelle ça crée l'innovation, donc tout est dans tout.
BRUCE TOUSSAINT
On a entendu pour la première fois ce matin, enfin plutôt on a pu lire Emmanuel MACRON – votre nouveau collègue de Bercy donc, le nouveau ministre de l'Economie – qui parle dans Ouest France et qui donne d'ailleurs… enfin qui dit qu'il attend beaucoup des entreprises, qu'elles montrent leur engagement dans la politique économique de la France, et puis surtout il donne sa définition, il dit : c'est quoi être de gauche ? Alors je vous le dis en quelques mots…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Je ne l'ai pas vu.
BRUCE TOUSSAINT
Et aussi pour tous ceux qui nous regardent : « Etre de gauche pour moi dit-il c'est être efficace, recréer des conditions pour investir, produire et innover, être juste pour que les efforts comme les gains soient équitablement répartis ; être de gauche c'est être responsable, c'est essayer de faire bouger les choses » et puis regardez ce qu'il dit aussi, il dit : « Il faut être de bon sens ! Si on ne produit pas, ma grand-mère m'a toujours dit qu'on n'avait pas grand-chose à distribuer ». Alors que vous disait votre grand-mère, François REBSAMEN, sur ces questions-là et est-ce que vous êtes d'accord avec la définition d'Emmanuel MACRON ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ecoutez ! C'est la formule d'Emmanuel MACRON, c'est quelqu'un qui a un souci de justice et de justice sociale, et effectivement ce qui est vrai c'est que pour redistribuer il faut d'abord produire, ça c'est quelque chose que tout le monde comprend, vous ne pouvez pas, sauf à vivre à crédit - et ce que fait notre pays depuis 1974, 1974, on n'est pas les seuls d'ailleurs, ça crée des bulles et après ça crée de la dette et il y en a beaucoup aujourd'hui.
BRUCE TOUSSAINT
François REBSAMEN il y aurait une bonne solution-là pour booster le monde du travail en France, ce serait de libéraliser le travail le dimanche ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Le travail le dimanche, je voudrais rappeler que le… Mais on n'en est pas sûr ! Ca été tenté dans certains pays - en Italie par exemple - et ça a détruit des emplois, ça en a créés mais ça en a détruits et on ne sait pas très bien le solde, donc il faut que ce soit clair. Le repos dominical c'est le principe, voilà, c'est le principe, le travail le dimanche ce n'est pas la généralisation, le repos dominical c'est le principe et il doit je crois et il peut y avoir des exceptions, des dérogations à ce principe du repos dominical et, quand il y a des dérogations, eh bien il faut en définir précisément les critères. C'est vrai que…
BRUCE TOUSSAINT
Ca concerne les zones géographiques, les zones touristiques ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est vrai que dans les zones ultra-touristiques, je vais dire ultra-touristiques, moi ça ne me choquerait pas, à condition qu'il y ait pour les salariés – parce que c'est quand même à eux qu'il faut penser, c'est eux qui vont travailler – des compensations et puis du volontariat. Je connais des patrons qui sont prêts à le faire, des enjeux qui sont prêts à être mis sur la table, je l'ai dit : « Venez ! Venez avec un accord et puis on verra un accord avec les partenaires sociaux par exemple…
BRUCE TOUSSAINT
Mais pourquoi annoncer que le gouvernement va agir par ordonnance, alors, sur ce sujet ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Parce que c'est quelque chose de très compliquée ! Le débat il doit avoir lieu de toute façon, il aura lieu - je ne connais pas encore le véhicule législatif, ça n'a pas été arrêté - mais de toute façon il faut qu'il y ait le débat et il y aura consultation des partenaires sociaux de toute façon…
BRUCE TOUSSAINT
Mais il n'y aura pas de débat parlementaire ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais si il peut y avoir un débat parlementaire dans le cadre de - si c'était le cas, ce n'est pas décidé – si c'était une loi d'habilitation, il y aurait débat parlementaire sur les principes qui seraient fixés dans la loi d'habilitation, c'est pour ça que je dis le repos dominical est le principe, c'est… Vous savez le rapport BAILLY, on ne va pas refaire un rapport, on ne va pas refaire un débat autour du rapport…
BRUCE TOUSSAINT
C'est ce que j'allais dire, il a eu lieu depuis un an et demi…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Mais le rapport BAILLY a été…
BRUCE TOUSSAINT
Et, François REBSAMEN, on ne comprend toujours pas vraiment quelle est la position du gouvernement sur ce sujet ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Si ! Je vous le dis, c'est… en clair, c'est dans ses grands axes, c'est le rapport BAILLY et le rapport BAILLY qui a été remis il a été approuvé dans sa très large majorité par l'ensemble des partenaires sociaux qui ont eu l'occasion de s'exprimer.
BRUCE TOUSSAINT
Mais il y aura, vous nous le confirmer ce matin, des ordonnances sur ce sujet…
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, je ne sais pas si ça prendra la forme d'ordonnance ou si ça sera une loi qui suscitera un large débat, le principe n'a pas été arrêté. Je rencontre Emmanuel MACRON cette semaine - c'est lui qui va porter j'allais dire dans le cadre de cette loi – donc je le vois cette semaine pour que nous en discutions et de voir comment les dérogations, les dérogations au repos dominical peuvent être accordées et dans quel cadre, dans le cadre de sa loi, voilà dans quel véhicule on choisira.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 septembre 2014