Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le rayonnement culturel de la France dans le monde, à Paris le 8 octobre 2014.

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Circonstance : Remise du «Grand prix du rayonnement français 2014», à Paris le 8 octobre 2014

Texte intégral

Madame la Sénatrice Garriaud-Maylam,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Amis,
Madame la Sénatrice, je veux tout d'abord vous féliciter de cette initiative. Il est vrai que, représentant les Français de l'étranger, il était légitime que vous soyez sensible au paradoxe que vous avez très justement décrit.
Il est vrai qu'il faut souvent que les Français eux-mêmes sortent de France pour que, y revenant ensuite, ils disent - c'est une phrase que l'on entend sans cesse mais sans arrogance -, la France est quand même le plus beau pays du monde.
Après tout, par un réflexe de simplicité, il serait préférable qu'ils le pensent sans avoir besoin d'aller à l'extérieur.
Je veux vous remercier d'autant plus d'avoir choisi ces murs pour abriter cette cérémonie que vous avez employé une expression extrêmement juste : le rayonnement de notre pays est multifacettes. C'est exactement de cela qu'il s'agit et c'est à cela que je voudrais consacrer mon court propos.
Nous sommes au ministère des Affaires étrangères et pendant très longtemps - c'était la ligne de Talleyrand et de quelques autres - on a considéré que cette maison était uniquement la maison de la grande diplomatie. Mais la grande diplomatie, pour importante qu'elle soit, a beaucoup de facettes surtout dans le monde contemporain.
Qu'est-ce qui fait le rayonnement de la France ? Ce que l'on appelle les grands choix de politique étrangère, bien sûr, et là il n'y a pas encore de prix du rayonnement pour cela, notre action militaire, mais au fond, ce qui fait notre caractéristique singulière, ce sont ces facettes dont vous avez parlé.
La francophonie, la langue française : 300 millions de locuteurs, avec le développement de l'Afrique dans quelques années, 600 ou 700 millions. La langue française n'est pas simplement une langue, ce sont des valeurs que cette langue porte avec elle et cela fait partie de notre rayonnement.
L'économie : quand je suis arrivé ici, peut-être avais-je un certain tropisme économique, mais j'ai tout de suite mis l'accent sur la diplomatie économique et cela pour une raison simple, c'est que si l'économie française n'est pas forte. On a beau avoir des idées diplomatiques excellentes, un jour, un beau jour ou plutôt un triste jour, l'un de mes interlocuteurs au conseil de sécurité des Nations unies me dira une phrase que l'on entend plutôt chez les psychanalystes : «Cher Ami, d'où parlez-vous ?» S'il n'y a pas une économie puissante, il ne peut pas y avoir de diplomatie puissante.
C'est la même chose en matière de tourisme. Je voudrais d'ailleurs que vous étendiez la liste de ces prix du rayonnement car j'ai noté qu'à chaque fois que vous l'étendez, la compétence du ministère des Affaires étrangères s'étend aussi. Cela fait quelques mois que le tourisme, secteur passionnant s'il en est, est attaché à cette maison. C'est vrai, c'est une évidence, les premiers ambassadeurs, je ne veux pas être désagréable pour les ambassadeurs français qui sont ici ni pour les ambassadeurs étrangers en France mais les premiers ambassadeurs sont les touristes. Un touriste qui est satisfait et qui revient dans son pays est le meilleur ambassadeur. Un étudiant étranger qui vient en France et qui est satisfait de ses études à la fois de ses résultats et des personnes qu'il a côtoyées, sera toute sa vie notre meilleur ambassadeur.
Le tourisme est donc un élément fondamental qui crée beaucoup d'emplois qui ne sont pas délocalisables et qui apportent beaucoup de ressources.
La gastronomie : nous allons d'ailleurs pratiquer cela dans un instant si j'ai bien compris, c'est aussi un ambassadeur formidable. Je parlais de Talleyrand. On raconte une anecdote où il va en enfer et le diable qui l'accueille lui dit : «Prince, vous avez dépassé mes instructions.»
Au-delà, Talleyrand qui a été ministre mais qui fut aussi ambassadeur disait deux phrases à propos de la gastronomie : «Le meilleur auxiliaire d'un diplomate, c'est son cuisinier.»
Il avait été ministre des Affaires étrangères, mais ensuite, compte tenu des évolutions de la carrière, il était redevenu ambassadeur. Il avait d'ailleurs plus de puissance que son ministre. Il faut que je me méfie, il avait un ministre qui lui envoyait tout le temps des instructions. Un jour il avait eu cette phrase extraordinaire : «Monsieur le Ministre, envoyez-moi moins d'instructions et plus de casseroles.»
