Entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, dans "la Dépêche" du 30 septembre 2014, sur les relations franco-chinoises.

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Média : La Dépêche du Midi

Texte intégral

Q - Le 27 janvier 1964, le général de Gaulle décidait d'établir officiellement des relations avec la Chine. Quel était alors l'enjeu de ce processus diplomatique ?
R - À l'époque de la guerre froide, cette décision n'allait pas de soi. La Chine de Mao, appartenant au bloc communiste, était largement ignorée ou boycottée. Or, culturellement, démographiquement, économiquement, politiquement, c'était un pays que l'on ne pouvait plus laisser en marge de nos relations diplomatiques. La France a été le premier grand pays occidental à nommer à Pékin un ambassadeur de plein exercice. Cela relevait, comme le disait le général de Gaulle, «de l'évidence et de la raison». J'ajoute que cela relevait aussi du courage.
Q - Il s'agissait à l'époque d'une démarche visionnaire qui plaçait notre pays aux avants postes des relations entre la Chine et l'Occident. La France conserve-t-elle aujourd'hui l'avance qu'elle avait prise alors ?
R - Les Chinois ont une mémoire longue : la France bénéficie d'une position particulière. Les faits parlent : en avril 2013, le président de la République française est le premier chef d'État européen reçu en visite officielle par le nouveau président chinois Xi Jinping, que nous avons accueilli en France au printemps dernier. Personnellement, j'en suis à ma huitième visite en Chine depuis deux ans. Cela reflète la dynamique des relations entre nos deux pays.
Q - Quelle est la nature des relations que nos deux pays continuent d'entretenir aujourd'hui, un demi-siècle après l'acte fondateur du 27 janvier 1964 ?
R - Nos relations sont excellentes. Elles couvrent des domaines divers et stratégiques : nucléaire civil, transport, aéronautique, automobile, éducation, science, santé, échanges humains facilités par des visas désormais délivrés en 48 heures, etc. Nous continuons à approfondir cette relation : cette année, de très nombreux événements culturels célèbrent le cinquantenaire.
J'invite vos lecteurs à consulter le site internet france-chine50.com pour s'en rendre compte, et y participer !
Q - En 1997, la relation franco-chinoise a été qualifiée de «partenariat global». Quels ont été les résultats de cette évolution et quels sont les progrès qui restent à accomplir ?
R - Notre partenariat stratégique global structure nos relations. Tous les sujets sont abordés. Mais nous devons encore progresser, notamment dans nos relations économiques : la France, malgré la forte présence de nos entreprises et de nos produits, enregistre un lourd déficit commercial. Il faut rééquilibrer nos échanges par le haut.
Q - Comment la France exporte-t-elle en Chine l'aéronautique et le nucléaire civil, deux fleurons de son industrie ?
R - Notre coopération dans ces domaines est excellente : Airbus, Eurocopter ou, dans le domaine du nucléaire civil, EDF et Areva. Depuis ces vingt dernières années, l'industrie française a pris une part majeure dans la réalisation du parc de centrales nucléaires civiles chinoises (centrales de Daya Bay, Ling Ao). La construction de deux centrales EPR à Taishan a permis également de renforcer ce partenariat dans la durée. Et nous sommes ensemble également au Royaume-Uni.
Q - Quels nouveaux leviers économiques et industriels faudrait-il actionner pour tenter de rééquilibrer la balance commerciale entre nos deux pays ?
R - Notre présence économique en Chine repose sur plus de 1400 entreprises françaises : cela contribue au rééquilibrage de nos relations économiques et commerciales, qui pourraient encore être dynamisées par une plus grande ouverture de la Chine, notamment s'agissant de l'accès aux marchés publics, et en matière de protection de la propriété intellectuelle. Il faut augmenter ce nombre et favoriser l'activité de nos moyennes entreprises. De nouveaux domaines doivent être couverts : agro-alimentaire, santé, ville durable, etc. Le tourisme chinois représente aussi un potentiel extraordinaire pour notre territoire. Et il nous faut accueillir davantage d'investissements chinois en France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2014