Texte intégral
Q - Comment accueillez-vous la décision de rendre public le mandat de négociation ?
R - C'était ma première demande après ma nomination auprès de Laurent Fabius. Un accord a été obtenu. Notre mobilisation a payé. La semaine prochaine à Rome avec mes homologues européens, j'évoquerai de nouveau ce sujet de la transparence des négociations commerciales. Il ne peut plus y avoir de négociations opaques. Les Parlements doivent avoir un droit de regard sur ces mandats, et les négociations doivent faire l'objet de comptes rendus réguliers. Nous devons aussi associer très largement la société civile aux étapes de cette négociation.
Q - Comment ?
R - Depuis deux ans, le gouvernement a fait le choix du dialogue. On peut encore améliorer nos instances. C'est pourquoi ma deuxième décision a été de refonder le comité de suivi stratégique du partenariat transatlantique. Il se composera désormais de deux collèges : l'un pour les parlementaires, l'autre pour la société civile. Des syndicats, des associations comme Attac feront donc désormais partie de ce comité de suivi. Je le réunirai à la fin du mois d'octobre.
Q - Ils veulent la fin des négociations...
R - Certaines peurs sont justifiées, d'autres non. Mettons les choses sur la table et ouvrons le débat. Il faut que les opinions publiques soient associées aux négociations. Que tout soit clair. Il est normal de mettre de la démocratie dans les négociations commerciales.
Q - Sous quelle forme ?
R - Je n'ai aucun a priori. Il faut donner accès à l'information, à l'état des lieux des négociations. Que les citoyens soient informés ! C'est le sens de la refonte de ce comité.
Q - N'est-ce pas illusoire de vouloir autant de transparence ?
R - Si les Européens sont les seuls à dévoiler leurs objectifs stratégiques de négociation, ce serait bien sûr contre-productif. Ce sujet doit donc être porté à l'agenda européen mais surtout international. J'ai eu de premiers échanges intéressants à Bruxelles. Il y a, dans de nombreux pays, et pas seulement européens, une maturité démocratique des sociétés civiles qui s'emparent de sujets, les connaissent et ont envie de s'impliquer.
Q - À quelles conditions la France signera-t-elle ce traité ?
R - Nous sommes encore loin de la signature. Je pense qu'il faut se laisser du temps, celui du débat démocratique. Le président de la République et le Premier ministre ont tracé des lignes rouges : diversité culturelle, services publics, secteur audiovisuel, agriculture, alimentation, préférences collectives en général. Pour la France, tout n'est pas négociable.
Q - La France a-t-elle chiffré ce qu'un tel accord peut lui rapporter ?
R - Il n'existe pas de chiffrages incontestables, mais nous avons des intérêts offensifs forts. Je pense d'abord à l'accès aux marchés américains, y compris au niveau des États fédérés : ce serait un levier de croissance très important. Nous sommes aussi compétitifs sur certains secteurs pour lesquels il existe encore des barrières tarifaires assez élevées : produits laitiers, textile... Les États-Unis ont une économie très dynamique, et nous pourrions bénéficier de leur demande. Un accord bien négocié pourrait être bénéfique à nos PME.
Q - Quelle est la position de la France sur les «tribunaux arbitraux» ?
R - Une consultation est en cours au niveau européen. On connaîtra ses résultats en novembre. J'y serai très attentif. De nombreuses questions de fond sont posées : droit des États à réguler, accessibilité de la justice, indépendance des arbitres...
Les sociaux-démocrates allemands ne veulent pas des tribunaux arbitraux, notamment dans l'accord EuropeCanada (Ceta)...
Ces dispositifs ne sont pas nouveaux : ils existent dans de nombreux accords bilatéraux signés par la France elle-même, car c'est notre intérêt de défendre nos investisseurs. C'est un élément de complexité dans ce débat. Si l'on regarde secteur par secteur, le Ceta est positif pour l'économie française : il permettra notamment, s'il est adopté, un accès aux marchés publics canadiens, y compris au niveau des marchés fédérés. C'est une première. Il protégera les productions françaises grâce à 42 indications géographiques françaises reconnues. Ce sont des avancées substantielles, parmi d'autres. Mais la question de l'arbitrage investisseurs-États est clairement sur la table.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2014
R - C'était ma première demande après ma nomination auprès de Laurent Fabius. Un accord a été obtenu. Notre mobilisation a payé. La semaine prochaine à Rome avec mes homologues européens, j'évoquerai de nouveau ce sujet de la transparence des négociations commerciales. Il ne peut plus y avoir de négociations opaques. Les Parlements doivent avoir un droit de regard sur ces mandats, et les négociations doivent faire l'objet de comptes rendus réguliers. Nous devons aussi associer très largement la société civile aux étapes de cette négociation.
