Interview de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires et membre du Conseil exécutif du PRG, à La Chaîne info le 23 octobre 2014, sur les relations entre le PRG et le PS.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Notre invitée ce matin c'est Sylvia PINEL, la ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité. Bonjour Sylvia PINEL.
SYLVIA PINEL
Bonjour. CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'une des trois ministres radicales du gouvernement, au milieu de socialistes, vous ne vous ennuyez pas dans la cour de récré, j'ai l'impression, avec ce à quoi on a assisté, évidemment, depuis hier.
SYLVIA PINEL
D'abord, gouverner la France, c'est une chose sérieuse, surtout dans un contexte économique, social, difficile. Et nous avons justement besoin d'être tous mobilisés, d'être tous au travail, derrière le Premier ministre pour mener les réformes dont notre pays a besoin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ça c'est bien, mais ce n'est pas du tout ce à quoi on assiste depuis au moins 24 heures, on voit d'anciens ministres critiquer le gouvernement auquel ils appartenaient jusqu'en juillet, on voit un président de la République mettre au pas son Premier ministre lors d'une remise de décoration hier, en ironisant sur son attachement à CLEMENCEAU et sa volonté de créer la polémique. On voit ce matin encore le président de l'Assemblée nationale…
SYLVIA PINEL
Non, CLEMENCEAU, ce n'est pas que ça.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
… Claude BARTOLONE, qui a dit à VALLS, au Premier ministre, vouloir changer le nom du Parti socialiste, c'est ce qu'il fait dans le NOUVEL OBSERVATEUR ce matin, enfin, dans L'OBS, il faut dire, maintenant, est une faute, dit Claude BARTOLONE. C'est pas vraiment ce que vous disiez tout à l'heure, c'est-à-dire gouverner un pays en crise.
SYLVIA PINEL
Moi, ce que je crois, c'est que la gauche a besoin de se rassembler, de se rassembler et de retrouver de la sérénité et de faire preuve de responsabilités. Responsabilités face aux enjeux qui sont là. Aujourd'hui…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est une leçon que vous faites au gouvernement ?
SYLVIA PINEL
Je ne fais pas une leçon, chacun a beaucoup d'expérience, chacun sait dans quelle situation ce se trouve notre pays. Mon rôle, celui d'un ministre, qui appartient à ce gouvernement, c'est d'être au travail et de répondre aux véritables questions que se posent les Français. Ces querelles internes ne les intéressent qu'assez peu. Ce qu'ils ont envie de voir, c'est un gouvernement et une majorité, rassemblés, déterminés à redresser notre pays, loin des petites phrases et des polémiques inutiles.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors il y a une phrase, moi, qui m'a troublée dans LE MONDE MAGAZINE de ce week-end, un article de Vanessa SCHNEIDER, sur les coulisses de l'Elysée. C'est une phrase qui a fait rire certains, moi elle ne m'a pas fait rire, on parle vous, on y parle de vous, Sylvia PINEL, et voilà ce que dit, Vanessa SCHNEIDER, la journaliste du MONDE : « Tout le monde se tutoie avant le café qui précède un Conseil des ministres, tout le monde se tutoie, sauf Sylvia PINEL qui ne connait personne ».
SYLVIA PINEL
C'est faux, c'est faux, c'est ridicule.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça fait peur, pas à cause de vous, mais parce qu'on se dit, c'est ça gouverner ensemble, être une équipe ?
SYLVIA PINEL
Je n'ai pas envie de commenter cela, c'est vraiment… On se tutoie, on se connait depuis longtemps, j'ai été parlementaire depuis 2007, j'ai des responsabilités politiques au sein de mon parti…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc c'est faux.
SYLVIA PINEL
C'est complètement faux. Le jour où cette journaliste était présente, je suis arrivée très vite, juste quelques minutes avant le conseil, j'avais un certain nombre de choses à regarder, voilà, mais ce n'est pas du tout que je ne connais personne et que je ne les tutoie pas.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous n'êtes pas dans votre coin…
SYLVIA PINEL
Pas du tout, pas du tout. Nous sommes une équipe, et puis il y a certains membres du gouvernement que je connais depuis très longtemps, avant même d'être députée, donc il y a une cohésion, après on a chacun notre actualité, et un certain nombre de sujets.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, on va profiter de cette position, un peu d'intérieur extérieur au Parti socialiste, en tout cas, on a bien compris, intérieur au gouvernement, qu'est-ce que vous en pensez de ces débats au sein du PS, et pour vous, où va le Parti socialiste ? Est-ce qu'il doit se recentrer, comme le souhaite Manuel VALLS, et dans ce cas-là quelle est la place du PRG, est-ce que vous allez fusionner avec le nouveau Parti socialiste, si c'est le cas, ou bien est-ce que vous croyez que le PS va rester ancré dans sa tradition historique, plus de l'Union de la gauche, plus proche des communistes par exemple ?
