Déclaration de Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur la lutte pour l'égalité professionnelle et la diversité, Paris le 23 octobre 2014.

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Circonstance : Célébration des 10 ans de la Charte de la diversité à Paris le 23 octobre 2014

Texte intégral


C'est pour moi un plaisir et un honneur de célébrer avec vous les 10 ans de la charte de la diversité.
Je remercie les organisateurs de ce bel événement ? la Commission Européenne, le Secrétariat Général de la Charte de la Diversité française, la Plateforme Européenne des Chartes de la Diversité ainsi qu'IMS-Entreprendre pour la Cité et la Fondation Face pour me donner l'occasion de vous dire ici toute ma reconnaissance et celle du gouvernement.
Lancée par l'institut Montaigne et par son président, Claude Bébéar, dont je salue le combat de longue date pour l'égalité professionnelle, remarquablement portée par IMS avec le soutien de mon ministère, la charte n'est pas qu'un symbole, ce qui, déjà, serait beaucoup.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : plus de 3000 entreprises représentant près de 6 millions de salariés l'ont signée rien qu'en France, avec, à la clé, des effets considérables pour l'égalité professionnelle.
La charte constitue un outil efficace pour permettre à chacune et chacun de trouver, dans notre société, la place qu'il s'est choisie et obtenue par ses talents et son mérite.
Une bonne partie de la journée sera consacrée au bilan de ces dix années écoulées.
Ce que je veux simplement dire à ce stade, c'est que le lancement de la charte et sa duplication dans toute l'Europe auront marqué le commencement d'une nouvelle ère dans l'Histoire de la diversité en France et en Europe.
Bien sûr, au moment du lancement de la charte, cette Histoire de la diversité avait d'ores et déjà été jalonnée de combats, de moments durs et de beaux succès.
Mais la période ouverte par la charte aura été celle d'une mobilisation sans précédent du monde de l'entreprise contre les discriminations.
Le progrès de l'égalité dans notre pays doit donc beaucoup à votre implication. Je vous en remercie.
Mais la situation que nous vivons aujourd'hui m'impose de vous en demander encore plus.
Deux faits nouveaux m'y obligent en effet.
Il y a d'abord la crise, et ses effets désastreux sur notre pacte social.
Les études montrent unanimement combien la tentation du repli sur soi a été renforcée dans tous les secteurs.
Je pense aux discriminations à l'encontre des seniors, ou encore à l'envolée des effets de réseau et de la cooptation.
Le progrès de la tentation du rejet de l'autre et de l'entre soi doit faire appel de notre part à une vigilance et à une mobilisation de tout instant.
Il y a ensuite la place que le gouvernement a décidé de donner aux entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité.
La nation tout entière fait des efforts pour que les entreprises puissent créer des emplois, mais aussi assurer à chacune et à chacun un égal accès à l'emploi et à l'ascenseur professionnel.
La confiance placée en vous est immense.
Bien sûr, les pouvoirs publics doivent demeurer en première ligne dans la lutte que nous menons ensemble pour l'égalité professionnelle.
Et notre première arme c'est la loi.
Celle qu'a portée François Lamy en février 2014 est ainsi venue enrichir l'arsenal des dispositifs qui, comme la loi Roudy de 1983 sur l'égalité professionnelle en entreprise, comme la loi de 1987 sur les travailleurs handicapés ou encore comme la loi de 2006 sur l'égalité des chances, renforcent peu à peu ce levier juridique indispensable sans lequel nous serions incapables, même tous ensemble, de soulever tant de préjugés bien ancrés.
Ainsi, la loi Lamy permet de redéfinir le cadre de référence national de lutte contre les discriminations en formulant la nécessité de lutter contre les discriminations liées à l'adresse.
Cette loi a été complétée par les 28 mesures de la feuille de route de la politique nationale d'égalité républicaine et d'intégration, qui fixe un cap à la politique de la ville pour les années à venir en matière de lutte contre les discriminations.
Mais la seule loi ne suffit pas.
C'est pourquoi le gouvernement entend mener une action volontariste pour que l'égalité progresse dans notre pays.
Or en matière d'égalité, tout part de l'école.
C'est le sens de la création de 60 000 postes supplémentaires dans l'Education Nationale.
C'est aussi le sens du renforcement de l'enseignement pour les moins de 2 ans, dont 40% des postes créés seront destinés aux quartiers populaires, ou encore de tous les dispositifs destinés à l'enseignement primaire. Les inégalités doivent en effet se corriger le plus tôt possible.
Les entreprises ont à cet égard un rôle d'accompagnement à jouer mais aussi dans l'accès aux stages et à l'apprentissage.
