Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations entre la France et la Chine, à Shangai le 18 octobre 2014.

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Circonstance : Déplacement en Chine, du 17 au 19 octobre 2014

Texte intégral

Monsieur le Président Jean Jacques Queyranne,
Monsieur l'Ambassadeur de France,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Chers Amis,
D'abord je voudrais adresser mes félicitations à la région Rhône-Alpes qui a compris beaucoup de choses avant tout le monde. Vous avez compris en particulier que la Chine, c'était l'avenir. Vous avez compris qu'au sein de la Chine, Shanghai, après toute une période où elle était longtemps laissée à l'écart était un coeur battant de la Chine. Et vous avez compris que si on voulait trouver de la croissance et des perspectives, il fallait être présents ici ; et au moment où vous avez pris ces décisions, peu de gens pressentaient que ça se passerait ainsi.
Je veux rendre hommage non seulement à tous les anciens mais aussi à un homme qui a beaucoup fait, que j'aime beaucoup et que vous avez cité, M. Alain Mérieux.
J'étais hier en Italie avec à la fois le président français et le Premier ministre chinois, puisque nous avions un sommet de l'ASEM. Je suis aujourd'hui à Shanghai et demain à Pékin, dans le cadre du 50ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays. J'aurai le plaisir de me promener à côté du cheval-dragon que vous avez peut-être vu dans les journaux ou à la télévision : c'est un modeste animal d'une dizaine de mètres de haut, qui crache du feu et symbolise finalement à la fois l'amitié entre la Chine et France et le mariage entre la technologie - c'est une création technologique remarquable - et la culture. La Chine est responsable en grande partie de de mes déplacements puisque j'ai le bonheur d'effectuer mon 8ème déplacement en Chine en deux ans. Il est important de souligner la situation de Jean-Jack Queyranne - qui est un peu dans la même situation que moi - parce que les Chinois apprécient la stabilité, la ténacité, la constance. Et si les relations sont au beau fixe entre la Chine et la France, c'est en particulier parce que d'une part nous avons tellement de choses en commun, deux pays indépendants, deux puissances mondiales, deux pays de grandes cultures, mais aussi parce que nous savons sur les grands choix être côte-à-côte.
Le ministère des Affaires étrangères a compris qu'il fallait se redéployer vers les zones émergentes. Il a compris aussi qu'il fallait rassembler ce que vous avez appelé la diplomatie globale, c'est-à-dire à la fois les relations stratégiques mais aussi l'économie, la culture et le tourisme. D'autres ont compris cela : Ubifrance, qui a été rapproché de l'AFII et qui sera rapproché également de la Sopexa ; l'expertise française aussi - il ne faut pas que chacun ait son petit lot d'experts dans son coin, il faut que chacun travaille ensemble.
Ce qui est aujourd'hui à l'oeuvre, à partir de cette maison est tout à fait remarquable. En bon français je crois que cela s'appelle «French Tech Hub» et en anglais «Maison de la France». Vous avez fait un travail exemplaire. L'idée est que tout le monde se rassemble, qu'on sache que c'est ici, finalement, qu'est planté le drapeau de la France. Il reste quelques axes à nouer mais l'idée elle est excellente et elle est tout à fait en symbiose avec ce que nous voulons faire pour l'ensemble du pays.
Quand je parle de diplomatie globale, c'est exactement de cela qu'il s'agit. Jean-Jack Queyranne, vous l'avez fort bien dit dans votre propos. Il n'y a pas de puissance diplomatique s'il n'y a pas de puissance économique. Oui, nous sommes une grande puissance diplomatique, mais à condition que économiquement non seulement nous ne rétrogradions pas mais nous regagnions le terrain perdu. Cela appartient aux entreprises. Nous pouvons les aider, nous l'administration, mais ce sont les entreprises qu'il faut mettre au premier plan, ce que vous faites ici.
Les entreprises ne sont pas séparées de la restauration. La gastronomie est l'un de nos principaux flambeaux. J'ai réuni il y a quelque temps à Paris à la fois les grands chefs cuisiniers et les ambassadeurs. Le tourisme est lié : aujourd'hui il y a à peu près 150 millions de Chinois qui voyagent. Vous voyez, le niveau de vie augmente - dans 15 ans, 500 millions ? Chaque Chinois qui vient en France dépense en moyenne 1.600 euros. Aujourd'hui, ils sont 1.5 millions. Si nous en accueillons 5 millions, ce qui est peu de chose sur le total, le problème du déficit de la balance commerciale se posera autrement.
L'économie, la gastronomie, le tourisme, donc la culture ! Tout cela est lié. On dit que la France est en déclin, mais connaissez-vous un pays qui dans la même année a eu la médaille Fiels en mathématiques, le prix Nobel de littérature et le prix Nobel d'économie ? Ne soyons pas arrogants, on a beaucoup de progrès à faire, beaucoup de réformes à accomplir, chacun le sait, et ce n'est pas toujours facile. Mais je crois que notre pays a compris qu'il fallait chercher la croissance là où elle est, qu'il était indispensable de nouer des relations extraordinairement solides avec la Chine, ce qui est fait, et qu'il fallait des ambassadeurs et qu'en particulier une maison comme celle-ci sera un formidable ambassadeur de l'amitié entre la Chine et la France. Le 50ème anniversaire a été une très grande réussite. La visite d'abord du président français a été remarquable. La visite du président chinois, qui a commencé à Lyon, tout cela est gravé dans les mémoires. Et la Chine a une mémoire longue, elle connaît ses amis, de même que la France connaît les siens. C'est donc en pensant à cette amitié, à cette unité réalisée ici, tout le monde dans la même équipe, que je sais que ce qui est fait ici sera une grande réussite. En Chine, historiquement, pendant les années de guerre, on parlait de la nécessité d'un Front uni, et cette stratégie a si bien marché que ce qui s'appelle aujourd'hui le Département du Front uni demeure un organisme important au sein des institutions chinoises. Au moins dans l'esprit, sachons nous inspirer de ce Front uni, formons un Front uni à l'international, fédérons sous une bannière commune, la nôtre, celle de la France, tous les acteurs français, en assurant ainsi une meilleure efficacité de tous nos dispositifs.
Monsieur le Président, je veux vous féliciter, et vous tous Mesdames et Messieurs, parce que ce qui est fait ici est l'exemple même du travail à accomplir. Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2014