Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur la lutte contre le groupe terroriste Daech en Syrie, à New York le 24 septembre 2014.

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Circonstance : Déplacement à New York (Etats-Unis) pour la semaine ministérielle de l’assemblée générale des Nations unies, du 21 au 26 septembre 2014

Texte intégral

Chers Amis,
Je ferai rapidement trois séries de remarques.
La première c'est qu'en Syrie, la communauté internationale doit affronter non pas un seul ennemi mais deux, qui sont, d'une certaine façon les deux faces d'une même pièce. En effet, la barbarie de Daech ne doit pas nous faire oublier celle de Bachar Al-Assad, dont, d'une certaine manière, elle procède. N'oublions pas en effet que c'est le régime qui a fait de ce groupe ce qu'il est en l'instrumentalisant pour faire barrage à ceux qui voulaient modifier le régime. Il lui a donné ses dirigeants, à l'époque opportunément libérés des geôles syriennes. Il a évité pendant trois ans de bombarder ses camps, il a fait commerce avec lui, et sans doute continue-t-il de le faire pour l'achat de pétrole au rabais, toutes actions illégales au regard de la résolution 2170 adoptée par le Conseil de sécurité. N'oublions pas non plus, personne ne le fait ici, que c'est le régime qui a d'une certaine façon livré la Syrie, en tout cas une partie d'entre elle, à Daech, par sa politique de la terre brulée, qui a conduit à près de 200.000 morts et qui a évidemment aliéné au régime syrien des populations décimées, torturées, affamées. Pour répondre sur le long terme à la menace posée par Daech en Syrie, comme pour aider à la résolution d'une crise politique qui a pourri dans le sang de la répression syrienne, le chemin, on le connaît : c'est celui d'une transition politique véritable qui a été tracée par le Communiqué de Genève et qui reste le nôtre. Mais ma première remarque fondamentale c'est qu'il y a deux adversaires et pas un seul.
Ma deuxième remarque, sur laquelle j'en suis sûr nous sommes tous d'accord, c'est qu'il est plus temps que jamais d'agir. La France comme d'autres a appelé à l'action depuis maintenant trois ans. Mais il faut reconnaître que la passivité de la communauté internationale a nourri le chaos provoqué par Bachar Al-Assad et d'une certaine manière a permis cette radicalisation. Et voilà qu'enfin, à la demande du gouvernement irakien, une alliance se constitue. Les frappes ont lieu contre Daech. La France y contribue activement dans le cadre d'un partage des tâches. Et en Syrie nous avons décidé d'accroître notre soutien à l'opposition démocratique ici représentée par le président de la Coalition nationale syrienne Hadi Al-Bahra. Ce soutien est et sera politique, financier et matériel. Et nous avons décidé d'accélérer nos actions de formation et la fourniture d'équipements à l'opposition sur le terrain. Mais pour mener à bien cette tâche indispensable, il faut à la fois que nous, de notre côté, les partenaires de la coalition, nous agissions pour stabiliser les zones contrôlées par l'opposition. Parce que, si nous voulons lutter contre Daech, il faut empêcher son implantation, donc répondre aux demandes matérielles de populations privées de tout. Mais, j'ajouterais, j'espère ne pas vous choquer, qu'il faut qu'un certain nombre d'ambiguïtés que nous avons connues dans le passé stoppent. Daech en effet bénéficie d'un flux de financement privé. Il bénéficie de la vente du pétrole, qu'il contrôle largement en Syrie. Il y a des colonnes de camions qui délivrent ce pétrole, y compris au régime syrien. Et donc nous avons la responsabilité, tous, sans ambiguïtés, de faire cesser ce phénomène. Je viens de la réunion élargie du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'État et de gouvernements qui discutent de la façon de lutter contre les combattants étrangers. Mais c'est une action d'ensemble qu'il faut avoir. Et je le répète, sans aucunes ambigüités.
Ma troisième et dernière remarque, c'est que tout cela nous devons le faire en étroite coordination avec l'opposition syrienne démocratique. Hier le président français a rencontré le président de la Coalition nationale syrienne pour un échange approfondi et nous lui avons réitéré le soutien de la France, qui a été l'une des premières, peut-être même la première à reconnaitre cette coalition, de saluer son courage, puisqu'elle doit agir dans des conditions très difficiles. Et lui dire en même temps que nous comptons sur elle pour peu à peu parvenir à un certain nombre de distanciations et avec notre concours, à agir de plus en plus concrètement sur le terrain au profit des populations. Nous serons d'autant plus efficaces pour la soutenir qu'elle parviendra à se structurer. Votre responsabilité, Monsieur le Président, est extrêmement lourde mais vous avez décidé avec courage de vous engager. Je pense que si tous ici, nous sommes à vos côtés, c'est une tâche qui prendra du temps, mais qui ne peut mener qu'à un succès et qui se traduira en fin de compte à un changement politique nécessaire pour répondre aux attentes des Syriens et permettre de rétablir l'unité et la stabilité de la Syrie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 septembre 2014