SYLVIA PINEL
Ecoutez, moi je suis un allié du Parti socialiste, les lignes politiques se définissent dans les familles politiques. C'est comme dans ma famille, au PRG, c'est les radicaux qui définissent leur ligne, il n'appartient pas à des alliés, même fidèles et loyaux, de débattre et d'échanger sur une ligne. Moi, ce que je crois, c'est que la gauche a besoin de se rassembler, a besoin de mieux se coordonner, d'avoir sur des sujets importants, des débats internes, entre les différentes formations politiques, pour porter un message clair, et pour porter surtout beaucoup de détermination pour mettre en oeuvre ces mesures-là. Et sur l'idée de la maison commune…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Commune, avec peut être les radicaux, peut-être une partie du centre…
SYLVIA PINEL
Cette idée avait été portée par le président du Parti radical de gauche, il y a déjà plus de dix ans. Nous avons terminé un de nos congrès avec cette proposition, qui à l'époque avait été fraichement accueillie à un congrès du Parti socialiste. Une fois de plus, les radicaux sont modernes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous la portez toujours cette idée de la maison commune ?
SYLVIA PINEL
C'est au parti d'en débattre. Pour faire cela, il faut avoir une ligne politique, il faut avoir des objectifs communs, il faut avoir un programme, avec des lignes fortes qui soient débattues entre nous, et c'est aux formations politiques, au Parti socialiste, au Parti radical de gauche et à d'autres, de savoir s'ils ont envie d'avoir cette maison qui pourrait les rassembler. Mais en tout cas, dans le moment que nous vivons, moi je crois qu'il est indispensable d'avoir davantage de cohésion, mais davantage de lieux d'échanges entre les différentes formations politiques.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vendredi dernier, quand vous vous êtes réveillée vendredi matin, vous vous êtes dit : peut être que je ne serai plus au gouvernement vendredi soir ? Est-ce que c'était sérieux cet ultimatum de Jean-Michel BAYLET, le président de votre parti ?
SYLVIA PINEL
Je n'aime pas le mot ultimatum, c'était une demande forte d'avoir un certain nombre d'assurance, un certain nombre d'engagements sur des sujets qui nous préoccupent, qui préoccupent ma famille politique, et qui nécessitaient d'avoir une clarification. Ensuite, je vous l'ai dit, je suis une militante radicale de gauche et j'applique les décisions de mon parti, pour répondre à votre question, mais je constate que…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous n'étiez pas pour la sortie du gouvernement, vous, personnellement.
SYLVIA PINEL
Moi jetais pour que l'on puisse obtenir un certain nombre de garanties et de clarifications sur des sujets que nous avons toujours portés, toujours défendus, et auxquels nous croyons. Et en fonction des réponses apportées, le choix était celui de rester ou celui de partir, mais je constate que le Premier ministre a justement entendu un certain nombre de préoccupations qui étaient pour nous essentielles, et qui nous a permis aussi, ça fait le lien avec ce que nous disions précédemment, de mieux associer les radicaux, à la prise de décisions et à être associée en amont sur des choix politiques forts et ne pas être considéré comme un allié un peu lointain.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'était vraiment des questions de fond ou c'était le vieil adage historique…
SYLVIA PINEL
Il y avait les deux.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
… « les radicaux sont comme des radis, rouge dehors, blanc dedans et toujours proches de l'assiette au beurre ».
SYLVIA PINEL
C'est toujours très très… ça a beaucoup de hauteur, tout ça, là. Non, ce qui est important…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qu'est-ce que vous avez obtenu, concrètement…
SYLVIA PINEL
Ce qui est important c'est que nous croyons…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous vouliez par exemple que le gouvernement revienne sur la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu. Ça n'a pas été le cas.
SYLVIA PINEL
Le protocole d'accords que nous avons proposé, balayait beaucoup de champs d'actions de la politique que nous menons.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc ce n'est pas toutes les conditions, c'est certaines des conditions.
SYLVIA PINEL
Certaines qui…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Par exemple les départements ruraux.
SYLVIA PINEL
Les départements ruraux, nous croyons à la proximité, dans le cadre d'une réforme territoriale ambitieuse, supprimer un échelon de proximité lorsqu'on sait que les intercommunalités auront dans certains cas du mal à récupérer les compétences du département, et c'était aussi une question qui concerne précisément…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et du coup on va conserver 54 départements sur 100, il n'y a plus vraiment de réforme.