Je suis absolument persuadé que la gastronomie est un ambassadeur extraordinaire.
L'humanitaire : la France n'est pas seulement une économie, des armées, une diplomatie stratégique, le tourisme, des paysages, un patrimoine, la France, ce sont des principes. La Révolution française, c'est une certaine idée de la liberté, de la fraternité et donc aussi de l'humanitaire.
Ce sont toutes ces facettes qui font le rayonnement de la France.
Donc, merci Chère Amie Sénatrice d'avoir non seulement inventer avec le jury ce prix, merci de lui avoir donné une extension, une expansion qui correspond à ce qu'est une diplomatie, c'est-à-dire une diplomatie globale.
D'ailleurs, je songe à changer de nom, non pas à titre personnel mais le ministère des Affaires étrangères est devenu, de fait, le ministère de l'Action extérieure et pourquoi pas du rayonnement extérieur.
Il n'y a pas de différence entre l'intérieur et l'extérieur puisque désormais tout est mondial.
Maintenant, passons aux lauréats et aux lauréates qui vont recevoir leur prix et les félicitations.
Le rayonnement, je ne suis pas très calé en physique mais je sais que l'on invente maintenant des lampes nouvelles que l'on appelle des «leds».
Ce que je leur souhaite, ce que je vous souhaite, et je suis persuadé que ce sera le cas, ce ne sera pas simplement l'éclat d'un instant. Je souhaite que votre rayonnement soit durable et que vous contribuiez durablement, comme vous l'avez fait dans toute votre vie, au rayonnement de la France. La France n'est pas une abstraction, ce sont des femmes et des hommes dans le passé, aujourd'hui et demain qui permettent que nous soyons ce que nous sommes.
Merci Madame la Sénatrice de nous avoir ainsi rassemblés et bravo aux lauréates et aux lauréats qui montrent que, le rayonnement quand on parle de la France, ce n'est pas simplement une idée théorique ce sont des hommes et des femmes qui illustrent magnifiquement ce qu'est notre pays.
Bonne cérémonie.
Remise du Grand prix à Mme Jacqueline Franjou :
M. Poivre d'Arvor disait à l'instant qu'il n'y avait pas de grand prix spécifiquement culturel, et bien si, parce que le grand prix que je vais remettre dans un instant couvre largement la culture. La culture entendue avec une certaine profondeur : La culture ce n'est pas un divertissement, c'est un avertissement. C'est un avertissement que l'autre existe, que le monde existe, que d'autres thématiques que les nôtres existent et au fond, c'est le point commun à tous ceux qui sont là qui non seulement ont compris intellectuellement mais dans leur vie ont traduit le fait que l'autre existe et qu'il faut s'ouvrir à lui et lui donner des chemins.
C'est probablement cela le rayonnement français.
La lauréate du grand Prix du rayonnement français 2014 que je vais appeler dans quelques instants à me rejoindre sur scène mais dans la mesure où il s'agit d'une femme et que nous sommes au premier rang, le suspens n'est pas insoutenable.
Vous êtes inclassable Madame, vous appartenez au monde de l'art, de la culture, des médiats, de la communication, des entreprises et d'autres choses que sans doute je ne connais point.
Vous êtes très investie au plan international. Depuis 2010, vous êtes la présidente directrice générale de ce que l'on appelle en bon français «The Women's forum for the Economy and the Society». C'est une organisation qui, à l'initiative d'un grand groupe, Publicis, met en avant la vision des femmes sur les sujets économiques et sociaux.
À travers des forums, au Japon, au Brésil, en Birmanie, en Italie, à Bruxelles à Dubaï, ce groupement est désormais l'événement international de référence.
La lauréate de 2014 est également, c'est quelque chose que beaucoup d'entre nous savent ici, la co-fondatrice du célèbre festival du théâtre de Ramatuelle que vous avez très brillamment animé pendant 30 ans aux côtés de Jean-Claude Brialy qui serait heureux s'il était là parce que la notion de rayonnement voulait pour lui aussi dire quelque chose. C'est un théâtre que vous présidez encore aujourd'hui aux côtés de Michel Boujenah.
Sans plus attendre, j'appelle à me rejoindre celle qui est aussi la présidente de l'association internationale «Figure de paix» et qui va recevoir ce grand Prix, Madame Jacqueline Franjou.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2014