Q - Comment ?
R - Depuis deux ans, le gouvernement a fait le choix du dialogue. On peut encore améliorer nos instances. C'est pourquoi ma deuxième décision a été de refonder le comité de suivi stratégique du partenariat transatlantique. Il se composera désormais de deux collèges : l'un pour les parlementaires, l'autre pour la société civile. Des syndicats, des associations comme Attac feront donc désormais partie de ce comité de suivi. Je le réunirai à la fin du mois d'octobre.
Q - Ils veulent la fin des négociations...
R - Certaines peurs sont justifiées, d'autres non. Mettons les choses sur la table et ouvrons le débat. Il faut que les opinions publiques soient associées aux négociations. Que tout soit clair. Il est normal de mettre de la démocratie dans les négociations commerciales.
Q - Sous quelle forme ?
R - Je n'ai aucun a priori. Il faut donner accès à l'information, à l'état des lieux des négociations. Que les citoyens soient informés ! C'est le sens de la refonte de ce comité.
Q - N'est-ce pas illusoire de vouloir autant de transparence ?
R - Si les Européens sont les seuls à dévoiler leurs objectifs stratégiques de négociation, ce serait bien sûr contre-productif. Ce sujet doit donc être porté à l'agenda européen mais surtout international. J'ai eu de premiers échanges intéressants à Bruxelles. Il y a, dans de nombreux pays, et pas seulement européens, une maturité démocratique des sociétés civiles qui s'emparent de sujets, les connaissent et ont envie de s'impliquer.
Q - À quelles conditions la France signera-t-elle ce traité ?
R - Nous sommes encore loin de la signature. Je pense qu'il faut se laisser du temps, celui du débat démocratique. Le président de la République et le Premier ministre ont tracé des lignes rouges : diversité culturelle, services publics, secteur audiovisuel, agriculture, alimentation, préférences collectives en général. Pour la France, tout n'est pas négociable.
Q - La France a-t-elle chiffré ce qu'un tel accord peut lui rapporter ?
R - Il n'existe pas de chiffrages incontestables, mais nous avons des intérêts offensifs forts. Je pense d'abord à l'accès aux marchés américains, y compris au niveau des États fédérés : ce serait un levier de croissance très important. Nous sommes aussi compétitifs sur certains secteurs pour lesquels il existe encore des barrières tarifaires assez élevées : produits laitiers, textile... Les États-Unis ont une économie très dynamique, et nous pourrions bénéficier de leur demande. Un accord bien négocié pourrait être bénéfique à nos PME.
Q - Quelle est la position de la France sur les «tribunaux arbitraux» ?
R - Une consultation est en cours au niveau européen. On connaîtra ses résultats en novembre. J'y serai très attentif. De nombreuses questions de fond sont posées : droit des États à réguler, accessibilité de la justice, indépendance des arbitres...
Les sociaux-démocrates allemands ne veulent pas des tribunaux arbitraux, notamment dans l'accord EuropeCanada (Ceta)...
Ces dispositifs ne sont pas nouveaux : ils existent dans de nombreux accords bilatéraux signés par la France elle-même, car c'est notre intérêt de défendre nos investisseurs. C'est un élément de complexité dans ce débat. Si l'on regarde secteur par secteur, le Ceta est positif pour l'économie française : il permettra notamment, s'il est adopté, un accès aux marchés publics canadiens, y compris au niveau des marchés fédérés. C'est une première. Il protégera les productions françaises grâce à 42 indications géographiques françaises reconnues. Ce sont des avancées substantielles, parmi d'autres. Mais la question de l'arbitrage investisseurs-États est clairement sur la table.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2014