Une étude menée par l'Education Nationale et rendue publique en juillet dernier démontre ainsi qu'un enfant en bac professionnel issu de l'immigration africaine ou nord-africaine a deux fois moins de chance qu'un enfant d'origine européenne d'accéder à un apprentissage.
C'est inacceptable !
Lutter pour l'égalité professionnelle, c'est aussi le sens des plans territoriaux d'action et de lutte contre les discriminations que nous lançons avec les collectivités.
Je souhaite vivement que les entreprises et les réseaux d'entreprise s'investissent pleinement dans le volet emploi et développement économique de ces plans, qui doivent nous permettre d'agir au plus près de la réalité des territoires.
C'est aussi le sens du Groupe de Dialogue inter partenaires « lutte contre les discriminations », annoncé par le Premier ministre lors de la Grande Conférence Sociale (GCS) de juillet 2014, qui se réunira le 29 octobre prochain en présence de Patrick Kanner, ministre de la ville et de François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Je sais que nombre des acteurs de la charte ont tenu à faire partie de ce groupe et je les en remercie.
C'est pourquoi aussi, nous avons décidé de nommer un conseiller en charge de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations, Mustapha Boudjemaï ici présent, qui sera votre référent au ministère sur toutes ces questions.
Vous le voyez : notre ministère a élevé la lutte contre les discriminations au rang de priorité absolue.
La charte, c'est d'abord un appel à plus de justice. Nous voulons que les entreprises soient le reflet de la diversité de la France.
Il faut que tout le monde puisse trouver un travail en accord avec ses compétences.
Mais il faut aussi que chacun puisse progresser dans les entreprises.
Ainsi, je suis toujours frappée de constater à quel point les conseils d'administration des entreprises, les comités directeurs, les grandes administrations, les centres de décision en tous genres, dans les entreprises publiques comme privés, ne sont que très rarement le reflet de toute la diversité de notre population.
C'est d'autant plus dommageable qu'une organisation qui discrimine, c'est, par définition, une organisation qui se prive des meilleurs, c'est une organisation qui ne voit pas que plus de diversité, plus d'ouverture, plus de points de vue enrichis par des parcours différents, par des volontés forgées au feu des difficultés, c'est autant de carburant pour aller plus vite et plus loin !
C'est pour faire progresser l'égalité professionnelle qu'il faut que nous travaillions, en amont, sur les processus de recrutement, sur la formation des managers et de tous les salariés, afin de prévenir au lieu de guérir.
Le progrès sûr et durable de l'égalité demande aussi que nous avancions unis, dans un esprit de dialogue, et, quelquefois, de mutualisation des moyens et des fins.
Je sais par exemple qu'un rapprochement est en cours entre la Fondation Face et IMS. Je m'en réjouis.
Il ne faut jamais oublier non plus qu'au-delà des aides habituelles, l'Etat dispose de nombreuses ressources pour aider les entreprises à recruter ou à analyser les forces et les faiblesses d'un territoire au regard de différents critères.
Nous avons besoin les uns des autres pour faire progresser l'égalité professionnelle. Je sais que tout le monde ici en est convaincu.
C'est donc ensemble que nous devons concentrer notre effort sur les pans de la discrimination qui sont les moins bien traités aujourd'hui.
Les entreprises peinent surtout à lutter contre deux formes de discriminations : celles qui sont liées aux origines et celles qui tiennent au lieu de résidence.
Ce problème est d'abord un problème d'évaluation.
Elle demeure difficile dans le cadre légal actuel.
C'est pourquoi je souhaiterais que le Groupe de dialogue inter-partenaires se penche tout particulièrement sur cette question de l'évaluation des discriminations liées à l'origine réelle et supposée ainsi qu'au lieu de résidence.
Nous ne devons avoir aucun tabou en la matière.
Il faut aussi que les outils d'ores et déjà existant puissent être mobilisés dès lors qu'ils auront prouvé leur pleine efficacité.
J'ai bien dit LES outils. Je ne crois pas qu'en matière de discrimination, il existe une seule solution miracle. C'est la bonne coordination des outils qui produira les meilleurs effets.
On le voit : notre tâche est encore immense.
Je sais que je peux compter sur vous pour faire en sorte que la France soit de plus en plus à l'image de la haute idée que nous nous faisons d'elle. Que le monde entier se fait d'elle.
Dans notre combat pour l'égalité professionnelle, et pour transformer la promesse républicaine en réalité vécue par tous, le chemin parcouru depuis 10 ans grâce à la charte, grâce à des personnalités comme Claude Bébéar, doit nous encourager.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 24 octobre 2014