SYLVIA PINEL
… qui concerne précisément l'aménagement du territoire…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
J'ai envie de dire « à cause de vous », à cause de vous.
SYLVIA PINEL
Ce n'est pas à cause de nous, c'est qu'il faut regarder les choses en face. Lorsqu'on parle d'aménagement du territoire, lorsqu'on parle de sujets importants pour nos concitoyens, est-ce qu'il est bon d'avoir un échelon de proximité, est-ce que…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais certaines mauvaises langues disent que vous vouliez conserver vos quatre conseils généraux, c'est-à-dire la Haute Corse, le Puy-de-Dôme, les Hautes Pyrénées et le Tarn-et-Garonne.
SYLVIA PINEL
Mais, regardons les choses en face, dans la liste proposée, c'est bien au-delà, et je constate d'ailleurs que les radicaux ne sont pas les seuls à vouloir maintenir les départements dans les zones rurales. Soyons…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parfois pour cette même raison.
SYLVIA PINEL
Soyons honnêtes…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Soyons honnêtes, parfois pour cette même raison.
SYLVIA PINEL
Non mais…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Certains présidents de conseils généraux veulent conserver leurs prérogatives et leurs territoires.
SYLVIA PINEL
Quand on fait de la politique, on le fait aussi parce que nous avons, surtout d'ailleurs parce que nous avons des convictions, et quand, vous citiez tout à l'heure CLEMENCEAU, grande figure du radicalisme, et on pourrait en prendre d'autres, nous avons toujours eu le sens des responsabilités, le sens de l'engagement, et aussi une volonté que la politique de proximité soit préservée. Donc on ne peut pas dire tout et son contraire.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Deux questions concrètes sur votre portefeuille. D'abord l'encadrement des loyers, j'ai vu que vous disiez que Lille n'était pas prête pour appliquer l'encadrement des loyers version DUFLOT, vous ne voulez pas satisfaire Martine AUBRY ?
SYLVIA PINEL
La question ne se pose pas en ces termes. Quelles sont les conditions techniques à remplir pour pouvoir mettre en place l'encadrement des loyers, posons la question dans le bon ordre. Il faut un observatoire, un observatoire agréé scientifiquement qui a pu recenser les données fines du marché. Aujourd'hui ces observatoires, cet observatoire n'est prêt qu'à Paris, parce que Paris a une habitude, une tradition de faire remonter ces données, et l'observatoire…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous l'avez dit à Martine AUBRY…
SYLVIA PINEL
L'observatoire peut être mis en oeuvre. Sur les autres…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il le sera quand, d'ailleurs, une date à Paris ?
SYLVIA PINEL
A Paris en fion d'année. En revanche, dans d'autres communes, et Lille en fait partie, l'observatoire net pas encore agréé et c'est l'étape obligatoire avant de mettre l'encadrement des loyers. Donc, continuons ce travail, et puis une fois qu'il sera agréé, on pourra expérimenter les loyers aussi à Lille.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez fait adopter à l'Assemblée, mais d'extrême justesse, ce que l'on appelle le dispositif Pinel, qui permet notamment d'investir dans le locatif, éventuellement, c'est une des possibilités, pour le louer à ses ascendants ou ses descendants, à ses enfants par exemple, c'était très contesté à gauche, vous avez fait adopter ce dispositif, grâce en partie aux voix de droite. C'est ça la philosophie, peut-être, du Parti radical, de rassembler au-delà de la gauche, peut-être de créer une nouvelle forme de majorité ?
SYLVIA PINEL
Ecoutez, ce dispositif, c'est le dispositif concernant ascendants, descendants, qui a suscité le débat, pas le reste.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Tout à fait, pas le reste, non.
SYLVIA PINEL
Ce qui est important, c'est de regarder les choses avec pragmatisme. Aujourd'hui, dans mon département, dans ma région, qu'est-ce que je constate ? Que des parents souhaiteraient investir dans l'immobilier, pour pouvoir avoir un appartement qui bénéficierait à leur enfant lorsqu'il ferait des études à Toulouse par exemple. Eh bien aujourd'hui, le dispositif tel qu'il était conçu, ne le permettait pas. Il s'agit de répondre à une attente des Français. Lorsqu'on s'engage dans un investissement immobilier sur 15 ou 20 ans, il est légitime de se poser la question de savoir si on va pouvoir y héberger sa propre famille et nous répondons à ce besoin.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci Sylvia PINEL d'avoir été l'invitée de RADIO CLASSIQUE et LCI ce matin, ministre du Logement et de l'Egalité des territoires. Merci.Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2014